Madame Hennion, s'agissant du numérique, nous mettons en place une approche à 360 degrés. Les diagnostics d'accompagnement des PME visent à tenir compte de l'ensemble des impacts des technologies numériques sur l'entreprise – lignes de production, utilisation des data, création de nouveaux business models et d'éléments de service additionnels. Je voudrais d'ailleurs souligner que la frontière entre le service et l'industrie est en train de s'effacer ; c'est très clair s'agissant de l'automobile.
Vous avez raison de souligner la valeur des data et la transformation du business model. Le suramortissement doit être réalisé sur les machines, mais également sur les logiciels. Le contrat de filière pour les infrastructures numériques vise également à donner un aperçu plus complet de notre vision industrielle sur les sujets du numérique.
Monsieur Dive, les investissements réalisés récemment dans les Hauts-de-France ne sont pas uniquement liés au Brexit. Un vrai travail a été réalisé. Vous avez cité Toyota, présent depuis vingt ans sur notre territoire, qui a acheté le modèle français et qui continue à investir.
Quelles sont les opportunités que nous offre le Brexit ? Elles sont évidentes pour le marché financier, puisque le passeport financier s'arrête avec le Brexit. Les banques, les assets managers vont devoir réimplanter dans l'Union européenne un certain nombre d'équipes, ce qui nécessitera des fonctions supports. Il est vrai que l'Ile-de-France sera presque uniquement concernée.
En revanche, pour la partie industrielle, le sujet est moins immédiat, puisqu'il n'y aura pas d'effet couperet. Les taxes douanières, qui sont en moyenne de 3 %, vont tout de même induire des pertes de valeur pour les chaînes de valeurs intégrées entre la France et le Royaume-Uni. Nous devrons également tenir compte de l'effet logistique, le contrôle douanier étant un grain de sable dans le système. Par ailleurs, la livre étant aujourd'hui un peu fragilisée par rapport à l'euro, il pourrait y avoir, sur la compétitivité à date, un effet légèrement favorable pour les Britanniques. Nous n'assisterons donc pas, du jour au lendemain, à une réimplantation des structures industrielles en France.
Nous travaillons avec M. Ross McInnes, qui mène une mission spécifique sur l'industrie, M. Christian Noyer ayant déjà mené une mission sur la partie financière. Nous voulons faire bouger les centres de recherche-développement les plus compétitifs. Enfin, nous travaillons sur des chaînes de valeur, car ce sont bien les passages aux frontières qui feront perdre de l'argent aux industriels – ils souhaiteront donc recompacter leur production.
Je me suis rendue à Londres, où, durant toute une journée, j'ai rencontré les industriels pour leur vanter les mérites de la « plateforme France ». Business France est mobilisée sur ces sujets, M. Ross McInnes, qui peut jouer de sa double culture, vend très bien la plateforme France. Mais nous investissons également sur des cas particuliers.
Au-delà du Brexit, l'attractivité du site France doit être vendue au Japon, en Corée et dans bien d'autres pays, comme point d'entrée dans le marché de l'Union européenne.
S'agissant de l'accompagnement, les entreprises impactées par le Brexit devront, dans un premier temps, se saisir du sujet. Elles devront définir leurs points de frottement et préparer les formalités douanières.
Nous avons recruté quelque 600 personnes pour faciliter les formalités douanières et vétérinaires. Nous allons investir 50 millions d'euros en infrastructures pour accueillir des points de logistique et de traitement des formalités douanières. Nous disposons d'un système qui permet de pré-valider les formalités douanières pour les camions, sur la base de leur plaque d'immatriculation. Nous avons également animé un certain nombre de réunions de sensibilisation en direction des fédérations, des branches et également des PME ; 120 réunions se sont tenues pour expliquer le Brexit.
Nous avons également créer un site, brexit.gouv.fr, sur lequel les entreprises peuvent trouver énormément d'informations, et trois boîtes mail desquelles des opérateurs répondent quasiment instantanément aux questions concernant les douanes, la direction générale des finances publiques (DGFIP), etc.
Je vous propose d'inviter les entreprises de vos territoires à regarder tous les points de contact pour définir si une démarche est justifiée ou non. Je le rappelle, dès le 30 mars, le Royaume-Uni deviendra un pays tiers et sera traité comme un pays membre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
Monsieur Villiers, je ne partage pas votre vision décliniste, qui a fait beaucoup de tort à notre pays. Nous devons voir le verre à moitié plein : le taux de croissance de la France est aujourd'hui supérieur à celui de l'Allemagne ; le coût du travail a été, pour la première fois l'année dernière, inférieur à celui de l'Allemagne ; la productivité en France a augmenté plus vite que celle de l'ensemble des pays européens ; nous avons créé des emplois dans l'industrie ; et les investissements directs étrangers ont fait un bond de plus de 30 % en 2017.
Nous devons donc aussi regarder les signaux positifs et non pas se focaliser uniquement sur les points que vous avez mentionnés, même s'ils sont exacts. Le pétrole, par exemple, a un fort impact sur le déficit commercial, d'où l'intérêt de se désensibiliser aux énergies fossiles.
