Le rapport du GIEC d'octobre dernier est formel : pour maintenir le réchauffement planétaire en dessous de 1,5 degré, nous devons renoncer à extraire davantage de charbon, de pétrole et de gaz. Aujourd'hui, notre levier d'action se trouve dans la limitation du financement de ces activités polluantes. Avec cette proposition de loi, nos collègues du groupe GDR entendent poser la question de l'utilisation de l'épargne populaire dans un domaine devenu incontournable : la transition écologique. Le texte qui nous est proposé s'inscrit dans la droite ligne d'une dynamique aujourd'hui primordiale et profonde, alors que les émissions de CO2 issues de l'exploitation des énergies fossiles sont une fois encore à la hausse dans le monde, y compris dans notre pays.
Aujourd'hui, nous devons agir. L'épargne populaire peut se doter d'un rôle prépondérant dans ce combat. Il s'agit, avec les contenus des LDDS et des livrets A, de disposer d'une source de financement importante, représentant environ 245 milliards d'euros. L'encours du livret de développement durable et solidaire, détenu par 24 millions de Français, s'élève à 106 milliards d'euros, collectés à 60 % par la Caisse des dépôts et consignations et à 40 % par les banques privées. Concernant ces dernières, 80 % de cet argent est fléché vers le financement des PME, qu'elles aient des activités soutenables ou non, 10 % vers les travaux d'économies d'énergie dans les bâtiments anciens et, enfin, 10 % dont nous ne connaissons pas l'utilisation.
À ce propos, le ministre de l'économie, Bruno Le Maire, a d'ailleurs lui-même reconnu, le 27 novembre dernier, à l'occasion du Climate Finance Day, qu'il y avait « un peu tromperie sur la marchandise » concernant le LDDS. Or la transparence fait l'objet de revendications toujours plus nombreuses de la part de nos concitoyens, d'autant plus en matière écologique que l'urgence climatique est grande. Ne nous voilons pas la face : nous connaissons tous non seulement les risques auxquels nous nous exposons en restant passifs face au défi actuel, mais également notre responsabilité vis-à-vis des générations futures. Il y a urgence : il est impossible de repousser nos décisions à plus tard.
Nous constatons aujourd'hui un manque total de transparence sur l'emploi de l'épargne des Français concernant le livret A et le livret de développement durable. Si les fonds centralisés semblent respecter les engagements de financement qui leur sont propres, la part du LDDS conservée par les banques ne constitue souvent qu'un prétexte pour cette pratique purement marketing qu'est l'écoblanchiment, ou le greenwashing pour les plus anglophones de nos collègues.
La finance doit prendre sa part dans la lutte contre le changement climatique et les outils actuels, qu'ils soient français ou européens, sont insuffisants pour garantir une finance durable. Face à ce constat, l'État se doit de prendre ses responsabilités en décidant des mesures contraignantes afin de garantir l'investissement des banques dans les énergies propres. Face à des acteurs financiers parfois trop court-termistes, la transition ne pourra être réussie que si des règles claires sont appliquées aux acteurs concernés par son financement.
Étant donné l'urgence climatique, il n'est pas acceptable de s'en remettre au bon vouloir de chacun : une mobilisation de tous est nécessaire. Ainsi, la création d'un reporting public de l'ensemble des financements de projets liés aux hydrocarbures, la transmission d'une information détaillée sur l'utilisation des ressources non centralisées par les banques et l'obligation de prise en compte des critères liés au respect des objectifs sociaux et environnementaux sont autant de mesures qui vont dans le bon sens. L'épargne populaire est l'une des ressources importantes pouvant être mobilisées pour affecter des fonds vers la transition. Cela implique un contrôle effectif par les élus et les citoyens. L'information donnée par les banques doit être précise, rigoureuse et contrôlable.
Je veux d'ailleurs rappeler que cette proposition de loi du groupe GDR fait très largement écho à l'excellent rapport de la mission d'information menée par Bénédicte Peyrol et Christophe Bouillon sur les outils publics encourageant l'investissement privé dans la transition écologique. Ce rapport considérait qu'il était indispensable d'informer le grand public sur la conformité de l'utilisation de l'épargne réglementée avec les objectifs climatiques. Il serait difficilement compréhensible que la majorité de notre assemblée ne suive pas les recommandations de ce rapport en rejetant la proposition de loi de nos amis GDR.
Depuis des mois, nombre de députés de la majorité ainsi que le ministre de la transition écologique et solidaire, François de Rugy, se félicitent de la mobilisation de dizaines de milliers de personnes, chaque mois, dans les rues, en faveur de l'action climatique ; la mobilisation récente des jeunes Européens est là pour nous encourager. L'urgence climatique transcende les intérêts. Cette proposition de loi nous met face à notre responsabilité. C'est le moment de montrer à nos concitoyens que l'Assemblée nationale entend leur mobilisation et est prête à jouer son rôle face au défi climatique qui nous attend.
En commission, Mme Peyrol a souligné que « La principale difficulté, c'est que nous sommes dans une économie en transition et que, même si des projets verts sont en cours, il n'y a pas que des projets verts dans le monde ; il est important que nos banques continuent à dégager des rendements ». Mais, justement, l'économie verte possède un potentiel extraordinaire, qui ne demande qu'à être exploité. L'écologie est devenue une évidence, non seulement d'un point de vue éthique mais également en matière économique. Le désinvestissement des énergies fossiles pourrait être l'occasion d'éviter la nouvelle crise financière que nombre d'économistes prédisent.
Aujourd'hui, un grand nombre de banques détiennent des actifs qui correspondent à des financements d'énergies fossiles. Or, comme l'a souligné l'Agence internationale de l'énergie, à terme, il est évident que ces actifs se dévaloriseront. Ainsi, au regard de l'urgence climatique, nous partageons les convictions défendues dans cette proposition de loi sur la nécessité d'agir pour une meilleure transparence dans l'utilisation de l'épargne populaire. Ce que ce texte propose s'inscrit d'ailleurs dans la lignée des engagements pris par l'État français lors de la COP21. S'il y a bien un sujet sur lequel il est crucial d'oeuvrer pour l'intérêt général, c'est bien celui de la transition écologique, qui appelle des mesures concrètes, efficaces, permettant de susciter l'adhésion de nos concitoyens.
La mise en oeuvre impérative de la transition énergétique nécessite de renforcer la transparence, dans le prolongement des mesures prises dans le cadre de la loi sur la transition énergétique de 2015 et du plan d'action de la Commission européenne sur la finance verte de 2018. Tel est l'objectif de cette proposition de loi sur la transparence sur l'utilisation de l'épargne populaire : c'est pourquoi nous la soutenons sans réserve.