Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 20 février 2019 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission a procédé à l'audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, sur la reconquête industrielle : industrie et innovation, attractivité et territoires.

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Mes chers collègues, je vous rappelle, tout d'abord, que le bureau de la commission se réunira à l'issue de l'audition de Mme la ministre.

Madame la ministre, chère Agnès Pannier-Runacher, je vous remercie de votre présence. Il s'agit aujourd'hui d'une audition que nous pourrions qualifier de politique générale, puisque vous allez nous expliquer quelle est votre mission et la façon dont vous souhaitez la remplir.

Depuis que vous avez rejoint le Gouvernement, Madame la ministre, vous incarnez, aux côtés de M. Bruno Le Maire, toutes les mesures mises en place pour accompagner la renaissance de l'industrie française – secteur dans lequel des emplois ont été créés l'année dernière, ce qui n'était pas arrivé depuis longtemps. Je sais que vous oeuvrez beaucoup pour cette renaissance, à la fois à Bercy et sur le terrain.

Cela étant dit, tous les cas ne sont pas résolus, je pense à l'usine Ford de Blanquefort et aux enjeux qui en découlent. Je sais que vous ne ménagez pas vos efforts pour trouver une solution et qu'un espoir, aussi ténu soit-il, existe encore.

Nous vous avons vue récemment beaucoup communiquer et intervenir en faveur de mesures visant à modérer l'impact des manifestations, notamment sur les commerçants des centres villes et des villes intermédiaires. Vous avez notamment rappelé les mesures existantes et accéléré les procédures.

Madame la ministre, je vous laisse la parole, les députés ne manqueront pas, ensuite, de vous poser des questions.

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Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Je vous remercie, Monsieur le président, cher Roland Lescure, Mesdames et Messieurs les députés, de m'accueillir ce matin pour échanger sur notre industrie, son avenir et ses grands défis. Je concentrerai mon propos sur l'industrie – sujet qui m'a été confié dans le domaine de la reconquête industrielle –, même si je suis également mobilisée sur les questions relatives au commerce et à l'artisanat.

Nous traversons une période de doutes, non pas sur les résultats économiques immédiats, puisqu'ils sont à leur meilleur niveau depuis une décennie, avec une croissance supérieure à la moyenne des taux de croissance des dix dernières années, et un chômage qui est passé sous la barre des 9 % pour la première fois depuis dix ans. La France est, aujourd'hui, le second pays le plus attractif d'Europe pour les investissements directs étrangers. Non, nous doutons de l'adaptation de notre modèle économique, construit au sortir de la Seconde Guerre mondiale, aux mutations que nous vivons depuis trente ans.

Nous subissons également l'impact de choix erronés qui ont été faits : le choix d'une France sans usines, dont l'économie reposerait uniquement sur le secteur tertiaire ; le choix de laisser se concentrer l'innovation dans les services et dans les métropoles ; le choix d'augmenter la dépense publique sans être capables de répondre à l'appauvrissement des territoires désindustrialisés.

Ces choix, nous en payons collectivement le prix aujourd'hui : un sentiment de déclassement, des fractures territoriales profondes et un chômage de masse. Si le sentiment de déclassement et les fractures territoriales ne sont pas l'apanage de la France – il suffit de regarder ce qui se passe aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Italie et même en Allemagne –, la question du chômage de masse est spécifique à la France et mérite d'être traitée.

La conviction du Gouvernement est claire : il n'y aura pas d'économie forte sans secteurs productifs forts. Or la réindustrialisation de la France apparaît comme une réponse efficace aux maux que traverse notre société. Pourquoi ? Parce que l'industrie crée de la prospérité, des emplois durables et mieux payés. Je vous rappelle, en effet, qu'un emploi industriel est payé en moyenne 20 % de plus qu'un emploi « moyen » – si cette notion existe. Cet écart a augmenté ces dernières années, puisqu'il n'était que de 14 % il y a huit ans.

L'industrie crée des emplois stables, malgré ce que prétendent les médias, qui ne parlent que des sites en difficulté. En réalité, l'industrie a un besoin de main-d'oeuvre criant. Pour chaque emploi créé dans l'industrie, trois ou quatre emplois sont induits – sous forme de sous-traitance ou de services.

Par ailleurs, l'industrie est en capacité de résorber la fracture territoriale, puisque 70 % des emplois industriels sont aujourd'hui situés en dehors des grandes agglomérations ; 70 % des investissements directs étrangers dans l'industrie ont lieu en dehors des métropoles, alors que – et cela est logique – 95 % des investissements directs étrangers dans les services s'opèrent dans les métropoles.

L'industrie est, par ailleurs, à même de définir les solutions les plus appropriées pour la transition écologique et énergétique. Les savoir-faire français, dans des domaines complexes comme la chimie, la plasturgie, la gestion des déchets ou la mobilité, sont parmi les meilleurs au monde et doivent nous permettre de développer des process et des produits adaptés à la transition écologique et énergétique. Opposer écologie et économie est donc finalement assez vain, puisque c'est cette innovation qui va nous permettre de passer le cap.

Les émissions françaises de gaz à effet de serre ont baissé de 20 % entre 1995 et 2015, notamment grâce à l'efficacité énergétique de notre industrie. Le paradoxe est que notre empreinte carbone a augmenté de 11 % du fait des importations.

Enfin, l'industrie est nécessaire à une souveraineté à laquelle les Français aspirent ; une souveraineté technologique, d'abord, puisque l'industrie concentre l'essentiel de la recherche-développement privée, mais aussi une souveraineté économique, car seule une augmentation significative de notre production industrielle améliorera durablement notre balance commerciale et nous permettra de moins dépendre des pays étrangers.

L'industrie est donc clairement une réponse à ces défis clés, encore faut-il savoir dans quelle direction nous souhaitons aller. Pour mieux comprendre où nous devons mener notre industrie, regardons d'où nous venons. Depuis 2000, la France s'est désindustrialisée. Nous avons perdu un million d'emplois industriel, nos entreprises ont lentement perdu des parts de marché à l'international et sur notre territoire.

Depuis vingt ans, nous avons perdu en compétitivité, essentiellement en raison du coût du travail, bien supérieur aux autres pays européens. De sorte que les grands groupes français ont installé leurs sites de production hors de France, même si certains y ont laissé les activités à haute valeur ajoutée, telles que le design des produits ou la recherche-développement – peut-être devrions-nous examiner le lien qui peut exister avec le crédit d'impôt recherche (CIR) ?

En revanche, nos petites et moyennes entreprises (PME) et nos entreprises de taille intermédiaire (ETI) ont rarement les capacités humaines et financières pour délocaliser leurs productions. Elles ont donc subi le coût du travail toujours plus bas de l'Allemagne, de l'Italie et de l'Espagne, perdu des parts de marché et fermé des sites.

Cet appauvrissement de notre appareil productif a conduit les investisseurs à se désintéresser de la France, non seulement parce que nous étions moins compétitifs, mais aussi parce que nos réglementations paraissaient plus complexes – notre marché du travail était perçu comme extrêmement rigide et notre fiscalité défavorable, par comparaison avec d'autres pays européens.

Depuis 2017, la France est sortie de ce cercle vicieux. La reprise industrielle est réelle. En effet, en 2017 et 2018, l'emploi industriel s'est redressé alors qu'il déclinait depuis plus de quinze ans. Nous comptons davantage d'ouvertures d'usines que de fermetures. L'attractivité du territoire, pour les investissements industriels, s'est affirmée : Toyota investit 300 millions d'euros à Maubeuge, et Daimler 500 millions à Hambach pour son premier véhicule électrique. AstraZeneca et General Mills ont également investi plusieurs dizaines de millions d'euros sur notre territoire.

La France attire les investisseurs et les industriels, et en particulier les industriels innovants ; c'est un signe de la qualité du « site France » aux yeux de nos partenaires étrangers.

Cependant, cette reprise industrielle est fragile. Le combat qui reste à mener pour que la France redevienne une puissance industrielle, prospère et exportatrice, est entier. Si nous voulons réussir ce combat, nous devons nous concentrer sur plusieurs éléments.

D'abord, nous devons améliorer notre compétitivité coût, notamment en matière de coût du travail. Les chiffres sont extrêmement parlants, en particulier dans le domaine industriel, où les salaires sont, non pas proches du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), mais bien plus élevés. De sorte les industriels ne bénéficient pas du dispositif de baisse de charges sociales pour une grande partie de leurs salariés.

Ensuite, il nous faut aider les entreprises à construire des avantages compétitifs hors coût, en permettant aux entreprises d'innover et en les accompagnant dans la montée en gamme ou sur des produits différenciés – beaucoup d'entreprises françaises ont ce savoir-faire.

Il nous faut également donner de la stabilité, de la prévisibilité à nos entreprises. Il y a en effet rien de pire, pour un chef d'entreprise qui construit son plan sur cinq ans, que de devoir sans cesse s'adapter aux nouvelles législations.

Il nous faut, enfin, inscrire notre vision industrielle dans l'ensemble de nos politiques nationales – éducation et formation, aménagement du territoire, énergie, santé, transports, environnement… – mais aussi articuler notre intervention avec les régions qui, depuis la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi dite « NOTRe »), disposent de compétences économiques et sont donc des partenaires incontournables en matière de développement économique – et pour aller chercher du soutien au niveau européen. Nous organisons, M. Bruno Le Maire et moi-même, des réunions régulières avec les présidents de conseil régional pour débattre de ce sujet.

Enfin, il nous faut articuler notre vision industrielle avec celle de l'Europe. Nous sommes, en effet, dans une compétition mondiale et dans un marché unique – extrêmement précieux. L'enjeu est de construire, avec les autres pays membres de l'Union européenne et la Commission européenne, une politique industrielle reposant notamment sur la question de la concurrence équitable – le fameux level playing field –, non seulement entre les États membres de l'Union européenne, mais surtout avec les autres grands pays, tels que la Chine.

Pour réussir ce combat de la reconquête industrielle, nous proposons un plan d'actions qui repose sur deux axes. Premièrement, nous travaillons d'abord par filière. Ce travail partenarial entre le Gouvernement et les industriels a été relancé par le Conseil national de l'industrie (CNI). Dix-huit filières sont aujourd'hui labellisées, nous contractualisons avec chacune d'elle des actions en matière de formation, d'innovation, d'accélération de la croissance des PME et d'exportations.

Nous proposons, par territoire, une solution agile, le dispositif « Territoires d'industrie ». Le 22 novembre dernier, le Premier ministre a dévoilé le nom des 124 territoires retenus, et nous sommes en train d'en labelliser d'autres – des porteurs de projets nous ayant présenté des projets très dynamiques. Il s'agit d'un dispositif piloté par les régions, et pour lequel l'État joue le rôle de facilitateur et d'apporteur d'expertise et de financement.

L'objectif est de rassembler tous les ingrédients de la compétitivité – la formation, l'innovation, l'immobilier, l'investissement, le très haut débit – et de s'adapter à la spécificité de chaque territoire d'industrie. Les contractualisations État-région sont en cours, avec l'objectif d'aboutir d'ici à l'été.

Si chaque filière et territoire a des besoins spécifiques, les défis auxquels notre industrie doit faire face sont en réalité communs. J'en vois cinq.

Le premier est le défi de la compétitivité coût ; la clé de l'attractivité. C'est la raison pour laquelle, nous menons, depuis vingt mois, le politique la plus ambitieuse de ces vingt dernières années pour restaurer cette compétitivité coût. Nous avons baissé les charges des entreprises en transformant le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en baisse de charges pérenne afin d'alléger le coût du travail. Aujourd'hui, le coût du travail en France est, en moyenne, légèrement inférieur à celui de l'Allemagne – il lui est toutefois supérieur pour les salaires au-delà de deux fois le SMIC, en raison des taux de cotisations patronales plus élevés.

Voici deux chiffres : en France, le taux de cotisation est de 36 %, contre 19 % en Allemagne, au niveau de deux fois le SMIC, et de 42 % contre 19 % au niveau de trois fois le SMIC. Or les emplois industriels coûtent, pour la plupart d'entre eux, bien plus que deux fois le SMIC – je pense aux fonctions d'opérateur spécialisé, de conducteur de ligne, de technicien de maintenance, etc. Les industriels se rattrapent avec le CIR pour trouver, pour la partie recherche-développement, des ingénieurs qui sont finalement très compétitifs.

Nous avons annoncé une baisse du taux de l'impôt sur les sociétés à 25 % en 2022, ce qui correspond à la moyenne européenne. Il ne s'agit pas de faire du dumping fiscal, mais de se rapprocher de la moyenne européenne et d'envoyer un bon signal aux investisseurs étrangers.

Nous avons également allégé la fiscalité du capital pour que nos entreprises investissent davantage dans l'innovation. Nous allons lever, grâce au projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE), une série d'obstacles financiers, administratifs et culturels qui empêchent nos entreprises de croître. Nous avons seulement 260 ETI industrielles – chiffre qui démontre bien la force de ce blocage français –, en majorité dans des activités de service, contre 4 000 en Allemagne. Elles sont si peu nombreuses que nous pourrions les traiter individuellement.

Le rétablissement de la compétitivité coût passe aussi par la modernisation de notre appareil de production, qui accuse aujourd'hui un retard significatif en termes de numérisation et de robotisation. Nous disposons de dix-neuf robots pour mille salariés en France, contre vingt en Italie et trente-quatre en Allemagne. Nous numérisons trop lentement. Nous devons moderniser notre appareil productif.

C'est la raison pour laquelle nous avons lancé un plan pour l'industrie du futur, l'Alliance industrie du futur (AIF), doté de 500 millions d'euros, au travers d'un sur-amortissement pour les investissements dans les technologies de l'industrie du futur, pendant deux ans, mais aussi de l'accompagnement individuel de 10 000 PME vers l'industrie du futur. Les deux éléments sont essentiels, l'enjeu étant d'abord, pour les entrepreneurs, de définir leur production et leur ligne de production dans une vision « industrie du futur », avant d'investir. Or nous retrouvons bien, dans ce plan, ces deux éléments : accompagnement des PME, d'une part, et soutien financier, d'autre part.

Le deuxième défi de la reconquête industrielle est l'innovation. Innover, investir dans les technologies créatrices de croissance tombe sous le sens.

Si, face aux programmes d'investissement massif en recherche-développement des pays étrangers – Chine, États-Unis –, nous n'investissons pas massivement dans les nouvelles technologies, notre industrie sera distancée.

