Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Réunion du jeudi 31 janvier 2019 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • biocarburant
  • co2
  • frein
  • hydrogène
  • kilomètre
  • utilisation
  • véhicule
  • électrique
  • émission
Répartition par groupes du travail de cette réunion de commission

  PS et divers gauche    En Marche    MoDem  

La réunion

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L'audition débute à neuf heures trente-cinq.

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Mesdames et messieurs, une partie des travaux de notre mission d'information relative aux freins à la transition énergétique porte sur les mobilités. Nous organisons ce matin deux tables rondes sur la voiture propre. La première est centrée sur la mobilité électrique et les biocarburants.

Nous avons le plaisir d'accueillir M. Yann Tréméac, chef adjoint du service « Transports et mobilités » de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) ; M. Gaetan Monnier, directeur du centre de résultat « Transports » d'IFP énergies nouvelles (IFPEN), accompagné de Mme Armelle Sanière, responsable des relations institutionnelles ; M. Joseph Beretta, président de l'Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (AVERE), accompagné de Mme Cécile Goubert, secrétaire générale ; M. Nicolas Le Bigot, directeur des affaires environnementales et techniques du Comité des constructeurs français de l'automobile (CCFA), accompagné de Mme Louise d'Harcourt, chargée des affaires parlementaires ; Mme Marie Chéron, responsable « mobilité » à la Fondation pour la nature et l'homme (FNH).

Avant de vous donner la parole, je souhaiterais vous faire part d'une consultation publique que nous organisons dans le cadre de la mission d'information. Elle permettra à tout un chacun de s'exprimer pendant six semaines sur ce qu'il considère être les freins et les solutions à apporter pour accélérer la transition énergétique. Cette consultation sera lancée mi-février. Vous trouverez le lien vers cette consultation sur le site de l'Assemblée nationale.

Avant de donner la parole à M. le rapporteur, je poserai une question générale : quel regard portez-vous sur l'accord européen adopté en décembre dernier visant à réduire de 15 % d'ici 2025 par rapport à 2021 les émissions de CO2 des voitures ?

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Madame, messieurs, je vous remercie d'être présents ce matin. Quelques mots pour replacer cette table ronde dans le contexte plus général de la mission d'information relative aux freins à la transition énergétique. Les travaux de celle-ci sont organisés autour de sept thèmes : la vision que nous entendons donner à la population de notre paysage énergétique, en termes de production ou de consommation, d'ici dix, vingt ou trente ans ; le développement des filières d'énergie renouvelable ; la mobilité, qui vous concerne directement ; les économies d'énergie, en particulier dans les bâtiments ; la manière dont les grands groupes de l'énergie se projettent dans l'avenir ; les territoires, dans un monde où la production d'énergie sera beaucoup plus décentralisée qu'aujourd'hui ; enfin, la fiscalité.

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Yann Tréméac, chef adjoint du service Transports et mobilité de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)

Je rappelle tout d'abord que la décarbonation et la dépollution des transports représentent des enjeux majeurs. En France, les transports sont responsables d'environ 30 % des émissions de CO2, part qui n'a pas baissé, ces dernières années. À 53 %, les véhicules particuliers sont de loin le mode de transport le plus émetteur de CO2. Dans les grandes agglomérations, le transport routier peut représenter jusqu'à 30 % des émissions de particules fines et 60 % des oxydes d'azote. Les particules fines sont à l'origine de 48 000 décès prématurés par an en France.

Au sens de l'ADEME, il n'existe pas de véhicule propre. Tout véhicule génère des impacts environnementaux lors de sa fabrication, de son utilisation et en fin de vie. En fonction des technologies, les impacts sont plus ou moins importants dans chacune de ces phases. Le véhicule électrique génère des impacts environnementaux plus importants dans la phase de fabrication, qui sont principalement liés à l'extraction de matières entrant dans la composition de la batterie. Le véhicule thermique est, lui, plus impactant dans la phase d'usage en termes d'émissions de CO2 et de polluants atmosphériques. Néanmoins, même le véhicule électrique génère des impacts à l'usage. On pense bien sûr à la combustion et à l'échappement mais on oublie les émissions de particules liées à l'abrasion des pneus et au freinage, qui représenteraient environ la moitié des particules fines émises par un véhicule.

Une récente étude européenne comparative effectuée sur une Golf électrique et sur une Golf thermique montre des niveaux d'émissions de particules comparables. Si, grâce au freinage récupératif, le véhicule électrique émet assez peu de particules de frein, en revanche, la présence des batteries, qui le rendent 24 % à 25 % plus lourd qu'un véhicule thermique équivalent, génère davantage d'émissions de particules résultant de l'usure des pneus.

Nous privilégions un mix technologique non centré sur la mobilité électrique. Nous distinguons quatre segments avec des niveaux d'implication industrielle français différents : le classique thermique essence ou diesel ; l'électrification, avec les véhicules électriques, hybrides ou hybrides rechargeables ; le gaz, avec le gaz naturel pour véhicules (GNV), le bio-GNV, le gaz de pétrole liquéfié (GPL) et l'hydrogène ; les biocarburants : avec le bioéthanol, l'ED95, le diesel et les huiles hydrotraitées (HVO). Chacune de ces technologies induit des impacts environnementaux variables. Je ne reviendrai pas sur les émissions hors échappement du véhicule électrique ni sur les effets du véhicule thermique, que nous connaissons tous. Le bio-GNV représente 75 % d'émissions de CO2 de moins que le GNV, lesquelles sont comparables aux émissions du thermique. Les biocarburants présentent globalement un bilan CO2 favorable du puits à la roue, avec toutefois une interrogation sur l'effet du changement d'affectation des sols, direct et indirect. L'hydrogène ne présente pas d'émissions à l'échappement, mais une analyse de cycle de vie (ACV) montre que le transport de ce vecteur énergétique est déterminant pour mesurer l'impact environnemental d'un véhicule hydrogène.

