Intervention de Général Denis Mercier

Réunion du mardi 5 mars 2019 à 17h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Denis Mercier :

Vingt-deux pays appartiennent à la fois à l'OTAN et à l'Union européenne. Cela justifie bien la complémentarité que l'on peut rechercher entre les deux organisations. Si le président Trump a pu faire des déclarations remettant en cause l'article 5, qui constitue un « parapluie » pour un certain nombre de pays, celui-ci reste un article fort du traité de Washington, fondement de la défense collective. Je ne crois pas qu'il sera remis en cause. L'Union européenne a même plutôt reconnu qu'en cas de réelle défense collective, notamment contre un adversaire étatique, l'OTAN serait certainement l'organisation la mieux armée. Les Américains jouent leur jeu en essayant d'utiliser toutes les voies pour encourager les pays européens à acheter des capacités américaines. Mais, je l'ai dit, certains pays européens utilisent aussi l'Alliance atlantique pour favoriser l'achat de leurs capacités. Je crois qu'en France, nous avons des progrès à faire dans ces domaines.

Seuls quelques pays ont des moyens de simulation permettant de déterminer la pertinence de certains armements – par exemple en ce qui concerne l'utilisation du F35 pour percer des défenses de déni d'accès modernes. Certains se sont déclarés volontaires pour le faire, en partageant les données d'entrée et de sortie, mais pas la manière dont elles sont faites. Avec mon homologue américain, nous avons ainsi remis en cause les résultats d'une première étude trop « orientée », qui donnait trop la part belle à la solution F35. En revanche, je regrette que la France, qui a des simulateurs très performants à la direction générale de l'armement (DGA), n'ait pas la volonté de les faire tourner. Les États-Unis jouent leur jeu. Pourquoi ne faisons-nous pas de même, alors que nous sommes l'un des rares pays à pouvoir le faire ? Nous y avons même tout intérêt pour donner plus de réalisme à ces questions.

Pourquoi y a-t-il eu quatre SACT anciens chefs d'état-major de l'armée de l'air ? Une chose est sûre, pour avoir ce niveau de poste, mieux vaut avoir été chef d'état-major. Or le cycle de rotation est tel qu'il n'en sort pas tous les ans. Par ailleurs, dans l'armée de l'air comme dans la marine, la culture multinationale est extrêmement forte. Pour autant, le SACT n'est pas du tout un poste par nature dédié aux anciens chefs d'état-major de l'armée de l'air.

Les insuffisances des capacités de transport stratégiques sont réelles. C'est un vrai sujet de dépendance aux Américains. Pour réduire cette dépendance et disposer d'une véritable vision européenne, il doit être traité très sérieusement. L'EATC est une première réponse. C'est un formidable vecteur d'utilisation des soutes de toutes les capacités de transport qui volent. Mais ce n'est pas l'Union européenne. C'est un memorandum of understanding entre pays européens. Demander pourquoi l'OTAN, avec l'accord de l'Union européenne, ne l'utilise pas a été l'un de mes chevaux de bataille, mais nous n'avons pas réussi à trouver d'accord politique. Mais je pense que nous pouvons en rechercher un. Cela ferait sens. Une fois de plus, ce sont les mêmes capacités des mêmes nations.

La mobilité militaire en Europe est également un vrai sujet. Après le sommet du pays de Galles, l'OTAN a créé une brigade de réaction très rapide. Nous avons fait un exercice, durant lequel il a fallu moins de 48 heures pour la mobiliser, mais 23 jours pour franchir toutes les frontières ! Aussi chaque pays a-t-il négocié des accords relatifs aux frontières. En outre, une initiative néerlandaise a permis de fixer un cadre, car si l'OTAN est fondée à développer les normes d'interopérabilité opérationnelle, les normes sur les espaces relèvent de l'Union européenne. Elles sont développées au sein de l'Agence européenne de défense, et l'OTAN les utilise. C'est un autre exemple de la bonne complémentarité entre l'OTAN et l'Union européenne.

Dans ce domaine, qui plus est, on a beaucoup focalisé sur la mobilité terrestre. La mobilité aérienne est un peu plus facile, même si le problème de franchissement des frontières peut se poser. Par ailleurs, une mobilité essentielle doit être considérée de la même façon : celle des données. Aujourd'hui, le vrai échange est celui des données – dans le domaine du renseignement comme dans celui des capacités militaires. L'Union européenne a un véritable rôle à jouer dans ce domaine. Faire passer une donnée sensible d'un pays à l'autre nécessite des accords politiques. La problématique est la même que pour les autres mobilités.

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