Aussi avons-nous sanctuarisé le CIR à hauteur de 6 à 7 milliards d'euros par an, pour faire de nos ingénieurs français les ingénieurs les plus compétitifs d'Europe. C'est pourquoi, nous souhaitons que chaque filière du CNI se saisisse d'un projet ambitieux en matière d'innovation afin de relever le défi de la transition écologique et énergétique. Par exemple, dans le contrat de la filière navale un défi doit être relevé sur la propulsion propre ; ou encore, dans le contrat de la filière chimie, celui de la décarbonation de la chaleur dans les procédés. Chaque contrat de filière contient un ou deux sujets d'innovation sur lesquels nous concentrons la recherche-développement, et qui représentent l'industrie du futur.

C'est la raison pour laquelle, nous avons créé un fonds pour l'innovation de rupture, doté de 10 milliards d'euros. Le rendement annuel de ce fonds, 250 millions d'euros, financera les défis industriels de demain, comme l'intelligence artificielle, la mobilité, la santé et la cybersécurité. Trois réflexions sont menées, en matière d'intelligence artificiel, de diagnostic médical et d'audit des algorithmes, et un projet est en cours sur le stockage d'énergie. Nous imaginons bien tout le bénéfice potentiel de ces investissements.

Nous renforçons également notre soutien aux start-up industrielles, par la mise en oeuvre d'un plan « Deep Tech », opéré par BPIfrance, à partir de 2019. Toutes les start-up ne font pas uniquement des applications et du codage, certaines développent du process industriel. Ces process appellent des financements plus importants, puisqu'il faut développer des lignes de production. De sorte que l'accompagnement en financement est plus lourd. C'est tout l'enjeu de ce plan.

Mais tout cela n'aurait pas de sens si nous ne protégeons pas ces savoir-faire en innovation que nous créons sur le territoire, pour affirmer notre souveraineté technologique. C'est la raison pour laquelle, nous renforçons le dispositif de contrôle des investissements étrangers en France, dans la loi PACTE, et réfléchissons avec BPIfrance à la façon de créer un fonds capable d'intervenir dans les entreprises à forte valeur ajoutée sur les territoires, afin de stabiliser leurs actionnariats.

Le troisième défi de la reconquête industrielle est celui des compétences. Nous pouvons multiplier les grands discours volontaristes sur la reconquête industrielle, si les industries ont du mal à recruter, si elles n'arrivent pas à trouver en France les compétences dont elles ont besoin, tous les discours resteront lettre morte. Or aujourd'hui, 50 000 emplois industriels sont immédiatement disponibles et n'ont pas de candidats. Et même si les compétences existaient, les industriels auraient besoin, non pas de 50 000 personnes, mais de 100 000, voire 200 000 personnes. Un recrutement avec, à la clé, des parts de marché et des commandes additionnelles. Ces besoins de compétences se situent à tous les niveaux de formation. Car si les industriels ont besoin d'ingénieurs et de data scientists, ils ont également besoin de techniciens spécialisés, d'opérateurs qualifiés, de chaudronniers, de soudeurs, d'électrotechniciens, de spécialistes de la maintenance, etc. C'est un terrain de jeu extraordinaire.

Nous devons agir sur ces métiers maintenant. Nos usines doivent avoir accès à ces compétences aussi vite que possible. C'est tout le sens de la réforme de la formation professionnelle, menée en 2018 par Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail, et qui vise à confier aux entreprises et aux branches le soin de définir leurs besoins en compétences pour ensuite mettre en place les formations correspondantes.

Le défi des compétences, c'est également attirer les jeunes vers l'industrie, car l'image qu'ils en ont ne correspond pas nécessairement à la réalité. Pour eux, l'industrie garde son image du passé : des usines qui crachent de la fumée, des conditions de travail pénibles, des métiers peu valorisés, peu rémunérés. Or les métiers de l'industrie sont des métiers d'avenir, mieux rémunérés que les métiers de service, et les besoins sont réels.

Pour changer cette image, nous avons voulu faire de 2019, la grande année de l'industrie. Nous parlerons toute l'année, et dans toutes les villes de France, d'industrie, et notamment dans les agglomérations de taille moyenne. Telle est l'idée du « French Fab Tour » : se rendre dans 60 villes moyennes pour entrer en contact avec les collégiens et les lycéens, afin de nourrir leur imaginaire avant qu'ils choisissent leur orientation, ainsi qu'avec les étudiants qui ont, peut-être, besoin de se représenter concrètement ce que sont les métiers de l'industrie. Ce dispositif vise également à faciliter les contacts entre demandeurs d'emploi et entreprises qui recrutent.

D'ailleurs, il serait intéressant, en tant de députés, que vous vous investissiez, en accompagnement le French Fab Tour, et en étant présents durant la semaine nationale de l'industrie, à l'occasion de laquelle des entreprises ouvrent leurs usines aux collégiens, aux lycéens et au grand public. Il est important que vous vous investissiez durant cette semaine-là et que vous portiez haut les couleurs de l'industrie dans vos territoires.

Quatrième défi : mettre au service de l'industrie l'ensemble de nos politiques publiques. Je vais vous donner quelques exemples, mais cette approche peut être largement déclinée.

Si nous voulons que l'industrie s'implante dans tous les territoires de France, avec les mêmes atouts en région parisienne qu'en Bretagne ou dans la Drôme, nous devons lui donner les moyens de s'implanter. La couverture réseau numérique, par exemple, est impérative. Le plan très haut débit permettra d'apporter un haut débit de qualité pour tous, avec fin 2020, et un très haut débit, avant fin 2022. C'est l'objectif du New Deal mobile que nous sommes en train de déployer avec les opérateurs, en 4G.

Nous allons, dans le même temps, mettre en place une feuille de route 5G ambitieuse pour attribuer les fréquences en 2020. La 5G répond à des objectifs différents de la 4G. Elle est destinée, non pas au grand public, mais à des usages industriels et à des endroits où les communications sont denses ; l'objectif de couverture n'est donc pas de 100 %. En profiteront les usages les plus importants, en matière industrielle.

Par exemple, la 5G permettra de réaliser des opérations chirurgicales à distance avec des robots. Elle pourrait permettre, si nous retenons cette technique, de faire évoluer le véhicule autonome. Elle permettra aussi de faire tourner des usines entièrement robotisées. Des usages industriels, donc, extrêmement intéressants, innovants et qui représentent probablement les emplois de demain.

Autre levier : notre commande publique, dont l'impact économique est très important sur notre territoire, 200 milliards d'euros, et sur nos entreprises. Les achats publics constituent un levier de croissance et d'innovation pour de nombreuses PME. Nous avons donc assoupli les règles de la commande publique pour que les PME y accèdent plus facilement. En augmentant les taux d'avance versés par l'État, en supprimant dans le projet de loi PACTE les ordres de service à zéro euro, ou encore en simplifiant l'accès aux achats innovants.

Enfin, cinquième défi : le défi européen. La France dispose d'atouts majeurs, de grandes entreprises, de grandes universités et d'infrastructures compétitives. Mais soyons lucides, face à la Chine conquérante ou aux États-Unis, l'industrie française, seule, ne fera pas le poids. Nous devons nous unir au niveau européen pour développer les technologies clés de demain. La question de fond est simple : voulons-nous que nos batteries de véhicules électriques, qui représentent de manière durable 35 % de leur valeur, soient européennes ou chinoises ?

Nous devons construire de véritables filières industrielles européennes pour les technologies de rupture ; c'est une question de souveraineté future. Et c'est tout le sens du projet que nous poussons avec l'Allemagne pour développer un consortium européen de batteries de nouvelle génération.

Nous devons également renforcer la prise en compte de l'industrie dans l'ensemble de nos politiques européennes : marché intérieur – accéder au marché intérieur devrait avoir un prix –, politique commerciale, marchés publics, transport, énergie et environnement.

Ces outils doivent être utilisés comme des moyens permettant de renforcer la puissance industrielle européenne. C'est le sens de la « déclaration des amis de l'industrie » du 18 décembre dernier. Les représentants de vingt pays, parmi lesquels onze ministres, ont signé à Paris un appel pour que la prochaine Commission européenne fasse de l'industrie une prorité de son mandat, afin de restaurer la souveraineté économique européenne. C'était également le sens de la déclaration commune de MM. Bruno Le Maire et Peter Altmaier, hier, à Berlin, qui appelle à une nouvelle politique industrielle européenne.

Tels sont les quelques messages que je souhaitais vous délivrer avant de répondre à vos questions. Nous savons d'où nous venons, le chemin qui nous reste à parcourir, et nous connaissons les défis décisifs de notre industrie qui doivent nous permettre de restaurer croissance, prospérité et souveraineté. Je suis certaine que nous arriverons, ensemble, à trouver les solutions les plus efficaces pour faire réussir notre industrie, créer de l'emploi et faire réussir la France.

Je vous remercie.

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Madame la ministre, je vous remercie. Votre intervention suscite beaucoup d'intérêt, puisqu'une trentaine de députés se sont inscrits pour vous poser une question. Je leur demande donc d'être le plus concis possible, afin que vous ayez le temps de répondre.

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Madame la ministre, le succès économique de la France passe par une industrie forte. Le Gouvernement et la majorité sont engagés, ensemble, dans une politique industrielle conquérante : par le projet de loi PACTE, qui facilitera la croissance des entreprises et protègera mieux nos fleurons des acquisitions étrangères hostiles ; par le plan de transformation de l'industrie par le numérique, et par le programme « Territoires d'industrie », conçu avec notre collègue Bruno Bonnell, qui accompagne plus d'une centaine de territoires de façon décentralisée.

L'Assemblée nationale joue également tout son rôle pour promouvoir une politique industrielle conquérante. Dans le rapport de la commission d'enquête, présidée par M. Olivier Marleix et dont j'étais le rapporteur, nous avions formulé, l'année dernière, 50 propositions autour de dix axes de travail. Nombreuses sont les propositions qui ont été reprises par l'exécutif, alors que d'autres prennent forme. Pas plus tard qu'hier, M. Bruno Le Maire a annoncé un manifeste commun avec l'Allemagne « pour une stratégie industrielle européenne ». Espérons que l'ensemble des Européens uniront leurs forces pour une industrie européenne compétitive à l'échelle mondiale, avec plus d'investissements dans l'innovation, plus d'adaptation de notre cadre réglementaire, plus de protection de nos fleurons.

Le travail de ces derniers dix-neuf mois commence à payer. Cela faisait longtemps que la France n'avait pas connu autant de créations de sites et d'emplois industriels. Pour autant, cette reprise reste fragile et nous devons rester prudents, humbles et pleinement mobilisés pour l'emploi industriel.

Madame la ministre, je vous poserai deux questions. Le taux de chômage est passé sous les 9 % – une première depuis dix ans ; quels sont vos objectifs de croissance pour les investissements, l'attractivité de la France à l'international et les emplois industriels en 2019 ? Plus largement et à plus long terme, comment voyez-vous l'industrie française dans dix ans ?

Enfin, l'industrie ne concerne pas uniquement les métropoles et ne se résume pas à des chiffres ; ce sont aussi des femmes et des hommes qui sont fiers de leur savoir-faire dans les territoires. C'est d'ailleurs tout le sens du programme « Territoires d'industrie ». Madame la ministre, quelles sont les conditions pour que ce programme réussisse ? Je suis sûr que nous souhaitons tous ici qu'il réussisse, car nous sommes fiers de nos industries.

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Madame la ministre, je vous parlerai d'industrie du futur, et notamment de la technopole de Sophia-Antipolis, qui se trouve dans ma circonscription. Sophia-Antipolis fête ses cinquante ans en 2019. Elle est considérée comme la première technopole d'Europe dans le domaine du numérique et des nouvelles technologies. L'État vient d'ailleurs de lui décerner le label 3IA – label relatif à l'intelligence artificielle.

Ce succès, on le doit à un écosystème qui s'est créé au fil du temps, qui s'est spécialisé et qui regroupe la formation, la recherche, l'innovation. L'État est-il disposé à mener une politique d'accompagnement du maillage du territoire pour créer ce type d'écosystèmes spécialisés, qui permettrait d'accélérer le développement des industries du futur, d'accompagner les start-up innovantes et les ETI industrielles dans les secteurs d'activité de pointe ?

L'idée est de créer des vecteurs d'attractivité territoriale en tenant compte de tous les aspects du développement des industries du futur. Je crois, en effet, que nous devons dépasser le cap des pôles de compétitivité, qui ont malheureusement tendance à s'essouffler et qui ont montré leurs limites, notamment en termes de liens avec la recherche. L'idée est donc de former des dirigeants et des managers, et d'instaurer une sorte de circuit court, spécialisé par filière et par territoire. En deux mots : une politique de synergie industrielle impliquant tous les acteurs concernés, collectivités locales et État, sur un même territoire et par spécialisation, un peu à l'image de la technopole de Sophia-Antipolis.

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Madame la ministre, tout n'est pas perdu, loin de là, en matière industrielle en France. La semaine dernière, j'ai rencontré, avec la préfète de région Bretagne, un grand décideur industriel breton qui nous a présenté ses projets. Il a mis les pouvoirs publics face à leurs responsabilités, en tenant le discours suivant : « Les cotisations sociales et patronales sont, en France, 10 % plus élevées qu'en l'Allemagne, et les transports 5 % plus chers. J'ai donc tout intérêt, aujourd'hui, à investir à Düsseldorf plutôt qu'en Bretagne ». Ce qui signifie que les efforts déployés par MM. Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron – la dernière mesure étant la transformation du CICE en allégement de charges – ne suffisent pas.

Par ailleurs, en matière de transport, nous tournons, depuis cinq ans, autour de l'écotaxe et de la conversion de la fiscalité transport et de la fiscalité écologique ; quelles sont vos propositions à ce sujet ?

S'agissant de la recherche-développement, la France était, il y a plus de cent ans, l'un des moteurs, l'un des fleurons de l'industrie en Europe et dans le monde, notamment avec ses filières automobiles. Comment expliquer qu'un pays aussi moderne que le nôtre, qui a de grandes écoles et de grands décideurs industriels, ne soit pas capable, par exemple, dans le domaine du photovoltaïque, de faire face à la bulle spéculative et de structurer une filière moderne ? Et en matière de motorisation, pourquoi la France n'encourage-t-elle pas plus les alternatives aux moteurs à énergies fossiles – je pense aux moteurs à hydrogène, électriques et hybrides ?

