Jeudi 21 février 2018
Présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission
La séance est ouverte à 9 h 15.
I. Audition de Mme Catherine de Kersauson, Présidente de la deuxième chambre de la Cour des comptes, Mme Annie Podeur, Présidente de section, M. Antoine Guéroult, conseiller maître, et M. Stéphane Delanoë, rapporteur, sur le fonds européen agricole de garantie (FEAGA)
Mes chers collègues, c'est avec plaisir que nous accueillons aujourd'hui des magistrats de la Cour des comptes. Je rappelle que l'article 47-2 de la Constitution dispose que « la Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'action du Gouvernement » et que c'est dans ce cadre que se place cette audition.
La Cour a adressé, en octobre dernier, un référé au Ministre de l'Agriculture et de l'alimentation, à propos des aides du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA), c'est-à-dire le premier pilier de la politique agricole commune (PAC). Nous accueillons pour discuter de ce sujet : Mme Catherine de Kersauson, Présidente de la deuxième Chambre de la Cour ; Mme Annie Podeur et M. Didier Guédon, Présidents de section ; M. Antoine Guéroult, Conseiller maître ; M. Stéphane Delanoë, Rapporteur.
Je souhaite souligner deux points sur lesquels il paraît important de vous entendre. D'abord, votre référé pointe le manque d'évaluation des effets des aides directes de la PAC, à la fois sur le revenu des agriculteurs, l'économie des exploitations et l'environnement. Vous soulignez qu'aucune évaluation n'est menée par le Ministère de l'agriculture sur le FEAGA, qui représente tout de même pour la France 7,8 milliards d'euros par an en moyenne entre 2008 et 2015. L'Union européenne n'évalue elle-même que trop peu et trop tard les fonds structurels. Ensuite, votre référé remet au centre du débat la question de l'inégalité dans la répartition des aides, qui représentent 82 % du résultat net agricole en France. Cette situation avait déjà été dénoncée par le rapport de nos collègues Alexandre Freschi et André Chassaigne, en mai dernier. Vous rappelez ainsi que le FEAGA bénéficie majoritairement aux exploitations qui en auraient le moins besoin, ce qui peut entraîner, par exemple, des investissements excessifs et un accroissement des intrants de synthèse. Vous imputez cette situation au fait que les montants des aides à l'hectare ont été déterminés il y a 13 ans et que les aides sont découplées de la production.
Aussi, notre Commission aimerait vous entendre sur ces sujets, et connaître vos propositions pour assurer un meilleur suivi des aides directes de la PAC et leur redonner un sens économique et social.
Madame la présidente, Mesdames et messieurs les députés, je suis heureuse de présenter devant votre commission le référé issu de l'enquête menée par la deuxième chambre de la Cour des comptes sur les aides agricoles européennes du FEAGA et je tiens à vous remercier de l'intérêt que vous portez à nos travaux. Je suis d'autant plus heureuse de répondre à votre demande d'audition que votre commission a travaillé récemment sur les aides de la politique agricole commune. Je pense en particulier au rapport d'information de MM. les députés Alexandre Freschi et André Chassaigne sur une agriculture durable pour l'Union européenne.
Si la Cour s'est régulièrement penchée sur la gestion des aides agricoles européennes, dont il a été rendu compte, encore récemment, dans un rapport de juin 2018 sur la chaîne de paiement des aides agricoles, préparé à la demande de la Commission des finances du Sénat, elle a décidé de s'intéresser ici aux objectifs et aux effets des aides directes du FEAGA. Ces aides représentent plus de 7 milliards d'euros par an. De plus, la part élevée des aides dans le résultat des exploitations agricoles justifiait cet intérêt. En 2015, les concours publics à l'agriculture représentaient en effet, 82 % du résultat net de la branche agricole, une proportion sans équivalent dans aucune autre branche de l'économie nationale.
Le FEAGA ou fonds européen agricole de garantie, est le principal fonds de la PAC. Il finance les aides dites du premier pilier. Il se distingue du FEADER ou second pilier, qui concerne plutôt le développement rural et l'environnement. Le FEAGA finance essentiellement trois types de mesures : des aides directes, annuelles, versées aux agriculteurs, qui sont des aides au revenu (5,5 milliards d'euros), elles sont dites découplées car indépendantes de la production ; des aides directes couplées, en soutien à certaines productions, principalement animales, pour environ un milliard d'euros ; enfin, des interventions de marché, des aides à l'organisation des filières et à leur modernisation et aux organismes de producteurs, pour environ 550 millions d'euros.
Notre enquête a essentiellement porté sur les deux premières catégories, c'est-à-dire les aides directes couplées et découplées, avec une attention particulière pour les aides directes découplées qui en constituent la majeure partie. Nous n'avons pas examiné les aides de marché ou celles liées à l'organisation commune de marché (OCM). Certaines orientations (OTEX) sont donc exclues de notre champ (viticulture, arboriculture, horticulture, fruits). En France métropolitaine, en 2010, sur 491 000 exploitations, 350 000 percevaient des aides du 1er pilier. J'organiserai mon propos en trois temps : je rappellerai tout d'abord la méthode suivie. Je présenterai ensuite les principaux enseignements de cette enquête. Puis, je reviendrai sur les points qui nous ont semblé susceptibles de contribuer à améliorer l'évaluation, la mesure des effets, et renforcer ainsi l'impact du FEAGA.
Concernant tout d'abord la méthode, cette enquête s'est déroulée durant toute l'année 2017. Elle a porté sur les années 2008 à 2015, période marquée par la succession de deux régimes pour le FEAGA. L'année 2015 a été la première année de mise en oeuvre effective de la nouvelle PAC (2014-2020). L'objet de cette enquête était d'étudier à la fois les objectifs assignés aux aides, les modalités de leur évaluation par le ministère, les effets réels pour les bénéficiaires et l'atteinte des objectifs. Le contexte était la mise en oeuvre d'une importante réforme du FEAGA votée par le Parlement européen en décembre 2013, appliquée à partir de l'année 2015 et qui court jusqu'en 2020.
Pour objectiver les effets des aides, la Cour a exploité les ressources statistiques disponibles « sur étagère » et a dépouillé la littérature scientifique et les rapports publics existants. Il faut souligner, compte tenu du nombre de bénéficiaires (350 000), du nombre d'orientations techniques (OTEX), des spécialisations concernées (une dizaine) et de l'extrême diversité de l'agriculture française que ce travail ne prétendait ni à l'exhaustivité, ni à un caractère définitif. Après l'analyse de la répartition des aides, un certain nombre d'objectifs publics ont été identifiés, et la Cour a cherché, par la construction d'indicateurs statistiques simples, à vérifier s'ils étaient atteints, et à identifier les effets des aides sur l'agriculture française. Quand des corrélations suffisamment significatives ont été relevées, elles ont été mises en évidence dans le rapport. Il s'agit bien de corrélations, et la Cour n'en a pas inféré des liens de causalité simples et directs, ces mécanismes étant complexes et les évolutions multifactorielles.
Les principaux constats de cette enquête sont de trois ordres : d'une part les objectifs sont multiples et les aides directes agricoles souffrent d'un sérieux manque d'évaluation par le ministère ; d'autre part la répartition des aides est très inégale et n'a plus de justification pertinente aujourd'hui ; enfin, les effets sur les revenus sont incertains, les effets sur l'économie des filières et des exploitations sont contre-productifs, et les effets pour l'environnement sont nuls ou négatifs.
Malgré l'ampleur des financements consacrés aux aides directes du FEAGA, les outils de suivi et d'évaluation font défaut. Une multiplicité d'objectifs généraux sont assignés par le règlement (UE) 13072013 de manière indiscriminée à plusieurs dispositifs relevant du FEAGA, ce qui ne permet pas d'isoler et mesurer les effets de chacun. Bien qu'il y ait deux objectifs identifiés d'amélioration du revenu des agriculteurs et de protection de l'environnement, il n'existe pas, en France, de modélisation de l'effet des aides sur l'économie des exploitations agricoles et sur le revenu des agriculteurs. Le suivi du revenu des ménages agricoles n'est pas effectué avec suffisamment de régularité et de précision par le ministère de l'agriculture. Enfin, la mesure de l'impact des dispositifs dits de verdissement sur l'environnement est très lacunaire.
