Il m'est impossible de vous répondre précisément sur la question des moyens humains et financiers engagés dans le suivi de la mouvance d'ultradroite. Je vais vous expliquer pourquoi, tout en essayant de vous rassurer.
Les agents qui travaillent sur cette mouvance travaillent, plus globalement, sur les mouvements dits de subversion violente au sein de divers services de renseignement, dont les trois principaux sont : la direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP) de Paris, le service central du renseignement territorial (SCRT) et la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Par ailleurs, certains services de police ou de gendarmerie exercent également une forme de suivi, souvent individuel. S'il est difficile de répondre précisément à votre question, c'est parce que, vous le voyez, ces agents ont des missions polyvalentes.
Ce que je peux vous dire, en revanche, c'est que les effectifs et les moyens budgétaires des services de renseignement ont considérablement augmenté au cours des dernières années, notamment depuis 2015. La DGSI, par exemple, connaîtra une augmentation budgétaire de 20 millions d'euros en 2019 par rapport à 2018, dont une grande partie sera consacrée au développement de nouvelles techniques. Par ailleurs, un engagement fort a été pris, celui de recruter 10 000 policiers et gendarmes sur l'ensemble du quinquennat, dont 20 % seront affectés aux services de renseignement.
La thématique qui nous réunit aujourd'hui demeure une thématique prioritaire pour les services de renseignement et je veux souligner qu'elle n'a jamais été abandonnée. Les attentats qui ont frappé notre pays ont certes fait de la menace terroriste une priorité, mais cela n'a jamais détourné nos services du suivi des mouvances d'ultradroite et d'ultragauche. Ce n'est pas trahir un secret que de dire que certains mouvements peuvent avoir des prolongements violents : je pense notamment à certains mouvements survivalistes. Les services de renseignement et de police ne sont pas les seuls à être impliqués dans le suivi de cette mouvance : c'est aussi le cas des services juridiques et, au sein du ministère de l'intérieur, de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ), qui peut prendre des mesures d'entrave, voire de dissolution.
Les sites nazis font l'objet d'un suivi en milieu ouvert très assidu, le but étant évidemment d'obtenir une saisine judiciaire à chaque fois que des propos tombent sous le coup de la loi, ou d'engager des procédures administratives de dissolution. Les appels à la haine ou à la violence peuvent en effet justifier une dissolution, en vertu de l'article 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, que nous citions tout à l'heure. Nous surveillons ces sites de près et certains d'entre eux ont déjà été fermés à la suite d'une décision judiciaire. Je pense notamment au site « Démocratie participative ». La difficulté, c'est que ces sites se reconstituent souvent en un temps record, en se contentant de modifier une lettre ou un signe dans leur adresse.
Le Gouvernement réfléchit à ces questions, mais des initiatives peuvent aussi être prises au niveau européen : comme en matière de lutte antiterroriste, il s'agirait d'obliger ces sites à retirer des contenus dans un délai très bref. Un règlement relatif aux contenus terroristes va bientôt être examiné au niveau européen et nous pourrions imaginer de créer le même genre de dispositif pour lutter contre les contenus haineux, discriminatoires, ou incitant à la violence. Nous y travaillons, mais je répète que nous disposons déjà d'outils judiciaires qui nous permettent d'obtenir la fermeture de ces sites, à chaque fois que nous les identifions. L'autorité judiciaire peut décider d'un blocage, sur le fondement de l'article 50-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Des mesures judiciaires peuvent également être prises sur le fondement de l'article 6-I de la loi pour la confiance dans l'économie numérique. C'est à ce titre, je l'ai déjà indiqué, que le site Démocratie participative avait été bloqué depuis la France.
Au sujet des archives, vous m'avez demandé pourquoi les documents postérieurs à 1980 ne pouvaient être consultés. Cela est dû au statut de certains documents, qui ne peuvent être consultés qu'après un délai de cinquante ans, dans la mesure où leur communication porterait atteinte au secret de la défense nationale. Ces documents doivent d'abord faire l'objet d'une procédure de déclassification.
Vous m'avez également interrogé sur la plateforme PHAROS. Comme vous le savez, elle permet principalement à des internautes de signaler des contenus terroristes, des propos discriminatoires ou des appels à la haine, mais elle a aussi un fonctionnement autonome, dans la mesure où elle exerce une mission de veille. Le fonctionnement de cette plateforme est satisfaisant, puisque des signalements débouchent régulièrement sur des investigations judiciaires – je rappelle qu'elle est implantée auprès d'un service de police judiciaire – et qu'elle joue efficacement son rôle de veille sur internet, particulièrement sur les réseaux sociaux.
J'en viens à la question du financement. Ces groupuscules se financent à bas bruit et ne bénéficient pas de flux massifs d'argent, provenant par exemple de pays étrangers. Si tel devait un jour être le cas, je rappelle que nous disposons d'un certain nombre d'outils, qui sont déjà mobilisés dans le cadre de la lutte contre les subversions violentes : je pense notamment au traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins, dit TRACFIN. J'ai omis d'évoquer, dans mon propos liminaire, une question sous-jacente, celle des connexions pouvant exister entre des mouvements d'ultradroite au niveau international – et cela vaut aussi pour l'ultragauche. Ces connexions existent et se traduisent notamment par une participation croisée à certaines manifestations, parfois violentes, et par des réunions. Elles donnent lieu à des échanges d'information entre États, ce qui est aussi une manière de lutter contre ces groupuscules.
Je crois, madame la présidente, avoir répondu à toutes vos questions. S'agissant du bilan de PHAROS, je pourrai, si vous le souhaitez, vous fournir à l'issue de cette réunion des données plus précises et chiffrées.