Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 6 mars 2019 à 16h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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Présidence

La commission entend M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, sur l'application de la loi organique relative aux lois de finances.

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Nous recevons très régulièrement Didier Migaud, mais c'est encore une fois un plaisir de le compter parmi nous, ainsi que l'ensemble de l'équipe de la Cour des comptes.

Nous accueillons Didier Migaud en sa qualité de Premier président de la Cour des comptes, évidemment, mais aussi en tant qu'il est l'un des « pères » de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) – les recherches en paternité ont montré qu'il y en avait un certain nombre... mais Didier Migaud a vraiment accompagné ce texte pendant longtemps, et dès le début.

La commission des finances a décidé de recréer ce que nous appelons dans notre jargon la « MILOLF », c'est-à-dire la mission d'information sur l'application de la LOLF, qui avait été active assez longtemps, entre 2003 et 2011. L'idée n'est pas de mener une mission pendant six mois et de produire un rapport, comme c'est généralement le cas, mais d'organiser un suivi assez long, avec des auditions, la formulation d'un certain nombre de propositions – si cela nous apparaît opportun – et, le cas échéant, en fonction de leur nature juridique, le vote sur ces propositions, puis l'examen de leur mise en application.

Nous travaillerons, cher Didier Migaud, de la même manière que celle que vous avez connue, c'est-à-dire, par principe, de façon transpartisane – car il n'y a pas de politique là-dedans. En tant que président, je ferai partie de cette mission, comme le rapporteur général, et Laurent Saint-Martin sera rapporteur.

La mission veillera évidemment à articuler ses travaux avec l'évolution des discussions sur les réformes institutionnelles – je ne sais pas où elles en seront, mais il y en aura à un moment donné.

La MILOLF prend en quelque sorte la suite du groupe de travail que nous avions constitué dès juillet 2017, c'est-à-dire au début de la législature, pour étudier les réformes de la procédure budgétaire que nous pouvions mettre en oeuvre, sur le plan constitutionnel, organique ou législatif, mais aussi les évolutions qui pouvaient être opérées à droit constant. Ce groupe de travail s'est réuni tout à fait régulièrement et a formulé un certain nombre de propositions au Gouvernement et au président de l'Assemblée nationale, notamment dans le cadre de la révision constitutionnelle – nous verrons jusqu'où elle ira. Concrètement, nous sommes aussi parvenus à mettre en place, dès l'année dernière, la première édition du « printemps de l'évaluation », à laquelle la Cour a apporté une contribution tout à fait fondamentale. Nous avons bien l'intention de l'améliorer et de le densifier, de manière à en faire un rendez-vous annuel de l'évaluation des politiques publiques au moment de l'examen du projet de loi de règlement. En même temps, le travail de la Cour a été encore mieux mis en valeur, aussi bien au travers de votre intervention dans l'hémicycle, monsieur le Premier président, que par l'intermédiaire de vos rapports et notes d'exécution budgétaire, que nous incitons très fortement les rapporteurs spéciaux à utiliser.

Le but de la MILOLF est d'aller beaucoup plus loin, à savoir d'identifier ce qui ne fonctionne pas – ou pas bien – dans la LOLF après toutes ces années, et de proposer en conséquence des évolutions de ce texte fondateur, tout en sachant qu'il y en a déjà eu. Pour ce faire, nous devons poser correctement le diagnostic.

Des évolutions positives sont d'ores et déjà intervenues, par exemple dans l'assistance que la Cour apporte au Parlement, et plus particulièrement à la commission des finances. Toutefois, on note également un certain nombre de déceptions, dont je ne sais pas, d'ailleurs, si on peut y remédier. L'un des objectifs principaux, en 2001, était d'améliorer la gestion publique. Il s'agissait de faire en sorte que les dossiers et rapports élaborés à l'occasion du budget, du règlement ou dans le cadre du suivi budgétaire permettent d'améliorer la gestion publique, à partir d'indicateurs fiables. Cet objectif a-t-il été atteint ? Je ne saurais le dire. D'ailleurs, nul ne sait où nous en serions sans la LOLF et les objectifs qu'elle fixe. Cela dit, on le voit bien, beaucoup de choses doivent être améliorées, et on fait assez peu référence, en réalité, aux textes budgétaires pour expliquer que, rationnellement, telle ou telle politique n'atteint pas ses objectifs et que la dépense publique est moins bien employée qu'elle ne pourrait l'être.