Afin de choisir une technologie plutôt qu'une autre, du point de vue du citoyen, de la puissance publique ou des constructeurs, nous considérions qu'il faut combiner l'approche économique et environnementale, c'est-à-dire adopter une approche total cost ownership (TCO), ou coût total de possession. Cette approche intègre l'amont – la conception et la fabrication – et l'aval, incluant le coût du cycle de vie et les externalités, notamment leur contrepartie monétaire, aussi bien positive, pour l'utilité créée, que négative, au titre des impacts sanitaires et environnementaux. L'approche environnementale d'analyse de cycle de vie doit prendre en compte les impacts environnementaux du puits à la roue au travers de différents indicateurs multicritères, tels que l'énergie primaire, l'épuisement des ressources, l'eutrophisation ou l'acidification des milieux.

Nous avons réalisé une étude conjointe avec l'IFPEN, intitulée « E4T » et téléchargeable sur les sites de l'IFPEN et de l'ADEME, visant à comparer les TCO et l'ACV de différents types de véhicules. En termes de TCO, sur le segment urbain, l'essence est à 30 centimes d'euros du kilomètre, contre 25 centimes le véhicule électrique, sur la base d'une utilisation intensive, puisque l'usage du véhicule électrique en substitution du véhicule thermique n'a de sens que dans ce cadre.

S'agissant du potentiel de réchauffement climatique, l'ACV donne, pour le véhicule essence, 130 grammes d'équivalent CO2 par personne et par kilomètre, et pour le véhicule électrique, 70 grammes d'équivalent CO2 par personne et par kilomètre.

Toutefois, si le véhicule électrique présente, dans certaines conditions, des avantages, et peut être intéressant pour la substitution de véhicules thermiques, en revanche, il produit bien des impacts. Les tendances du marché orientent la fabrication de véhicules électriques vers des véhicules lourds, ce qui représente une problématique au regard des particules d'usure des pneus et ne répond pas obligatoirement à des besoins de mobilité réelle. La plupart des déplacements, notamment du domicile au lieu de travail, sont de 10 à 12 kilomètres, et l'on n'a pas besoin d'un véhicule d'une autonomie supérieure à 250 kilomètres pour un tel usage.

Dès lors, plutôt que de parler de véhicules propres, mieux vaudrait parler de mobilité durable. L'offre technologique doit s'inspirer des besoins de mobilité réels du citoyen. En raison de la variété des usages, il faut penser mix technologique, en sachant que le déplacement le plus respectueux de l'environnement restant celui qu'on peut éviter. L'offre technologique dépend aussi de la réglementation – on parle beaucoup des zones à faible émission –, la fiscalité et les dispositifs d'incitation, ainsi que le contexte territorial, notamment le gisement des énergies à disposition. Il faut situer l'utilisation de l'hydrogène et l'analyse du cycle de vie du véhicule dans son contexte territorial, au regard de la capacité de production d'hydrogène liée notamment aux EnR, et veiller à avoir un bilan positif.

Nous constatons une érosion de l'idéal de la voiture possédée au profit d'un modèle de mobilité servicielle. On parle de mobility as a service (MaaS). Selon une étude que nous avons réalisée avec l'observatoire des mobilités émergentes, le nombre d'utilisateurs quotidiens de la voiture est passé, entre 2016 et 2018, de 59 % à 50 %, soit une baisse inédite et importante, tandis que la mobilité servicielle intéresse 50 % des personnes interrogées. Le futur de la mobilité durable, et pas obligatoirement du véhicule propre, lequel n'existe pas, ce sont les mobilités partagées, au fort potentiel de développement pour les années à venir, notamment pour les courtes distances, les transports en commun, qui doivent rester un moyen de transport de masse indispensable, notamment en environnement urbain, et les mobilités actives. Si la part modale de l'utilisation du vélo reste faible – 2,7 % seulement –, elle présente un potentiel majeur. Mais la manière la plus propre de se déplacer, c'est bien sûr la marche !

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Gaétan Monnier, directeur du centre de résultat transports d'IFP Énergies nouvelles (IFPEN)

L'IFPEN est un établissement public de recherche, de formation et d'innovation dans les domaines de l'énergie, de la mobilité et de l'environnement. Dans le domaine de la mobilité, l'IFPEN participe au développement des mobilités propres et économes en explorant différentes pistes complémentaires. Pour nous, il n'existe pas de solution unique de mobilité propre. Il ne s'agit pas d'opposer les solutions les unes aux autres mais bien de les considérer comme complémentaires, avec une transition à gérer, pour passer des solutions de mobilité actuelles, largement thermiques, à des solutions du futur, largement électriques.

Par mobilités propres, nous entendons des solutions à faibles émissions de CO2, de polluants et à faible consommation d'énergie. Pour nous, les principaux freins à la transition énergétique pour les véhicules particuliers sont le prix, la facilité d'usage et l'accessibilité. Un enjeu important pour rendre la transition énergétique acceptable par les citoyens est de développer des technologies à prix abordables pour le plus grand nombre et répondant le plus simplement possible aux besoins des usagers. C'est sur ces énergies que nous focalisons nos travaux.

Par ailleurs, il convient, à nos yeux, de distinguer le parc installé de véhicules et son évolution. Des solutions pour une mobilité propre existent pour les deux typologies de parcs.

Pour le parc installé, les principaux freins au changement nous paraissent être le coût d'investissement et la disponibilité des technologies. Afin de rendre les véhicules existants moins polluants au moindre coût, une solution rapide existe déjà visant à aider le conducteur à mieux utiliser son véhicule et à devenir un éco-conducteur pour les émissions de CO2 et de polluants. L'IFPEN a développé une application d'éco-conduite librement téléchargeable, GECO Air, destinée à accompagner le bénéfice de consommation et d'émissions. Par le simple fait d'adapter au mieux son comportement au volant, un conducteur peut réduire significativement ses émissions de CO2. Nous l'avons même démontré dans le cadre d'utilisation avec des poids lourds.

Un autre levier pour décarboner la mobilité de manière transparente pour l'usager est la poursuite de la banalisation de l'utilisation des biocarburants, notamment ceux de deuxième génération et ultérieurs pour éviter d'entrer en concurrence avec l'alimentation. Dans ce domaine, la France, et en particulier l'IFPEN, ont fait des efforts considérables de recherche technologique et sont aujourd'hui prêts à déployer à l'échelle industrielle, en complément des biocarburants existants, ces nouvelles solutions. Ce déploiement créerait sur le territoire national des emplois industriels et agricoles non délocalisables. Par ailleurs, il existe en France une filière agricole et industrielle pour les biocarburants conventionnels qui représente 25 000 à 30 000 emplois. C'est sur cette filière que la filière des biocarburants avancés doit appuyer son développement.

