Intervention de Christine Cloarec-Le Nabour

Séance en hémicycle du jeudi 7 mars 2019 à 15h00
Revenus du conjoint dans le calcul de l'allocation aux adultes handicapés — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Cloarec-Le Nabour :

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine nous propose de voter la suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l'allocation aux adultes handicapés. Il s'agirait donc d'individualiser le versement de cette prestation.

Afin qu'il n'y ait pas de confusion et au risque de quelques redites, permettez-moi de rappeler ce qu'est l'allocation aux adultes handicapés. C'est un minimum social, une garantie de ressources ou encore un RSA – revenu de solidarité active – amélioré et adapté aux personnes en situation de handicap, un « RSAH » en quelque sorte. C'est un élément déterminant de la solidarité nationale, ce qui justifie qu'il soit supporté par le budget de l'État. La solidarité nationale s'articule légitimement avec les solidarités familiales, notamment la solidarité entre époux, reconnue par le droit civil.

L'AAH est conçue de façon différentielle et familiarisée. Cela signifie qu'elle peut être cumulée avec d'autres ressources, mais aussi que le plafond est majoré en fonction de la situation familiale. Son montant correspond à la différence entre le montant maximum de l'allocation aux adultes handicapés et l'ensemble des autres ressources perçues par le foyer. Pour autant, de nombreuses règles de cumul et d'abattement favorables aux bénéficiaires de l'AAH, dérogatoires à ce qui se fait pour les autres minima sociaux, sont d'ores et déjà prévues. Le montant de l'AAH est ainsi plus élevé que celui des autres minima sociaux.

À titre d'exemple, pour un couple, le plafond est majoré de 90 % et les revenus du conjoint font l'objet d'un abattement de 20 %. Cela signifie que, sur 100 euros déclarés, seuls 80 euros sont pris en compte pour le calcul de l'AAH. Rappelons que, dans pareille situation, pour les bénéficiaires du RSA, cette majoration n'est que de 50 %.

En cas de reprise d'activité, l'AAH peut être cumulée intégralement avec les revenus pendant six mois et, au-delà, un abattement spécifique continue à être appliqué. Là encore, cette règle ne s'applique pas pour les bénéficiaires d'autres minima sociaux.

Par ailleurs, vous le savez, l'AAH a été revalorisée de façon exceptionnelle. Cette augmentation sans précédent portera son montant à 900 euros au 1er novembre prochain. Cela représente une hausse de 11 % par rapport à son montant en début de quinquennat, soit l'équivalent d'un treizième mois. Au total, il s'agit d'un investissement de 2 milliards d'euros d'ici à 2022.

Comme je le rappelais en introduction, l'AAH est un minimum social accordé aux personnes en situation de handicap et visant à leur assurer un revenu minimal quand elles se trouvent en situation de précarité. Elle n'a pas vocation à compenser le handicap. J'insiste : elle n'a pas vocation à compenser le handicap.

Cette mission de compensation incombe à la prestation de compensation du handicap, ou PCH, créé par la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées.

Si l'AAH présente des avantages supérieurs aux autres minima sociaux, nous avons fait le choix de ne pas toucher au principe de la solidarité familiale. Dans un couple, plus les revenus d'une personne sont importants, plus le montant du minimum social du conjoint diminue.

Accompagner et défendre les personnes en situation de handicap, c'est donc, pour nous, non pas modifier les règles de calcul de l'AAH, mais bien faire évoluer la vision que la société porte sur le handicap. Cette ambition, le Gouvernement l'affiche depuis le début du quinquennat. La secrétaire d'État Sophie Cluzel la porte au travers de ses décisions et argumente en sa faveur dans les discours qu'elle prononce.

Qu'est-ce qu'une société inclusive ? C'est une société qui accorde une place à tout un chacun en son sein.

En France, notre vision et notre approche de la question du handicap au cours des cinquante dernières années font l'objet de vives critiques. Le mois dernier, l'ONU a rendu un rapport sur le traitement des questions liées au handicap par la France. Le constat est cinglant. Permettez-moi de vous en lire un extrait : « Bien que la France alloue des ressources financières et humaines considérables aux services aux personnes handicapées, les mesures qui sont prises actuellement pour répondre à leurs besoins sont extrêmement spécialisées et cloisonnées. En effet, l'accent est mis sur la prise en charge de l'incapacité alors que les efforts devraient converger vers une transformation de la société et du cadre de vie, de sorte que toutes bénéficient de services accessibles et inclusifs et d'un soutien de proximité. Un cloisonnement qui ne fait qu'entretenir une fausse image des personnes handicapées, à prendre en charge plutôt que comme des sujets de droit. »

Notre pays est l'un des derniers en Europe à avoir une telle vision institutionnelle du sujet. Ne nous trompons donc pas de combat. C'est bien vers une société inclusive qu'il faut aller et non vers une société qui traite à part les personnes en situation de handicap et accentue leur exclusion.

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