Monsieur le secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, je souhaite alerter une nouvelle fois votre ministère sur la situation extrêmement préoccupante de la psychiatrie en Haute-Savoie, et j'associe à ma question mon collègue Martial Saddier, ancien président du groupement hospitalier de territoire Léman Mont-Blanc.
Dans ce département, les équipes soignantes de psychiatrie, en sous-effectifs chroniques, sont contraintes d'allonger leur temps de travail. Les directeurs de service connaissent de grandes difficultés de recrutement du fait du coût élevé de la vie dans le territoire et de la forte attractivité de la Suisse voisine. Actuellement, à l'établissement public de santé mentale de la Vallée de l'Arve, 30 % des postes médicaux sont vacants. Le sous-équipement en structures médico-sociales d'hébergement oblige à maintenir en hospitalisation de nombreuses personnes qui ont pourtant une indication MDPH – maison départementale des personnes handicapées – pour un autre lieu de vie : cela représente évidemment un coût pour la collectivité mais, de plus, cela perturbe le parcours de patients en crise, pour qui il n'y a plus de lit d'hospitalisation disponible. Le recours aux soins sans consentement est d'ailleurs plus important en Haute-Savoie que dans d'autres départements.
La Haute-Savoie est véritablement sous-dotée eu égard au montant de la dotation annuelle de financement par habitant aux niveaux national et régional, alors qu'elle compte une croissance démographique parmi les plus fortes de France. La psychiatrie se révèle le parent pauvre de la médecine en Haute-Savoie, et les exemples ne manquent pas pour le démontrer : au centre hospitalier Annecy-Genevois, dix lits ont été fermés ainsi que le service de pédopsychiatrie, et il n'y a plus de psychiatres de liaison sur le site de Saint-Julien en Genevois.
Le parcours le plus complexe dans le département est sans aucun doute celui des adolescents : lorsque l'un d'eux fait une crise aiguë, les médecins m'ont expliqué qu'ils ne disposent que de trois solutions : le garder sous sédation en unité d'hospitalisation de courte durée, l'adresser en pédiatrie – ce qui implique un voisinage peu évident à gérer – , ou le transférer en psychiatrie adulte – ce fut le cas en 2018 pour vingt séjours à l'établissement public de santé mentale, l'EPSM. Pour les équipes démunies, de tels moments sont vécus comme une maltraitance, et on ne peut pas leur donner vraiment tort. C'est pourquoi beaucoup quittent la discipline. Concrètement, cela se traduit par des situations de rupture de soins pour les malades et génère un stress terrible pour les familles. Les équipes soignantes sont épuisées.
La situation ne peut plus durer. Monsieur le secrétaire d'État, quelles mesures le ministère compte-t-il mettre en place pour soutenir et renforcer les pôles psychiatriques de Haute-Savoie ? Seront-ils dotés de moyens humains et financiers supplémentaires ? Les spécialistes du secteur appellent notamment, avec insistance, à expérimenter un financement selon des critères géopopulationnels tels qu'évoqués dans le rapport de Jean-Marc Aubert sur les modes de financement et de régulation.