Afin que ce déploiement industriel soit effectif, il convient de mettre en place un cadre réglementaire et fiscal idoine, c'est-à-dire stable et de long terme, étant donné le niveau d'investissement en jeu. Il faut notamment instaurer des cibles d'incorporation ambitieuses, des mécanismes de soutien aux investissements, une fiscalité dédiée, et structurer la filière biomasse. Il faut enfin reconnaître un avantage aux constructeurs permettant une incorporation élevée des biocarburants.

J'en viens à l'évolution du parc.

Toute mesure incitant à remplacer un véhicule ancien par un véhicule plus récent, neuf ou d'occasion, nous semble efficace. Il en va de même pour la promotion du covoiturage ou des modes de mobilité douce. À ce propos, l'IFPEN travaille également avec une PME française qui a produit le premier GPS européen, Geovelo.

L'électrification de la motorisation est pour nous de nature à réduire les émissions de CO2. Une hybridation, même modeste, va dans le sens de la mobilité propre. Cependant son application cible, le véhicule électrique, se heurte aujourd'hui à des problématiques de prix et d'autonomie. Pour pallier ces inconvénients, IFPEN se penche sur la conception de moteurs électriques plus efficients, donc moins chers à réaliser que des moteurs classiques à aimant permanent, et présentant des rendements très élevés, c'est-à-dire une consommation énergétique moindre pour une puissance donnée, quel que soit l'usage. Nous industrialisons ces moteurs avec différents partenaires et avons notamment équipé les premiers véhicules électriques de la société Aixam depuis 2017.

Je souhaite également souligner le fait qu'en matière de véhicules propres, il importe, comme le disait mon collègue de l'ADEME, de réaliser des analyses globales de cycles de vie. Une étude menée récemment par IFPEN avec l'ADEME montre que, pour les véhicules particuliers ou les véhicules utilitaires, la solution hybride rechargeable est parfaitement capable de réduire la pollution locale et les émissions de gaz à effet de serre pour un coût d'usage très compétitif.

Enfin, dans le cadre de l'hybridation, la consommation des motorisations thermiques peut encore être sensiblement améliorée. Il ne faut pas le négliger. Au-delà de la combustion même, sont développées des solutions afin de récupérer l'énergie thermique perdue pour la transformer en électricité, ce qui procure un gain de consommation de 3 % à 5 %. Une solution alternative pour le véhicule propre pourrait être de combiner l'hybridation, l'utilisation de biocarburants et l'usage d'un moteur thermique optimisé pour l'hybridation.

En conclusion, l'IFPEN est engagé dans plusieurs voies de nature à accélérer la transition vers la mobilité propre et économe, en n'oubliant pas que l'énergie la plus propre est celle qu'on n'utilise pas. Par conséquent, toute avancée scientifique et technologique qui permet d'économiser l'énergie dans un véhicule, quelle qu'elle soit, est une priorité des activités de l'IFPEN.

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Joseph Beretta, président de l'Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (AVERE)

Je préciserai, tout d'abord, que l'association AVERE représente l'écosystème de la mobilité électrique. Les interventions précédentes étaient focalisées sur les véhicules particuliers, mais il ne faut pas oublier les deux ou trois-roues, les poids lourds et les bateaux, car la transition énergétique est globale. Nous intégrons en outre les bus et les cars dont il convient d'analyser aussi tout le cycle de vie.

Plutôt que de véhicule propre, je préfère parler de véhicule à très faible émission ou à très faible impact environnemental. D'évidence, la mobilité électrique fait partie des solutions respectant ces critères. Mon intervention portera donc sur les freins au développement de la mobilité électrique.

Aujourd'hui, la mobilité électrique est une réalité. Les ventes mondiales augmentent. Les produits proposés par les constructeurs sont de plus en plus nombreux. Les technologies évoluent. Il serait intéressant d'évoquer le sujet mais je concentrerai mon propos sur les freins au développement de la mobilité électrique.

Le premier frein est le prix des véhicules électriques même si en additionnant le bonus, la prime à la conversion et les aides locales, on obtient un coût complet de possession équivalent à celui d'un véhicule à essence, voire inférieur en fonction des kilomètres parcourus. Pour les particuliers, le coût n'est donc plus vraiment un obstacle.

Le deuxième frein est l'autonomie même si les constructeurs ont fait évoluer la technologie et des véhicules dépassent les 300 kilomètres. Il serait bon d'adapter l'autonomie à l'usage de l'utilisateur. Il est inutile de transporter une grosse batterie si on n'en utilise pas tout le potentiel.

Le troisième et principal frein est la recharge, qu'il conviendrait de simplifier. Facile en pavillon, elle est plus compliquée en agglomération. De nombreuses propositions figurent dans le projet de loi d'orientation des mobilités (LOM), mais elles doivent être clarifiées. Nous avons des propositions à faire, que nous vous transmettrons, car il serait trop long de les énumérer ici. Des évolutions sont souhaitables, notamment dans les copropriétés et les entreprises. L'AVERE essaie de les accompagner, car les installations de recherche sont coûteuses. Le programme Advenir vise, grâce au mécanisme des certificats d'économie d'énergie, à financer ces installations. Il serait bon d'étendre ce programme pour atteindre l'objectif de 100 000 points de charge en 2022 que s'est fixé la filière automobile. Il faudrait étendre notre objectif de financement de 15 000 points de charge à au moins 50 000 points de charge privés ou sur la voie publique.

Il faudrait aussi traiter la facilité de recharge, c'est-à-dire non seulement l'interopérabilité, qui est train de se développer, mais aussi l'itinérance qui permet de faire de longs trajets sans difficulté.

Le dernier frein est l'information du consommateur. Les différentes enquêtes que nous avons réalisées auprès des consommateurs montrent qu'ils sont très mal informés sur la mobilité électrique et ont une mauvaise perception de l'utilisation de ces véhicules. C'est pourquoi la filière a décidé de créer un site internet d'information complet pour passer de la mobilité carbonée à une mobilité électrique fortement décarbonée, de l'acte d'achat à l'installation de la prise de recharge en passant par l'utilisation.