Par ailleurs, les parlementaires devraient jouer un rôle beaucoup plus important, sur le terrain, en matière de contrôle des administrations, notamment en matière de simplification administrative, de façon à faciliter la vie des décideurs industriels qui consacrent une bonne partie de leur temps à lutter contre le carcan réglementaire. En effet, les réglements sont interprétés différemment selon que vous êtes implanté en Bretagne, dans les Hauts-de-France, en Alsace, en Corse ou en Provence-Alpes-Côte-d'Azur.

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Madame la ministre, j'ai trouvé votre exposé particulièrement pertinent, à l'image de ce qui se passe dans mon territoire. Je suis élu de la quatrième circonscription de la Vienne, sur le bassin châtelleraudais – 35 000 habitants – qui est le deuxième bassin industriel de Nouvelle-Aquitaine. Châtellerault a parfois eu l'image d'une ville industrielle, dévalorisante par rapport aux villes à proximité, plus centrées sur le service. Aujourd'hui, il s'agit d'une ville extrêmement dynamique, liée aux entreprises telles que Thales, Safran ou Hutchinson, des entreprises tournées vers la production industrielle.

Le problème principal de Châtellerault est le manque de main-d'oeuvre. Châtellerault n'est pas suffisamment attractive pour attirer les cadres et les ouvriers spécialisés ; nous connaissons un gros problème de recrutement.

Nous avons été par ailleurs classés « Territoire d'industrie ». Nous souhaiterions être davantage informés sur ce que peut nous apporter cette classification, car nous avons du mal à la valoriser sur le terrain.

J'en viens à un cas particulier, celui de la Fonderie du Poitou Fonte, une entreprise plus discrète que l'usine Ford de Blanquefort, anciennement détenue par Renault et dont les 900 salariés sont sur la sellette. La Fonderie est en redressement judiciaire, l'État doit absolument intervenir. Les accords conclus en 2011 n'ont pas été suivis d'effets puisque Renault devait accompagner un certain nombre d'évolutions.

Vous êtes, Madame la ministre – ou M. Bruno Le Maire –, attendue sur place, le climat devenant très délétère.

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Parti à la reconquête industrielle, M. Emmanuel Macron se rendait le 3 octobre 2017, sur le site Whirlpool d'Amiens, en présence de presque tous les médias du pays et aux côtés du repreneur Nicolas Decayeux qui affirmait aux salariés : « Tous ceux qui le souhaitent seront repris ». Avec naïveté, j'y ai cru. Avec naïveté, les 286 salariés y ont cru et sans doute aussi tous les journalistes du pays.

Le premier coup de canif a vite été donné, puisque 19 salariés se sont retrouvés sur une liste noire pour être trop compétents ou pas assez incompétents, selon les motivations. En réalité, ayant participé à la grève, ils n'ont pas été repris pour des motifs divers.

Deuxièmement, ce lundi, je recevais les sous-traitants de Prima France, anciennement Whirpool, à savoir 56 salariés, dont Christiane, qui, le 3 octobre 2017, avait été prise en photo avec M. Emmanuel Macron, lequel lui disait, en lui caressant la main : « Nous allons nous occuper de vous ». Elle est aujourd'hui sans solution, tout comme la majorité de ses collègues.

Plus globalement, il existe, sur le site WN d'Amiens, une énorme inquiétude. Quel est le projet industriel du repreneur, M. Decayeux ? Il a commencé par évoquer des boîtes à lettres électroniques – je ne sais pas vraiment en quoi cela consiste, mais je ne suis, il est vrai, pas très au fait de la modernité, il y a donc sans doute un marché –, puis des voitures électriques, et aujourd'hui, il parle de réfrigérateurs électroniques ! Or pour l'instant, aucune production n'est prévue. L'été, les salariés font du débroussaillage ; l'hiver, ils jouent aux cartes, alors que le repreneur a reçu 15 millions d'euros.

Le 4 octobre 2018, je demandais, dans une lettre adressée à la fois à l'Élysée, à la préfecture, au ministère du travail et à l'intersyndicale de Whirlpool, quel était le projet industriel de M. Decayeux. Cinq mois plus tard, je n'ai toujours pas de réponse, ni de l'Élysée, ni de la préfecture, ni du ministère, ni de l'intersyndicale.

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Madame la ministre, je rappellerai tout d'abord que, lors de la campagne présidentielle, M. Emmanuel Macron s'était fixé pour objectif de mettre fin à l'hémorragie de l'emploi industriel. Or, le secteur industriel a perdu 10 700 emplois en 2017. Dans la région Nord-Pas-de-Calais, 217 000 personnes travaillaient dans l'industrie voici dix ans ; elles sont 185 000 aujourd'hui.

Fermetures d'usines, départs à la retraite non remplacés, plans de départs volontaires, recours massifs au travail intérimaire, l'industrie continue de se restructurer sur le dos des salariés. Or notre pays ne peut avoir d'avenir sans industrie, je suis tout à fait d'accord avec vous, Madame le ministre. Mais nous ne pourrons pas maintenir nos industries dans un système fondé sur la course aux profits d'une minorité d'actionnaires.

Vous nous invitez à réfléchir à l'industrialisation, sujet important. Permettez-moi de ne pas partager tous vos objectifs, ni tout ce que vous venez de mettre en place. Prenons, par exemple, le coût du travail. Depuis 2013, par l'intermédiaire du CICE, 111 milliards d'euros ont été alloués aux entreprises, pour 100 000 emplois maintenus ou créés ; cela fait cher l'emploi ! C'est tout à fait regrettable, d'autant que les actionnaires, eux, multiplient leurs dividendes – 57 milliards d'euros. C'est énorme ! On ne peut parler de partage des richesses.

Madame la ministre, quand la SNCF veut supprimer des TGV, quand des lignes de TER ferment, quand les prix de l'essence explosent et que les services publics ferment, il est difficile de maintenir l'attractivité d'un territoire !

Enfin, il y a des intérêts à donner de nouveaux droits aux salariés. Je prendrai l'exemple de l'usine Arjowiggins, dont la lutte des salariés a permis de trouver un repreneur, mais aussi de Scop-Ti qui a redémarré une activité dans le thé, en coopérative solidaire. Si les salariés détenaient plus de pouvoirs dans les entreprises, il est certain que moins d'usines fermeraient.

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Madame la ministre, je vous propose de répondre à cette première série de questions.

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Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

L'industrie française pèse aujourd'hui 11,7 % du produit intérieur brut (PIB). L'Union européenne, dans ses déclarations pro-industrie, vise un taux de 20 % – l'Allemagne est à 23 %. Notre objectif est donc bien d'augmenter la part de l'industrie dans notre création de richesse. Je rappelle qu'une partie de l'emploi industriel a basculé mécaniquement dans les services, nous devons, de ce fait, corriger les perspectives longues : 2,8 millions d'emplois ont été supprimés en trente ans, mais 1 million d'emplois ont été créés dans les services, soit 1,8 million d'emplois nets perdus.

Notre objectif est de passer à 15 % d'emplois industriels, d'être présents sur l'échelle de valeur stratégique avec les leaders mondiaux, et de redonner de la force au made in France. Je ne l'ai pas évoqué dans mon propos liminaire, mais nous devons travailler cette notion d'origine France garantie, sachant que 75 % des consommateurs sont prêts à dépenser plus pour acheter français. Mais encore faut-il que le made in France soit fondé, qu'il ne s'agisse pas, par exemple, de la dernière étape d'un processus – le montage – alors même que tous les composants sont achetés à l'étranger.

L'augmentation de la part de l'industrie dans notre structure productive est créatrice d'emplois : pour un emploi industriel, ce sont trois à quatre emplois induits. Or nous sommes en capacité de devenir la première destination européenne pour les investissements étrangers. À condition, bien entendu, d'améliorer nos facteurs de compétitivité. J'ai, par exemple, travaillé avec le patron de la région Hauts-de-France sur un dossier d'implantation en France d'une usine.

Mais nous devons lutter contre des idées reçues sur le France. La flexibilité du marché du travail et la loi relative à cette question ne sont pas encore comprises et intégrées par les étrangers. Lorsque les investisseurs évoquent la France, ils parlent de holiday culture ! Pour eux, les Français ne travaillent ni les week-ends, ni en juillet, ni en août ! Ce sont des idées reçues contre lesquelles nous devons lutter.

Concernant Sophia-Antipolis, il s'agit en effet d'un modèle exemplaire, dans lequel nous trouvons « formation, recherche, industrialisation ». Les pôles de compétitivité nouvelle version, vous le savez, contiennent deux éléments importants : le regroupement, pour avoir une taille critique, et un financement fondé sur les résultats.

Nous devons, par ailleurs, accompagner un certain nombre de nos politiques par des accélérateurs de PME, voire d'ETI. Un patron d'entreprise est extrêmement seul, or ce qui peut lui permettre de passer le cap, c'est d'être accompagné sur des questions telles que la formation, la stratégie, le développement de nouveaux produits, la recherche, etc.

Concernant la spécialisation, si elle peut être une force, elle peut aussi être une faiblesse, un changement de cycle pouvant survenir rapidement. Notamment en ce qui concerne les PME, pour lesquelles l'approche se fait par filière. Une PME qui travaille à la fois pour l'automobile, l'aéronautique et le ferroviaire a plus de résilience qu'une PME dont l'activité est mono-sectoriel.

Enfin, Monsieur Pauget, je serais ravie de venir à Sophia-Antipolis, car nous devons mettre en lumière ce qui fonctionne.

Monsieur Benoit, nous devons effet mettre en avant le coût du travail. Il est aujourd'hui plus élevé, en moyenne, qu'en Allemagne – même si nous sommes repassés devant. Je ne développerai pas ici cette question, je vous ferai parvenir les informations. Un élément a joué en notre faveur : la productivité française a augmenté plus vite que la productivité allemande – 3 % contre 2 %. En revanche, le coût du travail en France est encore plus élevé qu'en Espagne et en Italie. Nous devons donc continuer à travailler.

S'agissant de la simplification administrative, nous avons lancé le dispositif France Expérimentation, que je vous invite à utiliser car il permet, par exemple, de découvrir que certaines règles ne s'appliquent pas. Nous sommes vraiment mobilisés pour aller plus loin, et surtout pour mettre en place des doctrines qui soient homogènes sur l'ensemble des territoires. Pour ce faire, nous avons besoin que vous nous remontiez le plus possible d'éléments du terrain.

En ce qui concerne « Territoires d'industrie », vous trouverez sur le site internet tous les éléments nécessaires : en quoi consiste ce dispositif ; comment il fonctionne ; quels sont les outils activables par chaque territoire d'industrie, etc. Trente territoires pilotes expérimentent le dispositif et une première vague de contractualisation est attendue d'ici à la fin mars ; ainsi ils serviront d'exemples aux autres territoires. La mobilisation est assez forte, les maires trouvant même que cela va trop vite !

Rendre les territoires attractifs pour attirer les cadres et les opérateurs spécialisés est l'un des enjeux de « Territoires d'industrie ». Nous devons, pour cela, travailler sur les formations, avec, par exemple la mise en place de sections d'apprentis et de préparations opérationnelles à l'emploi collectives (POEC). Mais il faut également se poser la question des écoles, des logements, des emplois pour les conjoints, etc.

Nous suivons de près le dossier de la Fonderie du Poitou. Des sites sont en redressement judiciaire, mais un repreneur s'est manifesté. Il s'agit du groupe Liberty House qui a déjà procédé à plusieurs acquisitions en France, notamment celle d'Aluminium Dunkerque. Nous suivons de près ce dossier, qui aussi lié à la baisse des ventes des véhicules diesel. Nous effectuons donc un accompagnement spécifique des entreprises concernées.

Un effort doit être réalisé pour expliquer ce que sont le bon et le mauvais diesel. L'État se doit d'adopter une position de neutralité technologique. Les entreprises fixent des normes, sont auditées par des tiers – et non par l'entreprise elle-même – et si ces normes sont validées, les véhicules auront accès aux grandes villes.

Concernant les dividendes versés aux actionnaires, je rappellerai juste que, dans les comptes de la Nation, ces dividendes ont diminué entre 2007 et 2017.

S'agissant du CICE, la baisse des charges se justifie par le fait que nous avons les charges sociales les plus élevées d'Europe. Le terme « crédit d'impôt » n'est donc peut-être pas approprié, mais les chiffres sont les suivants : 42 % de charges sur un salaire équivalent à trois fois le SMIC, contre quelque 20 % en Allemagne – qui n'est pas un pays moins-disant socialement. Le modèle du Danemark est très intéressant, puisque le social est financé par l'impôt ; ainsi, il ne pèse pas sur la compétitivité du travail.

Concernant l'usine Whirlpool d'Amiens, le projet prévoit le développement d'objets connectés. La société change de marché, puisqu'il ne s'agit plus d'électroménager classique. La situation des sous-traitants est suivie de près, et un accompagnement vers de nouveaux marchés est prévu pour éviter un risque de dépendance. Cent soixante-dix-sept personnes ont été reprises, et, effectivement, dix-neuf ne l'ont pas été. Je ne connais pas les raisons qui ont conduit à la non-reprise de ces personnes, mais je n'ai pas le sentiment qu'il y ait une absence de motifs. Enfin, 100 personnes sont parties à la retraite ou à la préretraite.

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Je vous remercie. Nous allons prendre une deuxième série de questions.

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Madame la ministre, vous l'avez dit, il est absolument nécessaire d'investir dans notre industrie, mais celle-ci a besoin d'être restructurée, transformée, notamment grâce au numérique. Des décisions ont été prises en fin d'année dernière par le Premier ministre pour relancer des filières stratégiques dans ce domaine, ce qui est extrêmement approprié.

Cependant, outre la 5G et les composants, nous devons, pour disposer d'une souveraineté au niveau numérique, nous positionner sur les logiciels – logiciels libres, open source, etc. – et maîtriser les données et la complémentarité des services.

En outre, le numérique doit irriguer l'ensemble du secteur industriel. Un plan important relatif à la robotisation a d'ailleurs été lancé, mais nous devons sans doute réfléchir également à un modèle plus global qui créera de la valeur à travers l'exploitation des données et par notre connaissance en matière de logiciels.

Comment, Madame la ministre, comptez-vous accompagner nos PME et ETI vers un modèle global qui leur permettra d'être compétitives ?

