Concernant l'Europe, j'aborderai trois sujets : le « Brexit », la consultation citoyenne et un problème majeur de sécurité dont on parle peu et sur lequel je souhaite appeler votre attention, à savoir l'éventuel retrait des États-Unis du traité sur les Forces nucléaires intermédiaires (FNI). J'évoquerai ensuite les principales crises qui se déroulent aux portes de l'Europe, avant de partager avec vous quelques considérations sur le multilatéralisme.
Sur le Brexit, j'ai répondu tout à l'heure, en séance publique, à une question de Mme Kuric, mais je vais y revenir plus longuement devant vous. Dans quelques minutes, devrait débuter une réunion du groupe parlementaire conservateur à la Chambre des Communes qui a pour objet l'examen d'une motion de défiance visant Mme Theresa May, Première ministre. Je ne suis pas en mesure de vous livrer un pronostic. Au demeurant, si je le pouvais, je m'en abstiendrais car, notre réunion étant publique, je me dois d'être moins disert sur certains points. En tout état de cause, cet ordre du jour témoigne de la complexité du sujet car, si d'aventure, la motion de défiance était adoptée, nous nous inscririons dans une logique nouvelle puisque la Grande-Bretagne changerait de Premier ministre. Je n'ai pas à prendre parti sur cette question, qui relève de la responsabilité du Parlement britannique, mais je souhaite faire un rappel très clair.
Le 14 novembre dernier, un accord a été conclu avec le gouvernement britannique, qui porte à la fois sur l'acte de retrait, lequel fixe les conditions du divorce, et sur une déclaration politique sur les relations futures entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, dont il nous faudra discuter le contenu pendant la phase de transition, d'ici à la fin 2020. Les deux parties se sont donc mises d'accord. À cet égard, contrairement à ce que l'on a pu, un temps, imaginer, les Vingt-Sept sont restés unis. Ils ont, du reste, validé cet accord lors du sommet des chefs d'État et de gouvernement du 25 novembre dernier.
La Première ministre britannique a demandé le report à une date ultérieure du vote qui devait intervenir hier au Parlement. Si elle est toujours en fonction, elle sera reçue demain soir, avant le dîner, par les chefs d'État et de gouvernement ; elle leur fera, je suppose, des propositions. Mais ces derniers ont d'ores et déjà indiqué qu'il n'y aurait pas de renégociation – les choses doivent être claires et votre commission parfaitement informée. Nathalie Loiseau, qui suit ces questions de très près, pourra, si vous le souhaitez, venir très prochainement devant vous pour faire le point sur la situation.
Le problème majeur de cet accord a trait à la frontière entre la République d'Irlande et l'Irlande du Nord. Pour éviter le rétablissement d'une frontière dure – qui serait contraire à l'accord « du Vendredi saint », signé en 1998, lequel a permis la pacification de l'Irlande – et les risques d'une reprise des violences, il est prévu une solution de dernier recours, que l'on appelle le backstop, le « filet de sécurité ». La formule sur laquelle les négociateurs se sont accordés, après négociations – la version initiale était en effet différente –, consiste dans le maintien du Royaume-Uni dans une union douanière avec l'Union européenne, assorti d'un alignement réglementaire partiel de l'Irlande du Nord. Ainsi, la circulation des biens pourrait se poursuivre sans entrave, de part et d'autre de la frontière, sur l'île d'Irlande.
Voilà en quoi consiste le backstop nouveau. Celui-ci, je le rappelle, ne serait activé que si la période de transition ne permettait pas d'aboutir, d'ici à la fin 2020, à un accord sur une autre formule. Il s'agit d'une solution de secours. C'est ce point qui suscite des débats. En effet, le backstop n'a de sens que s'il s'inscrit dans la longue durée ; or, il semble bien que ce point soit l'un de ceux qui empêchent Mme May de réunir une majorité pour valider cet accord.