S'agissant de Nicolas Industrie, nous suivons le dossier. Il s'agit d'un regroupement de lignes de production en Allemagne, sur un site insuffisamment chargé. Nous ne nous en satisfaisons pas. Nous avons demandé à l'entreprise d'allouer des moyens pour accompagner les salariés – 72 sur les 113. Nous demandons également à l'entreprise d'accepter la cession du site et de rechercher un repreneur, en laissant les équipements sur place, ce qui fait débat.
S'agissant de la loi ÉGALIM, un amendement du Sénat, tendant à s'aligner sur la directive européenne visant à interdire les objets en plastique, a eu le soutien du Gouvernement. Si nous visons bien, à terme, la fin de la vaisselle jetable, nous voulons le faire ferons dans un temps qui soit compatible avec la capacité de l'industrie du plastique à se transformer. Le sujet du plastique nécessite une réflexion sophistiquée. Le plastique recyclé à l'infini, c'est intéressant, mais cela suppose de disposer de mono matériaux – plus facile à recycler que lorsqu'il faut séparer différentes natures de plastique.
Je me suis rendue chez Airplast, lundi dernier, pour travailler sur ce sujet. Nous disposons aujourd'hui d'entreprises capables de proposer des productions recyclables, à condition de mettre en place une filière de traitement des déchets.
Le biodégradable a du sens pour les usages nomades, mais nous n'avons pas vocation à tout laisser dans la nature au motif que ces produits sont biodégradables !
Nous abordons donc tous ces sujets avec une approche d'exigence écologique, mais nous devons laisser aux entreprises l'innovation et la capacité à inventer des solutions. Nous accompagnerons celles qui nous jugerons économiquement les plus fondées.
Concernant l'aéronautique, la France est le seul pays, avec les États-Unis, capable de produire un avion de A à Z ; nous disposons de tous les composants. Il s'agit d'une fierté industrielle française.
J'ai rencontré le patron à l'international de Boeing, qui manifeste de grandes intentions d'investir en France et qui est enthousiasmé par l'écosystème toulousain.
Le contrat stratégique de la filière aéronautique prévoit un certain nombre d'objectifs : la mise en place d'une plateforme numérique BoostAeroSpace qui permettra à l'ensemble de la filière d'être intégrée en termes « 4.0 », en ayant notamment une visibilité sur les productions. L'aéronautique est la première industrie à être à ce niveau d'avancement sur le « 4.0 ». Un effort de compétitivité devra être réalisé, bien entendu, mais nous en avons les moyens.
Dans le programme d'accompagnement de l'industrie du futur, l'État contribuera au volet cybersécurité à hauteur de 5,4 millions d'euros, dans le cadre d'un partenariat État-région, pour améliorer la compétitivité des entreprises et se protéger des menaces provenant de nouveaux entrants dans ce domaine – le deuxième avion des Chinois sera compétitif en 2025.
L'autre sujet important du contrat stratégique de la filière aéronautique est la question des compétences et du recrutement. Nous nous engageons à ouvrir des formations liées aux compétences demandées.
Troisième élément, enfin : l'internationalisation des PME. Ce secteur exporte à 85 % et nous devons absolument y embarquer les PME, pour lesquelles le risque à l'exportation est plus élevé. Un plan spécifique existe sur cette question.
Concernant le diesel, le sujet est simple : il existe différentes générations de moteurs diesel. Un moteur diesel vieux de quinze ans émet un taux de particules gigantesque. Or, il reste beaucoup de véhicules de cette génération en circulation en France. Et la contribution de ces particules à des problèmes de santé publique est avérée.
Durant ces quinze dernières années, six ou sept moteurs diesel ont vu le jour. Après le « dieselgate » – un constructeur donnait depuis des années de faux éléments de performance – en 2015, la filière a dû se réorganiser. Elle fait désormais mesurer les taux d'émissions des véhicules par des tiers indépendants, sur la base de conditions réelles – selon la chaleur du moteur, le taux d'émission est différent. Cette affaire a permis de faire un bond technologique quant au traitement des émissions de particules et de NOx, de sorte que les performances de certaines nouvelles voitures diesel sont meilleures que celles des voitures à essence.
Concernant la position du Gouvernement, le Président de la République a été clair lors de son discours des cent ans de la filière automobile, en parlant de « neutralité technologique ». Nous soutenons la fabrication des moteurs à hydrogène, notamment pour les transports puissants – train, bus, etc. – qui bénéficient d'un accompagnement pour l'innovation. Le Gouvernement fixe les objectifs écologiques – nous devons un air propre aux Français – et laisse les entreprises innover. Les process innovants répondant aux objectifs fixés sont soutenus.
Enfin, l'extraterritorialité américaine est un vrai sujet, notamment lié à celui des data. Nous soutenons toutes les implantations de serveurs en France, qui nous permettront de capter de la donnée. S'agissant de l'Iran, les États membres de l'Union européenne vont instaurer une entité légale pour continuer à commercer avec ce pays, sans dépendre des circuits financiers américains. Plus généralement, la question de l'extraterritorialité nous a amenés à confier à votre collègue Raphaël Gauvain une mission pour adapter notre droit et protéger nos intérêts économiques. Le Gouvernement fera prochainement des propositions sur la base de ce rapport, mais la réponse devra nécessairement se construire au niveau européen.