Intervention de André Chassaigne

Réunion du mercredi 20 février 2019 à 9h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Cette proposition de loi, présentée par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) que je préside, et défendue par notre collègue Moetai Brotherson, a été cosignée par tous les membres de mon groupe. Nous la soutenons avec une forme de fierté qui m'incite, d'une part, à revenir sur le fondement de ce texte et, d'autre part, à m'élever contre certains propos tenus par les orateurs précédents.

Je considère l'affirmation selon laquelle cette proposition de loi serait un texte de circonstance comme une insulte. S'il peut arriver à certains de présenter des textes de circonstance, tel n'est pas le cas du groupe GDR. Je le dis clairement : il en va de la conception que nous avons de notre mandat. Je m'élève donc contre cette analyse, qui n'a d'autre fin que de dévaloriser cette proposition de loi.

Par ailleurs, d'aucuns estiment que le texte ferait du statut d'élu une circonstance aggravante. Or, ce n'est pas vraiment le sens de cette proposition de loi. L'article 1er, par exemple, prévoit une peine complémentaire d'inéligibilité en cas de crime ou de délit lorsque ceux-ci sont commis par un élu ou un membre du Gouvernement. Inéligibilité : cette peine complémentaire a bien un lien avec l'exercice d'un mandat électoral. La distorsion ne me paraît donc pas scandaleuse par rapport au commun des mortels.

En ce qui concerne la circonstance aggravante, l'article 2 précise bien qu'elle tiendrait à l'exercice d'une fonction de membre du Gouvernement ou d'un mandat électif public.

C'est d'ailleurs pour toutes ces raisons que nous avons souhaité que le texte soit soumis au Conseil d'État – fait exceptionnel, je tiens à le souligner. Combien de députés, en effet, ont eu le courage de soumettre, dans un souci de transparence, leurs propositions de loi au Conseil d'État ? Cette procédure remonte à la révision constitutionnelle de 2008. Je crois qu'elle a été utilisée au total une dizaine de fois, la plupart du temps par des membres de la majorité dans le cadre de propositions de loi élaborées en accord avec le Gouvernement. Pour le reste, elle a dû être employée pour deux textes : l'un que j'avais défendu il y a quelques années, l'autre qui est celui de Moetai Brotherson.

Ne vous appuyez surtout pas sur les observations du Conseil d'État en vous arrêtant uniquement sur les dispositions qui seraient déclarées non conformes : si nous avons soumis le texte au Conseil d'État, c'est justement pour que notre rapporteur puisse présenter des amendements répondant à ses observations de façon à éviter, dans un cadre comme celui de la commission des Lois, des remises en cause portant sur le caractère anticonstitutionnel de nos propositions.

Par ailleurs – et, là encore, je rebondis sur les interventions précédentes même si le rapporteur y répondra sur le fond –, notre proposition de loi n'est pas en opposition avec tout ce qui a été mis en place depuis plusieurs années, notamment le dispositif visant à prévenir les conflits d'intérêts ou encore le renforcement de la transparence financière. Nous nous réjouissons de ces avancées obtenues au cours de cette législature et de la précédente. Nous nous inscrivons dans la même logique, en prévoyant le durcissement des peines d'inéligibilité applicables aux élus et aux membres du Gouvernement. Nous poursuivons nous aussi l'objectif de lutte contre les conflits d'intérêts en apportant une pierre supplémentaire – inutile de dire que, dans ce domaine, il est nécessaire d'améliorer continuellement les dispositifs.

Certes, l'examen de ce texte intervient dans un contexte grave, marqué par l'antiparlementarisme et la remise en cause de la probité des élus. Mais si l'on veut redonner confiance au peuple, lever la suspicion, il est plus que jamais nécessaire de voter des textes forts – et celui-ci en est un.

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