Je reviendrai sur les impacts environnementaux. Le véhicule électrique est à très faible émission et à très faible impact environnemental. Les impacts environnementaux sont mis en évidence par les analyses de cycle de vie. La dernière feuille de route de la Commission européenne, qui accorde une grande part à la mobilité électrique, à batterie ou à hydrogène, fixe pour objectif zéro gramme de CO2 pour les véhicules arrivant sur le marché en 2040. En outre, une étude de l'ADEME datant de fin 2018 confirme les bénéfices environnementaux du véhicule électrique à batterie et en tire un bilan très positif voué à s'améliorer encore par l'intégration dans le cycle de vie du service rendu au réseau électrique. Le véhicule électrique peut intervenir en tant que batterie à roulettes afin de mieux traiter les énergies renouvelables, de plus en plus importantes dans le réseau électrique. Il représente une capacité de stockage potentielle, en première vie, quand le véhicule est utilisé, ou en deuxième vie, si on sort la batterie du véhicule. Bien entendu, il faut absolument la recycler. J'ajoute que notre coopération avec Enerplan permet d'envisager une mixité mobilité et énergie par l'utilisation de panneaux solaires et le stockage par la batterie du véhicule afin de minimiser toute la consommation énergétique.

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Nicolas le Bigot, directeur des affaires environnementales et techniques du Comité des constructeurs français de l'automobile (CCFA)

Je représente le CCFA dont les membres sont les groupes PSA, Renault et Renault Trucks.

La filière automobile française est l'une des rares à avoir réussi à acquérir une véritable dimension internationale tout en restant ancrée dans les territoires. Elle représente 800 000 emplois en France, soit 8 % de la population active, et 7,8 millions de véhicules produits dans le monde en 2018, dont 81 % vendus hors de France. En France, la part de marché des producteurs français est de plus de 57 %. Ceux-ci totalisent une quarantaine de sites d'assemblage de mécanique, de production de moteurs et de centres de recherche et développement. Dans ce domaine, ils localisent environ 80 % de leurs activités de recherche en France. Si tous les indicateurs sont repassés au vert sur le plan économique, certaines difficultés subsistent, en particulier en raison de la fragilisation de certains sites de production industrielle, consécutive à la chute des ventes de véhicules diesel, qui se poursuit.

C'est dans ce cadre que nous devons préparer l'avenir, tout en maintenant notre compétitivité, face aux grands défis technologiques, numériques et sociétaux auxquels la filière est confrontée.

Je vous remercie vivement de nous avoir invités à nous exprimer aujourd'hui, parce que c'est bien aujourd'hui que tout se joue. Il faut en urgence lever les freins à la transition énergétique.

Je commencerai par rappeler le contexte dans lequel nous sommes. La réglementation sur les émissions de CO2 récemment adoptée au niveau européen est déterminante pour les choix des architectures techniques que prendront les constructeurs pour les années à venir. Au vu des consommations d'énergie en France, c'est une des filières où les enjeux de transition énergétique sont les plus forts.

Nous nous sommes engagés avec les pouvoirs publics à massifier le marché des véhicules électriques et hybrides rechargeables. Le contrat stratégique de filière cosigné avec l'État en mai dernier prévoit de multiplier par cinq les ventes de ces véhicules à l'horizon 2022. C'est un vrai défi qui vise à passer de 1,2 % de part de marché en 2017 à 6 % en 2022. Nous devons en outre respecter une réglementation extrêmement exigeante en matière d'émissions de CO2, avec 95 grammes par kilomètre en moyenne de vente sur le marché européen, dès l'année 2020, alors que nous sommes aujourd'hui autour de 115 grammes. Je rappelle qu'en cas de dépassement, sont prévues des pénalités très élevées. Du reste, la baisse des ventes de véhicules diesel, qui présente un avantage sur le plan des émissions de CO2, accentue la difficulté d'atteindre cet objectif.

Dans ce contexte, nous avons développé une offre de véhicules électriques, levier technologique prépondérant pour la baisse des émissions de CO2. Cette offre a déjà trouvé un marché, mais encore trop limité à cause des freins à son développement. Je précise que notre offre de véhicules électrifiés va considérablement s'élargir dans les années à venir et même dès cette année avec des véhicules électriques et hybrides rechargeables dotés d'une autonomie de roulage en mode zéro émission de 40 à 50 kilomètres, qui les rend très pertinents en usage urbain.

Au-delà de la mobilité électrifiée, notre stratégie vise à mobiliser tous les leviers de gain en émission de CO2, y compris sur les véhicules à motorisation thermique. Plus que la transition énergétique, c'est l'objectif de neutralité carbone qu'il convient de viser. C'est un objectif de performance davantage en ligne avec le principe de neutralité technologique, qui laisse le champ le plus ouvert possible à la recherche et au développement.

À court terme, les freins à la transition énergétique sont liés au développement du marché des véhicules électrifiés. On peut distinguer les freins de nature technologique et ceux liés à l'usage des véhicules.

Les principaux freins technologiques sont relatifs au coût, à l'autonomie et au temps de charge. Les véhicules électrifiés sont dotés d'un contenu technologique coûteux qui nécessite le maintien des aides à l'achat pour encore quelques années, puisqu'il s'agit de les positionner sur le marché à des niveaux de prix compétitifs par rapport aux véhicules conventionnels. En outre, comme toute technologie naissante, elle doit être soutenue pour atteindre le volume critique de production.

En outre, il faut offrir aux consommateurs, par le déploiement massif d'infrastructures de recharge public et un maillage satisfaisant, une bonne qualité de maintenance et une puissance suffisante pour limiter les temps de charge. Par ailleurs, l'installation des bornes de recharge dans les copropriétés et dans les espaces privés doit être facilitée. Le droit de la copropriété doit cesser d'être un frein au droit à la prise. Pour lever les freins à l'électromobilité, nous pourrions aussi nous inspirer du modèle norvégien qui accorde des avantages aux véhicules zéro émission, notamment en matière d'usage de voies. La mise en oeuvre prochaine de zones à faible émission doit nous permettre de progresser dans ce domaine.

