Intervention de Yannick Favennec-Bécot

Séance en hémicycle du mercredi 6 mars 2019 à 15h00
Débat sur la réduction drastique du nombre d'emplois aidés et son impact sur les tissus de solidarité au niveau local

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYannick Favennec-Bécot :

Le constat est implacable : en un an, plus de 7 % des associations employeuses ont disparu. Lorsqu'on aborde la question des emplois aidés, il est difficile de ne pas songer au milieu associatif qui, avec les collectivités territoriales, a très certainement le plus souffert de la réduction drastique de ces contrats.

Ces emplois donnaient aux associations des moyens humains pour assurer leurs missions au service de la solidarité et participaient également à l'insertion sociale de ceux qui en bénéficiaient. Confrontées à la réduction drastique de ces contrats, toutes les structures associatives ont craint pour le lien social et pour l'intérêt général qu'elles servent au quotidien dans nos territoires, en particulier dans le monde rural, comme je le mesure dans mon département de la Mayenne.

Brutalement, en l'espace d'un an, nous sommes ainsi passés de 320 000 emplois aidés à 60 000, bien moins que le chiffre prévu. Les mesures prises sans concertation par le Gouvernement ont obligé les employeurs à réagir dans l'urgence. Les tissus de solidarité au niveau local ont évidemment été durement touchés. Il a fallu s'adapter, tant bien que mal ou disparaître. Avant l'annonce brutale de leur réduction, les associations employaient 38 % des contrats aidés. Sans grande surprise, elles ont donc été les plus durement affectées par cette baisse. Parmi les secteurs les plus concernés, la culture et le sport arrivent en tête, sans oublier les associations en milieu scolaire. Aussi, face à cette perte de ressources, ont-elle improvisé. La plupart des structures ont revu leurs activités à la baisse, ont diminué leurs effectifs, réduit leur nombre de projets ou ont fait intervenir, quand cela était possible, davantage de bénévoles.

Un bien triste constat lorsqu'on sait que les emplois aidés concouraient pourtant à la pérennité des activités et plaçaient les associations dans un cercle vertueux. En effet, leur recours, notamment dans les tâches administratives, permettait de développer l'activité des structures et, finalement, de financer l'emploi.

Il faut aussi prendre en compte que cette décision de baisser les emplois aidés a été prise dans un contexte particulièrement difficile pour le monde associatif. Depuis plusieurs décennies, l'État se décharge progressivement sur les associations d'un nombre toujours plus important de missions d'utilité sociale, sans que leurs financements soient proportionnels à ces transferts. De fait, les subventions publiques n'ont cessé de baisser depuis des années, comme tous les moyens des collectivités territoriales, qui sont pourtant des soutiens essentiels de la vie associative.

S'ajoutent à cela les effets néfastes de décisions plus récentes, comme la réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune – ISF – , qui a eu pour conséquence de diminuer les dons aux associations, ou bien la suppression de la réserve parlementaire, qui a conduit à une baisse brutale de leurs moyens.

Enfin, les majorités qui se sont succédé n'ont pas fait assez pour encourager l'engagement associatif, alors que nous aurions pu avancer sur des mesures très concrètes et attendues. Je pense, entre autres, à la prise en compte de trimestres complémentaires pour les responsables associatifs lors du calcul de leur retraite, que je défends depuis plusieurs années, ou encore à l'instauration d'un véritable statut du bénévolat qui les protégerait mieux sur le plan juridique et leur permettrait de concilier vie professionnelle et engagement associatif.

Finalement, les associations doivent faire plus avec moins. En dépit de ces obstacles, il y a, en France, un fort désir d'engagement et le nombre d'associations augmente de 2 % par an. Mais celles qui croissent sont souvent de petites associations locales de bénévoles. Or tout le monde ne peut pas se permettre d'offrir bénévolement ses services. La preuve ? Les jeunes en situation précaire ne s'engagent pas. Les catégories socioprofessionnelles dites supérieures sont les plus représentées dans le milieu associatif. Les contrats aidés étaient donc un moyen efficace d'intégrer des individus d'habitude éloignés de l'associatif, et de les faire participer à la société. Les personnes en situation de handicap ont été en particulier doublement pénalisées avec, d'une part, les associations d'accompagnement qui avaient largement recours aux emplois aidés et, d'autre part, les travailleurs handicapés qui bénéficiaient aussi de ces contrats et qui ont vu leur insertion socioprofessionnelle entravée.

On ne peut donc que regretter la réduction du nombre de ces contrats qui offraient une vraie possibilité de formation et d'insertion : les emplois aidés permettaient de gagner en compétences mais surtout de gagner en confiance.

Appréhender les contrats aidés sous le seul angle de leur coût vous a fait passer à côté de l'essentiel : l'insertion sociale, la solidarité et le lien social. Au-delà des associations, les communes également, garantes des services publics et de la solidarité au coeur des territoires, ont été mises en difficulté, en particulier au regard de l'entretien des espaces publics et des politiques de l'enfance, dans les services scolaires ou l'accueil périscolaire. Souvent, d'ailleurs, cette baisse du nombre de contrats aidés s'est faite au prix d'une réduction du service public de proximité : certaines prestations aux usagers ont été allégées ou tout bonnement supprimées.

Comment pouvons-nous cautionner cela ? En particulier dans les territoires isolés et les territoires ruraux déjà fortement touchés par la disparition des services publics, ou encore dans les territoires où l'insertion sociale et professionnelle est une priorité.

Au sein du groupe Libertés et Territoires, nous ne cessons de demander un moratoire sur ces fermetures de services publics, évidemment accélérées par la baisse du nombre de contrats aidés. Quelle alternative avez-vous proposée ? Le parcours emploi compétences – PEC ? Outre qu'il n'est que très peu pris en charge par l'État, …

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