Dans le département de l'Hérault, comme dans tous les départements de France, les préfets réunissent de manière hebdomadaire l'ensemble des services de sécurité au sein de ce que l'on appelle le groupe d'évaluation départementale, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Tous les vendredis, j'ai ainsi une réunion avec les services de la communauté du renseignement, à savoir la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), le service départemental du renseignement intérieur et le service régional de la police judiciaire (SRPJ), qui a son siège à Montpellier, ainsi qu'avec la police et la gendarmerie. Si l'un de ces services – je pense notamment à la DGSI – me rapporte des renseignements préoccupants sur tel ou tel groupuscule, je m'efforce évidemment d'obtenir davantage d'informations. Même si notre priorité est la lutte contre le terrorisme, je puis vous assurer que la DGSI et le renseignement territorial surveillent étroitement les groupuscules qui se signalent par leur violence. Or nous n'avons pas, à ce jour, à l'échelle du département de l'Hérault, d'indications susceptibles de nous préoccuper fortement sur un risque de recours à la violence.
J'en viens maintenant aux événements survenus à la faculté de droit le 22 mars 2018. En début d'après-midi, à l'issue d'une grande manifestation – il s'agissait d'une journée nationale d'action –, des organisations syndicales ont demandé au président de l'université de Montpellier, M. Philippe Augé, qu'il mette à leur disposition un amphithéâtre pour y tenir une assemblée générale (AG). C'étaient, pour l'essentiel, des étudiants de l'université Paul Valéry, qui abrite la faculté de lettres. Sur le coup de quinze heures, je reçois une demande de concours de la force publique, signée par le président de l'université, pour évacuer cet amphithéâtre. Avant de lui répondre par écrit, je l'appelle pour lui dire que je ne donnerai évidemment pas suite à sa demande, parce qu'elle ne me semble pas fondée sur le plan de l'opportunité qu'il m'appartient d'apprécier : cette AG avait commencé en début d'après-midi, il était quinze heure et il n'y avait, selon moi, aucune raison d'intervenir. Je lui ai indiqué que je n'accorderais pas le concours de la force publique pour évacuer des locaux universitaires.
Le président de l'université a très bien compris ma position, mais il m'a dit agir à l'instigation du doyen de la faculté de droit, M. Philippe Pétel, qui, selon lui, était dans un état de grande excitation. Nous en sommes restés là. La police surveillait les abords de la faculté de droit, au titre de la sécurité publique, et la soirée s'est prolongée sans incident jusqu'à ce que, vers minuit, un commando de huit personnes pénètre dans l'amphithéâtre, en présence du doyen Pétel et du professeur Jean-Luc Coronel de Boissezon, très proche de la Ligue du Midi, dont la femme avait appelé le commando à la rescousse. L'action a été rapide et brutale. Fort heureusement, il n'y a pas eu de blessés graves, puisqu'un seul jour d'incapacité totale de travail a été prononcé, mais le choc, symboliquement, a été très violent. Tels sont les faits et la manière dont je les ai appréciés : si c'était à refaire, je referais exactement la même chose.
Depuis lors, M. Coronel de Boissezon a été révoqué, le doyen Pétel a été interdit de cours pour cinq ans et une procédure judiciaire est en cours, avec un juge d'instruction qui poursuit ses investigations. Les deux hommes sont visés, ainsi que six membres du commando, dont la femme de M. Coronel de Boissezon.