Quant aux freins liés à l'usage, nous assistons à une évolution des modes de transport qui va modifier le paysage des modes de mobilité à l'avenir. En tant que constructeurs automobiles, sommes pleinement engagés dans les nouvelles mobilités. En témoignent les offres Moov'in.Paris de Renault et Free2Move de PSA, qui ont remplacé récemment le service Autolib. Afin d'en tirer le meilleur parti de l'autopartage et d'assurer une intermodalité entre les différents modes de transport, les constructeurs doivent être considérés comme des opérateurs de mobilité à part entière et parties prenantes au sein des autorités organisatrices de mobilité.

Au-delà de ces aspects, il convient de prendre en compte la perception des clients sur l'autonomie des véhicules électriques qui, d'ores et déjà, couvrent sans difficulté une grande partie des besoins. Le marché étant trop faible, nous avons besoin de faire de la pédagogie sur ce plan.

Je ne voudrais pas conclure sans dire un mot de l'intérêt que représente l'électromobilité en tant qu'accélérateur de la transition énergétique par le pilotage intelligent de la recharge. La capacité des véhicules à restituer de l'énergie sur le réseau électrique constitue un vecteur de flexibilité au profit du développement des énergies renouvelables.

Vous l'avez compris, la transition énergétique se joue maintenant. Le levier majeur de réduction des émissions de CO2, c'est l'électromobilité. Il faut lever dès aujourd'hui tous les freins, qu'ils soient technologiques ou relatifs à l'usage. C'est ensemble, nous, les industriels, et vous, la représentation nationale et les pouvoirs publics, par la détermination du cadre législatif et fiscal, que nous réaliserons notre ambition commune de développement du marché de l'électromobilité.

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Marie Chéron, responsable Mobilités à la Fondation pour la nature et l'homme (FNH)

J'interviendrai sur le véhicule électrique et pas sur les biocarburants. Je m'inscrirai dans la continuité de ce qui a été dit : il n'existe pas de véhicule propre. Plutôt que de penser en termes de conversion, le véhicule électrique doit nous amener à penser autrement la voiture et l'usage que l'on en fait.

Pour introduire mon propos, je citerai deux chiffres extraits d'un sondage publié il y a quelques jours par Réseau de transport d'électricité (RTE) : 60 % des Français ont une bonne image du véhicule électrique mais ne sont pas forcément prêts à en acheter, et pour 80 % d'entre eux le véhicule électrique n'est pas vraiment écologique. Le premier frein à lever, c'est de faire en sorte que son déploiement s'opère dans des conditions soutenables.

Dans une étude que nous avons publiée en 2017, nous avons comparé et projeté à l'horizon 2030 les cycles de vie d'un certain nombre de véhicules, ce qui nous a permis de faire des scénarios dans lesquels nous avons identifié des leviers actionnables pour améliorer l'empreinte des véhicules. Un véhicule électrique produit aujourd'hui deux à trois fois moins de gaz à effet de serre qu'un véhicule à essence ou diesel - trois fois moins pour une citadine, deux fois moins pour une berline. L'avantage est évident mais encore très insuffisant pour répondre aux enjeux de la transition énergétique et écologique. Les autres indicateurs, tels que l'impact sur les écosystèmes, l'eau, etc., montrent que des efforts restent à faire. Nous devons prendre en compte les impacts environnementaux ici et à l'autre bout de la planète, puisque la problématique principale, c'est la fabrication de la batterie qui est réalisée principalement en Asie. Nous avons des perspectives de relocalisation en Europe des productions de batteries, mais à l'horizon d'au moins une dizaine d'années, et il faut penser le véhicule électrique dans un système mondialisé. Comme l'a dit M. Le Bigot, il s'agit bien d'une industrie mondiale.

L'empreinte du véhicule électrique est donc deux à trois fois moindre que celle du véhicule thermique. À l'horizon 2030, elle devrait se réduire de 40 % et devenir plus ou moins pertinente en fonction d'un certain nombre de leviers.

Pour nous, trois conditions majeures sont nécessaires pour garantir la soutenabilité environnementale du véhicule électrique dans les dix années à venir.

Premièrement, le véhicule électrique doit accompagner l'évolution des usages. La propriété privée d'un véhicule n'est plus la référence. Les jeunes, en particulier urbains, s'en détachent. Une spécificité du secteur automobile est que les produits sont immobilisés 95 % du temps. L'originalité est suffisamment significative pour s'interroger, sachant qu'un des enjeux de la transition énergétique est l'optimisation de la gestion des ressources naturelles. Telles qu'elles sont aujourd'hui conçues, les batteries permettent, sur une durée de dix ans, de rouler deux fois, trois fois, voire quatre fois plus qu'un usage moyen et que les besoins d'un Français. On peut améliorer l'usage de certaines de certaines batteries sans réduire leur durée de vie et les utiliser mieux sans alourdir leur impact environnemental. C'est un avantage fort des véhicules électriques. C'est pourquoi nous recommandons de promouvoir les usages partagés, avec le développement des flottes partagées en ville, et d'accélérer la conversion des flottes des entreprises. Nous recommandons d'adapter les véhicules aux usages et aux besoins réels. La course à l'autonomie n'a aucune pertinence, hormis un effet marketing et celui de camper sur les valeurs des véhicules actuels, et elle est dangereuse du point de vue environnemental. La poursuivre ne ferait qu'alourdir l'empreinte dans les années à venir. Je rappelle qu'en moyenne, les Français font moins de 50 kilomètres par jour. Des batteries plus lourdes seraient donc inutiles pour la plupart des usages.

La deuxième condition, c'est de favoriser la transition énergétique. Aujourd'hui et demain, le véhicule électrique présente l'avantage de pouvoir entrer en synergie avec le système électrique. Un important travail actuellement réalisé par RTE montre la pertinence des services réseaux, ce qui est propice au développement des énergies renouvelables. Le véhicule électrique n'a pas besoin de capacités de production nucléaire supplémentaires et doit s'inscrire dans une trajectoire de réduction de la consommation d'électricité.

La dernière condition est d'ordre économique. Le véhicule électrique doit aussi s'inscrire dans la transition économique vers une plus grande soutenabilité du secteur. Comme le rappelait M. Le Bigot, le secteur automobile est un pilier économique qui pèse lourd en termes d'emploi. Mondialisé, il peut exercer un effet d'entraînement sur l'économie. Par conséquent, il peut exercer un important effet levier en termes d'économie circulaire, de responsabilité sociale et environnementale, depuis l'extraction des ressources minérales. En tant qu'organisation non gouvernementale (ONG), nous soutenons le véhicule électrique, car il est aussi de nature à améliorer la transparence des filières amont d'extraction des ressources minérales. Nous formulons deux recommandations fortes : agir de manière approfondie pour la programmation de la fin des véhicules essence et diesel d'ici à 2030 pour accélérer la conversion du secteur de l'automobile ; travailler sur l'application du devoir de vigilance en France et en Europe.

