Je vous remercie de votre invitation et, en cette journée d'importance pour le ministère de l'Intérieur en effet, je suis heureux d'intervenir dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2019. Je m'efforcerai de présenter les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » à la lumière des objectifs assignés à notre ministère par le Gouvernement, sous réserve des directives que nous donnera le nouveau ministre de l'intérieur. Ces orientations, le Gouvernement les a exprimées notamment dans la communication du 12 juillet 2017, puis à l'occasion de la présentation de la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, le 10 septembre 2018. Je procède à cette présentation en tant que technicien du ministère de l'intérieur. Un certain nombre de sujets que vous venez d'évoquer sont pilotés par d'autres administrations. Je m'efforcerai de les aborder, mais dans la limite des attributions qui sont les miennes.
Vous avez décrit le contexte global. Les flux de migrants irréguliers à l'entrée dans l'Union sont en diminution depuis le paroxysme atteint au deuxième semestre 2015. Cette année-là, l'agence Frontex avait détecté près de deux millions d'entrées irrégulières. En 2016, le chiffre est retombé à 500 000, notamment sous l'effet de l'accord entre l'Union et la Turquie en mars. Ce fut une année record pour la route de la Méditerranée centrale, entre la Libye et l'Italie. La baisse s'est poursuivie en 2017, avec 200 000 entrées, grâce à l'effet en année pleine de l'accord avec la Turquie et l'amorce d'une diminution sur la route entre la Libye et l'Italie. Le mouvement se poursuit en 2018, le nombre d'entrées irrégulières étant inférieur de 30 % à ce qu'on constatait pour la même période en 2017. Il couvre cependant des différences importantes : baisse très forte des arrivées en Italie – 80 % de moins qu'à la même période de 2017 –, rebond en Méditerranée orientale – plus 60 % en Grèce, même si l'on est loin de retrouver le rythme de fin 2015 et début 2016 –, augmentation de 140 % des arrivées par l'Espagne. La hiérarchie entre les routes migratoires vers l'Union européenne s'est modifiée. L'Espagne est devenue le premier pays d'entrée, devant la Grèce et l'Italie.
Parallèlement, les demandes d'asile dans l'Union ont diminué de 45 % en 2017 et encore de 14 % cette année par rapport à la même période l'an dernier.
Pour sa part, la France reste soumise à une forte pression. Les non-admissions et interpellations à la frontière avec l'Italie sont en baisse de 38 % par rapport à la même période de l'an dernier. A la frontière avec l'Espagne, elles diminuaient depuis le début de l'année mais ont recommencé à augmenter fortement depuis le début de l'été. La demande d'asile, elle, est orientée à la hausse, en particulier en raison des demandes secondaires provenant de migrants arrivés dans un autre pays de l'Union européenne. Le contingent le plus important de demandeurs sont des Afghans qui sont en Europe depuis de nombreux mois, voire plusieurs années et Ils ont déjà déposé des demandes d'asile dans d'autres pays membres, ce qui pose, j'y reviendrai, le problème de l'application du règlement « Dublin ».
Face à cette situation, le Gouvernement a défini une politique qui se décline selon plusieurs orientations.
La première orientation est d'engager une action plus dynamique à l'échelle européenne et internationale. Elle se déploie selon trois horizons : la coopération avec les pays d'origine et de transit des migrants ; les frontières de l'Union ; et à l'intérieur de l'Union, par le renforcement de la capacité à faire face aux flux migratoires.
La France soutient l'effort européen de coopération avec les pays d'origine et de transit, pour lequel le sommet de La Valette en novembre 2015 avait identifié trois types d'instruments à utiliser : le dialogue, qui se traduit par la proposition de « paquets » sur mesure pour chacun des principaux partenaires ; un plan d'investissement externe de plus de trois milliards ; la création du Fonds fiduciaire d'urgence (FFU), comme véhicule de la coopération entre l'Union et ces pays. Ce Fonds est doté de plus de 4 milliards d'euros, dont 3 milliards ont déjà été affectés.
L'Union attend des pays d'origine une amélioration de la coopération consulaire pour favoriser les retours et surtout, ce qui est plus efficace, prévenir les départs. A cette fin, plusieurs actions sont menées : à court terme, la plus susceptible d'être efficace est d'améliorer le contrôle des frontières, lutter contre les trafics et démanteler les filières de traite des êtres humains ; à moyen terme, le développement de l'état civil, et de stratégies migratoires globales de ces pays ; à long terme, le développement des capacités d'emploi.
Ces actions de coopération sont financées par le Fonds fiduciaire d'urgence. Celui-ci se répartit en « fenêtres » géographiques et nous sommes particulièrement attentifs à la fenêtre « Sahel et lac Tchad », dotée de 1,5 milliard d'euros. Des accords sur des procédures standard de retour ont été signés avec la Côte d'Ivoire et la Guinée. Les négociations sont en cours avec le Nigeria. Au Niger, l'aide en équipements et pour démanteler les filières d'immigration irrégulière grâce à la mission civile de l'Union européenne au Mali, EUCAP Sahel Mali, dont la France est premier contributeur, l'action de l'équipe conjointe d'investigation de policiers espagnols, français et nigériens ont abouti à une forte baisse des flux vers la Libye – alors que 40 % des flux transsahariens passaient par le Niger. Ainsi, les départs de bus de Niamey vers Agadès ont diminué de 40 % depuis le début de l'année.