Le ministère de l'agriculture invoque le caractère européen de cette politique pour justifier l'absence d'évaluation nationale, cette responsabilité incombant à la Commission européenne. Or cette évaluation n'est réalisée qu'à l'échelon des 28 États membres, sans mesure suffisante de l'effet des dispositifs au niveau national. De plus, elle est qualifiée de « très insuffisante » par la Cour des comptes européenne d'un point de vue qualitatif. Elle est de surcroît trop peu fréquente puisque le premier bilan de la PAC 2015 a été publié par la Commission le 5 décembre 2018 alors que les discussions pour la prochaine PAC ont commencé au début de l'année 2018. Le ministère se prive ainsi des éléments indispensables au pilotage de sa politique et à la détermination des axes de négociation de la future PAC.
Notre enquête a également constaté une répartition très inégale des aides, fondée sur des situations historiques révolues. En 2015, 10 % des bénéficiaires environ (33 000 exploitants) ont perçu moins de 128 euros par hectare d'aides directes découplées (droits à paiement de base) alors qu'à l'autre extrémité de la distribution 10 % des bénéficiaires ont perçu plus de 315 euros par hectare. Ces écarts sont l'héritage de situations historiques qui ont été cristallisées en 2006 sur la base des montants moyens des déclarations PAC des années 2000 à 2002. Les montants à l'hectare des aides ont été déterminés, en 2006, pour chaque exploitant agricole et leurs montants sont restés stables et acquis à leurs détenteurs. Ces aides sont découplées de la production : leur versement est opéré sans considération de la nature des cultures pratiquées ou des quantités produites depuis 2006.
Les modalités de répartition des aides directes avantagent les grandes exploitations et celles dont les activités sont les plus rentables. Ainsi, en 2015, le montant de l'aide directe moyenne par exploitant (par unité de travail annuel non salarié) pour les structures les plus grandes (22 701 euros) était supérieur de 37 % à celui des exploitations les plus modestes (16 535 euros), toutes spécialisations confondues.
L'analyse des montants moyens d'aide par exploitant, pour les plus grandes exploitations (production brute standard supérieure à 250 000 euros), sur la période 2006-2015, illustre ces inégalités entre les principales orientations culturales. Ainsi en « grandes cultures », en moyenne, le montant des aides directes découplées par exploitant est de 40 900 euros, pour un résultat courant de 78 900 euros, alors que pour la spécialisation « bovins laitiers » les aides directes moyennes par exploitant s'élèvent à 19 100 euros pour un résultat courant de 28 500 euros. Quant aux aides directes moyennes dans la spécialisation « céréales, oléagineux, protéagineux », elles s'élèvent à 49 000 euros pour un résultat courant de 61 000 euros. Cette situation tient au fait que, jusqu'en 2015, les aides directes découplées ont été versées sans considération de la spécialisation des exploitations ou de leurs caractéristiques en matière d'emploi, de résultat ou d'empreinte environnementale. Les droits acquis au versement d'aides directes découplées, c'est-à-dire les droits à paiement unique (DPU) puis les droits à paiement de base (DPB), ont constitué, pour certains bénéficiaires, une rente ou un actif patrimonial négociable, sans contrepartie pour la collectivité, ni nécessité économique.
J'en viens aux principaux constats relatifs aux effets de ces aides qui sont, au mieux, incertains sur le revenu, l'économie des exploitations et l'environnement. En matière de revenus des ménages agricoles, aucune analyse n'est menée par le ministère chargé de l'agriculture, alors qu'elle serait indispensable, pour apprécier l'effet de ces transferts considérables. Au vu des statistiques disponibles, il apparaît que, malgré les aides, le revenu annuel de 30 % des agriculteurs a été inférieur à 9 500 euros chaque année de 2008 à 2015 (sauf en cultures céréalières et industrielles). Pour 20 % des agriculteurs, les revenus ont diminué de 2008 à 2015. Les « mauvaises années », plus du quart des exploitants ont des revenus agricoles négatifs. La dégradation de la situation de certains agriculteurs est illustrée par le triplement du nombre de bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) de 2010 à 2016. On peut, de surcroît, constater, pour les agriculteurs, une diminution du montant moyen des 10 % des patrimoines les plus modestes entre 2012 et 2015, alors que le montant moyen des 10 % des patrimoines les plus importants a progressé et est nettement supérieur à celui du décile correspondant de l'ensemble des ménages français. Ces aides directes ont également bénéficié à des exploitations déjà profitables pour lesquelles elles ont constitué un revenu supplémentaire.
En ce qui concerne l'économie des exploitations, un certain nombre d'effets pervers ont été identifiés. D'une part, on constate une capitalisation de la valeur des aides dans les prix du foncier et des fermages. D'autre part, pour les orientations bénéficiant des montants les plus importants (en particulier « céréales oléagineux protéagineux » et « grandes cultures »), des incitations à des investissements excessifs au regard des gains de productivité (notamment en machines), ainsi qu'un accroissement des consommations intermédiaires, notamment d'intrants de synthèse (engrais et pesticides), avec une faible rentabilité marginale. Les aides n'apparaissent pas non plus avoir un effet positif sur l'emploi, et auraient plutôt contribué à une substitution du capital au travail. Enfin, dans certaines filières comme l'élevage, la littérature scientifique met en évidence qu'une part de la valeur des aides aurait été captée par l'amont et l'aval des filières.
J'en viens maintenant à nos constats en matière d'impact sur l'environnement. Ils sont malheureusement eux aussi négatifs. Les aides du FEAGA ont, en 2015, davantage soutenu les systèmes agricoles qui avaient les pratiques les plus défavorables à l'environnement en matière de simplification, de spécialisation, d'intensité culturale, d'utilisation d'intrants de synthèse. À l'inverse, les exploitations les plus vertueuses du point de vue environnemental – cultures diversifiées avec rotations longues, modèles agricoles extensifs avec peu d'intrants, grandes surfaces de prairie – bénéficiaient en moyenne des montants d'aide à l'hectare les plus faibles.
Depuis la mise en oeuvre de la nouvelle PAC en 2015, les règles européennes visent à un verdissement des aides. Celui-ci s'est d'abord traduit par des contraintes administratives supplémentaires. Le montant des aides versées au titre du verdissement est corrélé au droit à paiement de base qui ne prend pas en considération les charges supplémentaires découlant des nouvelles exigences environnementales ni les externalités positives ou négatives. Enfin, il ressort des travaux menés par la Cour des comptes européenne, le Conseil général de l'alimentation et le monde académique que les effets des aides au verdissement sont limités, voire nuls, du fait d'exigences trop faibles et d'exemptions.
J'en viens enfin aux préconisations de la Cour, qui considère que les négociations pour la PAC 2021-2027 étaient l'occasion d'améliorer la pertinence et l'efficacité des mesures du FEAGA. Pour la France, l'un des enjeux est d'améliorer l'évaluation des mesures, de leur effet et, plus globalement, la connaissance du revenu des agriculteurs et de ses déterminants. Les objectifs du FEAGA doivent être explicités, précisés et assortis d'indicateurs de résultat. Dès lors que l'évaluation européenne des mesures est insuffisante et qu'elle ne peut être assez précise à l'échelle de chaque État membre, un dispositif national d'évaluation devrait être mis en place, en particulier en ce qui concerne l'économie des exploitations et les revenus des agriculteurs. Il faut comprendre, par exemple, comment un euro d'aide se transforme ou non en revenu supplémentaire pour le ménage agricole selon les OTEX, selon les régions et selon la taille des exploitations.
Le rapport identifie qu'il y a une réflexion évaluative à mener sur les différences entre une subvention d'exploitation, à vocation économique, et une aide au revenu, à vocation sociale. Ce sont deux logiques d'intervention différente qui appellent des outils différents. Il faut également mieux connaître le revenu des agriculteurs, son évolution, sa décomposition et bien identifier les différences entre le revenu agricole et le revenu des ménages agricoles, qui sont deux choses distinctes. Il y a là un ambitieux travail à mener pour le ministère de l'agriculture, ses instituts de recherche, l'INSEE, la DGFIP pour rapprocher les données dont ils disposent. Les montants individuels d'aide directe devraient être totalement harmonisés à l'échelle nationale. Rien ne justifie désormais les importantes inégalités du montant d'aide à l'hectare entre exploitants héritées des années 2000.
Dans leur réponse au référé, les ministres de l'Économie et des Finances, et de l'action et des comptes publics, ont souscrit à ces recommandations. Le ministère de l'agriculture a fait valoir que depuis 2015, la convergence était en marche et que le paiement redistributif avait un effet d'harmonisation. La Cour constate toutefois que l'objectif final de la convergence des valeurs des aides laissera subsister un écart de 1 à 1,86 en 2020 et que des dérogations permettront des écarts plus importants encore. L'ambition environnementale devrait également être renforcée. Le FEAGA, du fait de sa masse budgétaire et de sa capacité d'orientation, peut constituer un levier efficace de verdissement de la PAC et de conversion des systèmes agricoles dans un sens plus respectueux de l'environnement. La Cour recommande ainsi de rechercher dans la négociation un mode d'allocation des aides orientant davantage les systèmes agricoles vers la performance environnementale. La détermination des paiements versés au titre des mesures environnementales devrait être davantage incitative et proportionnelle aux services environnementaux rendus par les agriculteurs et ainsi prendre en compte les efforts consentis et la valeur des bénéfices collectifs produits.