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Je crois pouvoir dire que nous sommes unanimes à considérer qu'il n'existe pas de véhicule propre et que les solutions doivent être adaptées aux usages. Quand on habite en milieu urbain où l'on dispose de nombreuses offres de mobilité, on n'a pas les mêmes besoins ni le même usage de l'automobile que lorsqu'on habite à 50 kilomètres de son lieu de travail. La moyenne serait de dix ou vingt kilomètres par jour, mais pour certains habitants des zones rurales ou de montagne où la déclivité des routes donne tout son sens à la notion d'autonomie, la distance peut atteindre cent kilomètres.

Vous disiez qu'il fallait continuer à soutenir la filière. Combien d'années vous semblent nécessaires pour qu'elle atteigne la maturité ? Quel regard portez-vous sur les mesures annoncées récemment par le Gouvernement visant à faciliter le déploiement des bornes de recharge pour les véhicules électriques d'ici 2022 ? Quel sera l'impact sur la facture du consommateur de la prise en charge du raccordement des bornes de recharge par le gestionnaire de réseau ?

Le dispositif des certificats d'économie d'énergie est souvent critiqué. Nous l'avons évoqué à différentes reprises dans les différentes lois et dans les lois de finances successives. Est-ce un bon outil pour financer des bornes de recharges privées ouvertes au public ?

Nous avons parlé essentiellement aujourd'hui des véhicules légers. Quel développement de la mobilité électrique prévoyez-vous sur le segment des bus et des véhicules lourds ? S'agissant de la maturité de la filière, l'échéance est-elle encore plus lointaine ?

D'après le rapport de RTE, les véhicules électriques représenteront en 2035 entre 200 et 600 térawattheures (TWh) de capacité de stockage totale. La mise à profit d'une fraction de ce parc peut-elle, selon vous, représenter un axe de développement de la flexibilité électrique en France ?

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Après avoir beaucoup entendu parler d'énergie électrique, j'évoquerai les biocarburants. Plutôt que d'annoncer la fin des moteurs thermiques en 2040, il vaudrait mieux parler de la fin des moteurs à hydrocarbures fossiles, car les moteurs thermiques restent nécessaires pour utiliser du GNV et des agrocarburants. Nous tâcherons d'apporter cette correction dans la LOM.

J'ai été ravi d'entendre que le bio-GNV permettait une baisse de 75 % des émissions de CO2. On parle peu du « Power2gas », c'est-à-dire de l'utilisation de l'hydrogène pour la méthanation. Quelle part du combien du parc automobile pourrait fonctionner au bio-GNV ?

Je poserai la même question pour les agrocarburants. Si nous commençons à avoir une vision de la quantité de biométhane que nous pourrions produire – on envisage 45 TWh, volume que l'on pourrait doubler avec la méthanation -, en revanche, on n'a pas d'estimation pour les autres agrocarburants comme l'éthanol ou le biodiesel. Jusqu'où peut-on aller sans attaquer les surfaces agricoles alimentaires ? Quelle est la masse potentiellement disponible ? Combien de véhicules pourraient fonctionner avec cette énergie ?

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Nicolas le Bigot, directeur des affaires environnementales et techniques du Comité des constructeurs français de l'automobile (CCFA)

Concernant les aides à l'achat de véhicules électriques, il existe en France le système bonus-malus. Les bonus, financés par les malus pesant sur les véhicules les plus émetteurs de CO2, sont actuellement concentrés sur les véhicules électriques dont le contenu technologique rendra le prix plus élevé que leurs équivalents thermiques pendant encore un certain temps, au-delà même de 2022. Nous demandons aux pouvoirs publics de la visibilité sur les aides au moins jusqu'à la fin du quinquennat. Nous en avons besoin pour concevoir nos modèles économiques et le consommateur a besoin de confiance dans la stabilité des politiques publiques de promotion du véhicule électrique.

Le constructeur français Renault Trucks propose d'ores et déjà des véhicules lourds de transport de marchandises totalement électriques. C'est pourquoi, dans la dernière loi de finances, nous avons obtenu l'extension aux véhicules électriques du dispositif de suramortissement jusqu'à présent uniquement éligible aux véhicules à gaz. Il s'agit de véhicules jusqu'à 25 tonnes, très intéressants pour assurer en milieu urbain la livraison du dernier kilomètre en mode zéro émission.

Nous avons besoin aussi d'une visibilité accrue sur les politiques publiques en matière de biocarburants et de bio-GNV. Nous approuvons le principe de l'utilisation des biocarburants et du biogaz en vue de décarboner la mobilité et nous serons les premiers à investir dans ce domaine si nous percevons une réelle volonté politique d'agir massivement en ce sens. Mais aujourd'hui, la politique publique pour le biogaz, le bio-GNV et les biocarburants n'est pas suffisamment visible. Au moment où nous investissons massivement dans l'électrification, nous ne pouvons pas courir tous les lièvres technologiques à la fois, d'autant que nous avons d'autres investissements à réaliser face aux autres grands défis que doit relever la filière automobile, c'est-à-dire ceux liés à la disruption numérique, avec l'avènement du véhicule autonome et connecté, et ceux liés à la disruption sociétale pour laquelle nous investissons dans les nouvelles mobilités avec nos services d'autopartage et de covoiturage. Bien entendu, si nous observions des politiques publiques pouvant conduire à massifier les marchés de véhicules à énergies alternatives, nous construirions des modèles économiques et de rentabilité pour nos investissements technologiques mais, à ce stade, ce n'est pas le cas.

