Intervention de Meyer Habib

Réunion du jeudi 7 février 2019 à 10h05
Commission d'enquête sur la lutte contre les groupuscules d'extrême droite en france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMeyer Habib :

Monsieur le secrétaire d'État, comme vous le savez, le périmètre de cette commission d'enquête a été volontairement circonscrit aux seuls groupuscules d'extrême droite – cela a été répété à plusieurs reprises par notre présidente. Il est indéniable que nous assistons, depuis quelques années, à une recrudescence préoccupante des actions menées par des groupes violents d'extrême droite. Lorsque certains d'entre eux sont dissous, ils se reforment aussitôt et l'État a du mal à neutraliser ces organisations.

À titre personnel, je ne peux néanmoins m'empêcher de penser que ce focus sur l'extrême droite, qui a d'ailleurs été critiqué au sein de notre commission d'enquête, témoigne d'une indignation sélective, voire d'une certaine hémiplégie intellectuelle. Il procède d'un biais idéologique persistant, selon lequel certains groupes extrémistes, de type « Black Blocs » ou « antifa », mériteraient davantage de compassion ou de compréhension. On constate cependant des convergences entre groupuscules d'extrême droite et groupuscules d'extrême gauche sur un grand nombre de sujets : remise en cause de la démocratie, défiance vis-à-vis de la République, utilisation de poncifs antisémites éculés pour dénoncer le « système », haine d'Israël, antisionisme ou « nouvel antisémitisme ». Nous avons tous à l'esprit cette rhétorique complotiste et commune, qui s'exprime par exemple dans les slogans évoquant la banque Rothschild et le passé du Président de la République au sein de cette banque. Or ces éléments de langage émanent aussi bien de l'extrême droite que de l'extrême gauche. J'ai apporté une photographie prise lors d'un défilé de Gilets jaunes, où l'on voit côte à côte un militant de l'Action française tenant un drapeau tricolore orné du Sacré-Coeur et un militant « antifa » portant un drapeau à l'effigie de Che Guevara. En politique, je ne crois pas aux coïncidences.

Pour moi, l'incitation à la haine et à la violence politique n'ont pas leur place dans la République. Or le déchaînement de violence invraisemblable qui a lieu en marge du mouvement des gilets jaunes émane aussi bien de l'extrême droite que de l'extrême gauche et, n'en déplaise à certains, je les renvoie dos à dos – comme vous l'avez également fait, monsieur le secrétaire d'État. Chacun doit balayer devant sa porte. Sur internet, la « dieudosphère » et ses « quenelles » fait d'ailleurs la jonction entre la « fachosphère » et la « gauchosphère ». Je ne rappellerai pas que la menace la plus grave pour l'ordre républicain provient aujourd'hui de l'islam militant et radical, qui prospère dans les quartiers grâce à la complicité de la gauche radicale – quand celle-ci ne fraie pas carrément avec lui. On a vu tout récemment le parti des Indigènes de la République s'allier aux « Black Blocs ».

Monsieur le secrétaire d'État, j'ai deux séries de questions à vous poser.

Premièrement, quelle menace ces groupuscules d'extrême droite représentent-ils exactement et quels sont les signes de convergence avec les groupes de la gauche radicale ?

Deuxièmement, dans le prolongement des questions de la présidente, comment peut-on mieux lutter contre l'incitation à la haine sur internet ? La crise des gilets jaunes a été l'occasion de rappeler que ces mouvances prospèrent sur internet, qu'il s'agisse de la fachosphère, de la « gauchosphère » ou de la « dieudosphère ». Parmi les dix sites politiques les plus consultés, sept sont liés à l'extrême droite. Le site « Égalité et réconciliation », du polémiste antisémite et antirépublicain Alain Soral est le 273e site le plus visité de France, et le premier site politique. Le problème, c'est que ces sites, qui sont légaux, renvoient à des plateformes situées à l'étranger et qu'ils échappent ainsi aux décisions administratives de fermeture. Ce fut le cas du site antisémite « Démocratie participative », dont il a déjà été question. Dispose-t-on aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'État, d'outils efficaces pour combattre et endiguer l'incitation à la haine sur Internet ?

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