Intervention de Marie-Noëlle Battistel

Séance en hémicycle du mercredi 6 mars 2019 à 22h00
Débat sur l'avenir du secteur hydroélectrique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Noëlle Battistel :

Je voudrais tout d'abord remercier le groupe GDR d'avoir bien voulu proposer à l'ordre du jour de notre Assemblée ce débat sur l'avenir du secteur hydroélectrique.

Certains jugeront peut-être ce sujet technique, anecdotique ou éloigné des préoccupations quotidiennes exprimées par les Français, notamment en cette période d'urgence sociale et démocratique. Pour ma part, j'ai la faiblesse de penser qu'il s'agit d'un débat éminemment politique, au sens le plus noble du terme, déterminant sur le fond comme sur la forme.

Non seulement ce débat de fond touche au quotidien des Français et interroge notre vision de la transition énergétique, donc de l'avenir, mais il est aussi révélateur de la manière dont nous concevons l'action publique.

Ces dernières années, notre assemblée s'est saisie à plusieurs reprises de ce sujet. Lors de chacun de nos débats, sans dogmatisme, nous avons conclu à l'importance du service public de l'hydroélectricité, à la nécessité de la sécurité de tous et au caractère primordial de la maîtrise de l'eau.

À chaque fois, bien au-delà de nos sensibilités politiques, nous avons rappelé que l'hydroélectricité est à la fois un patrimoine national tout autant qu'une chance pour le mix énergétique français et la transition énergétique.

Tout cela, nous l'avons dit à l'occasion du rapport d'information de la commission des affaires économiques sur l'hydroélectricité, que j'avais présenté avec mon collègue Éric Straumann en 2013.

Nous l'avons rappelé dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, adoptée en 2015. Et nous l'avons encore réaffirmé en 2018 devant la commission des affaires économiques, en présentant les conclusions du groupe de travail relatif aux concessions hydroélectriques que j'ai eu l'honneur de présider.

Je ne reviendrai donc que brièvement sur ce qui semble sonner à l'oreille de beaucoup comme une évidence : le maintien du caractère public de nos concessions hydroélectriques est une nécessité.

Si nous devons sauvegarder le caractère public de ce patrimoine, ce n'est pas seulement parce que l'hydroélectricité est vertueuse, parce qu'elle est la première source de production d'énergie renouvelable ; ce n'est pas seulement parce qu'elle contribue à équilibrer le mix énergétique, tout en augmentant la part des énergies renouvelables, ni parce qu'elle représente 25 000 emplois directs et indirects ; ce n'est pas seulement parce que nous avons le devoir d'assurer la gestion des crues, la sécurité des riverains et des milliers de personnes qui peuplent les bassins versants ; ce n'est pas seulement pour sa capacité de stockage et sa flexibilité, qui sont indispensables à l'intégration des autres énergies propres, toutes intermittentes ; ce n'est pas seulement parce qu'elle nous permet de contribuer à l'indépendance énergétique de notre pays.

C'est bien sûr pour tout cela, mais aussi pour le service public de l'eau, le multi-usage de l'eau et les rôles propres des barrages sur nos territoires.

L'hydroélectricité joue en effet un rôle crucial sur le multi-usage de l'eau, en matière d'irrigation agricole, de soutien d'étiage, ou encore de tourisme.

Je l'ai déjà écrit, je l'ai déjà dit et je le répète ici avec force : aborder la gestion des concessions sous le seul angle de la production d'énergie serait une erreur. Il faut au contraire prendre en compte l'ensemble des aspects qu'elle concerne, notamment le bien commun qu'est l'eau.

Nous devons nous interroger, chers collègues : alors que chacun reconnaît la nécessité d'augmenter la part du renouvelable dans notre mix énergétique, est-il sérieux que notre pays se sépare de la gestion publique de l'outil hydroélectrique ?

Est-il acceptable de donner les clés de notre sécurité, de l'usage de l'eau, à des entreprises dont la recherche de rentabilité s'accommoderait mal de l'intérêt général ?

Est-il équitable, enfin, d'ouvrir des procédures de mise en concurrence ne reposant sur aucun principe de réciprocité ? Accepterions-nous de confier l'exploitation de nos ouvrages à des entreprises étrangères, alors même que dans leurs pays d'origine, nos entreprises françaises ne seraient pas autorisées à concourir ?

Personne ne semble vraiment contester cela. Nous ne devrions donc pas avoir trop de difficulté à en tirer des conclusions communes et à proposer, tous ensemble, de manière volontariste, des solutions pour garder ces concessions dans le giron public et ne pas engager la mise en concurrence.

L'hydroélectricité, qui repose sur les deux biens communs que sont l'eau et l'énergie, relève davantage du service public que du service marchand. C'est une évidence.

Par ailleurs, la mise en demeure adressée à notre pays est de moins en moins justifiée. Elle repose sur la dénonciation de la situation dominante d'EDF, position qui se réduit de fait chaque mois avec l'ouverture du marché de détail et la montée en puissance des énergies renouvelables, portées majoritairement par des opérateurs concurrents, ce qui réduit mécaniquement ses parts de marché.

En conclusion, madame la secrétaire d'État, je souhaiterais que nous puissions convenir ici que la mise en concurrence de nos barrages n'est pas une fatalité. Il ne s'agit pas pour nous de dire que le combat serait gagné d'avance ou que la seule volonté de la République française suffirait à convaincre les instances européennes.

Nous, députés socialistes, restons persuadés que, pour être gagné, le combat pour le service public de l'énergie doit être mené. Nous refusons de baisser la garde ou d'accepter cette fatalité dogmatique. Nous refusons de nous contenter de la vigilance gouvernementale, qui ferait d'une mise en concurrence opérée par paquets une victoire pour « limiter les dégradations sociales ».

Nous refusons de prendre la responsabilité de fragiliser une filière reconnue dans le monde entier, portée par nos opérateurs historiques, qui a fait la preuve de son efficacité énergétique et qui reste une vitrine de l'excellence industrielle et énergétique française.

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