Les ministres de l'Économie et des Finances et de l'Action et des Comptes publics ont souscrit à cette dernière recommandation. Le ministre de l'Agriculture a pour sa part indiqué, je cite, que « la France défend une architecture environnementale consolidée et simplifiée, proche de la proposition de la Commission européenne organisée autour des composantes suivantes : une conditionnalité englobant les aides de verdissement, socle commun des pratiques pour tous les agriculteurs de l'Union européenne, un éco-schème obligatoire pour les États membres et facultatif pour les agriculteurs permettant de rémunérer sur le premier pilier les pratiques favorables à l'environnement, incitant les agriculteurs à s'engager sur la durée en faveur de pratiques favorables à l'environnement et au climat. » Je ne ferai pas de commentaire sur cette citation.
Je vous remercie pour votre exposé. Je sais que la Cour des comptes se penche principalement sur les enjeux nationaux mais, en l'espèce, a-t-elle pris en compte ce qui se passe dans les autres États-membres ?
La Cour des comptes n'a pas fait de comparaison européenne dans le cadre de ce travail.
J'ai pour ma part trois inquiétudes à l'énoncé des constats de la Cour des comptes. La première porte sur la partie économique car vous avez bien mis en évidence les effets différenciés des aides selon la taille des exploitations et la nature de leur activité. Ma deuxième inquiétude est sociale. Vous avez évoqué l'inégalité des revenus, voire le déficit de revenu que le FEAGA aurait dû compenser. Enfin, la dernière est la persistance des inégalités territoriales qui se sont peut-être même accentuées.
De ces trois inquiétudes découlent trois questions. J'ai bien noté que vous n'aviez pas fait de comparaisons européennes mais je voudrais savoir s'il est nécessaire de faire, en plus d'une évaluation nationale, une évaluation régionale. Que font, sur ce point, les autres États-membres ? Ma deuxième question porte sur l'efficacité de la dépense et la nécessité d'une réorientation du FEAGA vers de nouveaux objectifs. Enfin, je considère qu'il n'est pas possible de mettre en oeuvre une politique sans une évaluation préalable. Selon vous, quels indicateurs sont nécessaires afin de compléter le travail que vous avez fait ?
Votre rapport confirme ce que nous subodorions s'agissant de l'échec du verdissement, de la captation des aides par les grandes exploitations les moins vertueuses et de l'inégalité historique du montant des aides. J'ai pour ma part plusieurs questions : avez-vous rencontré le ministre pour lui présenter vos recommandations ? Avez-vous déjà eu un retour sur celles-ci ? Les organisations professionnelles, si elles ont pu lire votre rapport, ont-elles réagi ?
Pour vous faire sourire, je commencerai en disant que j'ai une appréciation « à géométrie variable » des travaux de la Cour des comptes, selon que vos conclusions traduisent les préoccupations qui animent mon action politique ! Je partage vos analyses et les critiques que vous formulez au sujet de l'absence d'évaluation des effets de ces aides sur la viabilité économique des exploitations agricoles. Je souscris tout à fait à vos propos lorsque vous soulignez, je vous cite : « Les aides n'apparaissent pas davantage corrélées avec une évolution positive de l'intensité d'emploi de main-d'oeuvre mais auraient plutôt contribué à une substitution du capital au travail. ».
Je me félicite de la qualité de vos travaux et j'espère que vous poursuivrez vos analyses sur la mise en oeuvre de la PAC par les autorités françaises. Il faudrait vraiment avoir des éléments objectifs démontrant que la France a délibérément choisi la complexité dans son application de la PAC. D'autres États européens ont fait des choix de gestion administrative très différents et les aides sont ainsi plus accessibles aux agriculteurs. Comment peut-on s'y retrouver lorsqu'on sait que plus de 2 000 logiciels existeraient en France pour gérer les aides de la PAC ?
Il faudrait aussi approfondir l'analyse du cheminement des mises en paiement des aides. De multiples acteurs administratifs interviennent avec une cascade de délégations depuis l'Agence de services et de paiement (ASP), qui est le principal organisme payeur français des aides agricoles européennes, en passant par les directions départementales dépendant du Ministère de l'Agriculture, mais les Régions interviennent aussi. Bref, les principaux intéressés ont beaucoup de mal à s'y retrouver et ce mille-feuille administratif contribue à rendre le système très opaque.
Je regrette que dans vos préconisations vous n'abordiez pas la question de l'emploi agricole. C'est dommage car c'est un sujet fondamental si on veut encourager une agriculture fondée sur de petites exploitations riches de leur main-d'oeuvre qualifiée.
Vous recommandez aussi d'améliorer l'évaluation des aides versées au titre du « verdissement », mises en oeuvre depuis les nouvelles modalités de la PAC décidées en 2015. Pouvez-vous nous préciser si la Cour des comptes a réfléchi à une méthode pour mesurer les effets sur l'environnement des nouveaux outils de la PAC. Lorsque j'ai abordé cette question avec l'INRA par exemple, les chercheurs rencontrés ont tous souligné la difficulté de mesurer l'impact sur l'environnement de nouvelles pratiques agricoles car les effets majeurs ne se mesurent pas à court terme et il faut pouvoir isoler les effets de plusieurs facteurs qui interagissent entre eux.
Je voudrais moi aussi évoquer la question de la gestion administrative de ces aides. Les petites exploitations agricoles ne disposent pas de l'expertise technique nécessaire pour monter des dossiers et accéder à ces aides. La complexité administrative est telle que de nombreux agriculteurs renoncent à faire valoir leurs droits et tout particulièrement, ceux qui en auraient le plus besoin. Certains crédits européens comme ceux destinés au développement rural, sont très peu utilisés et il est paradoxal de penser que la France devra rendre des crédits d'ici 2020, faute d'avoir pu accompagner les agriculteurs qui auraient pu en bénéficier, dans leurs démarches administratives.
Je tiens tout d'abord à remercier les parlementaires et tout particulièrement M. André Chassaigne qui s'est félicité, avec une pointe d'humour, de la qualité de nos travaux. Nous avons travaillé à plusieurs reprises sur la Politique agricole commune et nous poursuivrons nos investigations car l'enjeu de ces aides pour le dynamisme de notre agriculture est tout à fait central.
Concernant la complexité de la gestion des aides et le rôle de l'ASP, je vous invite à vous reporter au rapport publié en juin 2018, relatif à « La chaîne des paiements des aides agricoles » dans lequel la Cour des comptes analyse les causes des dysfonctionnements de la chaîne de paiement des aides qui s'expliquent en partie par l'imbrication des responsabilités entre l'ASP, le ministère de l'Agriculture et les Régions.
Concernant le rôle des Régions dans la gestion de ces aides, je vous indique que la Cour des comptes prépare un rapport à la demande de la Commission des finances de l'Assemblée nationale portant sur la décentralisation des fonds européens. Nous remettrons ce rapport au printemps 2019 et nous ferons une large part à la gestion des crédits du FEAGA en abordant la question de la multiplicité des logiciels de gestion de ces aides agricoles.
Pour répondre à la question de M. Christophe Jerretie sur les modalités de l'évaluation, dans les autres pays européens, je peux vous préciser qu'en Allemagne, les aides agricoles sont gérées par les länder et que l'évaluation se fait aussi au niveau régional. La Commission européenne a publié un document en décembre 2018, dressant le bilan de l'utilisation des fonds du FEAGA, mais les données ne sont pas ventilées par États et l'évaluation économique des effets de ces aides sur les exploitations agricoles est assez sommaire. Suite à la publication des travaux de la Cour des comptes, le ministère de l'Agriculture français a lancé un appel à projet pour mener justement ce travail d'évaluation des effets des aides du FEAGA sur l'évolution des revenus des agriculteurs. Ce travail devrait être mené en 2020 et d'après la rédaction du cahier des charges qui vient d'être publié, ce travail de recherche pourrait être très intéressant. Ce travail d'évaluation est conforme à l'une de nos recommandations. Toutefois, il aurait été en effet intéressant de disposer d'une évaluation des effets des aides sur les revenus des agriculteurs en vue de la négociation de la prochaine PAC avant 2020.
