Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Réunion du mercredi 20 février 2019 à 9h30
Commission des affaires économiques

Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances :

L'industrie française pèse aujourd'hui 11,7 % du produit intérieur brut (PIB). L'Union européenne, dans ses déclarations pro-industrie, vise un taux de 20 % – l'Allemagne est à 23 %. Notre objectif est donc bien d'augmenter la part de l'industrie dans notre création de richesse. Je rappelle qu'une partie de l'emploi industriel a basculé mécaniquement dans les services, nous devons, de ce fait, corriger les perspectives longues : 2,8 millions d'emplois ont été supprimés en trente ans, mais 1 million d'emplois ont été créés dans les services, soit 1,8 million d'emplois nets perdus.

Notre objectif est de passer à 15 % d'emplois industriels, d'être présents sur l'échelle de valeur stratégique avec les leaders mondiaux, et de redonner de la force au made in France. Je ne l'ai pas évoqué dans mon propos liminaire, mais nous devons travailler cette notion d'origine France garantie, sachant que 75 % des consommateurs sont prêts à dépenser plus pour acheter français. Mais encore faut-il que le made in France soit fondé, qu'il ne s'agisse pas, par exemple, de la dernière étape d'un processus – le montage – alors même que tous les composants sont achetés à l'étranger.

L'augmentation de la part de l'industrie dans notre structure productive est créatrice d'emplois : pour un emploi industriel, ce sont trois à quatre emplois induits. Or nous sommes en capacité de devenir la première destination européenne pour les investissements étrangers. À condition, bien entendu, d'améliorer nos facteurs de compétitivité. J'ai, par exemple, travaillé avec le patron de la région Hauts-de-France sur un dossier d'implantation en France d'une usine.

Mais nous devons lutter contre des idées reçues sur le France. La flexibilité du marché du travail et la loi relative à cette question ne sont pas encore comprises et intégrées par les étrangers. Lorsque les investisseurs évoquent la France, ils parlent de holiday culture ! Pour eux, les Français ne travaillent ni les week-ends, ni en juillet, ni en août ! Ce sont des idées reçues contre lesquelles nous devons lutter.

Concernant Sophia-Antipolis, il s'agit en effet d'un modèle exemplaire, dans lequel nous trouvons « formation, recherche, industrialisation ». Les pôles de compétitivité nouvelle version, vous le savez, contiennent deux éléments importants : le regroupement, pour avoir une taille critique, et un financement fondé sur les résultats.

Nous devons, par ailleurs, accompagner un certain nombre de nos politiques par des accélérateurs de PME, voire d'ETI. Un patron d'entreprise est extrêmement seul, or ce qui peut lui permettre de passer le cap, c'est d'être accompagné sur des questions telles que la formation, la stratégie, le développement de nouveaux produits, la recherche, etc.

Concernant la spécialisation, si elle peut être une force, elle peut aussi être une faiblesse, un changement de cycle pouvant survenir rapidement. Notamment en ce qui concerne les PME, pour lesquelles l'approche se fait par filière. Une PME qui travaille à la fois pour l'automobile, l'aéronautique et le ferroviaire a plus de résilience qu'une PME dont l'activité est mono-sectoriel.

Enfin, Monsieur Pauget, je serais ravie de venir à Sophia-Antipolis, car nous devons mettre en lumière ce qui fonctionne.

Monsieur Benoit, nous devons effet mettre en avant le coût du travail. Il est aujourd'hui plus élevé, en moyenne, qu'en Allemagne – même si nous sommes repassés devant. Je ne développerai pas ici cette question, je vous ferai parvenir les informations. Un élément a joué en notre faveur : la productivité française a augmenté plus vite que la productivité allemande – 3 % contre 2 %. En revanche, le coût du travail en France est encore plus élevé qu'en Espagne et en Italie. Nous devons donc continuer à travailler.

S'agissant de la simplification administrative, nous avons lancé le dispositif France Expérimentation, que je vous invite à utiliser car il permet, par exemple, de découvrir que certaines règles ne s'appliquent pas. Nous sommes vraiment mobilisés pour aller plus loin, et surtout pour mettre en place des doctrines qui soient homogènes sur l'ensemble des territoires. Pour ce faire, nous avons besoin que vous nous remontiez le plus possible d'éléments du terrain.

En ce qui concerne « Territoires d'industrie », vous trouverez sur le site internet tous les éléments nécessaires : en quoi consiste ce dispositif ; comment il fonctionne ; quels sont les outils activables par chaque territoire d'industrie, etc. Trente territoires pilotes expérimentent le dispositif et une première vague de contractualisation est attendue d'ici à la fin mars ; ainsi ils serviront d'exemples aux autres territoires. La mobilisation est assez forte, les maires trouvant même que cela va trop vite !

Rendre les territoires attractifs pour attirer les cadres et les opérateurs spécialisés est l'un des enjeux de « Territoires d'industrie ». Nous devons, pour cela, travailler sur les formations, avec, par exemple la mise en place de sections d'apprentis et de préparations opérationnelles à l'emploi collectives (POEC). Mais il faut également se poser la question des écoles, des logements, des emplois pour les conjoints, etc.

Nous suivons de près le dossier de la Fonderie du Poitou. Des sites sont en redressement judiciaire, mais un repreneur s'est manifesté. Il s'agit du groupe Liberty House qui a déjà procédé à plusieurs acquisitions en France, notamment celle d'Aluminium Dunkerque. Nous suivons de près ce dossier, qui aussi lié à la baisse des ventes des véhicules diesel. Nous effectuons donc un accompagnement spécifique des entreprises concernées.

Un effort doit être réalisé pour expliquer ce que sont le bon et le mauvais diesel. L'État se doit d'adopter une position de neutralité technologique. Les entreprises fixent des normes, sont auditées par des tiers – et non par l'entreprise elle-même – et si ces normes sont validées, les véhicules auront accès aux grandes villes.

Concernant les dividendes versés aux actionnaires, je rappellerai juste que, dans les comptes de la Nation, ces dividendes ont diminué entre 2007 et 2017.

S'agissant du CICE, la baisse des charges se justifie par le fait que nous avons les charges sociales les plus élevées d'Europe. Le terme « crédit d'impôt » n'est donc peut-être pas approprié, mais les chiffres sont les suivants : 42 % de charges sur un salaire équivalent à trois fois le SMIC, contre quelque 20 % en Allemagne – qui n'est pas un pays moins-disant socialement. Le modèle du Danemark est très intéressant, puisque le social est financé par l'impôt ; ainsi, il ne pèse pas sur la compétitivité du travail.

Concernant l'usine Whirlpool d'Amiens, le projet prévoit le développement d'objets connectés. La société change de marché, puisqu'il ne s'agit plus d'électroménager classique. La situation des sous-traitants est suivie de près, et un accompagnement vers de nouveaux marchés est prévu pour éviter un risque de dépendance. Cent soixante-dix-sept personnes ont été reprises, et, effectivement, dix-neuf ne l'ont pas été. Je ne connais pas les raisons qui ont conduit à la non-reprise de ces personnes, mais je n'ai pas le sentiment qu'il y ait une absence de motifs. Enfin, 100 personnes sont parties à la retraite ou à la préretraite.

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