La MILOLF procédera elle-même à la plupart des auditions d'universitaires, de hauts fonctionnaires et de praticiens, mais il nous a paru souhaitable que deux auditions aient lieu à l'invitation de la commission tout entière : la vôtre, monsieur le Premier président, et celle du ministre de l'action et des comptes publics, qui aura lieu prochainement.

Je souhaite vous poser quelques questions avant que vous ne commenciez votre propos. En tant que rapporteur de la proposition de loi organique qui a donné naissance à la LOLF, est-ce que vous considérez que les deux objectifs qui étaient inscrits dans votre rapport de 2001, à savoir permettre une amélioration de la gestion publique – comme je le disais à l'instant – et mieux assurer l'exercice du pouvoir budgétaire du Parlement, ont été atteints ?

Le travail de simplification du dispositif de mesure de la performance, engagé depuis quelques années à la suite de vos recommandations, vous satisfait-il ? Quelles sont les pistes envisagées pour aller plus loin dans cette logique ? Peut-on s'inspirer d'autres pays en matière d'efficacité de la gestion publique ?

Quelles modifications de notre calendrier budgétaire pourraient favoriser l'exercice, tout au long de l'année, de la fonction de contrôle budgétaire du Parlement, dont on voit bien qu'elle est extrêmement erratique ? Le printemps de l'évaluation, mis en place par la commission, vous paraît-il contribuer efficacement à la revalorisation non seulement de l'examen de la loi de règlement, mais aussi, plus généralement, des travaux du Parlement ?

Pensez-vous que l'architecture de la loi de finances et les modalités de son examen prennent suffisamment en compte l'ampleur et la nature des relations financières entre, d'une part, l'État et la sécurité sociale – lesquelles sont d'ailleurs en pleine évolution – et, d'autre part, l'État et les collectivités locales ?

La Cour a mentionné, dans plusieurs rapports, le manque de pertinence du découpage actuel des missions et des programmes. Avez-vous noté, à cet égard, un effort depuis 2011 ? Faut-il procéder à un nouveau découpage ? Si oui, doit-il intervenir à la marge ou bien être plus complet, et sur quelles bases doit-il reposer ?

Enfin, les prélèvements sur recettes, les débudgétisations et les concours de l'État aux opérateurs doivent-ils être abordés autrement, ou bien sont-ils, à votre avis, correctement traités par le droit actuel ?

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Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur de la mission d'information, mesdames, messieurs les députés, je suis très heureux d'être parmi vous cet après-midi pour participer aux travaux de la mission que vous avez mise en place. Je suis venu accompagné notamment de Raoul Briet, président de la première chambre, Michèle Pappalardo, rapporteure générale de la Cour, et Cécile Fontaine, rapporteure générale du budget de l'État.

Je me réjouis qu'à l'approche du vingtième anniversaire de la LOLF votre commission se saisisse à nouveau du bilan et des perspectives d'évolution de cette loi. D'abord – vous n'en serez pas surpris – parce que j'éprouve un attachement personnel envers ce texte. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de participer moi-même, dans une vie antérieure, aux travaux de la MILOLF, que vous avez ressuscitée. Ensuite, parce que votre initiative s'inscrit dans la continuité des travaux nombreux auxquels le Parlement a contribué depuis deux décennies au bénéfice de cette loi organique, dont il fut – faut-il le rappeler ici ? – l'initiateur. Enfin, parce que j'ai toujours considéré, comme Alain Lambert que vous entendrez bientôt, que la LOLF n'était pas gravée dans le marbre : nous l'avons conçue, au contraire, comme un outil vivant.

