Sur l'adaptation des conditions de saisine du Conseil constitutionnel à l'éventuelle réduction du nombres de députés, il me paraîtrait logique et réaliste, si la révision constitutionnelle aboutit, de faire une règle de trois et de permettre la saisine par quarante députés. Non seulement je n'ai aucune réserve à ce sujet, mais je pense qu'il faut aller dans ce sens ; c'est toutefois au législateur de se prononcer.
Revenir ou ne pas revenir sur l'inversion du calendrier des élections présidentielle et législative est aussi une décision qui relève du législateur. Si j'étais favorable, à l'époque, à la réforme, c'était pour une raison de fond : je n'aimais guère le principe de la cohabitation. J'ai aimé la cohabitation avec François Mitterrand ; j'étais alors ministre des Affaires étrangères et il est de notoriété publique que nous nous sommes bien entendus. Mais je trouve navrant qu'un Président de la République soit contraint de mettre en oeuvre, en promulguant les lois, une politique qui n'est pas la sienne ; ce n'est pas très sain sur le plan démocratique. Pour cette raison, le quinquennat puis la succession des élections présidentielle et législative me paraissaient aller dans la bonne direction. Puis, comme pour toutes les réformes, on s'aperçoit à la longue qu'elle comporte des effets négatifs. Faut-il la corriger ? La réponse appartient au constituant et au législateur, pas au Conseil constitutionnel.
Je ne vois pas pourquoi le Conseil ne publierait pas l'avis qu'il rend sur le décret d'organisation d'un référendum. Au nom de quoi pourrait-on refuser cette publicité, qui serait un progrès pour la transparence démocratique ?
Je vous remercie, monsieur Ciotti, d'avoir rappelé notre long compagnonnage. Vous m'avez interrogé sur l'évolution de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Vous comprendrez que je ne me prononce pas sur des décisions d'annulation récentes, puisque je n'étais pas, à cette époque, membre du Conseil. Je vous renverrai plutôt à ce que j'ai écrit dans mon livre Pour un État fort : je pense que l'exigence de sauvegarde de l'ordre public doit être aussi forte que beaucoup d'autres principes constitutionnels, et que l'évolution des textes doit aller avec l'évolution des risques et des menaces qui, hélas, sont très fortes.
Je suis un peu moins sévère que vous avez semblé l'être sur le principe de fraternité. C'est une belle idée de respecter la devise de la République dans son intégralité, sans l'amputer, et que le Conseil constitutionnel se prononce aussi au regard du principe fondamental de fraternité. Dans la décision qu'il a prise sur le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le point de vue du Conseil est équilibré, me semble-t-il, puisqu'il n'annule la disposition que lorsqu'elle s'applique à l'aide aux étrangers en situation irrégulière – étant déjà en France, ils doivent pouvoir bénéficier, sous certaines conditions, de solidarité humanitaire – non à l'aide à leur entrée sur le territoire.
Philippe Vigier m'a demandé si l'idée d'élargir la saisine du Conseil constitutionnel aux groupes politiques me choque. Je ne sais pas. Je n'y vois pas d'inconvénient de principe mais, anticipant mes possibles fonctions ultérieures, je redoute l'embouteillage du Conseil…
J'en viens au principe de différenciation des territoires. La République est une et indivisible, et je ne suis pas fédéraliste ; je l'ai dit plusieurs fois, aussi à certains de mes collègues d'Aquitaine. Mais je pense que tenir compte des différences de situations et donner au principe d'expérimentation déjà inscrit dans la Constitution toute sa force pour permettre cette différenciation, sous des réserves et dans un cadre à fixer, pourrait être une bonne idée.
Certaines des dispositions de la charte de l'environnement qui créent des droits et des libertés sont d'application immédiate, d'autres sont des constats ou fixent des objectifs à atteindre. Le Conseil constitutionnel considère donc qu'une médiation législative est nécessaire avant de pouvoir leur donner tout à fait leur force juridique. C'est ce qu'il a jugé au sujet du principe de précaution, qui doit être décliné dans un texte permettant l'examen par le Conseil constitutionnel.
Votre remarque, monsieur Peu, est tout à fait justifiée et je comprends parfaitement votre indignation. Sachez toutefois que j'ai pris la précaution, à chaque fois que je me suis exprimé, de préciser « sous réserve de l'avis de la commission des Lois ». Mais, étant donné le fonctionnement des médias, les réserves sont rarement répercutées. Après que l'annonce de la proposition de ma nomination a eu lieu – et ce n'est pas moi qui l'ai faite mais le président de l'Assemblée nationale –, je ne pouvais rester inerte et ne pas dire aux Bordelais ce qui se passerait si cette proposition était confirmée. Mais je le répète, j'ai pris soin de toujours spécifier « si la décision est confirmée », et je ressens un peu de stress en attendant le vote de votre Commission ; vous ne me croyez pas, mais c'est la vérité.
Le Conseil constitutionnel doit-il devenir une « troisième cour suprême » ? Outre que nous en avons déjà deux, ce qui suffit, la cour suprême n'est pas dans la culture des pays européens. Ce n'est pas exactement répondre à votre question, mais il me semble que la création d'une cour suprême unique remettrait en cause la séparation de l'ordre administratif et de l'ordre judiciaire dans le fonctionnement des pouvoirs publics, et je ne suis pas certain que la nation ait besoin d'un séisme supplémentaire. Je pense que le Conseil constitutionnel joue bien son rôle, et il faut évidemment s'assurer qu'il continuera de le faire.
Sur les mouvements sociaux, comme sur tout autre sujet, je m'efforcerai évidemment à la neutralité si je siège au Conseil constitutionnel lors de l'examen de certaines dispositions législatives.
La tonalité de l'intervention de M. Prud'homme ne m'a pas surpris, mais ses contradictions, si. Dire que Bordeaux est un Neuilly où la pauvreté explose est une sorte de contradiction dans les termes. Quant à savoir ce que la ville va devenir, c'est très simple : il y a bientôt des élections municipales, et sa circonscription étant pour partie sur le territoire de la ville de Bordeaux, il aura tout loisir de solliciter la confiance de ses concitoyens.
Faut-il étendre le contrôle du Parlement sur l'action du Président de la République m'a demandé M. Didier Paris ? La Constitution doit être respectée. Que le Parlement contrôle l'action du Gouvernement, oui, c'est une de ses missions fondamentales et il faut lui en donner les moyens. Que certains corps de contrôle des grands ministères soient mis à la disposition du Parlement comme l'est déjà la Cour des comptes, pourquoi pas ? Je n'ai aucune réticence sur le renforcement de cette mission essentielle du Parlement, à égalité avec la fabrication de la loi.