Madame la présidente, Monsieur le rapporteur, le CEA-LITEN est un institut du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Composé de 950 personnes, il développe les nouvelles technologies dans le domaine des énergies alternatives, notamment le solaire avec le photovoltaïque, les batteries et l'hydrogène, comme acteurs énergétiques, du matériau à l'intégration des systèmes.
S'agissant de véhicules « propres » ou, pour le dire plus justement, à très faible émission ou à très faible impact environnemental, il convient de considérer quatre types de véhicules en termes d'électromobilité : les véhicules hybrides, les véhicules hybrides rechargeables, les véhicules à batterie et les véhicules électriques à hydrogène. On pense trop souvent aux seuls véhicules électriques à batterie. Or le véhicule électrique à hydrogène est aussi, comme son nom l'indique, électrique. Il convient d'autant plus de le préciser que ce sont les deux seuls véhicules qui soient à zéro émission à l'usage, donc de nature à résoudre la problématique du changement climatique et celle de la qualité de l'air, directement liée à la santé publique.
Ces deux technologies, à batterie et à hydrogène, doivent être considérées comme complémentaires et non concurrentielles, quel que soit le type de véhicule. Il a beaucoup été question des véhicules lourds, mais il faut aussi prendre en compte les véhicules électriques à hydrogène pour les particuliers. Il importe donc que les lois et réglementations traitent de manière équitable les véhicules électriques à batterie et les véhicules électriques à hydrogène.
Les véhicules électriques à hydrogènes doivent être privilégiés pour des usages intensifs, pour des transports longue distance, pour des transports de charges lourdes et si l'on veut conserver la flexibilité de la recharge, c'est-à-dire la même durée courte pour « faire le plein » qu'avec les véhicules thermiques.
Les véhicules électriques à hydrogène, ce n'est pas seulement le futur, c'est déjà aujourd'hui. Il faut développer la production de masse et abaisser les coûts, mais la technologie est mature.
Pour accélérer ce développement, je vois trois principaux axes.
Le premier axe est le déploiement des infrastructures. Pour les véhicules électriques à batterie, le coût de l'infrastructure doit inclure non seulement la borne de recharge, mais également le transport du courant, les sous-stations et la connexion au réseau électrique, que l'on a parfois tendance à omettre, et le développement des charges intelligentes pour réduire l'impact sur le réseau. À cela s'ajoute l'intégration dans un foncier urbain de plus en plus contraint. C'est facile dans les pavillons, mais, en ville, comment recharger un grand nombre de véhicules électriques à batteries ? La recharge rapide, est une solution, mais elle n'est pas sans effet sur la durée de vie des batteries. Le véhicule électrique hybride rechargeable permet de réduire la taille des batteries et de répondre aux inconvénients de la recharge rapide et de l'engorgement potentiel des bornes de recharge électriques en milieu urbain.
La connectique et le protocole de recharge des stations d'hydrogène sont déjà normalisés au niveau international. Il n'y a pas de problème d'interopérabilité. Je peux acheter un véhicule au Japon et le recharger en France, ailleurs en Europe ou aux États-Unis. Cependant il faut adapter la réglementation afin de faciliter l'implantation des stations d'hydrogène sans affecter le niveau de sécurité, en particulier en cas de production locale autour de la station, de nature à réduire l'impact environnemental du transport de l'hydrogène décarboné. Plus généralement, il est nécessaire de pérenniser la feuille de route nationale qui a été publiée le 1er juin par le ministère de la transition écologique et solidaire.
Le deuxième axe est l'amélioration des performances globales des batteries et des piles à combustible.
Pour les batteries, il faut gérer l'emploi des matériaux critiques en termes de ressources et de géopolitique, notamment le cobalt. Il s'agit de développer de nouvelles technologies s'affranchissant des matériaux critiques ou en diminuant fortement la sensibilité. Du côté de l'hydrogène et des piles à combustible, le seul matériau critique est aujourd'hui le platine, utilisé comme catalyseur. Au cours des dix dernières années, on a déjà réduit de plus de 70 % la quantité de platine entrant dans la conception d'un véhicule. En laboratoire, celle-ci a été réduite de 90 % par rapport à il y a dix ans, et les premiers catalyseurs sans platine sortent des laboratoires.