Je ne suis pas en mesure d'apporter une réponse éclairée à la seconde question de M. Jerretie sur la nécessité de rééquilibrer ou modifier en profondeur le FEAGA, la Cour des comptes n'ayant pas mené de travaux approfondis sur ce sujet.
En réponse à M. Pueyo, si la Cour des comptes n'a pas rencontré le ministre de l'agriculture en personne, ses différents moyens d'investigations lui ont toutefois permis d'échanger avec les services du ministère, à l'instar des réponses apportées par les ministres de l'Agriculture et les ministres de l'Économie, des finances et des comptes publics au référé adressé en octobre 2018. Comme je l'indiquais dans mon propos liminaire, nous constatons des points d'accord entre les ministères et nos recommandations sur un certain nombre de sujets. J'ai ainsi mentionné le travail d'évaluation que va mener le ministère de l'Agriculture. Mais nous constatons aussi des points de divergence, avec, par exemple, une certaine timidité sur le volet environnemental ou encore sur la convergence des « paiements de base ».
S'agissant des organisations professionnelles, nous n'avons pas procédé à leur consultation. Toutefois, après la publication du référé, sollicités par l'organisation agricole « Jeunes Agriculteurs » pour une présentation de nos travaux, nous avons répondu favorablement et nous les rencontrerons ce jeudi 21 février après-midi.
Concernant la question de M. Chassaigne relative à l'impact sur l'emploi des aides du FEAGA (Fonds européen agricole de garantie) depuis 2015, le dispositif intitulé « paiement redistributif supplémentaire pour les 52 premiers hectares » vise à soutenir davantage l'emploi en ciblant prioritairement les petites exploitations. Ce dispositif, qui représentait 5 % des dépenses du premier pilier de la PAC en 2015, devait augmenter de 5 % par an jusqu'en 2019, mais il a été gelé en 2016 à 10 %. Son montant est aujourd'hui légèrement inférieur à 50 euros par hectare. Cette mesure n'a pas encore fait l'objet d'une évaluation. Elle était trop récente pour que la Cour des comptes puisse l'étudier dans le cadre des présents travaux. Le dispositif cible les petites exploitations en faisant l'hypothèse que celles-ci seraient plus favorables à l'emploi. Des études seraient nécessaires pour le confirmer. D'autres dispositions nationales ne relevant pas de la PAC entendent favoriser l'emploi. Il s'agit de l'exonération de charges patronales pour l'emploi de travailleurs saisonnier dont le coût pour l'État serait de l'ordre de 470 à 500 millions d'euros par an.
Je conviens volontiers qu'il est difficile d'apprécier l'impact environnemental et d'identifier des indicateurs pertinents. Si l'une de nos recommandations met l'accent sur la nécessité d'apprécier cet impact et d'adopter des mesures « efficaces » en faveur de pratiques favorables à l'environnement, nous n'avons cependant pas défini d'indicateur spécifique à ce sujet.
S'agissant de la question de M. Straumann relative à la gestion administrative des aides, je pense y avoir répondu à travers les éléments relatifs aux travaux que nous avons conduits sur l'Agence de services et de paiement (ASP). Nous avons effectivement souligné la complexité de cette gestion administrative et notamment la lourdeur pour les petites exploitations. En effet, nous constatons que ces petites exploitations sont celles qui bénéficient le moins des aides. Face à la complexité des démarches, les petits exploitants peuvent néanmoins se tourner vers les chambres d'agricultures, les organismes de gestion et le site internet « TELEPAC ». Celui-ci semble désormais être bien utilisé par les agriculteurs.
Je souhaitais revenir sur les outils de suivi et d'évaluation des aides directes du FEAGA, dont les manquements sont soulignés dans votre rapport. Ces outils de suivi et d'évaluation sont jugés très insuffisants et trop peu utilisés avec un premier bilan de la PAC 2015, publié en décembre 2018. Vous avez certes répondu à plusieurs de mes questions mais je demeure étonnée que le ministère de l'Agriculture française estime qu'une telle évaluation incombe à la Commission européenne. Cette attitude conduit à ne pas évaluer les effets au niveau national voire régional, nous privant d'informations cruciales pour poursuivre les négociations et garantir l'efficacité de la PAC pour l'agriculture française.
Étant donné que vous avez d'ores et déjà répondu à une partie des questions que je voulais vous soumettre, je me limiterai à des demandes de complément : l'évaluation des dépenses directes du FEAGA est-elle suffisante ? Le pilotage par objectif peut-il être effectué ? Dans son avis N°72018, la Cour des comptes européenne souhaite que la nouvelle PAC contienne davantage d'incitations à la performance. Comment considérez-vous cette recommandation ? Comment peut-on la mettre concrètement en oeuvre ?
Concernant le manque d'ambition environnementale de l'utilisation des fonds, le ministère de l'Agriculture semblait favorable à l'établissement d'un lien entre le versement des aides directes et le respect des exigences environnementales. Il semblerait cependant qu'il n'existe pas de position commune sur cette question au Conseil européen et que la présidence roumaine de l'Union européenne ait proposé de supprimer les exigences de conditionnalité de ces aides. Quelle est la position de la Cour des comptes à ce sujet ?
Je tiens tout d'abord à souligner, comme l'ensemble de mes collègues, la qualité de votre travail ainsi que de sa présentation. La lecture du référé révèle l'existence de nombre d'inquiétudes en matière d'évaluation. Pour ma part, je suis profondément préoccupé, je le dis très simplement, par la baisse des revenus des agriculteurs quelle que soit leur condition, à l'exception des 10 % signalés dans votre rapport. Je voudrais vous poser une question à ce sujet. Le déséquilibre s'est-il accru entre 2008 et 2015 ? Avez-vous déjà réalisé une simulation de ce qu'il pourrait advenir au-delà de 2015 ? Ensuite, j'ai le devoir de vous poser d'autres questions qui portent davantage sur le contexte, auxquelles vous ne pourrez peut-être d'ailleurs pas répondre. Nous savons que le budget général de l'Union européenne va augmenter. Pourtant, le Commissaire européen, Phil Hogan, a annoncé une baisse du budget alloué à la prochaine politique agricole commune pour 2021-2027, que nous combattons, avec mon collègue André Chassaigne. De nouveaux enjeux extrêmement importants en termes de maintien de la population agricole en Europe doivent être pris en compte. Nous devons lutter pour disposer d'une souveraineté alimentaire. Nos concitoyens sont attachés à l'amélioration de la qualité de la production et expriment davantage d'exigences au sujet des conditions agro-environnementales.
Au cours de nos déplacements en Europe avec André Chassaigne, nous avons perçu la remise en cause de la politique agricole commune par certains États membres, à tel point que l'on peut s'interroger sur le fait de savoir si celle-ci a encore un avenir au sein de l'Union européenne. Telle est également la question que je vous pose eu égard au travail que vous avez effectué.
Je voulais m'associer à mes collègues pour féliciter la juridiction, de la qualité de ce travail qui effectivement est très précieux, sans aucun doute pour le Gouvernement mais aussi pour le Parlement. Vous avez très bien démontré toutes les imperfections du système, sa faible efficacité économique, les aléas sociaux, les inégalités sociales qu'il génère. À la lecture de votre analyse, je suis cependant troublé par la racine profonde du mal. Si l'on comprend aisément les défauts de contrôle et les imperfections des filières administratives, le chiffre fondamental de 82 % du résultat net de la branche agricole formé de concours publics, ne peut manquer de nous interpeller. Ce taux est considérable et vous en signalez d'ailleurs le caractère exceptionnel. Face à un tel taux, et je suis bien conscient que je vais faire bondir sur sa chaise le président Chassaigne, la réaction logique serait de dire : « On ne peut plus payer, il faut libéraliser tout ça ! ». Il s'agit du reste de la réaction d'un certain nombre d'États membres et d'acteurs estimant qu'un tel montant de concours publics est tout à fait abusif.
Au-delà de votre rapport, nous nous interrogeons sur le principe de répartition. Jusqu'à il y a un quart de siècle, jusqu'à la réforme « Mac Sharry », la politique agricole commune (PAC) trouvait son équilibre dans une politique de prix élevés combinés avec des contrôles quantitatifs pour éviter les surproductions. Ces contrôles quantitatifs pouvaient prendre la forme de jachères, qui d'ailleurs étaient honnies, ou de quotas laitiers qui, après avoir été honnis ont été bénis. Cette logique a été abandonnée depuis 25 ans, la politique agricole commune ayant alors recherché, dans le but d'éviter les surproductions, une dissociation entre les volumes produits et les garanties apportées aux revenus.
