La communauté d'agglomération de Sarreguemines Confluences totalise 66 000 habitants et 38 communes. Depuis onze ans, nous travaillons avec M. Barthel sur la mobilité durable à partir d'un plan climat réalisé en interne. Dans le cadre d'une démarche pragmatique, nous nous sommes dotés des compétences nécessaires pour réaliser nous-mêmes les bilans carbone. Les stations, réalisations et infrastructures que je vais décrire ne nous ont rien coûté zéro en termes d'études. Elles résultent de travail en interne ou de travail effectué en partenariat avec des acteurs locaux.
Nous avons retenu trois volets de mobilité durable : un volet électrique « batteries » ; un volet gaz naturel compressé et de préférence biométhane, pour la mobilité lourde, et un volet électrique « pile à combustible », pour résoudre les problèmes de temps de recharge et d'autonomie, ainsi que les difficultés, pour les entreprises, de gérer la mobilité électrique avec des utilitaires pas toujours stationnés dans les dépôts, notamment les véhicules utilisés par des collaborateurs et remisés à domicile.
La station que nous avons réalisée est la première en Europe à produire, compresser et distribuer sur place de l'hydrogène vert. Comme le disait M. Antoni, nous avons respecté les protocoles existants. Nous avons également utilisé un protocole visant à réduire la température de l'hydrogène à moins 20 degrés, afin de pouvoir distribuer de l'hydrogène à des véhicules allemands en 700 bars, alors que les dix utilisateurs de notre territoire utilisent du 350 bars pour leurs véhicules hybrides à batteries et à pile à combustible. La station est ouverte au public. Ces dix véhicules n'appartiennent pas à la flotte de la communauté d'agglomération mais sont des véhicules professionnels utilisés par des entités différentes.
Nous n'avons rien à vendre, ni hydrogène, ni infrastructures, ni mobilité. Les mobilités sont complémentaires. Nous ne rencontrons plus de difficultés technologiques. Les matériels existent, des entreprises savent les fabriquer, mais nous rencontrons un problème de dimensionnement des entreprises par rapport à l'enjeu. McPhy, un producteur d'électrolyseurs et de compresseurs d'hydrogène, exploite pour nous la station et en assure la maintenance, car nous n'avons pas les compétences pour le faire. Les techniciens viennent d'Italie ou de Grenoble pour dépanner la station, ce qui est difficile à gérer. En revanche, un gazier a installé notre station gaz pour véhicules lourds et en assure la maintenance, à l'instar de Total avec ses stations de distribution de carburant.
Nous avions approché des majors pour nous aider dans ce projet mais nous n'avons pas été entendus. Air Liquide a des stations à Paris pour des grosses flottes, Engie aussi, même pour le méthane ou le biométhane. Leur modèle, c'est Paris. Bordeaux est déjà trop petit, Strasbourg, est bien trop petit et Sarreguemines n'est même pas sur la carte… Nous avons besoin que les majors acceptent d'assurer la maintenance, comme un gazier ou un producteur de pétrole gère des stations.
Notre station peut produire 40 kilogrammes d'hydrogène par jour, car nous étions confiants en la capacité d'avoir de nouveaux clients. Nous distribuons 1,5 à 2 kilogrammes par jour. Les clients viennent s'approvisionner quotidiennement, ils n'utilisent plus la batterie, seulement l'hydrogène. Ils font le plein en quelques minutes et repartent aussitôt, aptes à parcourir leurs 150 kilomètres. Plutôt que d'immobiliser leur véhicule pour recharger les batteries, ils préfèrent venir faire le plein d'hydrogène. D'autres véhicules de marques étrangères qui roulent entièrement à l'hydrogène, excepté la petite batterie assurant l'interface entre la motorisation et la pile à combustible, viennent faire le plein.
Nous rencontrons le même problème de maintenance avec nos véhicules, qui nous ont été vendus par Symbio, fabricant de piles à hydrogène. Si le constructeur Renault se dit intéressé par l'hydrogène, les concessions ne le sont pas du tout. Notre problème n'est pas de trouver des clients, mais de réaliser les infrastructures. Nous avons une infrastructure de véhicules électriques pour 2 500 habitants pour la ville de Sarreguemines, et nous en aurons bientôt une pour 2 500 habitants pour la communauté d'agglomération. Quand des infrastructures avec de bonnes conditions de recharge existent, les véhicules arrivent. Si l'on peut faire entretenir une Zoé dans un garage à Sarreguemines, pour les véhicules à l'hydrogène, les techniciens de Renault, bien que formés, ne souhaitent pas intervenir et n'ont pas les moyens disponibles pour le faire. Si nous avions de bonnes conditions d'entretien et de maintenance de la station et de bonnes conditions d'entretien et de maintenance des véhicules, nous aurions pu avoir 20 Kangoo à l'hydrogène sur le territoire, mais nous n'engageons pas de développement car les dépannages sont longs. Même si Symbio et McPhy font des efforts, ils n'ont pas la structure nécessaire pour être efficaces. Or tel n'est pas le cas avec la station de gaz ouverte depuis plusieurs mois. Les bus et les bennes à ordures ménagères roulent au gaz, et nous avons trouvé un modèle économique.
L'effort industriel ne servira à rien si des territoires ne suivent pas. Plutôt que de « start-up nation », je préfère parler de « start-up territoires ». Ainsi, le territoire de Saint-Julien-en-Quint, avec lequel nous sommes liés, s'est lancé dans l'aventure avec l'association communale de production d'énergies vertes (ACOPREV), avec la participation du CEA. Nous avons envie d'agir mais nous n'avons pas en interne les ressources en temps nécessaires pour ce faire.
Au cours des dernières années, j'ai consacré, avec la bénédiction de nos élus, un tiers de mon temps à ce dossier, mais, avec 150 personnes sur le terrain tous les jours, on n'attend pas principalement le directeur des services techniques que je suis sur cette mission. Nous avions un chargé de mission dans le cadre de notre label « territoire à énergie positive pour la croissance verte » (TEPCV), mais nous ne sommes plus aidés. Une association comme l'ACOPREV est basée sur le bénévolat. Nous pouvons trouver des clients mais nous avons besoin de support pour développer cette activité. Des entreprises sont d'accord pour acquérir au prix de 40 000 euros un véhicule à hydrogène plutôt qu'un véhicule à batterie, parce que cela correspond à leur démarche de qualité et de performance environnementale, sans même s'interroger sur le prix de vente de l'hydrogène, de même, que l'on trouve facilement des acquéreurs des véhicules à mobilité lourde au gaz, mais nous avons besoin de main-d'oeuvre. En investissement, nous avons été aidés par un programme européen par le biais du consortium Fuel Cells ans Hydrogen, à hauteur de 50 % pour l'ensemble du projet FaHyence, nom donné en référence au passé industriel et à la faïencerie de Sarreguemines, mais il nous manque du temps. Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls, des territoires ruraux en manquent aussi.
Quels services les infrastructures de recharge pour les batteries et pour l'hydrogène peuvent-elles rendre au réseau électrique ? Comment effacer les pointes ? Comment faire de la recherche intelligente ? Comment produire de l'hydrogène au bon moment, voire utiliser l'ensemble des capacités de production puis de restitution de l'électricité au bon moment ? On parle plutôt d'intelligence autour de la station ou autour des batteries par un opérateur agrégateur. Ce volet est chez nous transfrontalier. L'interopérabilité des branchements étant assurée la mobilité transfrontalière durable est pour nous également possible.