Le recyclage des batteries et des piles à combustible est un sujet de recherche et développement, mais des industriels comme Umicore ou la Société nouvelle d'affinage des métaux (SNAM) savent déjà recycler les batteries, à un coût certes élevé. Côté hydrogène, il s'agit essentiellement de récupérer le platine grâce à une technologie déjà éprouvée. Umicore annonce pouvoir récupérer de 90 % à 95 % du platine présent dans une voiture.
Enfin, il ne faudrait pas gagner en performance et perdre en sécurité. Il faut garder au moins le même niveau de sécurité que les véhicules actuels, ce qui passe aussi par la recherche et le développement.
Toutes ces actions nécessitent une recherche nationale à un excellent niveau. Le CEA travaille activement sur l'ensemble de ces barrières scientifiques et technologiques en collaboration avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et en lien direct avec les industries françaises. Le CEA a pour objectif de se maintenir à un niveau d'excellence et de contribuer à la compétitivité de l'industrie française dans ces domaines. La pérennisation de l'excellence de la recherche française dans le domaine des batteries, de l'hydrogène et des piles à combustible devrait se concrétiser par la mise en place de programmes dédiés par l'Agence nationale de la recherche (ANR) dans ces deux domaines.
Le troisième axe vise à favoriser l'émergence de deux filières industrielles et de recherche d'excellence dans les domaines des batteries et de l'hydrogène, dans un cadre européen favorable. La Commission européenne a lancé, dans le courant de l'année dernière, une initiative visant à identifier et favoriser la création de neuf chaînes de valeurs critiques pour l'Europe. Cela se traduira notamment par la facilitation de la mise en place d'usines de production de masse de ces chaînes de valeurs. Parmi elles figurent les batteries et les technologies de l'hydrogène. Dès lors, il nous paraît important que la France soutienne ces deux initiatives, comme elle vient de le faire, courant novembre, pour la filière microélectronique, sachant qu'aujourd'hui, la production de batteries s'effectue essentiellement en Asie et en Chine. Cela commence également à apparaître dans le domaine de l'hydrogène, avec notamment la Chine qui se réveille très fortement.
La Commission européenne soutient aussi depuis des années les activités de recherche et d'innovation dans ces deux domaines. Une alliance européenne des batteries a été annoncée l'année dernière. M. Šefčovič, vice-président de la Commission européenne, a annoncé, lors de la dernière assemblée générale « hydrogène, piles à combustible », que l'Europe devrait faire de même pour soutenir et même augmenter le soutien au développement de la filière hydrogène en termes de recherche et développement dans le cadre du programme-cadre Horizon Europe. Pour permettre aux acteurs français de la recherche de bénéficier au mieux du soutien européen, il convient, en application du principe d'additionnalité, que la France mette en place, comme ses homologues européens, des programmes de recherche coordonnés au niveau national et doté de plusieurs dizaines de millions d'euros.
En conclusion, les seuls véhicules à zéro émission ou à très faible impact sont les véhicules électriques à batteries et les véhicules électriques à hydrogène. Pour les véhicules électriques à batteries, les véhicules hybrides rechargeables peuvent apparaître comme une solution appropriée pour réduire très sensiblement les émissions de gaz à effet de serre, tout en préservant une activité industrielle en France, sachant que les batteries sont plutôt importées d'Asie, contrairement aux moteurs thermiques qui sont toujours fabriqués en France et ailleurs en Europe.
Les deux technologies, à batterie et à hydrogène, doivent donc être soutenues et reconnues de manière équivalente dans les lois et règlements mis en place par les pouvoirs publics. La concurrence internationale, notamment asiatique, est rude, mais les acteurs français de la recherche et de l'industrie sont encore au niveau. Pour réussir le passage à la production de masse de ces deux technologies et maintenir notre capacité d'innovation, il nous paraît indispensable d'établir des feuilles de route claires entre l'État, l'industrie et les acteurs de la recherche, accompagnés de budgets pluriannuels adaptés, à la fois pour l'industrialisation et pour garantir l'innovation pour les générations à venir. Le CEA est heureux d'y contribuer, voire d'accepter ses efforts pour la réussite de la transition écologique.