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Madame la ministre, force est de constater qu'il est de bon ton de parler de réindustrialisation, aujourd'hui en France. Ce sujet, en effet, est souvent évoqué par les Français dans le cadre du grand débat. Lorsque nous parlons de réindustrialiser la France, nous évoquons également l'industrie étrangère implantée en France. Vous avez cité Toyota, à Valenciennes, qui est un bon exemple.

Je souhaiterais vous interpeller sur les conséquences du Brexit et sur la venue d'un certain nombre d'industries étrangères sur le territoire français. Dans la région Hauts-de-France, des industriels britanniques ont déjà annoncé leur venue. Je pense à AstraZeneca, un groupe biopharmaceutique, qui compte investir à Dunkerque, à Liberty House, qui va également investir dans le Nord, ou encore à l'avancement du projet de circuit automobile de Jonathan Palmer, dans l'Aisne.

En outre, Honda a annoncé sa volonté de fermer son site de Swindon, au sud de Londres, qui représente 3 500 emplois. Or, Honda a pour projet de fabriquer des véhicules électriques pour le marché européen. Que propose le Gouvernement à cet industriel – et à d'autres – pour l'encourager à s'implanter sur notre territoire ?

Enfin, quid des industries déjà implantées en France, françaises ou non – je pense en particulier à des équimentiers –, dont les clients donneurs d'ordres sont installés outre-Manche ?

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Madame la ministre, vous avez pointé, dans votre intervention, l'amélioration sensible de la situation de notre industrie ; acceptons-en l'augure, même si une hirondelle ne fait pas le printemps. L'économie française est en panne, elle éprouve de réelles difficultés à suivre le rythme de nos partenaires les plus dynamiques.

Avec un taux de croissance du PIB inférieur à celui de l'Union européenne, notre pays éprouve les plus grandes difficultés à réduire le taux de chômage. Notre dette publique est égale au PIB, alors qu'en Allemagne elle est de 75 %. Le déficit de notre commerce extérieur est abyssal, il dépasse les 60 milliards d'euros. Les dépenses sociales, vous l'avez rappelé, représentent 31,5 % du PIB, contre 25 % en Allemagne, et la moyenne des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) est de 21 %.

Notre pays est hyper-administré, ce qui est source de coûts et de lourdeurs administratives, et paralyse le fonctionnement des entreprises Le taux des prélèvements obligatoires et de 47,7 % du PIB, alors que la moyenne européenne est de 40 %.

Les causes du déclin de notre économie mettent en évidence trois choses : un taux d'activité largement insuffisant, une désindustrialisation grave, un retard considérable en matière de robotisation. Six millions de personnes travaillaient dans l'industrie en 1975, elles n'étaient plus que 2,8 millions en 2016. Notre industrie, vous l'avez dit, contribue à hauteur de 11 % au PIB, contre 23 % en Allemagne.

Les causes de la désindustrialisation sont de trois ordres : des charges fiscales trop lourdes, un code du travail contraignant – même si les choses se sont améliorées récemment – et la difficulté à aborder la mondialisation.

Ce décrochage industriel continue de faire des dégâts au quotidien. Les nuages s'amoncellent sur le territoire, et en particulier sur les territoires ruraux ; je vous citerai deux exemples. Le premier concerne un groupe à capitaux allemands, Nicolas Industrie, présent depuis un siècle dans le département de l'Yonne, et spécialisé dans la fabrication de véhicules de transport lourds. Ce groupe est en train de mettre en place un plan de restructuration ; 72 emplois sur les 113 que compte l'entreprise seront supprimés. La production sera transférée en Allemagne, à la suite de la décision de ne plus honorer une commande destinée à l'Arabie Saoudite. Nous sommes-là face aux conséquences des décisions européennes.

Second exemple : un amendement à la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (ÉGALIM) vise à interdire l'usage de certains ustensiles composés de plastique à usage unique. Avons-nous vraiment réfléchi aux conséquences qu'aura cette interdiction sur l'activité de certaines entreprises ?

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Madame la ministre, ma question porte sur une filière industrielle qui me tient particulièrement à coeur, en tant que député de Haute-Garonne, mais aussi de co-président du groupe d'études « secteur aéronautique et spatial » : la filière aéronautique et spatiale, filière majeure pour notre pays.

Les grands constructeurs – Airbus, ATR, Dassault Aviation, Safran ou encore Thales –, motoristes ou équipementiers, font travailler un tissu de sous-traitants et de prestataires, estimé à plus de 3 000 entreprises, principalement des PME, qui font vivre nos territoires. Ce secteur totalise 300 000 emplois directs et indirects et réalise un chiffre d'affaires annuel de près de 65 milliards d'euros, dont 85 % à l'exportation. C'est le premier contributeur en solde positif du commerce extérieur de la France.

Je souhaiterais connaître votre ressenti quant aux enjeux et aux actions structurantes prévues par le contrat de filière aéronautique, signé le 10 décembre dernier.

Ensuite, l'un des risques pour ce tissu industriel dense, dans une filière aussi internationalisée que l'aéronautique, est de pâtir d'un environnement international défavorable pour les affaires. La concentration géographique de cette industrie dans la région Occitanie, et plus spécifiquement en Haute-Garonne et autour de la métropole toulousaine, a des avantages, mais également des inconvénients. Elle représente à la fois une force incomparable, puisque ce cluster est attractif à l'échelle européenne et mondiale, et une fragilité importante pour notre territoire en cas de crise économique internationale.

Face à ce risque, quelles actions comptez-vous mettre en oeuvre, ou en tout cas, quelle aide comptez-vous apporter ? En outre, comment comptez-vous encourager et accompagner la diversification de ces entreprises vers des activités connexes, notamment dans le secteur de l'automobile, et pourquoi pas dans ceux du ferroviaire et du naval ?

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Madame la ministre, à Rodez, l'entreprise Bosch, qui produit des injecteurs et des bougies pour moteurs diesel, fait face à l'effondrement des ventes de voitures diesel – moins 34 % en quatre ans. Cette baisse des ventes a déjà impacté l'activité de l'usine : forte de 2 000 salariés en 2001, l'entreprise en compte aujourd'hui moins de 1 550, et ce chiffre risque de baisser encore si la tendance persiste. L'usine est, aujourd'hui, le premier employeur industriel de l'Aveyron, et le déclin accéléré du diesel pourrait avoir d'importantes conséquences sur ce département rural.

Face à cette situation, les salariés de l'usine Bosch et l'ensemble des acteurs locaux et des élus sont particulièrement inquiets et craignent un désengagement industriel du groupe au profit d'un autre pays, comme la Turquie. Pourtant, le site a reçu le label « Usine du futur » et est la première entreprise du cluster de la « Mecanic Vallée ». Si des solutions de diversification de l'activité sont en cours, notamment dans l'aéronautique, ces pistes de reconversion se font sur le long terme.

M. Bruno Le Maire a proposé l'extension de la vignette « Crit'Air 1 » aux véhicules diesel neufs, proposition que les parlementaires aveyronnais soutiennent, car elle permettrait de préserver les emplois et de réaliser de nouveaux investissements dans d'autres produits, notamment dans la perspective du véhicule autonome.

Aujourd'hui, si nous sommes conscients des enjeux écologiques et de la nécessaire mutation industrielle et technologique dans le secteur automobile, celle-ci doit s'organiser et faire l'objet de concertations en évitant toute forme de diabolisation du diesel. Les constructeurs ont en effet réalisé des investissements importants pour obtenir la réduction massive d'émissions d'oxydes d'azote (NOx), en les ramenant au niveau des véhicules essence. La vignette Crit'Air 1 permettra de bien distinguer l'ancien parc diesel de celui de la dernière génération.

Madame la ministre, le Gouvernement mesure-t-il bien l'impact qu'aurait sur l'emploi l'extension de l'interdiction des véhicules diesel dans nos villes européennes ? Quelle est votre position sur la filière diesel, en général ?

Enfin, j'évoquerai la difficulté que rencontrent les entreprises et les start-up de notre territoire qui souhaitent s'engager dans des processus innovants, mais qui ne trouvent pas de financement pour la recherche-développement. Pouvez-vous nous indiquer comment mobiliser des fonds d'innovation et accompagner nos entreprises dans leur essor ?

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Madame la ministre, je vous poserai deux questions : l'une sur l'automobile, l'autre sur l'Europe.

S'agissant de l'automobile, je souhaiterais connaître la position exacte du Gouvernement à propos du diesel. En effet, M. Gérald Darmanin déclarait, le 16 novembre 2018 : « Le diesel est un scandale sanitaire, similaire à l'amiante ». Et ce matin, vous nous expliquez, Madame la ministre, qu'il y a du bon et du mauvais diesel ; je ne comprends plus rien à la politique du Gouvernement en matière de diesel, en dehors du fait que celui-ci a été diabolisé, à tort et dans l'excès, pour justifier l'augmentation des taxes sur le carburant. Il serait donc bon de revenir à une position plus équilibrée à ce sujet et mettre fin au « dieselgate ».

Je souhaiterais également connaître la position du Gouvernement sur l'avenir de la filière automobile, qui concerne un grand nombre d'emplois dans notre pays – la société Renault est malheureusement déstabilisée par l'affaire Carlos Ghosn. Je pense notamment à l'accompagnement de la filière automobile pour la fabrication de véhicules électriques, demain, et à la part qui sera réservée aux véhicules thermiques ; comment accompagner l'évolution de l'industrie automobile française ? Une filiale de Valeo est implantée dans ma circonscription et les salariés qui y travaillent sont inquiets.

S'agissant de l'Europe, vous avez dit, Madame la ministre, que « l'accès au marché intérieur a un prix » ; qu'entendez-vous par là ? Par ailleurs, comment pourrions-nous mieux nous protéger d'une concurrence déloyale de certains acteurs économiques dans le monde ?

Il existe également une concurrence déloyale à l'intérieur même du marché européen. Une harmonisation dans les domaines fiscal et social est prévu ; le Gouvernement agit-il en ce sens ? Existe-t-il un espoir de voir se rapprocher les fiscalités euroépennes ? Car l'industrie française aura beaucoup de mal à se développer si, au sein du marché unique européen, tous les pays ne jouent pas le jeu.

Enfin, concernant l'extraterritorialité des lois américaines, comment pouvons-nous mieux protéger nos entreprises, qui sont parfois contraintes de se retirer de certains marchés – en Iran, par exemple – sous la pression des États-Unis ?

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Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Madame Hennion, s'agissant du numérique, nous mettons en place une approche à 360 degrés. Les diagnostics d'accompagnement des PME visent à tenir compte de l'ensemble des impacts des technologies numériques sur l'entreprise – lignes de production, utilisation des data, création de nouveaux business models et d'éléments de service additionnels. Je voudrais d'ailleurs souligner que la frontière entre le service et l'industrie est en train de s'effacer ; c'est très clair s'agissant de l'automobile.

Vous avez raison de souligner la valeur des data et la transformation du business model. Le suramortissement doit être réalisé sur les machines, mais également sur les logiciels. Le contrat de filière pour les infrastructures numériques vise également à donner un aperçu plus complet de notre vision industrielle sur les sujets du numérique.

Monsieur Dive, les investissements réalisés récemment dans les Hauts-de-France ne sont pas uniquement liés au Brexit. Un vrai travail a été réalisé. Vous avez cité Toyota, présent depuis vingt ans sur notre territoire, qui a acheté le modèle français et qui continue à investir.

Quelles sont les opportunités que nous offre le Brexit ? Elles sont évidentes pour le marché financier, puisque le passeport financier s'arrête avec le Brexit. Les banques, les assets managers vont devoir réimplanter dans l'Union européenne un certain nombre d'équipes, ce qui nécessitera des fonctions supports. Il est vrai que l'Ile-de-France sera presque uniquement concernée.

En revanche, pour la partie industrielle, le sujet est moins immédiat, puisqu'il n'y aura pas d'effet couperet. Les taxes douanières, qui sont en moyenne de 3 %, vont tout de même induire des pertes de valeur pour les chaînes de valeurs intégrées entre la France et le Royaume-Uni. Nous devrons également tenir compte de l'effet logistique, le contrôle douanier étant un grain de sable dans le système. Par ailleurs, la livre étant aujourd'hui un peu fragilisée par rapport à l'euro, il pourrait y avoir, sur la compétitivité à date, un effet légèrement favorable pour les Britanniques. Nous n'assisterons donc pas, du jour au lendemain, à une réimplantation des structures industrielles en France.

Nous travaillons avec M. Ross McInnes, qui mène une mission spécifique sur l'industrie, M. Christian Noyer ayant déjà mené une mission sur la partie financière. Nous voulons faire bouger les centres de recherche-développement les plus compétitifs. Enfin, nous travaillons sur des chaînes de valeur, car ce sont bien les passages aux frontières qui feront perdre de l'argent aux industriels – ils souhaiteront donc recompacter leur production.

Je me suis rendue à Londres, où, durant toute une journée, j'ai rencontré les industriels pour leur vanter les mérites de la « plateforme France ». Business France est mobilisée sur ces sujets, M. Ross McInnes, qui peut jouer de sa double culture, vend très bien la plateforme France. Mais nous investissons également sur des cas particuliers.

Au-delà du Brexit, l'attractivité du site France doit être vendue au Japon, en Corée et dans bien d'autres pays, comme point d'entrée dans le marché de l'Union européenne.

S'agissant de l'accompagnement, les entreprises impactées par le Brexit devront, dans un premier temps, se saisir du sujet. Elles devront définir leurs points de frottement et préparer les formalités douanières.

Nous avons recruté quelque 600 personnes pour faciliter les formalités douanières et vétérinaires. Nous allons investir 50 millions d'euros en infrastructures pour accueillir des points de logistique et de traitement des formalités douanières. Nous disposons d'un système qui permet de pré-valider les formalités douanières pour les camions, sur la base de leur plaque d'immatriculation. Nous avons également animé un certain nombre de réunions de sensibilisation en direction des fédérations, des branches et également des PME ; 120 réunions se sont tenues pour expliquer le Brexit.

Nous avons également créer un site, brexit.gouv.fr, sur lequel les entreprises peuvent trouver énormément d'informations, et trois boîtes mail desquelles des opérateurs répondent quasiment instantanément aux questions concernant les douanes, la direction générale des finances publiques (DGFIP), etc.