Je suis heureux également que vous ayez choisi la Cour des comptes pour inaugurer la série d'auditions qui seront conduites par la commission des finances dans le cadre de la MILOLF. J'y vois la reconnaissance de la collaboration très forte qui s'est nouée entre le Parlement et notre juridiction. Elle s'est manifestée dès le début des réflexions engagées sur la modification de l'ordonnance organique de 1959. À l'époque, en 1999, la Cour avait remis au Parlement, par l'intermédiaire de son Premier président de l'époque, Pierre Joxe, une contribution détaillée qui ouvrait un grand nombre de pistes de réflexion.

Après 2001, la Cour a eu l'occasion de procéder à de nombreux travaux ayant pour objet d'en dresser le bilan – je pense en particulier à notre rapport public thématique publié en 2011, mais il y en a eu beaucoup d'autres, plus sectoriels, dont la lecture pourra, je crois, être utile à votre mission d'information. Le vingtième anniversaire de la LOLF, en 2021, sera aussi l'occasion pour la Cour de faire paraître un nouveau bilan global de l'application du texte. Nous en parlions tout à l'heure avec le président Briet : s'il faut ajuster notre calendrier pour vous permettre de faire une proposition de modification de la loi organique, nous le ferons.

La temporalité rapprochée de ces bilans n'est pas surprenante : elle tient à la transformation profonde qu'a opérée la LOLF sur l'organisation budgétaire et comptable de l'État. Par ailleurs, la réforme budgétaire ne s'est pas arrêtée en 2001, et il nous faut en tenir compte – songeons, par exemple, à l'impact de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 ou, en 2012, à celui du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) et de sa traduction par la loi organique du 17 décembre 2012.

J'ajouterai aussi que la situation de nos comptes publics n'a plus rien à voir – malheureusement – avec celle que nous connaissions en 2001. Cette année-là, la dette publique de notre pays atteignait 57,3 % du produit intérieur brut et le déficit 1,4 %. La situation actuelle de nos comptes publics – vous en conviendrez – n'offre plus du tout le même visage...

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Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

Je n'ai pas dit le contraire !

La dégradation des comptes publics explique pour partie l'écart qui s'est creusé entre la pratique et les ambitions initiales. En même temps, elle a fait émerger des questions que nous n'avions peut-être pas en tête au moment d'écrire la LOLF.

Beaucoup a déjà été dit sur cette loi organique. Aussi, pour ne pas prendre le risque de vous retenir top longtemps, je me limiterai aujourd'hui à trois messages.

Le premier message consiste évidemment à rappeler les progrès considérables qui ont été accomplis grâce à la loi organique. Je serai bref sur ce point car je crois qu'ils sont déjà bien identifiés. Le deuxième message vise à souligner combien, malgré tout, la pratique s'est éloignée de l'esprit du texte et de ses ambitions initiales, ce qui constitue une source de déception. Enfin, je mettrai en évidence quelques chantiers qui, selon la Cour, méritent d'être examinés ou réexaminés.

Les bilans successifs réalisés à propos de la LOLF sont unanimes quant à la contribution majeure qu'a représenté ce texte pour nos finances publiques. La meilleure preuve en est sans doute le fait que l'on a, pour beaucoup, oublié le régime qui lui préexistait. Des pouvoirs renforcés pour le Parlement, de nouveaux outils de responsabilisation des gestionnaires, une logique de résultat qui se substitue à une logique de moyens, une maquette budgétaire plus lisible, une nouvelle comptabilité générale et, depuis 2006, des comptes de l'État certifiés : telles sont quelques-unes des réalisations de la LOLF. Elles mettent en oeuvre une philosophie simple : offrir un cadre budgétaire permettant de dépenser mieux, afin que le citoyen « en ait pour son argent ». Avoir une action publique efficace et efficiente au meilleur coût : voilà une préoccupation qui demeure d'une parfaite actualité.