Un vote est pourtant nécessaire, et il doit intervenir avant la date butoir du 21 janvier, qui a été fixée par les Britanniques eux-mêmes. Si ce vote n'a pas lieu, deux hypothèses peuvent être envisagées – si, d'aventure, le Premier ministre actuel est maintenu. Dans la première hypothèse, on constate l'absence d'accord, c'est-à-dire le no deal. Le dispositif que l'Assemblée nationale a voté avant-hier, lundi, sera alors mis en oeuvre et les États membres seront amenés à prendre les mesures nécessaires. Dans la seconde hypothèse, la sortie, prévue le 29 mars, est reportée. Toutefois, ce report doit avoir été préalablement approuvé à l'unanimité par les États membres. Si report il y a, pour essayer d'avancer – mais j'ai indiqué qu'il n'y avait aucune volonté de renégocier l'accord –, la situation serait extrêmement compliquée – pour ne pas dire plus – en raison de la tenue des élections européennes.
Voilà la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui ; elle exige beaucoup de sang-froid, de part et d'autre. Nous ne souhaitions pas cette décision britannique, mais elle a été prise ; il faut donc faire en sorte qu'elle s'applique. C'est pourquoi nous souhaitons que le parlement britannique adopte cet accord, qui a tout de même fait l'objet de dix-huit ou dix-neuf mois de négociations.
Je souhaitais, par ailleurs, faire le point sur la consultation citoyenne, dans laquelle Mme Loiseau s'est beaucoup investie. En effet, vendredi matin, le Conseil européen tirera le bilan de cette consultation qui s'est déroulée dans l'ensemble de l'Union européenne et dont les principaux thèmes étaient l'immigration et la sécurité, la compétitivité, la convergence, la protection de l'environnement, l'Europe sociale et l'emploi, l'Europe dans le monde, les valeurs de l'Europe et sa diversité. Ses résultats feront l'objet d'une synthèse, présentée lors de la réunion de vendredi matin. Puis, le sommet qui se tiendra à Sibiu, en Roumanie, le 9 mai prochain, orientera, à partir de cette consultation, les priorités stratégiques européennes du prochain mandat.
En France, 70 000 de nos concitoyens ont participé à plus de 1 000 consultations organisées sur le territoire par des associations, des entreprises, des universités, des collectivités territoriales et des syndicats. De nombreuses voix se sont fait entendre. Il en ressort – mais je vous suggère de vous en saisir – que nos concitoyens comptent sur l'Europe pour les protéger face aux dérives de la mondialisation et pour les aider à faire face aux grands défis de notre temps, qu'ils soient environnementaux ou sécuritaires. Les conclusions sont les mêmes dans les autres États membres.
Enfin, je veux appeler l'attention de votre commission sur la remise en cause du traité sur les Forces nucléaires intermédiaires (FNI). Ce traité, conclu en 1987 par Gorbatchev et Reagan après ce que l'on a appelé la « crise des missiles », a pour objet d'éliminer toutes les catégories de missiles nucléaires de moyenne portée, c'est-à-dire de 500 à 5 000 kilomètres, sur le théâtre européen, empêchant ainsi que des capacités soient mises en place dans le but unique d'une guerre nucléaire limitée à l'Europe. Or, la Russie a développé, en violation du traité, un missile de cette portée et les États-Unis ont fait savoir que, de ce fait, ils se retireraient de ce traité. L'accélération du processus a été évitée grâce à une démarche franco-allemande, dont la Chancelière et le président Macron ont discuté à Buenos Aires, il y a quinze jours. Lors de la réunion des ministres des affaires étrangères de l'OTAN, qui s'est tenue il y a une semaine, nous avons pu obtenir un délai de soixante jours – c'est très peu – qui doit être mis à profit pour poursuivre nos échanges avec nos alliés et continuer à inciter les Russes à davantage de transparence et à un retour aux engagements pris.