Depuis cette période, l'inspiration de la PAC semble errer entre plusieurs principes. Votre rapport ne me semble pas aborder ces différents principes qui ont pu ainsi y prévaloir successivement. Ont été ainsi tout d'abord mises en oeuvre les aides à la personne qui présentent un avantage d'égalité sociale évident mais également de gros inconvénients avec la multiplication des structures, la parcellisation, la limitation de la productivité, ce qui au total concourt à la précarité du monde agricole. Ensuite a été expérimentée l'aide à la production qui produit des effets très inégalitaires, celui qui produit le plus, gagne beaucoup au détriment des autres et crée des surplus. Puis est venu le temps de l'aide à l'hectare, neutre sur le plan de la production, mais très inégalitaire du point de vue social. Enfin, est mise en oeuvre l'aide à la vertu pour encourager des comportements sur le plan économique et environnemental. Ce système expose néanmoins de manière inévitable les agriculteurs à une montagne de formalités bureaucratiques. En définitive, ces différents systèmes présentent tous des imperfections, du point de vue social, économique ou administratif. Et s'il n'appartient pas bien évidemment à la juridiction de se substituer au législateur national ou européen, l'analyse de la Cour des Comptes pourrait peut-être s'attacher à mettre en lumière les effets pervers des différents systèmes d'aides et essayer de définir, au-delà des questions de gestion et de contrôle que vous abordez, ce qui pourrait constituer la combinaison des aides la plus optimale.
Je souhaite tout d'abord m'associer aux compliments précédents pour la qualité de votre travail et féliciter la Cour des comptes de s'être saisie de ce sujet. Je signale qu'il existe un autre fonds, le fonds de l'Union européenne consacré aux affaires maritimes et à la pêche (FEAMP), d'ampleur certes moindre que celle du FEAGA, mais dont les crédits semblent sous-utilisés en France alors même que le secteur concerné mériterait d'être soutenu. La Cour des comptes envisage-t-elle d'examiner l'allocation des aides distribuées par ce fonds sur lesquelles l'on pourrait sans doute s'interroger ? Deuxièmement, je souhaiterais savoir quelles sont les convergences entre la Cour des comptes et la Cour des comptes européenne dont les analyses ont été mentionnées à plusieurs reprises. Troisièmement, n'y a-t-il pas une contradiction, une difficulté à résoudre entre les propos qui nous reviennent constamment, à savoir que les petits agriculteurs, écrasés par la paperasse, consacrent davantage de temps à remplir des formulaires qu'à leur travail principal, selon la formule « l'ordinateur au lieu du tracteur » et les nécessités d'un suivi et d'une évaluation plus précise ? Enfin, bien que vous ayez indiqué ne pas avoir effectué de comparaison avec les autres États membres, ne serait-il pas pertinent de disposer d'une analyse de la manière dont les fonds sont utilisés dans les autres pays agricoles, peut-être en liaison avec la Cour des Comptes européenne que j'ai évoquée précédemment ? Quelle analyse faites-vous de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable et accessible à tous (EGALIM), récemment adoptée par le Parlement, et de son impact sur ces questions ?
Je souhaiterais reprendre la parole concernant deux points qui n'ont pas été abordés : le premier, en liaison avec les propos de M. Bourlanges, concerne la question du soutien au prix et les effets du FEAGA. Un effet particulier est-il observé à cet égard ? Le second porte sur le prix du foncier : une forte pression étant constatée, à l'heure actuelle, sur le marché foncier rural, considérez-vous que les aides au titre du FEAGA ont un effet sur le prix du foncier ?
Il est plus délicat de répondre à certaines de ces questions qui, relevant davantage de l'opportunité, n'entrent pas nécessairement dans les compétences de la Cour des Comptes. Je pense en particulier à la question de M. Freschi sur les évolutions futures de la PAC, avec la diminution des montants alloués, les idées susceptibles d'émerger du fait que certains États membres pourraient souhaiter remettre en cause la PAC et notamment celles en faveur d'une renationalisation des aides… De même, au risque de vous décevoir, notre étude s'étant arrêtée à l'année 2015, je ne suis pas en mesure d'extrapoler les données sur l'évolution des déséquilibres que nous avons constatés, s'agissant des revenus des agriculteurs.
Je retiens la suggestion de M. Bourlanges, en vue d'approfondir l'analyse de la PAC, dans une perspective systémique et historique. Comme je l'ai indiqué en préambule, dans le passé, la Cour des Comptes a principalement travaillé sur la gestion des aides et la présente étude constitue sa première analyse des effets des aides sur l'économie agricole. Nous avons conscience qu'il s'agit d'une matière qu'il convient d'approfondir : ce sont donc des pistes à exploiter dans nos prochains programmes de travail.
En réponse à M. Quentin, nous allons nous pencher bien évidemment sur les aides allouées par le FEAMP. S'agissant de l'existence de convergences entre les analyses de la Cour européenne des comptes et les nôtres, sachez que nous partageons les critiques relatives au manque de ciblage des aides, à l'insuffisante évaluation, à l'absence de pilotage par objectif, aux effets très limités sur l'environnement du paiement vert – la Cour des comptes européenne ayant indiqué que ce dernier apparaît comme inutile. Concernant la loi EGALIM, ce texte s'attaque au problème de la répartition de la valeur. L'enjeu des prix est important, les aides permettant en théorie de pratiquer des prix bas. Mais certaines études montrent que, dans le cas de l'élevage bovin, les aides n'ont pas bénéficié en majorité aux agriculteurs. En ce qui concerne les prix du foncier, comme je l'ai indiqué, nos travaux se sont fondés sur des études universitaires. Le monde académique considère qu'il y a eu un effet inflationniste sur le prix du foncier, limité sur celui de l'acquisition, plus marqué s'agissant des fermages.
En matière d'incitation à la performance, cette orientation qui semble vertueuse est en réalité très lourde à mettre en oeuvre car il convient au préalable de définir des indicateurs puis de les renseigner. Enfin, je ne suis pas en mesure de me prononcer sur la conditionnalité des aides, la Cour n'ayant pas examiné ce sujet qui soulève un problème d'opportunité. Je pense avoir répondu à vos questions dans la mesure des investigations de la Cour et du positionnement de la juridiction.
Merci, madame la Présidente. Votre rapport montre à quel point les outils d'évaluation sont nécessaires pour apprécier avec précision l'impact des aides sur le revenu des agriculteurs. Cela dit, au vu des 33 000 exploitations agricoles qui perçoivent des aides directes inférieures à 128 euros à l'hectare, un premier diagnostic s'impose : une aide de ce niveau ne permet guère que de survivre. Certaines exploitations s'appuient-elles sur un modèle économique qui leur permet de fonctionner au-delà de la survie ? Nous allons vous revoir sans doute sur ces sujets.
II. Communication de M. Damien Pichereau, référent de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, sur les projets de règlement dans le domaine des transports en cas d'une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne sans accord
La commission des Affaires européennes a été saisie, au titre de l'article 88-4 de la Constitution, de plusieurs textes concernant tant la sécurité que la connectivité en matière de transport en cas de retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne sans accord.
À cinq semaines de la date prévue pour le Brexit, alors que la Première ministre Theresa May a été fragilisée la semaine dernière par un deuxième vote négatif à la Chambre des communes, il m'a semblé d'intérêt pour notre commission de faire une communication, en ma qualité de référent, afin de vous donner un aperçu des mesures d'urgence européenne qu'impliquerait en matière de transports un « Brexit dur ».
Premier point de mon propos, trois textes qui concernent certains aspects de la sécurité en matière de transports, et qui ont été publiés au Journal officiel de l'Union européenne ou vont l'être rapidement. La Commission européenne a fait ses premières propositions dès juin dernier, pour traiter des sujets liés à l'homologation et à la certification des produits ou des moyens de transport effectuées par le Royaume-Uni.
Avec un Brexit sans accord de transition, la commercialisation des produits concernés ou l'utilisation des moyens de transport devient en effet généralement impossible du jour au lendemain faute d'avoir été homologués ou certifiés – selon les cas – par l'un des 27 États membres restants.
Le premier texte déposé en juin avait pour objectif d'éviter que le Brexit ne provoque une difficulté dans le fonctionnement du marché automobile. En effet, les constructeurs automobiles peuvent s'adresser à l'État membre de leur choix pour faire homologuer leurs produits. Une fois l'homologation accordée, le droit en vigueur interdit d'adresser la même demande à un autre État membre. Un industriel dont certains produits auraient été homologués au Royaume-Uni se trouve donc dans l'impossibilité de solliciter un autre État membre en vue d'une nouvelle homologation de ces mêmes produits avant le Brexit. La Commission européenne a proposé en conséquence une dérogation permettant aux industriels concernés de solliciter un des 27 États membres afin d'obtenir une nouvelle homologation, les règles en vigueur restant applicables pour toutes les homologations délivrées par un État membre autre que le Royaume-Uni.