Je vous propose d'inviter les entreprises de vos territoires à regarder tous les points de contact pour définir si une démarche est justifiée ou non. Je le rappelle, dès le 30 mars, le Royaume-Uni deviendra un pays tiers et sera traité comme un pays membre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Monsieur Villiers, je ne partage pas votre vision décliniste, qui a fait beaucoup de tort à notre pays. Nous devons voir le verre à moitié plein : le taux de croissance de la France est aujourd'hui supérieur à celui de l'Allemagne ; le coût du travail a été, pour la première fois l'année dernière, inférieur à celui de l'Allemagne ; la productivité en France a augmenté plus vite que celle de l'ensemble des pays européens ; nous avons créé des emplois dans l'industrie ; et les investissements directs étrangers ont fait un bond de plus de 30 % en 2017.

Nous devons donc aussi regarder les signaux positifs et non pas se focaliser uniquement sur les points que vous avez mentionnés, même s'ils sont exacts. Le pétrole, par exemple, a un fort impact sur le déficit commercial, d'où l'intérêt de se désensibiliser aux énergies fossiles.

S'agissant de Nicolas Industrie, nous suivons le dossier. Il s'agit d'un regroupement de lignes de production en Allemagne, sur un site insuffisamment chargé. Nous ne nous en satisfaisons pas. Nous avons demandé à l'entreprise d'allouer des moyens pour accompagner les salariés – 72 sur les 113. Nous demandons également à l'entreprise d'accepter la cession du site et de rechercher un repreneur, en laissant les équipements sur place, ce qui fait débat.

S'agissant de la loi ÉGALIM, un amendement du Sénat, tendant à s'aligner sur la directive européenne visant à interdire les objets en plastique, a eu le soutien du Gouvernement. Si nous visons bien, à terme, la fin de la vaisselle jetable, nous voulons le faire ferons dans un temps qui soit compatible avec la capacité de l'industrie du plastique à se transformer. Le sujet du plastique nécessite une réflexion sophistiquée. Le plastique recyclé à l'infini, c'est intéressant, mais cela suppose de disposer de mono matériaux – plus facile à recycler que lorsqu'il faut séparer différentes natures de plastique.

Je me suis rendue chez Airplast, lundi dernier, pour travailler sur ce sujet. Nous disposons aujourd'hui d'entreprises capables de proposer des productions recyclables, à condition de mettre en place une filière de traitement des déchets.

Le biodégradable a du sens pour les usages nomades, mais nous n'avons pas vocation à tout laisser dans la nature au motif que ces produits sont biodégradables !

Nous abordons donc tous ces sujets avec une approche d'exigence écologique, mais nous devons laisser aux entreprises l'innovation et la capacité à inventer des solutions. Nous accompagnerons celles qui nous jugerons économiquement les plus fondées.

Concernant l'aéronautique, la France est le seul pays, avec les États-Unis, capable de produire un avion de A à Z ; nous disposons de tous les composants. Il s'agit d'une fierté industrielle française.

J'ai rencontré le patron à l'international de Boeing, qui manifeste de grandes intentions d'investir en France et qui est enthousiasmé par l'écosystème toulousain.

Le contrat stratégique de la filière aéronautique prévoit un certain nombre d'objectifs : la mise en place d'une plateforme numérique BoostAeroSpace qui permettra à l'ensemble de la filière d'être intégrée en termes « 4.0 », en ayant notamment une visibilité sur les productions. L'aéronautique est la première industrie à être à ce niveau d'avancement sur le « 4.0 ». Un effort de compétitivité devra être réalisé, bien entendu, mais nous en avons les moyens.

Dans le programme d'accompagnement de l'industrie du futur, l'État contribuera au volet cybersécurité à hauteur de 5,4 millions d'euros, dans le cadre d'un partenariat État-région, pour améliorer la compétitivité des entreprises et se protéger des menaces provenant de nouveaux entrants dans ce domaine – le deuxième avion des Chinois sera compétitif en 2025.

L'autre sujet important du contrat stratégique de la filière aéronautique est la question des compétences et du recrutement. Nous nous engageons à ouvrir des formations liées aux compétences demandées.

Troisième élément, enfin : l'internationalisation des PME. Ce secteur exporte à 85 % et nous devons absolument y embarquer les PME, pour lesquelles le risque à l'exportation est plus élevé. Un plan spécifique existe sur cette question.

Concernant le diesel, le sujet est simple : il existe différentes générations de moteurs diesel. Un moteur diesel vieux de quinze ans émet un taux de particules gigantesque. Or, il reste beaucoup de véhicules de cette génération en circulation en France. Et la contribution de ces particules à des problèmes de santé publique est avérée.

Durant ces quinze dernières années, six ou sept moteurs diesel ont vu le jour. Après le « dieselgate » – un constructeur donnait depuis des années de faux éléments de performance – en 2015, la filière a dû se réorganiser. Elle fait désormais mesurer les taux d'émissions des véhicules par des tiers indépendants, sur la base de conditions réelles – selon la chaleur du moteur, le taux d'émission est différent. Cette affaire a permis de faire un bond technologique quant au traitement des émissions de particules et de NOx, de sorte que les performances de certaines nouvelles voitures diesel sont meilleures que celles des voitures à essence.

Concernant la position du Gouvernement, le Président de la République a été clair lors de son discours des cent ans de la filière automobile, en parlant de « neutralité technologique ». Nous soutenons la fabrication des moteurs à hydrogène, notamment pour les transports puissants – train, bus, etc. – qui bénéficient d'un accompagnement pour l'innovation. Le Gouvernement fixe les objectifs écologiques – nous devons un air propre aux Français – et laisse les entreprises innover. Les process innovants répondant aux objectifs fixés sont soutenus.

Enfin, l'extraterritorialité américaine est un vrai sujet, notamment lié à celui des data. Nous soutenons toutes les implantations de serveurs en France, qui nous permettront de capter de la donnée. S'agissant de l'Iran, les États membres de l'Union européenne vont instaurer une entité légale pour continuer à commercer avec ce pays, sans dépendre des circuits financiers américains. Plus généralement, la question de l'extraterritorialité nous a amenés à confier à votre collègue Raphaël Gauvain une mission pour adapter notre droit et protéger nos intérêts économiques. Le Gouvernement fera prochainement des propositions sur la base de ce rapport, mais la réponse devra nécessairement se construire au niveau européen.

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Je vous remercie, Madame la ministre.

J'indique aux membres du bureau de la commission que la réunion de celui-ci est annulée, un grand nombre de députés s'étant inscrits pour poser des questions. Je propose à ceux qui ne pourront pas poser la leur de la transmettre par écrit à la ministre, qui s'engagera à répondre plus rapidement que le Gouvernement dans son ensemble.

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Madame la ministre, vous le savez, les Hautes-Pyrénées sont marquées par un contexte industriel délicat, le département ayant perdu 7 000 emplois industriels en trente ans. Certaines entreprises du territoire font face à des difficultés. C'est actuellement le cas de l'entreprise Toupnot qui évolue dans un climat d'incertitude, source de préoccupations pour les salariés, à la suite d'un incendie qui a ravagé l'entreprise.

Cependant, d'autres entreprises industrielles sont pleines de promesses, notamment dans le secteur de la mobilité ; je pense notamment à Mécamont Hydro, spécialisée dans le transport urbain par câble, ou encore à CAF France, qui vient de remporter un nouveau marché pour la rénovation des rames de RER.

Dans nos bassins ruraux et autour de l'agglomération de Tarbes, le poids de l'industrie est déterminant. Je suis donc persuadé de l'intérêt de l'initiative « Territoires d'industrie » pour accompagner les collectivités et offrir au tissu local un accompagnement sur-mesure. Dans les Hautes-Pyrénées, deux « territoires d'industrie » ont été sélectionnés et se mettent en place : Pau-Tarbes et le pôle d'équilibre territorial et rural (PETR) Comminges-et-Nestes.

Je souhaiterais faire une remarque très positive, une réjouissance même, puisque, grâce à l'initiative « Territoires d'industrie », nous avons la preuve historique que les Béarnais et les Bigourdans peuvent se parler et construire ensemble des projets. Au-delà de cette pointe d'humour, je me satisfais pour le moment du bon fonctionnement du territoire Pau-Tarbes, pourtant interrégional, grâce notamment à la bonne volonté et au dynamisme des maires de Pau et de Tarbes, MM. François Bayrou et Gérard Trémège, et de tous les acteurs du territoire situé le long de l'Adour.

Je souhaiterais, Madame la ministre, vous faire part de deux remarques, remontées du terrain. La première concerne l'accompagnement financier prévu dans le cadre de « Territoires d'industrie », qui est jugé illisible. L'identité de l'interlocuteur n'est pas claire – BPIfrance ou la Banque des territoires – et les conditions d'intervention sont encore floues. Pouvez-vous nous éclairer ?

La seconde remarque, si elle semble relever du détail, est pourtant essentielle. Les acteurs des territoires demandent à recevoir leur convocation pour se rendre à Paris dans des délais raisonnables et non pas deux à trois jours à l'avance comme cela a pu être le cas.

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Madame la ministre, comment pouvons-nous contrôler le déploiement, au niveau local, de la politique nationale qui est mise en place ? Je m'explique. Les compétences en matière économique et de formation sont aujourd'hui régionalisées. Or toutes les régions n'ont pas la même volonté de mettre en place les politiques nécessaires.

En outre, 30 % à 50 % de l'industrie française sont organisés non pas en silos, mais de façon transversale ; c'est le cas dans mon territoire qui travaille à la fois pour l'automobile, l'aéronautique et l'énergie. Comment faut-il s'adresser à ces entreprises pour les dynamiser et leur proposer une évolution dans le cadre des dispositifs « Territoires d'industrie » ou « Territoires d'innovation » ?

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Madame la ministre, je suis tout à fait d'accord avec vous quand vous dites qu'il ne peut y avoir d'économie française sans industrie.

Vous avez évoqué le projet européen de développement d'une filière européenne de cellules de batteries pour les véhicules électriques, que vous soutenez. Sur ce sujet, je souhaiterais évoquer le cas de la société Carbone Savoie, implantée dans la vallée de la Tarentaise, dans ma circonscription, qui produit depuis 122 ans – c'est une vieille dame qui se porte très bien – du graphite synthétique et dont les produits pourraient intervenir dans la conception de ces batteries électriques d'origine européenne.

Vous engagez-vous à soutenir la candidature de Carbone Savoie à l'appel à manifestation d'intérêt ? Cette entreprise, qui est à la fois du passé et du présent, se projette également dans l'avenir, et nous avons besoin de votre soutien. Je vous invite d'ailleurs à venir la visiter, ainsi que d'autres sociétés, telles que Ugitech et Métaux Spéciaux.

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Madame la ministre, il me semble que 24 territoires ont été sélectionnés dans le cadre de l'appel à manifestation d'intérêt « Territoires d'innovation de grande ambition » (TIGA). Ces projets ont été sélectionnés et ont bénéficié de préfinancements afin d'affiner les axes qui avaient été proposés et retenus. Or la coexistence de ce dispositif avec « Territoires d'industrie » prête à confusion. Pouvez-vous nous éclairer ?

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Madame la ministre, l'abandon annoncé dernièrement de l'Airbus A380 ne doit pas signer la fin des grands projets industriels européens. Le Brexit risque de nous priver d'un partenaire de poids. Des projets sont-ils en réflexion, actuellement, au niveau européen ? Comment faire pour que le Royaume-Uni ne devienne pas un concurrent industriel ?

Par ailleurs, élue d'une région où les liaisons ferroviaires posent problème, je voulais vous interroger sur l'avancée du train à hydrogène pour remplacer les locomotives diesel vieillissantes. Alstom a lancé outre-Rhin le premier train à hydrogène en septembre 2018, et on évoque 2022 pour une circulation en France. Pouvez-vous nous le confirmer ?

Élue du Pas-de-Calais et, en particulier, de l'un des 124 « Territoires d'industrie », je rejoins mon collègue Nicolas Turquois pour dire que nous manquons d'informations. Pouvez-vous, par exemple, nous indiquer si la 5G est prévue pour tous ces territoires ?

Je m'interroge également sur la nécessaire restructuration des sites auxquels les collectivités doivent faire face, notamment avec le compactage des industriels de l'automobile. Ne pensez-vous pas que, pour attirer de nouveaux industriels, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) éloignés des métropoles devront envisager, après avoir fait des conditions intéressantes sur le foncier, de fournir les bâtiments ?

Enfin, face au problème des offres d'emploi non pourvues, et à la volonté de réenchanter l'industrie, ne serait-il pas opportun de faire évoluer le stage d'observation de classe de troisième, souvent mal optimisé, et de le transformer en stage obligatoire dans une industrie afin que chaque collégien ait la possibilité de découvrir cet univers ?

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Madame la ministre, la Haute-Saône est reconnue comme un véritable territoire d'industrie. Or, le dénominateur commun de toutes les industries est la problématique des ressources humaines. Que pouvez-vous nous proposer pour que nos jeunes puissent bénéficier de formations en lien avec nos industries ? Car quand ils partent se former, ils ne reviennent pas.

Ma seconde question concerne également le stage des élèves de troisième, qui pourrait être effectué dans des filières industrielles.

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Madame la ministre, je vous poserai deux questions.

Une enveloppe de 450 millions d'euros sera allouée au dispositif TIGA, et un peu plus de 1 milliard d'euros à « Territoires d'industrie ». Sur ces sommes, quelle est précisément la part d'argent nouveau et la part de crédits refléchés ?

Dans le dispositif « Territoires d'industrie », est-il prévu un mécanisme de répartition en faveur de territoires ruraux ou en reconversion ? En effet, les territoires étant très hétérogènes, il serait intéressant de prévoir un mécanisme qui permette de favoriser l'accaparation de crédits par des territoires ruraux, en reconversion ou en difficulté.

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Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Monsieur Sempastous, s'agissant de la société Toupnot, détruite dans un incendie, 80 salariés se retrouvent en effet sans activité. Un travail est en cours avec les services de l'État et les élus pour proposer au groupe Cofigéo une implantation nouvelle. Ce groupe a déjà participé au sauvetage des activités de la Financière Turenne Lafayette et reçu le soutien du ministre lors des échanges avec l'Autorité de la concurrence concernant William Saurin. Nous suivons donc ce dossier avec attention, et sommes déterminés à accompagner l'entreprise.

L'accompagnement financier des territoires est, bien entendu, le rôle de BPIfrance ; la Banque des territoires sera sollicitée pour l'ingénierie et le portage de l'immobilier industriel. Dans chaque région, il appartiendra aux référents de BPIfrance et de la Banque des territoires d'apporter les réponses.