Cette question n'agite pas beaucoup l'opinion, mais elle est majeure. En effet, si, d'aventure, le traité FNI était rompu, nous entrerions dans une logique qui pourrait conduire à un découplage du nucléaire sur l'Europe et à une forme de réarmement. Ce n'est pas encore d'actualité, mais je me permets d'appeler votre attention sur ce risque essentiel pour notre propre sécurité, dont on mesure mal aujourd'hui toutes les dimensions. Je n'en dirai pas beaucoup plus, mais il est vrai, madame la présidente, que la question de la Chine est sans doute un élément essentiel de la problématique américaine. Je suis prêt à revenir vous parler de ce sujet dans un cadre plus confidentiel.
J'en viens aux différentes crises : Irak, Syrie, Yémen, Libye, Iran, Sahel.
En Irak, DAECH a été vaincu – comme en Syrie d'ailleurs – sous sa forme territoriale, mais je considère que cette organisation est toujours présente, même si la menace terroriste qui en émane a muté pour devenir plus diffuse et asymétrique. À l'emprise territoriale se sont substituées une présence résiliente en certains points du pays et une action clandestine débouchant sur des attentats. DAECH a donc adopté une posture nouvelle qui reste dangereuse car elle donne lieu à des embuscades et à des assassinats. Cette résilience explique notre choix de continuer d'accompagner les forces irakiennes – celles du gouvernement fédéral comme celles du gouvernement régional kurde – par des actions de conseil, de formation et de renseignement.
Sur le plan politique, la situation s'est améliorée : les Irakiens se sont donnés comme président de la République et comme Premier ministre deux personnalités d'envergure compétentes et respectées. Le Premier ministre, Adel Abdel-Mahdi, est en train de constituer un gouvernement et un règlement s'esquisse entre la région kurde et le gouvernement fédéral, ce qui a permis à l'exploitation pétrolière de reprendre à Kirkouk. Nous pensons cependant qu'il n'y aura de victoire durable contre DAECH que si la reconstruction du pays a lieu et si elle est inclusive, ce qui suppose, comme l'a rappelé Mme la présidente, de protéger les minorités martyrisées par DAECH, d'intégrer les populations marginalisées dans l'histoire récente de l'Irak et de prendre en compte des régions qui ont contribué à l'effort de guerre contre DAECH tout en étant tenues à l'écart du développement – je pense en particulier aux régions méridionales autour de Bassora, en pays chiite, qui ont connu ces derniers mois un vaste mouvement social.
L'enjeu est celui de l'inclusivité et de la reconstruction rapide ; nous sommes acteurs de l'une et de l'autre. Je saisis cette occasion pour rendre hommage à nos agents en poste à Bagdad pour leur courage : ils vivent dans des conditions de rusticité qui démentent tous les clichés qui circulent concernant les diplomates. Si votre commission les a rencontrés à Bagdad, vous avez pu constater leurs conditions de travail et, en même temps, leur détermination. Et pour cause : la France a participé à la libération de l'Irak et à la destruction progressive de DAECH sur ce territoire. Elle entend être aussi présente dans la reconstruction.
Nous pourrons également acter le retour de l'Agence française de développement (AFD) en Irak, non pas pour se substituer aux autorités irakiennes mais pour les accompagner. Dans ce pays, le problème ne tient plus à l'argent mais à l'organisation globale du système d'accompagnement et d'exécution des projets. C'est un sujet auquel nous sommes très sensibles. Je me rendrai moi-même prochainement en Irak pour continuer d'accompagner cette dynamique, étant précisé que les autorités irakiennes et le nouveau Premier ministre accordent une attention tout à fait positive à la France, comme vous l'avez peut-être constaté vous-même sur place. J'ai mis en place un dispositif exceptionnel pour la reconstruction car, je le répète, nous voulons être aux côtés de l'Irak dans la paix comme nous l'avons été dans le combat, de sorte que tous les acteurs français – publics et privés – travaillent ensemble pour assurer leur présence effective dans la reconstruction. Ce dispositif n'existe que pour l'Irak, et je préside moi-même le comité qui regroupe les acteurs en question afin de les mobiliser.