Le deuxième texte, déposé en août, concernait un effet indésirable similaire pour le transport maritime. En effet, le règlement 3912009 prévoit des « organismes agréés » pour l'inspection, la visite et la certification des navires au sein de l'Union. Chaque organisme est agréé à l'initiative d'un État membre, son activité ultérieure au service d'autres États membres supposant une habilitation par ces derniers. Ces organismes doivent être évalués au minimum tous les deux ans par la Commission, conjointement avec l'État membre qui a soumis la demande initiale d'agrément de l'organisme. Une fois le Royaume-Uni devenu État tiers, les organismes agréés à l'initiative de Londres ne pourraient alors plus être évalués, alors même qu'ils exerceraient leur activité à la satisfaction d'au moins un autre État membre. Pour éviter cet inconvénient, la Commission européenne a proposé d'autoriser que tout État membre ayant habilité l'organisme concerné puisse participer à l'évaluation. Cette modification technique conforte la pérennité d'organismes de certification, ainsi que l'attractivité des pavillons européens.
Troisième texte, la proposition de règlement sur la sécurité aérienne entre le Royaume-Uni et l'Union européenne proroge transitoirement la validité de certificats de certains produits, pièces, équipements ainsi que de formations des personnels et équipages respectivement conçus ou reçues au Royaume-Uni en dépit du retrait de ce dernier de l'Union européenne et donc de sa sortie de l'Agence de l'Union européenne pour la sécurité aérienne. La perte de validité des certificats affecte l'utilisation effective des produits, pièces et équipements aéronautiques dans l'Union, par exemple lors de leur installation sur un aéronef de l'Union opérant dans celle-ci. Cette proposition permet donc d'éviter de pénaliser les entreprises européennes dans un secteur où l'industrie britannique, notamment pour la sous-traitance, est fortement imbriquée dans la chaîne de production des autres États membres. Afin que les industriels et les travailleurs du secteur aérien puissent anticiper le plus tôt possible sur les conditions de poursuite de leur activité à partir du 30 mars pendant cette période transitoire de neuf mois, le processus d'adoption de cette proposition déposée juste avant Noël doit être rapidement mené à son terme. Pour la suite, l'Union européenne devra conclure un accord bilatéral de sécurité aérienne comme elle le fait avec les autres pays tiers.
Ces trois textes ont été accueillis favorablement au Conseil comme au Parlement européen et adoptés sans difficultés ni modifications majeures. Ainsi, pour le texte sur le secteur aérien, déposé le 19 décembre, le Conseil a adopté sa position de négociation le 1er février, le Parlement européen la sienne le 13 février et les trilogues ont abouti dans la foulée, le compromis final ayant été examiné hier en Coreper. C'est pourquoi il est dans la liste des textes qu'il vous est proposé d'acter à la fin de notre réunion, les deux premiers l'ayant été au printemps et à l'automne dernier, au moment de leur dépôt.
Nous avons ensuite un deuxième cas de figure, avec deux textes qui concernent la continuité des services de transports aériens et routiers de marchandises, également déposés par la Commission européenne le 19 décembre 2018, et qui sont aussi dans la liste. J'évoquerai aussi un troisième texte sur la sécurité et la connectivité du transport ferroviaire, reçu entre-temps.
Ces textes appellent deux remarques.
La première porte sur la compétence de la Commission européenne à proposer ce type de mesures par un règlement, alors qu'elles relèvent normalement pour le transport aérien de négociations bilatérales ou bien d'une compétence partagée avec l'attribution par le Conseil d'un mandat de négociation à la Commission européenne. Le risque est donc de créer un précédent, une sorte « d'effet cliquet » conférant à l'avenir une compétence exclusive à la Commission européenne dans ces domaines, et nombre d'États membres ont exprimé une préoccupation à ce sujet.
Si cette préoccupation est légitime, les circonstances sont « extraordinaires », au sens strict du terme, et on ne peut pas l'ignorer. Les délais qui restent pour nous préparer sont à ce stade très courts et sont incompatibles avec toute négociation classique que ce soit. Il s'agit d'un cas de figure – le départ d'un État membre – dont on peut espérer qu'il demeure unique. Les perturbations seraient majeures pour les opérateurs des autres États membres restants et il convient de les protéger. Les dispositifs proposés ont une durée limitée à 9 mois, jusqu'au 31 décembre 2019.
En bref, nous n'avons guère le choix mais il doit être très clair dans l'esprit de tous, et en premier lieu, de la Commission européenne, qu'il s'agit d'une exception qui a vocation à le demeurer, limitée strictement dans le temps, ces dispositions devant être remplacées par des dispositions négociées.
Tant au Conseil qu'au Parlement, des assurances en ce sens ont été ajoutées dans les propositions de règlement, sous la forme essentiellement de considérants, pour bien encadrer cette initiative. Mais il nous faudra être vigilant, pour l'avenir. J'en veux pour preuve un autre texte dans la liste qui vous est soumise aujourd'hui, la proposition de décision du Conseil relative à l'élection du Secrétaire général de l'Organisation intergouvernementale pour les transports : la Commission y propose, de manière tout à fait inhabituelle, des critères de sélection d'un candidat à un poste de responsabilité d'une organisation internationale pour s'assurer de la compatibilité du profil du candidat avec les intérêts de l'Union. L'opposition des États membres étant unanime, et ladite élection étant prévue à la fin du mois, ce texte n'est pas voué à prospérer, c'est pourquoi il vous est proposé dans la liste des textes à acter. Mais il illustre bien ce devoir de vigilance, c'est pourquoi j'ai choisi de l'évoquer.
J'en viens maintenant au contenu de ces propositions, qui visent, je vous le rappelle, le cas de l'absence d'accord, avec donc deux principes qui guident l'action de la Commission et des États membres : garantir la sécurité juridique au mieux pour chacun et tirer toutes les conséquences du choix du Royaume-Uni de sortir de l'Union européenne. Les mesures de contingence ne peuvent donc pas avoir pour objectif de préserver le statu quo. La Commission a choisi de faire des propositions qui limitent notablement l'accès des opérateurs en matière de transport routier et aérien, ce qui est cohérent avec cette idée de faire en sorte que la situation soit moins favorable pour le Royaume-Uni une fois sorti de l'Union.
Tout d'abord, les restrictions d'accès au marché européen aérien imposées aux transporteurs britanniques s'appliqueront par réciprocité aux transporteurs européens. Or la proposition initiale est contraire aux intérêts du transport aérien et à la connectivité de l'Union en général et de la France en particulier. Ensuite, les restrictions d'accès au marché européen routier de marchandises imposées aux transporteurs britanniques entraînent des conséquences économiques et environnementales excessives et posent un problème d'ordre public, en particulier pour la France. La Commission n'a pas pris en compte les services de transport routier international de passagers, semblant ainsi privilégier les transports aériens sur les transports terrestres, qui s'adressent à des catégories de passagers distinctes, et ce n'est pas acceptable d'un point de vue social.
Autre exemple de cette position très dure de la Commission européenne, le texte sur la connectivité et la sécurité dans les transports ferroviaires : elle prolonge la validité des certificats de sécurité en cours de renouvellement du gestionnaire d'infrastructure et concessionnaire Eurotunnel, mais elle ne la prolonge que pour trois mois.
S'agissant du transport aérien, la proposition de la Commission est très restrictive. Elle limite les opérations des transporteurs aériens britanniques, et donc par ricochet, celles des transporteurs européens, et elle ne prévoit pas de disposition temporaire pour permettre à ces derniers de poursuivre l'adaptation de leur structure capitalistique. Ce dispositif risque de désorganiser les réseaux de fret express, pénalisant ainsi les entreprises européennes dépendant de cette activité. Il va porter préjudice à l'une de nos dessertes domestiques, la liaison de service public Paris‐Rodez étant aujourd'hui exploitée par une compagnie britannique, en cabotage. Les services entre le territoire britannique et le territoire de l'Union sont plafonnés par État membre, au nombre de fréquences exploitées par ces transporteurs lors des deux dernières saisons. Ce gel crée une incertitude sur les services qui pourront effectivement être assurés au-delà du 29 mars 2019, alors que des billets ont déjà été vendus, entraînant potentiellement des désagréments pour les passagers concernés. Il va nécessiter des procédures complexes de gestion des droits qui ne pourront pas être mises en oeuvre dans le respect de la réglementation européenne, d'ici fin mars. Enfin, ce gel va brider tout développement des services, y compris pour les transporteurs européens, à qui par réciprocité ce frein sera appliqué.
