C'est dire si la lutte des classes imprègne toujours le rapport capital-travail !
Quoi de neuf, près de soixante-dix ans plus tard, alors que le SMIC occupe les débats des Français comme ceux des élus de la République, tels les députés communistes qui vous pressent aujourd'hui d'en débattre ? Les travailleurs pauvres sont une réalité qui se répand, et la consommation atone des familles salariées pèse sur la croissance. Quant aux idées communistes, elles réinvestissent l'esprit du mouvement social dont la crête singulière est formée par le mouvement des gilets jaunes.
En somme, cette situation économique, sociale et politique devrait vous amener, vous, la droite, à négocier un compromis sur cette question. Alors qu'en est-il, plus précisément, dans cette séquence d'actualité ?
La rémunération de l'immense majorité de celles et de ceux qui vivent de leur force de travail est en berne. Elle ne leur permet plus de vivre décemment, sous le double effet de la stagnation des salaires, depuis la crise de 2008, et de la captation de la richesse produite par le travail par un petit nombre, notamment par les actionnaires, dont les dividendes atteignent 57 milliards d'euros en 2018. Ce transfert de la valeur ajoutée du travail vers le capital détruit notre pacte social.
Sans tirer les conséquences de ces constats, le Président de la République a annoncé des mesures d'urgence portant sur le pouvoir d'achat. Loin de répondre à la demande de revalorisation des salaires et notamment du SMIC, il s'est agi de mobiliser des instruments en trompe-l'oeil : heures supplémentaires exonérées, prime exceptionnelle, augmentation d'une prestation sociale pour compléter les bas revenus.
Ces mesures, financées soit par de nouvelles exonérations de cotisation sociales, soit par la solidarité nationale, c'est-à-dire par les contribuables, ne sont pas à la hauteur des attentes exprimées par nos concitoyens qui veulent pouvoir vivre dignement de leur travail. Elles épargnent en outre le capital.
Surtout, ces annonces laissent de côté un nombre important de Français. Alors que seulement un salarié au SMIC sur deux sera concerné par la prime d'activité, les salariés à temps très partiel, les étudiants, les retraités, les agents de la fonction publique, les bénéficiaires des minima sociaux ou encore les privés d'emploi sont complètement oubliés.
Je voudrais maintenant rappeler rapidement plusieurs éléments essentiels qui démontreront le bien-fondé d'une augmentation urgente et progressive du SMIC et des salaires en général, à l'opposé de la glaciation sociale que vous imposez et qui fait claquer des dents un nombre croissant de Français.
Premièrement, augmenter le SMIC, c'est augmenter le salaire minimum, c'est-à-dire aller vers un salaire décent permettant de faire face aux aléas de la vie quotidienne.
Combien faut-il, aujourd'hui, en France, pour vivre décemment ? L'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale estime que le salaire décent pour une personne seule active logée dans le parc social s'élève à 1 454 euros, et à 1 572 euros lorsqu'elle est logée dans le parc privé.
Le panier moyen se décompose ainsi : 620 euros environ pour le logement, 300 euros pour le transport, 220 euros pour l'alimentation, 150 euros pour la vie sociale, 110 euros pour l'équipement, 70 euros pour l'habillement et 60 euros pour la santé. Telle est la réalité du quotidien vécu par nos concitoyens.
Pourtant, aujourd'hui, vivre au Smic signifie vivre avec 1 203 euros par mois. Nous proposons donc de fixer le SMIC à 1 800 euros bruts, soit près de 1 400 euros nets afin de se rapprocher ainsi du niveau de vie décent.