D'autre part, le Président de la République a décidé d'octroyer 2 millions d'euros au fonds créé par Nadia Mourad, que j'ai eu le grand honneur de rencontrer à plusieurs reprises. C'est un geste significatif, comme l'est la décision d'accueillir en France cent femmes yézidies isolées, victimes de DAECH. L'inclusivité, en effet, consiste aussi à soutenir ces minorités. Il nous faudra continuer d'aider – notre rôle de médiation, déjà utile dans le passé, reste important – au rapprochement entre les Kurdes et les autorités fédérales.
En Syrie, la situation est plus compliquée. Sur le plan sécuritaire, nous poursuivons notre action dans le nord-est, entre Raqqah et El Hassekeh, au nord de l'Euphrate. Cette zone est désormais contrôlée par l'émanation civile des forces démocratiques syriennes, qu'elles soient kurdes ou arabes. Les actions se poursuivent contre DAECH, qui n'est pas encore complètement éliminé et se maintient notamment dans plusieurs creusets entre Deir ez-Zor et Abou Kemal ; les combats ne sont pas finis.
Nous devons en outre lutter contre le risque d'attaques chimiques. Je vous le dis publiquement : je pressens cette hypothèse. Elle avait déjà été évoquée lorsque la ville d'Idlib s'apprêtait à connaître des combats majeurs. Sur ce sujet, nous restons déterminés à répondre à ce type d'offensive selon les critères définis par le président de la République – c'est-à-dire que l'attaque soit avérée, chimique et létale. La menace persiste ; il faut en avoir conscience.
Sur le plan humanitaire, la situation demeure catastrophique. Dans des conditions très difficiles, nous avons mobilisé l'intégralité du paquet humanitaire et le président de la République a décidé en avril de consacrer 50 millions d'euros à l'acheminement d'une aide humanitaire, en partenariat avec les Nations unies, dans la zone de la Ghouta, tenue par le régime. En lien avec l'ONU et la Russie, nous y avons diligenté des aides – eau, soins médicaux – en avril et poursuivons cet effort. Pour éviter une catastrophe plus grave encore, il est essentiel que le cessez-le-feu d'Idlib soit respecté par les uns et par les autres. Convenu en septembre par les Russes et les Turcs, il est régulièrement violé par un certain nombre de groupes armés et par le régime. Sa rupture provoquerait un désastre humanitaire et lancerait une vague de plusieurs centaines de milliers de réfugiés vers la Turquie et l'Europe. Plusieurs milliers de combattants terroristes aguerris s'en trouveraient dispersés, dont une centaine de Français. En effet, au fil de la reprise en main du territoire par les forces loyalistes avec le soutien de la Russie et de l'Iran, les noyaux terroristes ont peu à peu été transférés dans la zone d'Idlib où se concentrent désormais toutes les variétés imaginables de terroristes, depuis Al-Qaida jusqu'à DAECH. C'est un point d'abcès très complexe et il est dans l'intérêt de tous – y compris de la Russie – que ces terroristes, parfois venus de l'étranger, ne se dispersent pas.