Les opérations en partage de codes et la possibilité de louer des appareils avec ou sans équipage sont exclues. Or l'absence de ces flexibilités commerciale et opérationnelle nuirait gravement aux opérations des transporteurs européens, puisque par réciprocité, ces interdictions s'imposeront à eux. Enfin, aucune disposition temporaire n'est prévue pour permettre aux transporteurs des 27 États membres de poursuivre l'adaptation de leur structure capitalistique afin d'être en complète conformité avec les règles européennes sur la propriété et le contrôle. Plusieurs transporteurs sont concernés, dont les principales compagnies espagnoles qui font partie du groupe IAG, et plusieurs transporteurs français.
Le 13 février dernier le Parlement européen a adopté une position de négociation qui répond pour partie à ces inquiétudes, à l'exception de celles relatives aux libertés et à la location d'aéronef et d'équipage. Il intègre par contre l'application du droit des passagers aux conditions de concurrence, compte tenu de son impact financier notable pour les transporteurs aériens. Le Conseil, pour sa part, a le 15 février pris en compte non seulement cette question de la location d'aéronef et d'équipage, mais aussi celle des liaisons de service public, en donnant le droit aux transporteurs aériens de continuer à assurer des vols répondant aux obligations de service public jusqu'au 26 octobre 2019, afin de laisser aux opérateurs le temps de s'adapter au nouvel environnement. Dès le premier trilogue, avant-hier, un accord politique provisoire a été obtenu, le Parlement européen acceptant l'ensemble des demandes du Conseil, à l'exception de la question des limites temporelles des dérogations.
S'agissant du transport routier de marchandises, la proposition de la Commission autoriserait, pour les entreprises établies au Royaume‐Uni, les seules opérations de transport international de marchandises en charge, allant d'un État membre ou un État tiers vers le Royaume‐Uni. Dans le sens inverse, seuls les voyages à vide seraient autorisés. Une telle proposition, qui implique un camion supplémentaire là où le camion rentrant à vide aurait pu prendre le chargement, aura des conséquences négatives sur trois plans. Économique d'abord, pour les donneurs d'ordre et les transporteurs mais aussi pour les ports, qui verront la file de camions s'allonger. Environnemental ensuite, avec des effets importants sur la qualité de l'air, la consommation d'énergie et les émissions de CO2. Sécuritaire enfin, puisque cela augmentera les risques d'intrusion dans les remorques, et cela est particulièrement sensible dans la zone de Calais.
Sous réserve de réciprocité, et dès lors qu'elles respectent l'acquis communautaire, il est indispensable que les entreprises britanniques puissent réaliser des opérations en charge dans les deux sens, dans un dispositif transitoire en sifflet qui permettra aussi de mieux gérer la situation née de la montée en puissance des dispositifs de contrôle des poids lourds dans les ports. Les opérations de cabotage, dans les mêmes conditions de respect de l'acquis communautaires, doivent demeurer possibles, compte tenu de l'importance des opérations de cabotage réalisées au Royaume‐Uni par les entreprises de l'Union à 27.
L'ordonnance du 6 février 2019 relative au Brexit en matière de transport routier permet, temporairement, et sous réserve de réciprocité, aux personnes établies au Royaume-Uni de réaliser des opérations de transport routier de marchandises ou de personnes sur le territoire national à la fois pour les opérations bilatérales, le transit ainsi que le cabotage. Or ces dispositions ne seront applicables que dans l'hypothèse où l'Union européenne ne trouverait pas un accord à son niveau sur le projet de règlement européen. Il est donc essentiel pour la France que ce projet de règlement européen ne reste pas en l'état.
Le Conseil comme le Parlement ont autorisé, respectivement les 13 et 15 février, ces opérations additionnelles de fret, mais avec des modalités différentes, et le premier trilogue, lundi, ne leur a pas permis de trouver une position commune. La négociation interinstitutionnelle se poursuit ce matin même.
Enfin, s'agissant de la liaison fixe trans-Manche, son statut très particulier entraîne une action conjointe et quasi simultanée de la Commission, avec ce projet de règlement déposé le 12 février, et du Gouvernement, avec une ordonnance publiée le 13 février dernier.
La liaison fixe trans-Manche est une infrastructure binationale dont les autorités françaises et britanniques ont confié, en 1986, par une concession, la construction et l'exploitation à la société Eurotunnel. Le traité de Cantorbéry a institué une commission intergouvernementale, la CIG, chargée de suivre, au nom des deux gouvernements et par délégation de ceux-ci, l'ensemble des questions liées à la construction et à l'exploitation de la liaison fixe trans-Manche. En application du droit européen relatif à la sécurité et à l'interopérabilité ferroviaire, les deux États ont désigné la CIG pour assurer le rôle d'autorité binationale de sécurité sur l'ensemble de la liaison fixe. Après le Brexit, la CIG n'étant plus désignée par deux États membres, elle ne pourra plus exercer les compétences dévolues par le droit européen à une autorité nationale de sécurité. Par conséquent, l'ordonnance confie, pour ce qui concerne la France, à l'établissement public de sécurité ferroviaire, qui exerce déjà ces missions sur le réseau ferré national, les missions d'autorité nationale de sécurité pour la liaison trans-Manche. Néanmoins, se pose la question des certificats de sécurité, qui par le fait du calendrier, sont en cours de renouvellement avant leur expiration prévue le 5 avril 2019. C'est l'objet de la proposition de règlement publié le 12 février, qui fige la validité des certificats, quand bien même l'autorité les ayant délivrés n'existe plus du fait du Brexit, afin de laisser le temps à Eurotunnel de procéder aux formalités nécessaires. Or la Commission ne propose que trois mois d'extension alors qu'elle propose un délai de 9 mois pour les autres modes de transports. Il est donc clair à mes yeux que ce point ne peut pas rester en l'état.
Pour conclure, je vous signale que l'accord politique Conseil-Parlement européen sur l'impact du Brexit sur le Mécanisme pour l'interconnexion en Europe 2014-2020 et la liaison avec l'Irlande, qui a été trouvé le 7 février et validé en Coreper hier, répond aux préoccupations exprimées dans la résolution sur les corridors maritimes que notre commission avait adoptée le 6 décembre dernier et qui est devenue résolution de l'Assemblée nationale le 31 janvier 2019.
La demande d'inclure les ports du réseau global, portée par le Parlement européen en dépit de la manifeste impossibilité juridique de le faire, n'a pas été retenue, mais comme nous l'avions demandé, les corridors ont été redessinés pour inclure les ports français du réseau central, la révision du RTE-T va être accélérée et les ports du réseau global pourront bénéficier de fonds pour la sécurité et les contrôles aux frontières, à défaut d'un fonds global d'urgence « Brexit ».
Madame la Présidente, l'impératif d'urgence – qui se traduit aujourd'hui par des délais d'examen contraints tant au Conseil qu'au Parlement européen –, limite notre capacité à agir efficacement avec les outils liés à la veille législative dans ces circonstances très particulières, ces textes étant d'ores et déjà adoptés ou en voie très proche de l'être. Soit en raison de cette contrainte temporelle, soit compte tenu de leur nature purement technique, les textes ont été actés ou vous sont donc proposés à acter. Mais le groupe de travail sur le suivi de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, décidé hier par le Bureau de notre Commission, devra être notre « vigie » dans les mois qui viennent. Je vous remercie.
III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application des articles 88-4 et 88-6 de la Constitution
Sur proposition de M. Damien Pichereau, référent de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, la commission a pris acte des textes suivants :
Transports
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à des règles communes garantissant une connectivité de base du transport aérien eu égard au retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union (COM(2018) 893 final - E 13732).
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant certains aspects de la sécurité aérienne eu égard au retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union (COM(2018) 894 final - E 13733).
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à des règles communes garantissant une connectivité de base du transport routier de marchandises eu égard au retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne (COM(2018) 895 final - E 13734).
Sur le rapport de la Présidente Sabine Thillaye, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.
l Textes actés
Aucune observation n'ayant été formulée, la Commission a pris acte des textes suivants :
Environnement dont santé environnementale
- Proposition de décision du Conseil relative à la position à prendre, au nom de l'Union européenne, lors de la neuvième réunion de la conférence des parties à la convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants, en ce qui concerne les propositions de modification des annexes A et B (COM(2019) 52 final - E 13803).
