Intervention de Pierre-Antoine Molina

Réunion du mardi 16 octobre 2018 à 17h10
Commission des affaires étrangères

Pierre-Antoine Molina, directeur général des étrangers en France au ministère de l'intérieur :

Vous m'interrogez en premier lieu sur la gestion du système d'asile. Nous avons construit le PLF sur l'hypothèse d'une stabilité des demandes en 2019. Prévoir cette demande n'est pas chose facile. Il n'y a aucune raison de penser qu'elle sera en augmentation perpétuelle. Au contraire, il y a tout lieu de penser que la forte baisse des demandes dans l'Union européenne se répercutera en France. Ce n'est pas encore le cas car la France a été une destination de rebond pour des personnes ayant déjà fait une demande dans un autre pays. Pour infléchir cette tendance, nous voulons mettre en oeuvre de la façon la plus effective le règlement « Dublin », aux termes duquel les demandes secondaires ne relèvent pas de nos obligations. C'est donc sur cette base qu'a été calculée la dotation de l'OFPRA pour 2019.

Mais les moyens de l'Office ont été très renforcés ces dernières années, avec 80 % d'officiers de protection en plus sur trois ans. Il a la capacité de faire face à la demande en 2018. Et il est cohérent avec la prévision d'une stabilisation, de ne pas augmenter ses crédits. Pour atteindre l'objectif d'un délai global de deux mois de traitement, on attend plutôt que l'OFPRA améliore les méthodes, par exemple une amélioration pour les convocations et les notifications. La loi du 10 septembre 2018, qui entrera en application au 1er janvier prochain, supprime l'obligation de délivrer les notifications par recommandé avec accusé de réception.

Ce que vous dites du parc d'hébergement des demandeurs d'asile renforce ce que j'avançais : il faut traiter en priorité les dossiers des demandeurs qui, d'évidence, n'ont pas besoin de protection. A ne pas le faire, on compromet la fluidité. Or elle est nécessaire : cela suppose d'améliorer d'une part le départ des réfugiés vers le logement et d'autre part celui des déboutés par l'éloignement. Sur le premier objectif, la circulaire du 12 décembre 2017 relative au relogement des personnes bénéficiaires d'une protection internationale mobilise 20 000 logements pour ce public en 2018 et on compte aussi sur les centres provisoires d'hébergement dont j'ai parlé. Sur le deuxième objectif, nous demandons aux préfectures d'assurer un suivi attentif des déboutés et nous mettons en oeuvre la sortie d'hébergement grâce au référé « mesures utiles » et un système automatisé d'alerte des préfectures à propos des déboutés permet de mieux mettre en oeuvre les OQTF et les mesures d'éloignement.

Cela me conduit à votre deuxième question, sur le taux d'exécution des OQTF. Je ne me fie pas beaucoup à cet indicateur qui est hétérogène. Au dénominateur, on utilise le nombre d'OQTF prises par les services préfectoraux. Il y en a eu 103 000 en 2017, ce qui est beaucoup plus que tous nos partenaires. Ainsi l'Allemagne a traité l'an dernier 400 000 demandes d'asile et débouté 200 000 demandeurs, mais a pris moins d'OQTF que nous. Forcément, cela leur donne un meilleur taux d'exécution. On pourrait faire augmenter le taux d'exécution en demandant aux préfectures de prendre moins d'OQTF, mais ce ne serait pas justifié du point de vue de la lutte contre l'immigration irrégulière. Nous donnons au contraire instruction de délivrer systématiquement une OQTF quand une personne est arrêtée en situation irrégulière ou quand la demande d'asile ou de titre de séjour est rejetée. Quant au numérateur de ce taux d'exécution, il additionne les éloignements contraints, les éloignements aidés et les retours spontanés, trois catégories qui n'ont pas le même sens pour l'immigration irrégulière.

Enfin, les hommes de la police aux frontières sont, en effet, fortement mis à contribution puisqu'on leur demande d'être plus aux frontières, plus dans les centres de rétention, et de démanteler davantage de filières. Ce qu'a obtenu la police aux frontières (PAF) dans le cadre du renforcement des effectifs de la police nationale ne suffit pas – c'est le point de vue du responsable de la direction des étrangers, qui n'est pas en charge de cette question. Mais la montée en puissance de Frontex ne me semble pas susceptible d'avoir l'effet que vous dites. En effet, reste à négocier au niveau européen quels effectifs seront demandés à chacun, sous quelle forme, à quel rythme, quels agents seront affectés à Frontex en propre… Nous nous assurerons donc que cette montée en puissance, que nous souhaitons, se fasse de façon conciliable avec nos objectifs nationaux.

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