Sur le plan politique, enfin, nous menons une action diplomatique résolue, avec nos propres moyens. La démarche politique entamée à Istanbul le 27 octobre entre le président de la République, la Chancelière allemande, le président Erdoğan et le président Poutine a constitué un moment important. Cette démarche est simple : elle repose sur une constitution, un processus électoral accompagné d'un soutien humanitaire renforcé, et sur la mise en oeuvre de mesures de confiance – libération de prisonniers – et le retour des personnes déplacées et réfugiées. Voilà plusieurs mois que nous savons ce processus simple ; il faut désormais qu'il soit appliqué. Le sommet d'Istanbul l'a acté. Les Nations unies dépêcheront un nouvel envoyé spécial, M. Pedersen, en remplacement de M. Staffan de Mistura, à compter du 1er janvier. Souhaitons donc que ce processus puisse se mettre en oeuvre. Nous en parlons avec le président Poutine : la question a été évoquée lors de l'entretien que le président de la République a eu avec lui à Buenos Aires. Nous en parlons également avec le président Erdoğan. L'objectif est de faire en sorte que le groupe dit d'Astana rejoigne le Small Group dans une seule et même démarche qui pourrait être vertueuse si tous les acteurs mettaient en oeuvre le processus tel qu'il a été arrêté.
Au Yémen, nous cherchons également à contribuer à la sortie de la crise. C'est une sale guerre, et une guerre complexe : il s'agit à la fois d'une guerre civile et d'une guerre régionale. Les trois dernières années ont montré qu'il est vain d'espérer une solution militaire. Rappelons les faits, que l'on oublie parfois : au début, la crise était politique puisque tout est parti d'un coup d'État fomenté contre des autorités légitimes, à l'initiative et avec l'appui des Houthis, contre le président Hadi, héritier du printemps arabe face à l'autoritarisme de M. Saleh. Voilà le point de départ. M. Hadi n'est évidemment plus en fonction. Ce coup d'État a entraîné des actions militaires de la part de ses auteurs contre l'Arabie saoudite. La coalition arabe s'est alors constituée pour riposter, parfois de manière extrême.
Aujourd'hui, c'est l'impasse, et il est vain, je le répète, d'espérer une solution militaire ; nous le disons à tous les acteurs. Nous sommes particulièrement intervenus pour appuyer la mise en oeuvre de la négociation de Stockholm et vous avez raison de dire, madame la présidente, que le moment est sans doute opportun pour aboutir à un accord politique, sans lequel aucune solution ne pourra être trouvée. Le nouveau représentant du Secrétaire général des Nations unies, Martin Griffiths, a réuni les acteurs à Stockholm – il a fallu insister pour que les uns et les autres s'y rendent et nous avons agi en ce sens. Nous souhaitons que ce cycle qui vient de s'ouvrir aboutisse à des solutions mais dans l'immédiat, il faut trouver des solutions humanitaires – à la fois sanitaires et alimentaires – indispensables. Plusieurs gestes positifs ont été consentis de part et d'autre : la coalition arabe a suspendu ses opérations d'encerclement du port de Hodeida, et les rebelles houthis ont gelé les attaques de drones et de missiles contre l'Arabie ; en outre, un important échange de prisonniers a eu lieu. Pour la première fois depuis trois ans, une spirale positive s'est enclenchée. Nous travaillons en ce sens avec nos partenaires britanniques et américains et nous demandons aussi, dans nos échanges avec eux, aux Iraniens de faire en sorte que cette démarche débouche sur une solution politique.
Plus que jamais, la Libye est face à son destin. Après le sommet de Paris du 29 mai, où l'ensemble des acteurs ont pris des engagements clairs en faveur de l'unification économique et militaire du pays et de l'organisation d'un processus politique, les acteurs libyens ont eux-mêmes arrêté la date des élections, qui étaient prévues le 10 décembre. Lors de la réunion de Palerme à laquelle j'ai participé il y a une quinzaine de jours, en présence du premier ministre russe et du président égyptien, notamment, ces mêmes acteurs ont convenu de poursuivre le processus de Paris pour mettre en oeuvre les réformes économiques, l'unification militaire et le processus électoral. Il a été décidé que le processus électoral se déroulera après une conférence nationale qui devrait se réunir en début d'année prochaine.