Permettez-moi de m'arrêter un instant sur le renforcement des liens entre le Parlement et la Cour des comptes, auquel la LOLF a contribué. J'ai eu l'occasion de le rappeler lors de la remise de notre rapport public annuel, le mois dernier : la Cour fournit chaque année un très grand nombre de rapports au Parlement. En 2018, ce sont ainsi près de 190 travaux qui vous ont été remis : rapports publics thématiques, rapports au titre du 2° de l'article 58 de la LOLF – réalisés à la demande des commissions des finances des deux assemblées –, notes d'exécution budgétaire, insertions au rapport public annuel – la liste est longue. Au-delà des chiffres, nous avons, je crois, trouvé un équilibre solide entre la mission d'assistance vis-à-vis des pouvoirs publics que confie à la Cour l'article 47-2 de la Constitution et la liberté de programmation de notre juridiction.

Malgré les réalisations que je viens de rappeler, il y a, pour les pères de la LOLF – dont je fais partie –, de nombreux motifs de déception dans la mise en application de ce texte ; ce sera mon deuxième message. J'insisterai plus particulièrement sur quatre motifs, qui sont liés les uns aux autres et qui recoupent en partie ce que vous avez dit, monsieur le président. Ils ont déjà fait l'objet d'observations de la Cour, en particulier dans le rapport public de 2011, mais aussi dans les rapports publiés chaque année concernant l'exécution du budget de l'État et la situation et les perspectives des finances publiques.

La première déception, qui est aussi la plus substantielle, concerne la gestion par la performance promue par la LOLF. Soyons francs : cette greffe n'a pas encore pris. Vous en êtes d'ailleurs des témoins privilégiés, tant la procédure parlementaire laisse peu de place à l'examen des résultats de l'action publique. La comparaison entre le temps consacré à débattre des dispositions de la loi de finances initiale et celui dédié à la loi de règlement en est une illustration.

Je le dis souvent : ce décalage est incompréhensible, alors même que nos concitoyens manifestent un très grand attachement aux résultats de l'action publique, au-delà de son efficacité et de son efficience. « Loi de résultats » : au fond, c'est comme cela que devrait s'appeler la loi de règlement. Or, tout au contraire, notre pays demeure enfermé dans une approche uniquement quantitative du budget, qui repose sur le seul volume des crédits budgétés et de leur taux d'évolution. C'est donc tout un logiciel de pensée qu'il conviendrait vraisemblablement de changer.

Certaines initiatives incitent toutefois à l'optimisme. Je pense par exemple au printemps de l'évaluation, inauguré par votre commission l'année dernière et auquel la Cour a été très heureuse de contribuer – elle le sera tout autant au cours des prochains exercices. De telles initiatives devraient certainement être plus nombreuses et plus systématiques.

Le paradoxe, à mon sens, est pourtant que les pouvoirs publics et le Parlement disposent, en partie grâce à la LOLF, d'une information budgétaire considérablement étoffée quant aux résultats de l'action publique. J'ai rappelé, il y a quelques instants, le nombre de rapports transmis chaque année par la Cour au Parlement. Ils s'ajoutent à une masse probablement au moins équivalente de travaux produits par d'autres organismes. Il faudrait aussi y ajouter le nombre important de rapports parlementaires que vous produisez tout au long de l'année. Le volume de ces documents pose naturellement la question de la manière dont on se les approprie et dont ils sont exploités.

Au sein des administrations, le bilan est lui aussi décevant : malgré ses ambitions initiales, la culture du résultat que la LOLF voulait insuffler n'y a, elle non plus, pas complètement prospéré. Les symptômes sont nombreux : des indicateurs de performance de qualité inégale et qui ne sont pas devenus de réels instruments de pilotage, des politiques partagées peu évaluées, une allocation des moyens décorrélée des résultats. Je pourrais multiplier les exemples – je vous renvoie à l'édition 2019 du rapport sur l'exécution du budget de l'État, que nous vous remettrons dans deux mois. Elle comportera un chapitre spécifique sur le sujet de la performance, qui sera éclairé – tout au moins je l'espère – par de nombreuses comparaisons avec les politiques publiques et pratiques suivies à l'étranger dans ce domaine.