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Joseph Beretta, président de l'Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (AVERE)

Le programme CEE, piloté par l'AVERE et associant notamment l'ADEME et l'État lui-même, permet d'orienter l'installation des points de charge. Nous nous sommes focalisés sur des cibles où l'installation des points de charges est problématique, notamment les immeubles en copropriété, où le coût peut être élevé, ainsi que sur les parcs d'entreprise et la voie publique, avec pour contrainte d'agir en complément des programmes précédemment financés via l'ADEME dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA), en développant un dispositif de bornes à la demande. Quand un particulier achète un véhicule, il fait une demande à la municipalité qui installe une borne de charge à proximité de son domicile, sur une place publique accessible à tous. On brise ainsi le paradoxe infernal de la poule et de l'oeuf. Au lieu d'installer des bornes sans véhicule, l'arrivée du véhicule est concomitante de l'installation de la borne.

Nous avons déjà financé environ 5 000 points de charge. À la fin du programme pour 2020, nous comptons en avoir financé environ 15 000. Il conviendra de s'interroger sur la poursuite de ce mode de financement après 2020, mais c'est une très bonne utilisation de ces fonds.

Nous approuvons, dans le projet de loi LOM, la prise en charge à hauteur de 75 % du coût de raccordement dans le cadre du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE), car il existe des zones blanches, éloignées des grandes lignes électriques, où les coûts de raccordement sont très élevés. C'est vraiment du service public puisqu'il faut absolument installer, pour l'itinérance avec les véhicules électriques, des bornes de charge à des coûts identiques à ceux des bornes installées dans des zones à réseau électrique dense. Cela permet un maillage optimal lié à l'usage de la mobilité et non limité aux secteurs où le réseau électrique est présent.

Nous avons piloté un groupe de travail RTE-AVERE réunissant toutes les parties prenantes, au sein duquel nous avons examiné les implications, à court et moyen terme, du véhicule électrique sur le réseau électrique. Nous avons identifié beaucoup d'opportunités. Nous avons voulu démystifier l'idée selon laquelle le véhicule électrique entraînerait une consommation supplémentaire et obligerait à construire d'autres centres de production d'électricité. Il faut toutefois maîtriser les potentielles pointes de puissance demandées au réseau, plutôt en hiver lors des départs en vacances, en même temps que la période de chauffage. Cela est facile à condition de prévoir une charge intelligente en décalant le début de charge du véhicule, tout en garantissant le service de mobilité. C'est pourquoi dans le programme Advenir, nous orientons les financements vers des bornes intelligentes.

Au-delà de la charge intelligente, nous étudions dans le programme RTE-AVERE le service que peut rendre le véhicule électrique en tant que moyen de stockage du réseau, et les sources de gains de performances, à la fois financiers et d'usage. Selon RTE, le gain financier pourrait atteindre 1,4 milliard d'euros par an en économie de combustible et de l'ordre de 2 milliards d'euros en économie d'investissement. Le consommateur s'y retrouvera aussi, qui paiera jusqu'à deux moins cher la recharge par rapport au tarif classique, si des tarifs permettent l'effacement durant les périodes de forte demande de puissance.

L'hydrogène est une solution qui commence à émerger. Elle peut être intéressante pour les véhicules lourds, mais la distribution et les possibilités d'économies d'échelle doivent encore être étudiées.

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Tout le monde s'accorde à dire que la production traditionnelle d'hydrogène est très polluante et qu'il faudrait s'orienter vers une technologie plus vertueuse, c'est-à-dire « Power2gas », mais on n'avance pas beaucoup sur le sujet. Quels en sont les freins ? Comment favoriser le développement de la technologie « Power2gas » ?

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Joseph Beretta, président de l'Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (AVERE)

Je ne suis pas au fait de la technologie « Power2gas », car nous nous intéressons plutôt à la mobilité électrique.

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Je pense à l'utilisation d'hydrogène produite à partir de l'électrolyse de l'eau, technique plus vertueuse, dans des usines de production vertes. Sinon, il n'y a aucun intérêt.

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Joseph Beretta, président de l'Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (AVERE)

La condition sine qua non pour développer la mobilité électrique, c'est de décarboner le carburant électricité ou hydrogène. Il n'y a pas de sens à utiliser de l'hydrogène à partir de l'hydrocarbure.

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Yann Tréméac, chef adjoint du service Transports et mobilité de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)

Nous avons fait une analyse de cycle de vie de l'hydrogène. Il est indispensable que ce soit de l'hydrogène vert, produit à partir des surplus énergétiques ENR, avec, je le répète, un regard très attentif sur le transport. Afin de ne pas impacter fortement la balance environnementale, il est indispensable d'avoir une vision territoriale, puisque plus de 30 % de l'impact environnemental sont liés directement au transport de l'hydrogène comme vecteur énergétique. Cela a d'ailleurs un sens pour une utilisation pour les véhicules lourds, notamment le transport maritime ou ferroviaire. Pour les parts de réseaux non électrifiés, le développement de l'hydrogène a tout à fait un sens, pour peu qu'il s'opère dans un environnement qui permet cet approvisionnement.

L'intervention de M. Monnier m'a rappelé que l'ADEME porte le programme « Engagements volontaires pour l'environnement des acteurs de la chaîne logistique et du transport de voyageurs » (EVE), visant à mettre en oeuvre des actions au sein des organisations des acteurs du transport routier et de marchandises pour améliorer leurs performances environnementales. Or une des actions qui a suscité le plus d'intérêt était l'écoconduite, qui permet de limiter la consommation de carburant et donc de dégager une marge supplémentaire. Cette action que nous promouvions nous a échappé puisque les transporteurs se la sont appropriée, jusqu'à la création dans plusieurs entreprises de transport de challenges d'écoconduite. La prime n'a plus récompensé le meilleur conducteur, le plus rapide qui livrait en temps et en heure, mais celui qui avait la meilleure écoconduite !

Je souscris au propos de Joseph Beretta au sujet du dispositif des bornes à la demande, qui fonctionne très bien aux Pays-Bas.

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Joseph Beretta, président de l'Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (AVERE)

À Amsterdam !

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Yann Tréméac, chef adjoint du service Transports et mobilité de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)

Il ne figure pas dans le projet de loi d'orientation des mobilités mais il nous paraît pertinent. J'alerte tout de même sur le fait qu'une trop forte prise en charge du coût de raccordement pourrait entraîner une course à la puissance qui serait néfaste pour le réseau. Il conviendrait d'envisager un taux inférieur à 75 % si les puissances sont plus élevées.