M. Olivier Lluansi, délégué aux territoires d'industrie, est à votre disposition pour répondre à vos questions. Ce dispositif est un accélérateur de contrat-type visant à faciliter la vie des EPCI et des régions. D'ailleurs, il serait intéressant, là aussi, de nous remonter les signaux faibles de ce qui ne fonctionne pas.

Les contrats stratégiques de filières ont pour objectif de faire travailler, ensemble, des industries dont les process sont proches, notamment pour aller plus vite sur les sujets d'innovation, de recherche-développement et de plateformes numériques. Bien entendu, si vous regroupez des activités de chimie, de plasturgie et de papier, il ne s'agit pas d'une filière. Néanmoins, la démarche est suffisamment souple pour s'adapter à la complexité d'une PME qui s'adresse à différentes filières ; je le répète, pour durer, les PME ne doivent pas être mono marché.

Nous travaillons aussi en interfilières. Lorsque la chimie travaille sur les matériaux, c'est au bénéficie de l'ensemble de la production industrielle, qu'il s'agisse de l'aéronautique, de l'automobile – allègement des produits composites, etc. – ou du ferroviaire. Par ailleurs, des travaux communs ont lieu entre les filières. La filière « déchets », par exemple, travaille en étroite concertation avec d'autres filières.

Le dispositif « Territoires d'industrie » a pour objectif d'approcher sur le territoire les PME et les ETI dont les activités diffèrent mais qui ont des problèmes communs, notamment celui du recrutement.

S'agissant de l'articulation avec les régions, nous avons organisé, début janvier, une réunion avec les présidents de conseil régional pour travailler à un fonctionnement très fluide sur les questions de développement économique entre l'État et les régions. Lors de la prochaine réunion du Conseil national de l'industrie, nous ferons probablement des propositions tendant à la création, dans chaque région, d'un conseil régional de l'industrie. En effet, les représentants industriels souhaitent, au niveau régional, être en contact avec un représentant de l'Alliance pour l'industrie du futur et un représentant de France Industrie.

Concernant le dispositif « Territoires d'industrie », l'enjeu est d'avoir des reportings aussi précis que possible pour permettre à chaque région de savoir où elle en est par rapport aux autres. Ces reportings doivent être à la fois un facteur d'émulation et un partage de bonnes pratiques. Aucun patron de région, aujourd'hui, ne refusera de créer de l'emploi.

Concernant la filière européenne de batteries électriques, nous avons indiqué que nous mettrons à disposition 700 millions d'euros. Un appel à manifestation d'intérêt a été lancé en janvier pour identifier les industriels intéressés par ce projet. Nous avons pris connaissance des propositions de Carbone Savoie, qui se place en amont de la chaîne de valeur ; elles doivent désormais être discutées avec l'ensemble des autres industriels intéressés. Nous ne ferons pas de planification à la place des entreprises, mais l'objectif est bien d'intégrer l'ensemble de la filière avec, de préférence, des acteurs européens – si ce n'est français.

Monsieur Sommer, s'agissant de TIGA, une dizaine de territoires ont été sélectionnés, non pas seulement pour des projets industriels, mais aussi pour des projets liés à la transition écologique ou à la mobilité. Les territoires d'industrie peuvent en bénéficier, mais sans exclusivité. Nous avons fait en sorte, dans un cas sur deux, qu'il y ait une totale cohérence entre les deux dispositifs, ce qui permet de réutiliser l'argent. Sur d'autres territoires, TIGA poursuit son chemin.

Madame Deprez-Audebert, le projet de l'A380 est effectivement abandonné, mais il reste l'A350Neo, qui est à la fois un projet important et une réussite industrielle et commerciale.

Le Royaume-Uni a été, pendant quarante-cinq ans, un partenaire industriel très proche. Cette relation est bien entendu négociée dans le cadre du Brexit. Il est difficilement envisageable de ne pas réussir à négocier une relation étroite, comme nous avons pu le faire avec d'autres pays tels que la Suisse. Nous sommes confiants sur notre capacité à poursuivre des projets industriels avec le Royaume-Uni. Il est d'ailleurs prévu, dans les ordonnances prises dans le cadre du Brexit, de prolonger notre coopération en matière de matériel d'armement.

Concernant les moteurs à hydrogène, Alstom a développé un prototype et une première expérimentation a eu lieu en Allemagne. Les régions françaises sont intéressées, notamment l'Occitanie, qui souhaite effectuer prochainement des expérimentations.

La pile à combustible à hydrogène est une technologie à laquelle le Gouvernement croit, en particulier pour les modes de transport lourds. Votre collègue Benoît Simian a remis un rapport au Gouvernement sur le sujet. L'hydrogène est une alternative qui nous paraît peu coûteuse pour l'électrification, ainsi que pour verdir le transport ferroviaire. Cependant, je ne puis vous dire exactement à quelle date les premiers moteurs seront livrés. Cela dépend de considérations industrielles et de recherche-développement que je ne maîtrise pas.

La 5G n'est pas une technologie qui a vocation à être déployée sur l'ensemble du territoire. Elle répond à des usages bien précis, liés notamment à l'intensité du réseau. Elle sera utilisée pour la communication, dans les agglomérations extrêmement denses où la 4G n'est pas assez puissante, et pour des usages industriels. À ce titre, les Hauts-de-France, comme tous les autres territoires, auront accès à la 5G, mais pour des usages bien précis, où une grande puissance est nécessaire. C'est la raison pour laquelle nous continuerons le New Deal mobile pour la 4G et le très haut débit.

L'immobilier industriel est l'un des points traités par le dispositif « Territoires d'industrie ». Il est demandé à la Banque des territoires d'accompagner des projets de portage de murs industriels, comme elle le fait déjà pour le tourisme et les centres commerciaux. Nous nous appuyons donc sur son expérience.

S'agissant des stages de troisième, nous souhaitons amener les entreprises à s'engager davantage. À chaque étape du French Fab Tour, nous leur demandons de faire plus de propositions d'accueil d'élèves de troisième et de stages de qualité – cinq jours, cela passe très vite. Je souhaite – et cela n'engage que moi – qu'un maximum d'entreprises s'engagent dans une démarche volontaire et non contrainte, d'autant qu'aujourd'hui les entreprises industrielles ont besoin de montrer leur métier et ont tout à y gagner. Lors de mes déplacements, nombreux sont les industriels qui me disent intervenir dans les collèges et les lycées et ouvrir leurs portes pour la semaine de l'industrie. Il existe donc un changement important de paradigme sur cette question.

Nous devons faire en sorte que les élèves de troisième, qui ont la tentation d'effectuer leur stage dans la société de leurs parents ou de leur proche entourage, sortent de cette zone de confort pour découvrir un autre monde du travail. Nous devons aussi donner la possibilité aux élèves qui n'ont pas de réseau, dont les parents sont, par exemple, éloignés de l'emploi, d'accéder aux métiers industriels.

Concernant la formation des jeunes sur leur territoire, je ne reviendrai pas sur la question de la formation professionnelle mise en oeuvre par Mme Pénicaud. La formation doit être tirée par les branches pour être au plus près des besoins des entreprises. Par ailleurs, dans le dispositif « Territoires d'industrie », des outils, financés par le programme d'investissement dans les compétences (PIC), sont mis à la disposition des entreprises pour mettre en place soit des programmes POEC, soit des sections d'apprentissage, en particulier de métiers répondant aux besoins de recrutement des entreprises. Compte tenu des difficultés de recrutement, nombreuses sont les entreprises prêtes à s'engager dans ce type de démarche.

Par ailleurs, la démarche engagée par M. Jean-Michel Blanquer pour créer des campus d'excellence vise à revaloriser la formation professionnelle et à rendre toutes ses lettres de noblesse aux lycées professionnels. Enfin, le volontariat territorial en entreprise vise à amener des jeunes diplômés ou des étudiants – à l'occasion d'une année de césure, par exemple – à consacrer un an à une PME, dans un territoire, pour lui faire bénéficier de ses connaissances, mais également apprendre sur le terrain. Cette expérience sera valorisée lors du recrutement.

Il s'agit peut être aussi d'une façon d'entrer dans une PME, de prendre des responsabilités et d'y rester, les PME et les ETI n'ayant pas les mêmes capacités que les grandes entreprises à recruter des cadres.

Monsieur Di Filippo, les territoires retenus pour bénéficier du dispositif « Territoires d'industrie » sont – c'est le principe même du dispositif – loin des agglomérations. Ce sont des territoires qui ne bénéficient pas de la force des agglomérations, du très haut débit, ou d'un bâtiment facilement finançable. Cependant, aucune enveloppe n'est fléchée. Les territoires doivent être en capacité de se mobiliser, de porter leur projet et de contractualiser rapidement pour bénéficier du dispositif ; aucune enveloppe n'est d'avance prévue pour tel ou tel territoire. Notre démarche est de faire en sorte qu'il y ait le maximum d'appétit et de mouvement sur ces projets, afin de pousser les acteurs, sur les territoires, à s'emparer du dispositif.

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Ma question portait sur la provenance des fonds : s'agit-il d'argent nouveau ou d'enveloppes « refléchées » ?

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Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Une enveloppe qui n'est pas consommée, cela n'existe pas. L'objectif est bien de consommer ces crédits sur des projets créateurs d'emplois. Il s'agit d'une mécanique vertueuse, puisqu'un territoire consomme des crédits qui créent de l'emploi, donc des cotisations et des impôts qui permettent d'alimenter le projet de l'État.

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Je vous remercie, Madame la ministre. Une quinzaine de députés souhaitent encore vous interroger. Je vous propose de les entendre et, si vous n'avez pas le temps de répondre à toutes les questions, de le faire par écrit.

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Madame la ministre, en décembre dernier, et après plus d'un an et demi de travail, nous avons contractualisé, dans ma circonscription, le premier contrat de transition écologique (CTE) de la région Occitanie.

La genèse de ce contrat est justement la fermeture d'une industrie, d'une centrale thermique au fioul, fortement carbonée. Alors d'une difficulté économique, sociale et même fiscale, nous avons décidé d'en faire une opportunité pour réinventer l'avenir économique de la communauté de communes du Pont du Gard et du Gard rhodanien, en nous inscrivant dans une dynamique, que l'on appelle les clean tech, pour en faire un marqueur de ce territoire qui est, accessoirement, le deuxième pôle industriel de la région Occitanie.

Un gros travail a été initié par les services de l'État, les EPCI, et le tissu économique local, sous la bannière du contrat de transition écologique, et nous sommes désormais éligible au dispositif « Territoires d'industrie ». Aussi mes questions, Madame la ministre, sont les suivantes : comment rendre ces dispositifs complémentaires et non pas redondants ? Comment mieux flécher les différents financements des deux dispositifs ? Faut-il travailler sur les différentes gouvernances pour en faire une réussite, pour le coup, industrielle, économique et écologique pour laquelle je pense que nous sommes tous obligés ?

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Madame la ministre, la fusion Alstom-Siemens n'aura pas lieu. La Commission européenne y a mis un terme, en posant son veto pour des raisons, semble-t-il, d'atteinte à la concurrence intra-européenne, qui aurait pu entraîner une hausse des prix pour les systèmes de signalisation et les futures générations de trains TGV.

Alstom avait investi plus de 100 millions d'euros dans ce projet. Des interrogations demeurent quant à la compétitivité de l'entreprise sur le marché mondial et à la pérennité de ses usines – il y en a trois dans la région Bourgogne-Franche-Comté.

Face à un groupe de dimension européenne s'élèvent des ambitions chinoises, avec CRRC, société d'État sous contrôle direct du gouvernement de la République populaire de Chine, ainsi qu'une concurrence canadienne, avec l'entreprise Bombardier.

Pouvez-vous nous dire quel avenir se profile pour le groupe français Alstom ? Par ailleurs, quelle position le Gouvernement défendra-t-il pour moderniser les règles du droit européen de la concurrence et pour permettre à la France, et plus largement à l'Union européenne, de peser sur le marché mondial ?

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Madame la ministre, j'ai entendu vos propos concernant la reprise économique, notamment dans le domaine industriel. Si cette reprise peut concerner les grands groupes, il faut bien reconnaître que, pour les petites entreprises qui ont entre cinq et cinquante salariés, les choses sont plus difficiles.

Que nous disent les chefs d'entreprise sur le terrain, Madame le ministre ? Ils nous font part de leurs difficultés pour investir, avec des seuils au niveau de BPIfrance qui ne sont pas toujours adaptés aux petites entreprises, mais aussi pour aller sur les marchés à l'export.

Par ailleurs, la dimension européenne nous empêche, depuis de très nombreuses années, d'aider les entreprises afin de ne pas fausser la concurrence. Nous pouvons le comprendre, mais il n'en demeure pas moins qu'aujourd'hui, si nous trouvons des crédits pour la reconversion de friches industrielles, nous n'en trouvons pas pour aider les entreprises dans le cadre de leur projet. Il s'agit là d'un paradoxe qu'il convient de relever.

Enfin, s'agissant de la formation, nous avons laissé tomber pendant un certain nombre d'années des métiers traditionnels, du fait d'un désengagement de l'État, mais aussi parce que certaines filières n'étaient pas forcément très appréciées par de concitoyens. Nous devons, aujourd'hui, assurer la formation des jeunes à ces métiers.

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Madame la ministre, depuis quelques années, les commerçants de nos centres-villes sont soumis à rude épreuve, pris entre de la concurrence des zones commerciales de périphérie, des franchises, de la vente en ligne, et les récentes difficultés dues aux mouvements sociaux.

Mais ils connaissent aussi parfois des problèmes liés aux collectivités ; c'est le cas dans ma circonscription. La ville d'Aix-en-Provence a entamé de grands travaux et les commerçants doivent faire face à ce problème de taille. La municipalité a engagé ces travaux sans véritable concertation, et sans réflexion quant aux conséquences pour les commerçants.

Le résultat est catastrophique : des emplois en moins, des pertes sèches de chiffre d'affaires, une chute de l'attractivité d'une partie de la ville. Cependant, il est possible de mettre en place une commission d'indemnisation si celle-ci est prévue suffisamment à l'avance. Or, il a fallu près de deux ans avant que les commerçants soient entendus et que la mairie accepte de se pencher sur cette question.

Nombreux sont les commerçants qui, lorsqu'ils débutent leur activité, ne se rémunèrent pas et sont contraints de s'appuyer sur leur conjoint. Ne pourrait-on, quand des travaux sont engagés par des collectivités, rendre obligatoire la constitution d'une commission d'indemnisation en amont des travaux, associer les commerçants à l'enquête publique et prévoir également l'enveloppe nécessaire à l'indemnisation dans le budget initial des travaux ?

