Intervention de Marie Chéron

Réunion du jeudi 31 janvier 2019 à 9h00
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Marie Chéron, responsable Mobilités à la Fondation pour la nature et l'homme (FNH) :

J'interviendrai sur le véhicule électrique et pas sur les biocarburants. Je m'inscrirai dans la continuité de ce qui a été dit : il n'existe pas de véhicule propre. Plutôt que de penser en termes de conversion, le véhicule électrique doit nous amener à penser autrement la voiture et l'usage que l'on en fait.

Pour introduire mon propos, je citerai deux chiffres extraits d'un sondage publié il y a quelques jours par Réseau de transport d'électricité (RTE) : 60 % des Français ont une bonne image du véhicule électrique mais ne sont pas forcément prêts à en acheter, et pour 80 % d'entre eux le véhicule électrique n'est pas vraiment écologique. Le premier frein à lever, c'est de faire en sorte que son déploiement s'opère dans des conditions soutenables.

Dans une étude que nous avons publiée en 2017, nous avons comparé et projeté à l'horizon 2030 les cycles de vie d'un certain nombre de véhicules, ce qui nous a permis de faire des scénarios dans lesquels nous avons identifié des leviers actionnables pour améliorer l'empreinte des véhicules. Un véhicule électrique produit aujourd'hui deux à trois fois moins de gaz à effet de serre qu'un véhicule à essence ou diesel - trois fois moins pour une citadine, deux fois moins pour une berline. L'avantage est évident mais encore très insuffisant pour répondre aux enjeux de la transition énergétique et écologique. Les autres indicateurs, tels que l'impact sur les écosystèmes, l'eau, etc., montrent que des efforts restent à faire. Nous devons prendre en compte les impacts environnementaux ici et à l'autre bout de la planète, puisque la problématique principale, c'est la fabrication de la batterie qui est réalisée principalement en Asie. Nous avons des perspectives de relocalisation en Europe des productions de batteries, mais à l'horizon d'au moins une dizaine d'années, et il faut penser le véhicule électrique dans un système mondialisé. Comme l'a dit M. Le Bigot, il s'agit bien d'une industrie mondiale.

L'empreinte du véhicule électrique est donc deux à trois fois moindre que celle du véhicule thermique. À l'horizon 2030, elle devrait se réduire de 40 % et devenir plus ou moins pertinente en fonction d'un certain nombre de leviers.

Pour nous, trois conditions majeures sont nécessaires pour garantir la soutenabilité environnementale du véhicule électrique dans les dix années à venir.

Premièrement, le véhicule électrique doit accompagner l'évolution des usages. La propriété privée d'un véhicule n'est plus la référence. Les jeunes, en particulier urbains, s'en détachent. Une spécificité du secteur automobile est que les produits sont immobilisés 95 % du temps. L'originalité est suffisamment significative pour s'interroger, sachant qu'un des enjeux de la transition énergétique est l'optimisation de la gestion des ressources naturelles. Telles qu'elles sont aujourd'hui conçues, les batteries permettent, sur une durée de dix ans, de rouler deux fois, trois fois, voire quatre fois plus qu'un usage moyen et que les besoins d'un Français. On peut améliorer l'usage de certaines de certaines batteries sans réduire leur durée de vie et les utiliser mieux sans alourdir leur impact environnemental. C'est un avantage fort des véhicules électriques. C'est pourquoi nous recommandons de promouvoir les usages partagés, avec le développement des flottes partagées en ville, et d'accélérer la conversion des flottes des entreprises. Nous recommandons d'adapter les véhicules aux usages et aux besoins réels. La course à l'autonomie n'a aucune pertinence, hormis un effet marketing et celui de camper sur les valeurs des véhicules actuels, et elle est dangereuse du point de vue environnemental. La poursuivre ne ferait qu'alourdir l'empreinte dans les années à venir. Je rappelle qu'en moyenne, les Français font moins de 50 kilomètres par jour. Des batteries plus lourdes seraient donc inutiles pour la plupart des usages.

La deuxième condition, c'est de favoriser la transition énergétique. Aujourd'hui et demain, le véhicule électrique présente l'avantage de pouvoir entrer en synergie avec le système électrique. Un important travail actuellement réalisé par RTE montre la pertinence des services réseaux, ce qui est propice au développement des énergies renouvelables. Le véhicule électrique n'a pas besoin de capacités de production nucléaire supplémentaires et doit s'inscrire dans une trajectoire de réduction de la consommation d'électricité.

La dernière condition est d'ordre économique. Le véhicule électrique doit aussi s'inscrire dans la transition économique vers une plus grande soutenabilité du secteur. Comme le rappelait M. Le Bigot, le secteur automobile est un pilier économique qui pèse lourd en termes d'emploi. Mondialisé, il peut exercer un effet d'entraînement sur l'économie. Par conséquent, il peut exercer un important effet levier en termes d'économie circulaire, de responsabilité sociale et environnementale, depuis l'extraction des ressources minérales. En tant qu'organisation non gouvernementale (ONG), nous soutenons le véhicule électrique, car il est aussi de nature à améliorer la transparence des filières amont d'extraction des ressources minérales. Nous formulons deux recommandations fortes : agir de manière approfondie pour la programmation de la fin des véhicules essence et diesel d'ici à 2030 pour accélérer la conversion du secteur de l'automobile ; travailler sur l'application du devoir de vigilance en France et en Europe.

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