S'agissant des cavaliers législatifs et de la règle de l'entonnoir, monsieur le rapporteur, il ne vous a pas échappé que les positions du Conseil constitutionnel ont évolué au fil des années, jusqu'à parvenir à une solution très différente de celle des années 1980. Pour ma part, je suis parlementaire, je présidais un groupe : je suis attaché au droit d'amendement. Récemment, j'ai eu l'honneur de défendre devant vous la loi dite ELAN, qui a fait l'objet d'une commission mixte paritaire (CMP) dont les conclusions ont été votées par la majorité de l'Assemblée et par la majorité sénatoriale, ce qui n'est pas très fréquent. Ici, plus de 3 000 amendements avaient été déposés. J'ai dit, cela ne me choque pas, que c'est la liberté du Parlement. Cela ne signifie pas que le Parlement ne doive pas évoluer pour tenir compte d'un certain nombre de reproches de nos concitoyens sur la loi « bavarde », « difficilement lisible ». Il arrive que tel projet de loi, qui tient en quelques dizaines d'articles à son dépôt, en compte quelques centaines après son passage au Parlement ! Je suis de ceux qui considèrent que nous devons faire des efforts dans ce domaine.
Mais votre question porte plus précisément sur les cavaliers législatifs, c'est-à-dire le rapport direct ou indirect qu'un amendement a avec le texte, ce qui peut donner lieu à des interprétations. On perçoit ces dernier temps une attitude restrictive à ce sujet, et beaucoup de sénateurs partagent votre réaction. Le principal problème à mes yeux est de ne pouvoir déposer, après une lecture par les deux assemblées, d'amendement nouveau même s'il a un lien direct ou indirect avec le sujet. Là-dessus, il faut être moins rigoureux et revenir au système initial.
Sur les études d'impact, il m'est arrivé, dans mon action de parlementaire, de saisir le Conseil constitutionnel. Il m'a parfois donné raison, parfois non. Si une étude d'impact n'est qu'une caution pour le texte, sans apporter aux parlementaires les éléments objectifs scientifiques, juridiques, nécessaires pour prendre les bonnes décisions, c'est gênant. En 2014 – c'était une première –, sur la base de l'article 29 du Règlement du Sénat, j'avais, avec Jean-Claude Gaudin, président du groupe qui est devenu celui des Républicains, demandé que la Conférence des présidents du Sénat refuse d'inscrire à l'ordre du jour le projet de loi relatif à la fusion de régions, considérant que l'étude d'impact n'était pas suffisante. La Conférence des présidents nous avait suivis, mais le Conseil constitutionnel, saisi par le Premier ministre, avait rendu le 1er juillet 2014 une décision qui ne nous donnait pas satisfaction, en raison de l'existence formelle de l'étude d'impact. Je pense que nous devons progresser dans ce domaine, essentiel pour la qualité du travail parlementaire.
S'agissant enfin de la réduction du nombre de députés et de sénateurs, vous soulignez qu'un petit groupe parlementaire doit pourtant étudier le même nombre de projets qu'un grand groupe, et ce n'est pas toujours facile. Je n'ai jamais été un défenseur de la réduction systématique du nombre des parlementaires. Lors des élections présidentielles, nombre de candidats, de sensibilité différente, avaient fait cette proposition. On peut réduire le nombre d'élus, il ne faut pas non plus être se bloquer sur des chiffres. Mais il faut tenir compte de la difficulté que vous avez soulevée concernant le fonctionnement des groupes, et aussi du problème de représentation des territoires. La jurisprudence du Conseil constitutionnel, combinant l'écart maximum de 20 % toléré entre la population de chaque circonscription et la population moyenne, et le renoncement à la nécessité d'avoir deux députés par département pourrait aboutir à ce qu'un département n'ait plus de parlementaire. À mes yeux, ce serait tout à fait dommageable.