D'une manière générale, l'utilisation de la batterie en seconde vie est fondamentale, afin de disposer de stocks tampons via de grands racks de batteries afin d'alléger le réseau à certains moments.

Monsieur le rapporteur, nous considérons que le bio-GNV présente un intérêt pour la problématique des poids lourds. Nicolas Le Bigot s'interrogeait sur le positionnement des pouvoirs publics. Je ne représente pas les pouvoirs publics, mais l'ADEME a lancé un dispositif destiné à financer des camions, notamment dans les zones blanches non couvertes par des stations d'avitaillement. Développer de tels camions crée une demande et les énergéticiens ont intérêt à construire une station d'avitaillement, avec un fort effet de levier de financement de la part de la puissance publique.

L'hydrogène peut présenter un intérêt, notamment pour les longues distances. Dans le cadre du PIA, nous finançons certains projets de développement de nouveaux poids lourds à hydrogène.

Afin de développer le bio-GNV, nous proposons de se pencher sur sa fiscalité, notamment en cas de non injection dans le réseau et d'utilisation directe dans le transport au pied des unités de méthanisation.

Nous sommes tous conscients de la transformation en cours dans la distribution de marchandises. Le développement du e-commerce porte en lui une réelle capacité d'optimisation du transport. On voit aujourd'hui des gros camions transportant quelques petites caisses, alors qu'un e-commerce avec des chargements optimisés et raisonnés éviterait le déplacement de citoyens avec leurs voitures.

Concernant les biocarburants, je propose de vous adresser des éléments plus précis. Nous nous demandons pour quelle filière leur utilisation pourrait être la plus intéressante. Nous pensons notamment au transport aérien, dont l'impact environnemental est important. Le biocarburant pourrait être dans les années à venir un axe de développement d'un mode de transport aérien plus respectueux de l'environnement.

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Gaétan Monnier, directeur du centre de résultat transports d'IFP Énergies nouvelles (IFPEN)

Les véhicules lourds électrifiés nécessitent beaucoup d'énergie, donc des batteries de taille importante à durée de chargement longue, incompatible avec l'usage. Les camions intermédiaires peuvent être utiles pour la livraison de proximité et l'entrée en ville, mais l'offre ne rencontre pas un grand succès. L'hydrogène étant plutôt une réponse pour le futur, il faut trouver des solutions intermédiaires. Dans ce contexte, les biocarburants ont du sens pour le transport routier. Le frein à leur utilisation n'est pas d'ordre technologique mais dépend de la durée de vie de la politique publique sur ces sujets. La limite des biocarburants n'est pas liée à la ressource mais à l'industrie. Pour les produire, il faut construire des usines, investissements lourds amortissables sur une certaine durée. À défaut d'une visibilité suffisante, ces investissements ne se feront pas, et la difficulté de la transition subsistera.

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Comment expliquez-vous le peu de succès du carburant B10 ? Quelles peuvent être les conséquences de l'exclusion de l'huile de palme de la liste des biocarburants ouvrant droit à un taux réduit de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) ?

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Nicolas le Bigot, directeur des affaires environnementales et techniques du Comité des constructeurs français de l'automobile (CCFA)

Nous avons besoin d'une harmonisation de la disponibilité des carburants à l'échelle européenne. On trouve aujourd'hui le B7, qui contient jusqu'à 7 % de biogazole, sur l'ensemble du marché européen. Certains modèles de véhicules sont compatibles avec du B10, mais l'écart entre le B7 et le B10 n'est pas suffisamment important pour justifier le financement d'infrastructures de distribution spécifiques.

Pour le transport de marchandises par les poids lourds, nous avons des perspectives d'utilisation de B100. Par ce biais, la disponibilité des biogazoles pourrait être optimisée. Au travers du B100, on pourrait profiter de l'intérêt CO2 des biogazoles dont l'usage pourrait se développer.

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Marie Chéron, responsable Mobilités à la Fondation pour la nature et l'homme (FNH)

Avec l'ensemble des ONG du Réseau action climat, nous recommandons de sortir le plus rapidement possible des agrocarburants de première génération et de développer les filières d'agrocarburants avancés en soutenant le respect des critères de soutenabilité, notamment au niveau européen. La France pourrait le faire. Ces critères de soutenabilité nous semblent indispensables. Les biocarburants qui les respectent ne représentent qu'une infime part des biocarburants sur le marché.

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Joseph Beretta, président de l'Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (AVERE)

Nous avons parlé des véhicules lourds, mais pas encore des bus. Dans le cadre de la transition énergétique vers des véhicules de très faible émission et à très faible impact environnemental, il convient de considérer aussi les bus électriques, auxquels de plus en plus de collectivités commencent à réfléchir. Mais, au-delà, une réflexion est à mener en vue de créer une offre française de bus électriques de qualité car on voit plutôt des étrangers répondre aux appels d'offres. Il importe que la France propose une solution, ce qui implique des infrastructures de recherche. Elles doivent être faciles à installer et remplir toutes les conditions de sécurité. Des contraintes superfétatoires à l'installation des infrastructures ne devraient pas être imposées par les textes. Notre association essaie de les réduire.

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Avez-vous un retour d'expérience sur la mise en oeuvre et l'exploitation des bus à haut niveau de service, notamment hybrides ?

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Joseph Beretta, président de l'Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (AVERE)

Nous n'avons pas de retour direct d'exploitation. S'agissant de bus hybrides, il faut examiner comment ils ont été dimensionnés et pour quelles lignes ils ont été mis en oeuvre.

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Cécile Goubet, secrétaire générale de l'Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (AVERE)

Nous n'avons pas eu de retours d'expérience mais des retours de commandes de bus électriques au niveau européen, rapportés par la Fédération européenne pour le transport et l'environnement, en fin d'année dernière. Nous constatons une explosion du nombre des commandes de bus électriques au niveau européen, avec environ 9 % des ventes de bus en 2018, et ce chiffre devrait encore augmenter cette année. Si les commandes suivent, c'est que les retours d'expériences sont bons.

L'audition s'achève à dix heures cinquante-cinq.

Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 31 janvier 2019 à 9 h 30

Présents. - Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Jennifer De Temmerman, M. Bruno Duvergé

Excusés. - M. Guy Bricout, M. Julien Dive

Assistait également à la réunion. - M. Belkhir Belhaddad