Cette audition est intéressante à de nombreux titres. Elle est intéressante, monsieur le Premier président, parce que vous avez déjà le recul nécessaire et l'expérience préalable, avec la connaissance de pratiques antérieures. Ce double regard, interne et externe, rend votre analyse d'autant plus précieuse. Elle m'inspire cependant quelques réflexions.
Vous avez évoqué, monsieur le Premier président, parmi les avantages de la LOLF, une maquette budgétaire simplifiée, mais vous voyez bien – et le président Woerth en a parlé tout à l'heure – qu'il est toujours d'une extrême difficulté de parvenir à une vision consolidée des différents flux entre les administrations publiques, notamment entre le budget de l'État et la sécurité sociale, voire au-delà. Cela me paraît poser un problème considérable.
Il faudra un jour – vous avez évoqué la question à demi-mot – envisager la possibilité d'un document financier unique. À défaut, tout cela restera d'une complexité notoire. Bien sûr, l'exercice, qui requiert une masse de travail, peut être difficile en fin d'année, mais le document financier unique permettrait de simplifier les choses.
Et, puisque vous avez mentionné tout à l'heure des écueils auxquels nous sommes exposés, les membres de la commission des finances doivent faire leur mea culpa. En 2018, la Cour des comptes a fourni 190 documents ou rapports à l'ensemble des commissions : c'est tellement considérable que nous pouvons être sûrs de ne pas en avoir exploité le dixième pour en tirer des conclusions ! Nous n'arrêtons pas de demander des rapports et lorsque nous évoquons tel ou tel sujet, par exemple en bureau de la commission des finances, nous nous demandons chaque fois : « Ah, mais... n'y a-t-il pas déjà eu un rapport sur la question il y a deux ou trois ans ? » Cette dérive, consistant à toujours demander des documents complémentaires, est inquiétante. S'ils sont mis à notre disposition, il est dommage de ne jamais les utiliser.
Tout à l'heure, vous avez évoqué, monsieur le Premier président, la difficulté de disposer d'un regard sur les moyens et les objectifs visés. Cela pourrait-il tenir à un problème d'indicateurs ? Les indicateurs de performance retenus sont erronés, vagues, trop mal construits pour nous donner une vision. Ainsi, nous nous en affranchissons très vite, et, dès que la loi de programmation est votée, nous passons à autre chose ; au moindre de ces coups de vent économiques que nous rencontrons à chaque exercice budgétaire, nous nous affranchissons de la loi de programmation, ce qui ôte toute crédibilité à l'ensemble de notre structure budgétaire.
Quant au système informatique de l'État et à l'évaluation des risques, je plaide absolument dans le même sens : la pyramide des risques est parfaitement absente.