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Madame la ministre, quelles initiatives entendez-vous prendre pour développer le patriotisme économique ?

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Madame la ministre, j'aimerais vous interroger sur les taxes sur la production, qui sont un véritable maquis. Cela fait déjà de nombreux mois que j'alerte sur cette fiscalité qui pose un réel problème de compétitivité aux entreprises industrielles et qui nuit à l'attractivité de la France, car elle n'existe pas dans les pays voisins.

Les taxes sur la production pèsent lourd dans le choix de l'entrepreneur étranger qui souhaite installer une nouvelle usine en Europe ; il n'est pas incité à choisir la France, bien au contraire. Il y a urgence à se saisir du sujet, comme l'a rappelé M. Bruno Le Maire à plusieurs reprises. Or, nous avons trop peu de moyens et d'éléments à notre disposition. C'est pourquoi je propose que Bercy s'associe aux parlementaires pour mener une réflexion et avancer ensemble sur le sujet.

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Madame la ministre, mon propos relaiera sur le témoignage d'un chef d'entreprise que j'ai rencontré hier : le patron d'une PME de Côte-d'Or, d'une entreprise familiale qui façonne des pièces d'acier pour l'industrie nucléaire et qui a donc des contrats historiques avec Orano et EDF.

Au-delà des difficultés du quotidien en matière de gestion économique, de gestion sociale de l'entreprise, ce patron de PME appelait mon attention sur la lourdeur administrative qu'il rencontre et sur la complexité des procédures, notamment pour des questions parfois très simples, mais essentielles pour lui dans le cadre de son process d'entreprise. Ces procédures constituent des freins considérables qui mettent son entreprise en difficulté, du simple fait qu'il ne reçoit pas de réponse.

L'État est le principal actionnaire d'Orano et d'EDF. Quel signe fort pourriez-vous envoyer à cette entreprise, qui reposerait sur la confiance ? Que pourriez-vous faire pour simplifier les procédures ?

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Madame la ministre, pour croître à l'export, une PME ou une ETI doit avoir une politique d'innovation ambitieuse et constante. La valorisation industrielle et économique de l'innovation passe notamment par une stratégie de propriété intellectuelle et de dépôt adéquat des brevets. Or, une étude de mars 2008 montre que les PME allemandes déposent en moyenne près de deux fois plus de brevets que les PME françaises, et que les dépôts sont en forte croissance outre-Rhin depuis le début des années 2000, alors qu'ils stagnent, année après année, en France.

Quelles sont les ambitions du Gouvernement en la matière ?

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Madame la ministre, concernant le deuxième défi d'innovation, vous avez évoqué la propulsion propre et le stockage de l'énergie. Quel est votre avis sur la création d'entreprises ou de zones franches, en territoire rural, pour développer la recherche, l'exploitation et le stockage des énergies renouvelables – dont l'hydrogène, qui a été évoqué ? Comment travailler ensemble, sachant que ce dossier est interministériel et concerne, outre votre ministère, celui de la transition écologique et solidaire ?

S'agissant du défi européen, je me suis rendu, hier soir, à la conférence, à Jussieu, relative au « pacte finance-climat » et au projet de traité pour une banque et un fonds européen du climat et de la biodiversité ; quel est votre avis sur ce projet, d'un montant de quelque 1 000 milliards d'euros ?

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Madame la ministre, je souhaiterais avoir quelques précisions concernant la transversalité des différents plans d'action des ministères.

Je suis députée d'une circonscription de Loire-Atlantique qui comprend la centrale thermique à charbon de Cordemais et qui est à la fois éligible à « Territoires d'industrie » et au contrat de transition écologique (CTE). Le premier dispositif est piloté par la région, le second par le préfet. Comment voyez-vous cette synergie ? Par ailleurs, comment les députés peuvent-ils être sollicités et associés ?

S'agissant de la formation, Mme la ministre Frédérique Vidal a lancé une grande refonte de de la plateforme Parcoursup pour mieux orienter les lycéens vers l'enseignement supérieur. Comment vos deux ministères comptent-il travailler sur cette question et quels moyens pourraient être mis en place pour améliorer la visibilité de ces filières ?

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Madame la ministre, des mesures ont été prises pour revaloriser l'apprentissage et pour faire face aux difficultés de recrutement que vous avez évoquées. Mais quelles solutions préconisez-vous pour faire face au déficit d'apprentis, en attendant la montée en puissance de l'apprentissage ?

Vous avez parlé des objectifs de la reconquête industrielle, en nous expliquant que l'objectif était bien de créer des richesses. Quels sont les indicateurs de richesse ? La compétitivité ? Les résultats financiers ? Les distributions de dividendes ? Ou plutôt autre chose, plus social, plus humain ?

L'initiative « Territoires d'industrie », que je salue, doit être un projet de territoire durable, pour des solutions économiques, sociales et écologiques, et pour participer à la construction de bassins de vie. Ma question est la suivante : l'objectif est-il bien de mettre la création des richesses industrielles à venir au service de l'attractivité des territoires, et non pas seulement de la verser au volume des dividendes distribués ? Et comment la mesurer ?

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L'initiative « Territoires d'industrie » est un beau projet porté par le Gouvernement, mais développer de l'industrie sur les territoires nécessite aussi des voies, des relais et des routes. Mon agglomération est proche de Sète. Au XVIe siècle, le canal du Midi a été construit sur l'étang de Thau, puis un port a été construit à Sète.

Le développement des ports, des voies et des canaux ne serait-il pas aussi utile pour développer l'industrie en local ?

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Madame la ministre, mon département, les Pyrénées-Orientales, n'est pas concerné par le dispositif « Territoires d'industrie ». Pour autant, au milieu d'un désert industriel, quelques leaders mondiaux dans leur domaine y sont installés.

Parallèlement, nous avons un taux de chômage parmi les plus élevés de France, à 14,6 %. La différence avec les autres départements d'Occitanie se fait sur l'emploi industriel. Je souhaiterais savoir ce que vous prévoyez pour des territoires qui ne sont pas listés, mais qui présentent un potentiel industriel intéressant, alors qu'ils n'en ont ni l'histoire, ni l'écosystème ?

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Madame la ministre, hier, aux questions d'actualité, vous nous avez informés que vous procèderiez à l'étalement des charges sociales et fiscales pour les entreprises en chômage partiel à cause des mouvements sociaux actuels, ce qui représenterait 38 millions d'euros pour 5 000 entreprises. Cela me paraît insuffisant.

L'État a débloqué 3 millions d'euros pour le commerce local et artisanal ; c'est également insuffisant, notamment par rapport aux 2 millions d'euros que la région Auvergne-Rhône-Alpes a débloqués pour accompagner les commerçants qui ont subi des dégradations un jour de manifestation.

Par ailleurs, un deuxième volet d'accompagnement a été voté par les régions, qui propose un montant global de 6 millions d'euros avec un prêt à taux zéro pour lequel la région se porterait caution auprès des commerçants et artisans ayant subi une baisse de chiffre d'affaires.

S'agissant des communes qui ont subi depuis trois mois des pertes financières importantes du fait des manifestations, le coût est exorbitant et pèse lourdement sur leur budget, sans compter le coût de la main-d'oeuvre et du personnel. Madame la ministre, quel soutien et quelles aides financières comptez-vous apporter aux élus des collectivités, notamment à ceux de mon département, la Loire ?

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Madame la ministre, je voudrais tout d'abord vous féliciter pour vos propos et votre passion pour notre industrie, qui a besoin de cet accompagnement politique et médiatique. Au-delà même des mesures financières d'accompagnement, elle a besoin de ce soutien pour véhiculer une image nouvelle.

Mon intervention et ma question portent sur l'industrie du futur. Il y a un alignement des planètes pour cette industrie du futur dans les grands groupes, qui ont une réelle maturité à s'emparer de ces sujets d'objets connectés, d'utilisation de l'intelligence artificielle, pour produire mieux, pour mettre en place des maintenances prédictives et toutes les solutions que peuvent apporter ces nouvelles technologies.

En revanche, les PME risquent de prendre un grand retard dans ce domaine, pour des raisons de faible capitalisation, de faible numérisation, de faible capacité ou de peu d'habitude à se faire aider par des cabinets de conseil.

Des mesures spécifiques sont-elles prévues pour les PME industrielles de nos territoires ? Ces PME sont synonymes d'emplois dans nos territoires. Si nous ne les aidons pas, seuls les grands groupes profiteront des nouvelles technologies.

Mme Anne-Laurence Petel remplace M. Roland Lescure à la présidence.

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Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

S'agissant du contrat de transition énergétique, et je réponds-là en même temps à la question relative à la transversalité des politiques, nous avons réintégré un certain nombre de dispositifs dans l'initiative « Territoires d'industrie » : le contrat de transition énergétique, les campus d'excellence, les campus des métiers et des qualifications, ainsi que la gestion des déchets et des éléments intrants, avec l'appui des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL).

Dorénavant, tous les outils proposés par l'État et qui sont utiles à un projet industriel ont vocation à être réintégrés dans le dispositif « Territoires d'industrie », d'où l'intérêt de faire remonter tout ce qui ne fonctionne pas afin de le faire évoluer – réglementations trop restrictives, expertises insuffisamment déployées sur le terrain, etc.

Qui pilotera ce dispositif : la région ou le préfet ? Il s'agira là d'un apprentissage pour l'État : le « lâcher-prise ». Si nous voulons que la décentralisation fonctionne, l'État doit accepter que le pilotage soit confié aux régions, qui ont une connaissance territoriale réelle et qui disposent d'outils additionnels en relation avec les spécificités locales.

L'enjeu pour l'administration de l'État est d'accompagner les régions et de leur donner des moyens. Néanmoins, l'État sera exigeant et demandera un reporting. Nous souhaitons nous engager sur ce point, comme un certain nombre d'opérateurs étatiques : Pôle Emploi, BPIfrance, la Banque des territoires.

M. Olivier Lluansi, délégué aux territoires d'industrie, souhaite un pilotage resserré et dynamique. Un point est fait toutes les semaines avec l'ensemble des services de l'État et l'ensemble des secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR). Nous sommes en train de mettre en place une réunion, qui se tiendrait également toutes les semaines, avec l'ensemble des régions, et nous tiendrons le 5 mars, à l'occasion du salon Global Industrie, une assemblée générale des territoires d'industrie. Nous signerons fin mars les premiers contrats pilotes, qui permettront aux autres territoires d'industrie de se saisir du dispositif.

Nous sommes dans une démarche d'amélioration continue – une expression qui peut faire sourire – car nous acceptons de ne pas tout mettre dans le contrat dès le début, afin de pouvoir le nourrir au fur et à mesure de l'avancement du projet. La clé de ce dispositif est la suivante : faire en sorte que la « mayonnaise » prenne entre les industriels et les élus locaux. Il s'agit d'un enjeu majeur pour parvenir à aplanir les problèmes de complexité administrative, de compréhension du droit, d'application de ce droit. Le temps perdu par nos industries à surmonter ces obstacles fait perdre de la valeur collective.

Concernant Alstom, certes, la fusion n'aura pas lieu, mais Alstom demeure une grande entreprise, avec un carnet de commandes rempli pour cinq ans. Elle va, dans les prochaines semaines, définir son plan stratégique et repartir à l'attaque de nouveaux marchés – elle s'est déjà positionnée sur un marché au Royaume-Uni.

Plus généralement, s'agissant du droit de la concurrence, nous souhaitons bien entendu le faire évoluer, mais nous ne devons pas remettre en cause ses fondements – qui ont été portés par la Commission européenne. Il convient d'assurer au consommateur une concurrence qui lui permette de faire appel aux entreprises les plus compétitives sur le territoire et de bénéficier de prix acceptables.

Ce qui a changé, ces trente dernières années, c'est que la concurrence se heurte à une transformation des business models, de sorte que nous n'avons pas toujours conscience des dynamiques de concurrence. Alstom est actuellement sur la short list, au Royaume-Uni, avec quatre autres candidats – ils étaient sept au départ. Nous ne pouvons donc pas dire qu'il n'y a pas de concurrence. Si à chaque projet de fusion, les autres entreprises s'élèvent et disent « ce n'est pas une très bonne nouvelle pour la concurrence, cette fusion », c'est un peu facile : chacun pourrait dire la même chose si son concurrent direct voulait fusionner ! Il convient donc d'analyser de façon objective la concurrence : combien de sociétés sont en concurrence, les prix sont-ils déconnectés des autres grands marchés, sur des matériels équivalents, etc.

Nous contestons par ailleurs la façon dont le marché a été découpé par la Commission européenne. Je ne savais pas qu'un train qui roule à 290 kilomètres par heure n'était pas sur le même marché qu'un train qui roule à 310 kilomètres par heure...

Sans revenir, donc, sur les fondamentaux, nous devons nous poser les questions de façon professionnelle et nous renseigner sur les dynamiques de concurrence mondiale, avant d'analyser les marchés. Par exemple, le marché asiatique n'a pas été pris en compte. Or, CRRC est une entreprise qui pèse 28 milliards d'euros, qui s'est concentrée en Chine et dont le marché est fermé. Avec une population de plus d'un milliard d'habitants, un niveau de vie à peu près équivalent, en valeur, à l'Europe et une croissance plus soutenue, il est facile de construire une plateforme domestique solide et d'amortir les coûts de recherche et développement !

Ce sont ces éléments que nous souhaitons voir pris en compte par la Commission européenne.

S'agissant des PME, qui seraient moins concernées par la reprise économique, je n'ai pas tout à fait la même perception que vous, car je suis beaucoup sur le terrain et je peux vous citer des PME qui gagnent des parts de marché. Je vous citerai l'entreprise GYS, que j'ai visitée : elle fait 80 millions d'euros de chiffre d'affaires et, sur certains marchés, elle détient 90 % des parts. Ce sont, il est vrai, des micro-niches qui s'additionnent, mais cette entreprise innove en permanence ; c'est une entreprise « 4.0 ».

Il est vrai, cependant, que le droit européen est contraignant, concernant les aides d'État, même s'il est plus souple pour les PME. D'ailleurs, le dispositif relatif au sur-amortissement vise les PME – et il s'agit bien d'un accompagnement, d'une aide d'État.

