Je voulais m'associer à mes collègues pour féliciter la juridiction, de la qualité de ce travail qui effectivement est très précieux, sans aucun doute pour le Gouvernement mais aussi pour le Parlement. Vous avez très bien démontré toutes les imperfections du système, sa faible efficacité économique, les aléas sociaux, les inégalités sociales qu'il génère. À la lecture de votre analyse, je suis cependant troublé par la racine profonde du mal. Si l'on comprend aisément les défauts de contrôle et les imperfections des filières administratives, le chiffre fondamental de 82 % du résultat net de la branche agricole formé de concours publics, ne peut manquer de nous interpeller. Ce taux est considérable et vous en signalez d'ailleurs le caractère exceptionnel. Face à un tel taux, et je suis bien conscient que je vais faire bondir sur sa chaise le président Chassaigne, la réaction logique serait de dire : « On ne peut plus payer, il faut libéraliser tout ça ! ». Il s'agit du reste de la réaction d'un certain nombre d'États membres et d'acteurs estimant qu'un tel montant de concours publics est tout à fait abusif.
Au-delà de votre rapport, nous nous interrogeons sur le principe de répartition. Jusqu'à il y a un quart de siècle, jusqu'à la réforme « Mac Sharry », la politique agricole commune (PAC) trouvait son équilibre dans une politique de prix élevés combinés avec des contrôles quantitatifs pour éviter les surproductions. Ces contrôles quantitatifs pouvaient prendre la forme de jachères, qui d'ailleurs étaient honnies, ou de quotas laitiers qui, après avoir été honnis ont été bénis. Cette logique a été abandonnée depuis 25 ans, la politique agricole commune ayant alors recherché, dans le but d'éviter les surproductions, une dissociation entre les volumes produits et les garanties apportées aux revenus.
Depuis cette période, l'inspiration de la PAC semble errer entre plusieurs principes. Votre rapport ne me semble pas aborder ces différents principes qui ont pu ainsi y prévaloir successivement. Ont été ainsi tout d'abord mises en oeuvre les aides à la personne qui présentent un avantage d'égalité sociale évident mais également de gros inconvénients avec la multiplication des structures, la parcellisation, la limitation de la productivité, ce qui au total concourt à la précarité du monde agricole. Ensuite a été expérimentée l'aide à la production qui produit des effets très inégalitaires, celui qui produit le plus, gagne beaucoup au détriment des autres et crée des surplus. Puis est venu le temps de l'aide à l'hectare, neutre sur le plan de la production, mais très inégalitaire du point de vue social. Enfin, est mise en oeuvre l'aide à la vertu pour encourager des comportements sur le plan économique et environnemental. Ce système expose néanmoins de manière inévitable les agriculteurs à une montagne de formalités bureaucratiques. En définitive, ces différents systèmes présentent tous des imperfections, du point de vue social, économique ou administratif. Et s'il n'appartient pas bien évidemment à la juridiction de se substituer au législateur national ou européen, l'analyse de la Cour des Comptes pourrait peut-être s'attacher à mettre en lumière les effets pervers des différents systèmes d'aides et essayer de définir, au-delà des questions de gestion et de contrôle que vous abordez, ce qui pourrait constituer la combinaison des aides la plus optimale.