- Proposition de décision du Conseil relative à la position à prendre, au nom de l'Union européenne, lors de la conférence des parties concernant les amendements à l'annexe III de la convention de Rotterdam sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l'objet d'un commerce international (COM(2019) 54 final - E 13804).
Espace de liberté de sécurité et de justice
- Proposition de décision d'exécution du Conseil arrêtant une recommandation pour remédier aux manquements constatés lors de l'évaluation pour 2018 de l'application, par la République de Lettonie, de l'acquis de Schengen dans le domaine de la coopération policière (COM(2019) 30 final LIMITE - E 13790).
- Proposition de décision d'exécution du Conseil arrêtant une recommandation pour remédier aux manquements constatés lors de l'évaluation de 2018 de l'application, par la Suisse, de l'acquis de Schengen dans le domaine de la protection des données (COM(2019) 20 final LIMITE - E 13800).
- Proposition de décision d'exécution du Conseil arrêtant une recommandation pour remédier aux manquements constatés lors de l'évaluation de 2017 de l'application, par l'Espagne, de l'acquis de Schengen dans le domaine de la protection des données (COM(2019) 28 final LIMITE - E 13801).
Transports
- Proposition de décision du Conseil relative à la position à prendre au nom de l'Union européenne lors de la 14e session de l'Assemblée générale de l'Organisation intergouvernementale pour les transports internationaux ferroviaires (OTIF) en ce qui concerne l'élection du Secrétaire général de l'OTIF pour la période du 8 avril 2019 au 31 décembre 2021 (COM(2019) 56 final LIMITE - E 13796).
l Textes actés de manière tacite
La Commission, a pris acte tacitement des documents suivants :
Institutions
- Décision du Conseil portant nomination de deux membres du Comité économique et social européen, proposé par le Royaume de Danemark (608919 - E 13809).
- Décision du Conseil portant nomination de membres titulaires et suppléants du comité consultatif pour la libre circulation des travailleurs pour la Grèce (558719 - E 13825).
- Décision du Conseil portant prorogation du mandat du président d'une chambre de recours de l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (563119 - E 13826).
- La Commission a également pris acte de la levée tacite de la réserve parlementaire, du fait du calendrier des travaux du Conseil, pour les textes suivants :
Espace de liberté de sécurité et de justice
- Proposition de décision du Conseil concernant la notification par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de son souhait de ne plus participer à certaines des dispositions de l'acquis de Schengen qui figurent dans le règlement (CE) n° 3772004 du Conseil du 19 février 2004 relatif à la création d'un réseau d'officiers de liaison « Immigration » (COM(2019) 23 final - E 13789).
- Proposition de décision d'exécution du Conseil arrêtant une recommandation pour remédier aux manquements constatés lors de l'évaluation de 2018 de l'application, par la Finlande, de l'acquis de Schengen dans le domaine de la protection des données (COM(2019) 29 final LIMITE - E 13813).
Marché intérieur, biens et services
- Règlement (UE) de la Commission modifiant l'annexe VI du règlement (CE) nº 12232009 du Parlement européen et du Conseil relatif aux produits cosmétiques (D059589-01 - E 13745).
- Règlement (UE) de la Commission modifiant les annexes III et V du règlement (CE) nº 12232009 du Parlement européen et du Conseil relatif aux produits cosmétiques (D059590-01 - E 13756).
- Proposition de décision du Conseil relative à la position à prendre au nom de l'Union européenne au sein du comité des marchés publics en ce qui concerne l'accession du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord à l'accord sur les marchés publics dans le cadre de son retrait de l'Union européenne (COM(2019) 46 final LIMITE - E 13794).
Politique agricole commune
- Règlement (UE) de la Commission modifiant l'annexe III du règlement (CE) nº 19252006 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le yohimbe [Pausinystalia yohimbe (K. Schum.) Pierre ex Beille] (D05979002 - E 13737).
- Règlement (UE) de la Commission refusant d'autoriser une allégation de santé portant sur des denrées alimentaires et faisant référence au développement et à la santé des enfants (D05979202 - E 13738).
- Règlement (UE) de la Commission modifiant l'annexe III du règlement (CE) nº 19252006 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les acides gras trans, autres que ceux naturellement présents dans les graisses d'origine animale (D05992502 - E 13739).
- Règlement (UE) de la Commission modifiant les annexes II et III du règlement (CE) nº 3962005 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les limites maximales applicables aux résidus d'azoxystrobine, de bicyclopyrone, de chlorméquat, de cyprodinil, de difénoconazole, de fenpropimorphe, de fenpyroximate, de fluopyrame, de fosétyl, d'isoprothiolane, d'isopyrazam, d'oxamyl, de prothioconazole, de spinétoram, de trifloxystrobine et de triflumézopyrim présents dans ou sur certains produits (D05975502 - E 13757).
- Règlement (UE) de la Commission modifiant les annexes II, III et IV du règlement (CE) nº 3962005 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les limites maximales applicables aux résidus de clothianidine, de cycloxydim, d'époxiconazole, de flonicamide, d'haloxyfop, de mandestrobine, de mépiquat, de Metschnikowia fructicola, souche NRRL Y-27328 et de prohexadione présents dans ou sur certains produits (D05975402 - E 13777).
Politique étrangère et de sécurité commune(PESC
- Décision du Conseil relative à la signature et à la conclusion de l'accord entre l'Union européenne et le Royaume hachémite de Jordanie établissant un cadre pour la participation du Royaume hachémite de Jordanie aux opérations de gestion de crise menées par l'Union européenne (551019 LIMITE - E 13819).
- Décision du Conseil modifiant et prorogeant la décision 2014219PESC relative à la mission PSDC de l'Union européenne au Mali (EUCAP Sahel Mali) (563419 LIMITE - E 13820).
Décision du Conseil modifiant la décision 2011101PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre du Zimbabwe (590319 LIMITE - E 13821).
- Règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 3142004 du Conseil concernant certaines mesures restrictives à l'égard du Zimbabwe (590519 LIMITE - E 13822).
- Décision d'exécution du Conseil mettant en oeuvre la décision 2011486PESC concernant des mesures restrictives instituées à l'encontre de certaines personnes, et de certains groupes, entreprises et entités au regard de la situation en Afghanistan (618519 LIMITE - E 13823).
- Règlement d'exécution du Conseil mettant en oeuvre l'article 11, paragraphe 4 du règlement (UE) n° 7532011 concernant des mesures restrictives instituées à l'encontre de certains groupes et de certaines personnes, entreprises ou entités au regard de la situation en Afghanistan (618619 LIMITE - E 13824).
Pêche
- Proposition de règlement du Parlement européen et du conseil modifiant le règlement (UE) n° 5082014 en ce qui concerne certaines règles relatives au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche en raison du retrait du Royaume-Uni de l'Union (COM(2019) 48 final - E 13781).
- Proposition de règlement du Parlement européen et du conseil modifiant le règlement (UE) 20172403 en ce qui concerne les autorisations de pêche pour les navires de pêche de l'Union dans les eaux du Royaume-Uni et les opérations de pêche des navires de pêche du Royaume-Uni dans les eaux de l'Union (COM(2019) 49 final - E 13782).
Transports
- Proposition de décision du Conseil relative à la position à prendre au nom de l'Union européenne au sein du Conseil de l'Organisation de l'aviation civile internationale en ce qui concerne l'adoption de l'amendement 17 de l'annexe 13 (COM(2019) 72 final - E 13808).
Sur le rapport de la Présidente Sabine Thillaye, la Commission a déclaré conformes au principe de subsidiarité les textes suivants transmis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-6 de la Constitution :
Ø Budget de l'union européenne
- Proposition de règlement du Conseil relatif à des mesures portant sur l'exécution et le financement du budget général de l'Union en 2019 eu égard au retrait du Royaume-Uni de l'Union (COM(2019) 64 final - E 13797).
Ø Fiscalité
- Proposition de décision du Conseil modifiant la décision No 9402014UE en ce qui concerne les produits pouvant bénéficier d'une exonération ou d'une réduction de l'octroi de mer (COM(2018) 825 final - E 13726).
La séance est levée à 10 h 58.
Membres présents ou excusés
Présents. – M. Jean-Louis Bourlanges, M. André Chassaigne, Mme Yolaine de Courson, M. Bernard Deflesselles, M. Alexandre Freschi, Mme Christine Hennion, Mme Caroline Janvier, M. Christophe Jerretie, Mme Nicole Le Peih, M. Ludovic Mendes, M. Damien Pichereau, M. Joaquim Pueyo, M. Didier Quentin, M. Éric Straumann, Mme Liliana Tanguy, Mme Sabine Thillaye
Excusés. – Mme Françoise Dumas, Mme Marietta Karamanli