Oui, cela aurait pu être un bon budget. Mais c'est avant tout un budget de renoncement, à commencer par le renoncement à l'effort de maîtrise des dépenses publiques. En effet, ce n'est plus 20 milliards d'économies, mais 15 milliards qui sont au programme : environ 5 milliards proviendraient de la Sécurité sociale, 3 milliards découleraient d'efforts demandés aux collectivités locales ; resteraient autour de 7 milliards à la charge de l'État, avec un effort concentré sur le logement et sur l'emploi, un effort très mystérieux qui résume quasiment l'ensemble de l'effort sur la baisse de la dépense. C'est totalement insuffisant, et vous le savez bien.
Cela nous amène à douter, comme le Haut Conseil des finances publiques, de votre capacité à tenir les objectifs de maîtrise de la dépense. Si vous vous demandez où trouver des économies importantes, je peux vous en citer plusieurs. Ayez le courage de la réforme structurelle. S'agissant des retraites, la prestation sociale unique permettrait de réunir ce type de prestations et donc de mieux maîtriser l'évolution des dépenses sociales. Et puis il y a la réduction du nombre de fonctionnaires, que vous n'appliquez pas, la réduction de l'ONDAM – l'objectif national de dépenses d'assurance maladie – , bien trop faible par rapport à sa tendance naturelle, la réforme des services publics et bien d'autres choses encore. Pourquoi avoir stoppé la baisse des effectifs des emplois publics, engagée à l'époque du président Sarkozy ? Vous aviez annoncé une suppression de 120 000 postes dans les trois fonctions publiques en cinq ans, soit 24 000 par an. L'objectif n'était, nous semble-t-il, pas ambitieux, et pourtant, vous n'en réaliserez que 1 600 en 2018, et sur le seul périmètre de l'État. Vous ne développez ni réforme ni méthode pour réformer l'État. C'est sûrement un alibi pour éviter tout risque de confrontation avec la fonction publique, mais un tel motif n'est évidemment pas suffisant et ne sert à rien dans le domaine des finances publiques.
De plus, vous renoncez au respect des règles européennes. Les propos récents de Jean-Claude Juncker montrent que l'Europe veut croire en la France et en sa capacité à se réformer. Indulgence ou connivence de la part de la Commission ? Je l'ignore, mais je l'ai connue plus sévère. Certes, la réforme du code du travail va dans le bon sens pour l'Europe, mais votre gouvernement ne peut pour autant s'affranchir de la question du déficit structurel. Monsieur le ministre de l'économie et des finances, vous l'avez balayée d'un revers de main, mais il est impossible de sous-estimer cette réalité, car la puissance du déficit structurel mesure aussi la puissance des réformes structurelles, et on peut donc se poser la question des lacunes en ce domaine. Quant au déficit budgétaire de l'État, vous l'aggravez. Depuis la crise de 2009, ce déficit avait diminué chaque année jusqu'en 2016. Il avait même été divisé par deux sur cette période.