J'observe que les choses vont plutôt mieux. L'autorité du représentant spécial des Nations unies, M. Salamé, est respectée. Le dialogue entamé au Caire en vue de l'unification des forces a progressé. À Tobrouk, la Chambre a repris ses travaux pour donner une base légale et constitutionnelle aux élections. En clair, la logique actuelle est positive – j'ai rarement l'occasion de dire cela. Il faut que les acteurs impliqués respectent ce processus, qui fait l'unanimité sur le plan international ; reste ensuite à convaincre les Libyens qu'ils ont intérêt à ce qu'il aboutisse.
J'en viens à l'Iran. J'ai déjà eu plusieurs occasions de dire ici même comment nous entendons maintenir l'accord de Vienne – le plan d'action global conjoint, ou JCPOA – en l'état et éviter que l'Iran ne le rompe après la rupture américaine. Nous poursuivons notre dialogue permanent avec les signataires : l'Iran, bien entendu, mais aussi l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Chine et la Russie. Ce dialogue, qui s'est poursuivi avant-hier au niveau européen, à Bruxelles, devrait permettre la mise en oeuvre du special purpose vehicle (SPV), ce mécanisme financier autorisant les entreprises européennes à continuer de commercer avec l'Iran sans être soumises au diktat des mesures extraterritoriales prises par les États-Unis. C'est un travail très complexe et un acte politique essentiel ; je pense que nous pourrons aboutir dès avant la fin de l'année – tel est l'objectif que Jeremy Hunt, Heiko Maas et moi-même nous sommes fixé lundi dernier à Bruxelles. Il faut passer au niveau supérieur mais au moins sommes-nous en phase, et nous enverrions ainsi le signal très clair à l'Iran que nous tenons nos engagements, et qu'il lui appartient de tenir les siens. Or, aujourd'hui, rien n'indique qu'il ne les tiendra pas puisque l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a procédé à des vérifications récentes qui montrent que l'Iran respecte ses engagements en matière de non-prolifération.
Cela n'empêche pas que des désaccords existent sur d'autres sujets, mais au moins faut-il faire preuve de clarté sur celui-ci – c'est ce que nous faisons. De la clarté, il en faut aussi sur le reste, notamment ce que j'appelle la frénésie missilière de l'Iran, qui doit être condamnée. Nous aurons sur ce point un échange vigoureux avec l'Iran, y compris dans le cadre de l'Union européenne qui s'en saisira au début de janvier. Les deux sujets ne sont pas exclusifs, toutefois, et notre propre crédibilité repose tout à la fois sur le respect de la parole donnée et sur la fermeté de nos positions.
Je me suis rendu au Sahel en fin de semaine dernière. Je suis très heureux que vous ayez organisé la rencontre interparlementaire du G5 Sahel à l'Assemblée nationale ; c'est une contribution importante à la construction de liens entre notre pays et cette structure.
En ce qui concerne la situation militaire, tout d'abord, nous conservons une attitude implacable face aux groupes terroristes qui ciblent non seulement les forces armées mais surtout les civils, en particulier au Mali et au Burkina Faso. Au Mali, la récente opération, fin novembre, de la force Barkhane a permis de neutraliser Amadou Koufa, le chef de la katiba Massina, moyennant des dégâts collatéraux significatifs. Cette lutte porte donc ses fruits et il faut la poursuivre. Nous continuons de mobiliser nos grands partenaires et de compléter l'action de la force Barkhane par un soutien direct à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), dont le mandat a été reconduit pour sécuriser l'ensemble du Mali. D'autre part, nous poursuivons avec l'Union européenne la formation des forces armées et des polices locales du Mali, un mouvement entamé depuis trois ans déjà.
La nouveauté tient à la constitution de la force conjointe du G5 Sahel. Certains, y compris dans les médias, en déplorent la lenteur, mais songez à ceci : il s'agit d'une force conjointe de cinq pays qui décident, ensemble, d'assurer la sécurité de leurs frontières sous un commandement unique des bataillons qu'il faut armer et former à cette fin. Personne ne l'a jamais fait !