Les collectivités locales ont aussi la possibilité d'accompagner les PME sur des projets. C'est la région qui a la compétence économique et ce sont les EPCI qui peuvent intervenir. Concernant BPIfrance, je suis bien consciente que des dossiers restent entre le quai et le bateau et qu'il conviendrait d'améliorer son fonctionnement de manière continue.

Par ailleurs, il est important que les banques financent l'industrie. Or les banques françaises ont des contraintes plus importantes, en matière de consommation de leurs fonds propres, que les banques allemandes, par exemple.

Oui, nous devons redonner aux métiers traditionnels leurs lettres de noblesse. Malheureusement, certaines sections d'apprentissage ne comptent que douze élèves inscrits, alors que vingt places sont disponibles. Nous devons mener un vrai travail collectif – représentants, leaders d'opinion, etc. – pour leur donner un maximum de visibilité et dire combien ils sont attractifs, combien ils ont du sens au regard des défis numériques et écologiques, combien ils sont durables et proposent des carrières intéressantes.

Monsieur Adam, les taxes sur la production sont, en effet un sujet que nous avons dans le viseur, M. Bruno Le Maire l'a dit à plusieurs reprises. La première attente des entreprises est que ces taxes ne progressent pas plus vite que le PIB ; aujourd'hui, elles ont une dynamique de l'ordre de 4 % à 5 %. Cependant, il est vrai que, en valeur absolue, le rapport avec l'Allemagne est de l'ordre de 1 à 7. De façon globale, c'est bien à la question de la pression fiscale sur les entreprises qu'il convient de s'attaquer, en ayant l'approche la plus holistique possible. Je partage donc votre diagnostic et valide l'idée de mettre en place un groupe de travail avec Bercy, qui pourra vous fournir des éléments. Le grand débat a permis de le démontrer, pour certains sujets, de simples chiffres permettent de rééquilibrer les perceptions.

S'agissant de la stratégie de la propriété intellectuelle, Madame Lebec, le Gouvernement a prévu, dans le projet de loi PACTE, de renforcer le brevet français, en instaurant un examen au fond par l'Institut national de la propriété industrielle (INPI). Vous avez raison, cela est nécessaire pour que les brevets aient une véritable valeur. Aujourd'hui, le tribunal de grande instance (TGI) de Paris rejette 71 % des demandes de brevet. Cependant, les PME innovantes ne se sentent pas freinées par ceux des brevets déposés par des concurrents qui n'ont rien d'inventif. Nous menons un travail au niveau européen pour créer un brevet unitaire, une évolution du brevet français qui protégera nos innovations. Les sénateurs ont souhaité revenir sur la disposition que vous avez votée en première lecture, il revient désormais aux deux chambres de poursuivre leur travail parlementaire, mais sachez que vous aurez tout mon soutien.

Concernant le patriotisme économique, Monsieur Bothorel, un gros travail doit être réalisé autour du made in France, puisque, aujourd'hui, 75 % des consommateurs affirment être disposés à payer plus cher un produit français. Reste à donner une substance à cet achat français, tout en respectant les règles de l'Union européenne. Le label « origine France garantie », par exemple, est intéressant, mais il existe d'autres labels, dont certains sont liés au patrimoine vivant ; ils donnent une valeur immatérielle au produit qui justifie un prix plus élevé. Je me suis rendue lundi dans le Jura, où nous avons évoqué le sujet, avec le made in Jura.

Nous devons également travailler sur les acheteurs publics, en améliorant les cahiers des charges pour valoriser les circuits courts, ainsi que les critères de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) – c'est bien la RSE qui distingue les entreprises européennes, françaises notamment. Enfin, et particulièrement pour les PME, il convient de valoriser l'achat innovant.

Nous avons réformé, simplifié le code de la commande publique, et ouvert des expérimentations ; nous devons désormais en tirer tout le bénéfice.

Concernant la lourdeur administrative, je vous renvoie, Monsieur le député, à France Expérimentation pour tout ce qui est réglementaire. Cependant, il ne faut pas non plus s'abriter derrière le principe de précaution dès la première averse. J'ai en effet pu constater, sur le banc des ministres, qu'à la première difficulté un amendement est déposé ; c'est une façon de faire qui contribue à complexifier le droit.

Vous le savez, nous continuons le travail de simplification administrative lancée par la précédente mandature. Nous essayons, à chaque fois que nous devons intégrer une norme nouvelle, d'en éliminer deux, mais il s'agit d'un travail de tous les instants. Et je ne vous apprends rien en disant que les deux chambres ont plutôt, lors de l'examen des projets de loi, une tendance à l'extension qu'à la simplification…

S'agissant de la refonte de l'accès à l'enseignement supérieur, il est en effet important de mettre en évidence, sur la plateforme Parcoursup, les taux d'accès à l'emploi et des éléments de carrière, éléments sur lesquels nous travaillons ; plus nous donnerons d'informations sur les métiers industriels, plus les étudiants auront envie de les découvrir. Mais il s'agit d'un travail qui doit être réalisé en aval ; l'intérêt pour l'industrie se construit dès le collège. Si nous voulons que les enfants se projettent dans ces métiers, nous devons nourrir leur imaginaire – visites d'installations industrielles, découverte de l'intelligence artificielle et des solutions écologiques –, notamment en leur présentant des héros de l'industrie. C'est la raison pour laquelle, le stage de troisième, la semaine de l'industrie ou le French Fab Tour sont nécessaires – non, ce sont pas des gadgets.

L'apprentissage, vous l'avez mentionné, est un enjeu majeur. La POEC est également un outil intéressant, qui fonctionne très bien – je l'ai mis en place dans mon ancienne entreprise – puisqu'il permet de former des demandeurs d'emploi à des métiers sur lesquels les entreprises ont du mal à recruter. La POEC aide ces personnes à entrer rapidement dans un emploi, à être formées et à acquérir une qualification qu'elles peuvent ensuite valoriser.

Vous me demandez, Monsieur Daniel, comment nous mesurons la richesse. La richesse, c'est de la création de valeur qui est ensuite partagée, c'est également de la création d'emplois. Aujourd'hui, l'enjeu majeur, ce sont les quelque 9 % de chômeurs en France ; c'est insupportable. Le second enjeu, c'est l'emploi des jeunes.

En outre, je vais le redire, et je pourrais le passer en boucle, les dividendes versés en 2007 étaient, dans les comptes de la Nation, plus élevés qu'en 2017. Tuons les idées reçues car, à un moment donné, elles influencent la décision politique, et pas nécessairement dans le bon sens. Cela ne veut pas dire que nous ne devions pas être attentifs à la politique de dividendes : je suis d'accord avec vous, il ne faut pas freiner l'investissement. Mais la motivation de 95 % des chefs d'entreprise est de développer leur entreprise, de créer de l'emploi, de conquérir des marchés, et non de distribuer des dividendes à leurs actionnaires.

S'agissant de l'industrie du futur, plusieurs leviers doivent être actionnés pour que les PME s'engagent dans le numérique et la numérisation. D'abord, il existe un problème de culture et de sentiment d'urgence – c'est ce qui ressort des enquêtes de BPIfrance. C'est la raison pour laquelle nous mettons en place un certain nombre d'accélérateurs de PME et que nous travaillons avec l'Alliance industrie du futur. Les clusters d'entreprises permettent aux entrepreneurs de partager leurs expériences.

Il me semble que nous serons toujours moins convaincants, nous, les décideurs publics, que le témoignage d'un patron de PME qui a réussi. Nous devons donc construire cet écosystème, avec l'appui de l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), des fédérations et des branches.

Deuxième levier : l'accompagnement de 10 000 diagnostics de PME. Cinq mille PME ont déjà procédé un diagnostic numérique, nous en finançons 10 000 supplémentaires. Ce sujet se traite au niveau des régions, doit être accéléré et, surtout, il ne doit pas être une simple action de sensibilisation sur deux jours, qui serait franchement insuffisante.

Troisième levier : le dispositif de suramortissement que nous avons mis en place et qui vise à rendre plus facile le « passage à l'acte », c'est-à-dire l'investissement dans des machines à commandes numériques, des robots et des logiciels. Ce dispositif permet de limiter au départ l'impact de l'investissement, le temps de créer le chiffre d'affaires qui permettra de l'amortir.

Concernant le pacte finance-climat, la finance verte est un levier clé pour la transition écologique, nous en sommes bien conscients. Vous le savez, nous sommes en avance s'agissant des émissions d'obligations assimilables du Trésor (OAT) vertes, fléchées vers la transition écologique. Nous travaillons sur ce sujet et nous avons bien reçu le rapport Canfin-Zaouati. Toutes les initiatives proposées sont intéressantes et doivent être étudiées. Pour vous citer un exemple, nous menons une réflexion sur les assurances et le changement climatique, en lien avec la finance verte.

Enfin, je terminerai en parlant des conséquences des manifestations pour les commerçants. Comment pouvons-nous les accompagner ? Le premier à avoir été sur le terrain, le 26 novembre, c'est l'État ; le premier à avoir mis en place un dispositif, c'est l'État. Je suis heureuse que les collectivités locales s'interrogent à ce sujet, mais nous n'avons pas à rougir de la rapidité avec laquelle l'État s'est intéressé à ce problème.

Un dispositif d'urgence a été mis en place : 38 millions d'euros sur le chômage partiel, auxquels s'ajoutent l'étalement des charges sociales et fiscales et le relèvement des garanties BPIfrance, de 40 % à 70 %. En outre, la mobilisation des commissions des chefs de services financiers (CCSF) permet un étalement des charges sociales et de l'ensemble de la fiscalité – y compris pour la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – qui peut aller jusqu'à vingt mois.

Nous avons également déployé des équipes, en guichet unique, avec un numéro régional, et nous testons en ce moment, à Toulouse, un dispositif d'équipes mobiles. Ces équipes vont voir les commerçants, avec un formulaire simplifié, conçu pour pouvoir recueillir les demandes des TPE.

Les 3 millions d'euros que je mentionnais, hier, s'ajoutent à tous ces dispositifs. Ils serviront à cofinancer, spécifiquement, des actions de relance et d'animation locale – qui relèvent plutôt des régions et des collectivités locales.

Je me réjouis des dispositifs qui ont été déployés par les régions, mais la grande majorité des commerçants – en tout cas, c'est ce qu'ils me disent – n'osent pas s'engager dans un prêt à taux zéro car ils ne sont pas sûrs de pouvoir le rembourser. Ils ont un manque de visibilité sur leur trésorerie, ne sachant pas quand ces manifestations s'arrêteront.

Concernant les élus des collectivités locales, M. Bruno Le Maire a réuni, mercredi dernier, les membres de France Urbaine. Nous avons pris note d'un certain nombre de difficultés qui nous ont été signalées – les surcoûts liés au nettoyage, tous les samedis soirs, des centres-villes, les inquiétudes des commerçants pour leur devenir – et nous travaillons ensemble à un plan qui intègrera tout ce qui a déjà été réalisé. Nous réfléchissons également à l'après et à la façon dont nous allons prendre en compte tous les coûts liés spécifiquement à ces épisodes de crise, qui n'avaient pas, évidemment, été budgétés par les collectivités locales.

Il me paraît important que toutes les régions soient mobilisées sur ce sujet, même si elles ne font pas toutes face au même niveau de difficulté. L'Occitanie est très concernée, Auvergne-Rhône-Alpes également, alors que les Hauts-de-France, par exemple, ont rencontré moins de problème le samedi dans les centres commerciaux.

De manière plus générale, j'ai rencontré, hier, les fédérations de commerçants, car nous avons un travail à lancer sur l'avenir du commerce. Nous devons en effet nous adapter au changement du business model, à la concurrence du e-commerce, mais également répondre à la question de l'accessibilité des TPE-PME à la numérisation – comment mettre en avant l'offre, mettre en place des click and collect, utiliser les données des clients, résister face aux plateformes et aux grands magasins, etc.

Il y a également une notion d'aménagement du territoire, liée à la présence de commerces dans les villes moyennes ou les bourgs de taille modeste. La présence de commerces sur le territoire est une vraie demande – nous l'avons noté dans le grand débat. Le commerce est quasiment présenté comme un élément du service public.

Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie. Tous ces sujets me tiennent à coeur et l'ensemble de mon équipe se tient à votre disposition pour des questions complémentaires.

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Madame la ministre, je vous remercie. vous avez pu constater, au nombre des questions, que les députés sont très intéressés par tous les sujets que vous portez. Ils apprécient, par ailleurs, énormément votre qualité d'écoute et le temps que vous prenez pour répondre de la manière la plus exhaustive possible.

Vous pourrez, Madame la ministre, comptez sur nous, à la fois pour le French Fab Tour et pour la Semaine de l'Industrie.

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 20 février 2019 à 9 h 30

Présents. – M. Damien Adam, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Thierry Benoit, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Barbara Bessot Ballot, Mme Anne Blanc, M. Yves Blein, M. Philippe Bolo, M. Éric Bothorel, M. Alain Bruneel, Mme Anne-France Brunet, M. Jacques Cattin, M. Sébastien Cazenove, M. Anthony Cellier, M. Dino Cinieri, Mme Michèle Crouzet, M. Yves Daniel, M. Rémi Delatte, M. Michel Delpon, M. Nicolas Démoulin, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Fabien Di Filippo, M. Julien Dive, M. Daniel Fasquelle, Mme Valéria Faure-Muntian, Mme Christine Hennion, M. Antoine Herth, M. Philippe Huppé, M. Guillaume Kasbarian, M. Jean-Luc Lagleize, Mme Laure de La Raudière, Mme Célia de Lavergne, Mme Marie Lebec, Mme Annaïg Le Meur, M. Roland Lescure, Mme Monique Limon, M. Richard Lioger, M. Didier Martin, M. Max Mathiasin, Mme Graziella Melchior, M. Jean-Baptiste Moreau, M. Mickaël Nogal, Mme Valérie Oppelt, M. Ludovic Pajot, M. Éric Pauget, Mme Anne-Laurence Petel, M. Benoit Potterie, M. Vincent Rolland, M. Jean-Bernard Sempastous, M. Denis Sommer, M. Éric Straumann, M. Nicolas Turquois, M. André Villiers

Excusés. – M. Jean-Claude Bouchet, Mme Stéphanie Do, M. José Evrard, M. Sébastien Leclerc, M. Serge Letchimy, Mme Claire O'Petit, M. Dominique Potier, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Bénédicte Taurine

Assistaient également à la réunion. – M. Pierre Cordier, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Frédérique Lardet, M. François Ruffin, M. Jean-Pierre Vigier