Je partage ce qui vient d'être dit au sujet des constructeurs. L'époque actuelle est caractérisée par l'incertitude. Dans ce secteur hyperconcurrentiel où il est déjà compliqué d'ajouter un élément à 10 euros dans une voiture, tout le monde se demande quelles seront les bonnes technologies. Tout choix fait par les uns ou par les autres est un pari et peut être une question de survie. Quand des équipementiers s'engagent résolument dans l'hydrogène, c'est un pari.
Pour avoir évolué dans le public et dans le privé, je peux dire qu'une des difficultés est la méfiance qui règne entre les différents types d'acteurs. Il y a beaucoup de questionnements sur la capacité réelle à traduire concrètement toutes les ambitions affichées, car les enjeux d'infrastructure sont considérables. L'enjeu à très court terme est de réussir le décollage du véhicule électrique. On s'interroge aussi sur l'évolution du coût des batteries et des piles à combustible, sur les différents scénarios possibles pour la production d'hydrogène et sur les circuits de distribution. Nous avons la chance en France d'avoir production d'électricité décarbonée qui donne du sens au développement de l'électromobilité au travers de la batterie ou de l'hydrogène, et c'est un atout que nous peinons à valoriser. Attirer en France une usine de fabrication de batteries aurait plus de sens que dans d'autres pays.
S'agissant des constructeurs, il est difficile de dire qu'il existe une approche française, parce que Renault et PSA n'ont pas exactement la même. Renault, qui a depuis longtemps misé fortement sur le véhicule électrique à batterie, a gagné une expérience intéressante qu'il a l'intention de capitaliser et de développer. PSA, qui développe des véhicules hybrides à batteries rechargeables et proposera une gamme ouverte, s'intéresse aussi clairement à la pile à combustible. Il peut y avoir des hybrides entre pile à combustible et batterie. Mais au-delà du développement de la technologie et de quelques flottes, comment créer les conditions d'un développement massif de ces technologies ? J'ai été frappé d'entendre l'ex-patron de Renault-Nissan, qui prévoyait tout de même 50 milliards d'euros d'investissements dans les quatre années à venir, dire que, malgré sa taille, son groupe était obligé de faire des choix et ne pourrait pas tout développer ! Sur le plan de la technologie et de la recherche, il faut rester le plus ouvert possible à toutes les technologies, mais pour opérer des déploiements, il faut faire des choix.
Au niveau européen, nous nous sommes fixé des objectifs exigeants et justifiés de baisse des émissions de CO2, mais non accompagnés d'obligations précises de la part des différents pays pour créer les conditions de vente et d'utilisation de ces véhicules. Or un certain nombre de pays européens n'auront absolument pas les infrastructures nécessaires pour développer l'électromobilité. Les objectifs étant globaux, un pays comme le nôtre devra aller encore beaucoup plus loin que le niveau moyen fixé en Europe afin de compenser, ce qui laisse planer un doute sur la capacité à les atteindre.