La deuxième déception, qui n'est pas sans lien avec la première, concerne le faible degré de responsabilisation des gestionnaires publics, malgré les ambitions de la LOLF. La Cour formulait déjà ce constat en 2011, à l'appui d'un sondage réalisé auprès d'un panel d'agents de l'État. Pourtant, au moment de la conception de la LOLF, nous avions vu sur le terrain, avec Alain Lambert, combien les agents publics étaient prêts à contribuer au renforcement de l'efficacité et de l'efficience de la gestion publique. Ils y étaient prêts à condition qu'on leur donne quelques marges de manoeuvre et de la visibilité sur leurs ressources et que l'on contractualise avec eux sur les réformes à accomplir – bref, à condition qu'on leur fasse quelque peu confiance. Au lieu de cela, la technique du rabot indifférencié, le monologue de gestion et la régulation budgétaire infra-annuelle déresponsabilisante – pour ne pas dire parfois infantilisante – sont demeurés l'alpha et l'oméga.

Dans son rapport sur l'exécution du budget de l'État en 2017, la Cour a par exemple souligné combien la pratique de la mise en réserve de crédits avait été détournée de son objectif initial. Ces dernières années, elle a pu atteindre parfois jusqu'à 10 % des crédits à l'issue de la gestion. L'année 2018 devrait toutefois faire exception. La portée de l'autorisation budgétaire donnée par le Parlement se trouve évidemment affectée par de telles pratiques, tout comme la responsabilité des gestionnaires.

La responsabilisation des gestionnaires ne se décrète pas, bien sûr, et la LOLF, à elle seule, ne pouvait pas aller à l'encontre de la culture de méfiance – parfois même de défiance – qui est profondément enracinée entre l'administration du budget et les gestionnaires publics. Pourtant, cet état de fait n'a rien d'inéluctable. Des dispositifs pluriannuels de contractualisation fonctionnent bien au sein de la sécurité sociale : pourquoi ne pas envisager de les transposer au sein de l'État ? En bout de chaîne, il ne pourra pas non plus y avoir de responsabilisation si l'on n'intéresse pas davantage les gestionnaires à leurs résultats. D'ailleurs, si toutes les pratiques que l'on observe étaient efficaces, peut-être n'aurions-nous pas un déficit budgétaire de l'État depuis plus de quarante ans. Ce devrait être là un élément de réflexion pour le ministère de l'économie et des finances.

J'en viens à mon troisième motif de déception. Il concerne plus directement le Parlement. La LOLF ambitionnait en effet d'opérer un rééquilibrage des pouvoirs au profit de ce dernier. Or ce rééquilibrage demeure perfectible dans de nombreux domaines. Considérons par exemple le champ de l'autorisation budgétaire. Malgré des progrès très substantiels accomplis depuis 2001, il reste entravé par une tendance au démembrement du budget de l'État et à l'éparpillement de ses crédits. La Cour a l'occasion de mettre en évidence ces phénomènes chaque année, en particulier dans le rapport sur l'exécution du budget de l'État et dans les notes d'exécution budgétaire.

En dépit des principes d'unité et d'universalité, de nombreux instruments extrabudgétaires nuisent en effet à la lisibilité et à l'effectivité de l'autorisation parlementaire. Je pense par exemple aux comptes d'affectation spéciale et aux taxes affectées. Le rapport sur l'exécution du budget de l'État l'année dernière a consacré des développements nourris au sujet des fonds sans personnalité juridique, et nous y reviendrons cette année encore. En tout état de cause, l'autorisation budgétaire et le respect des prérogatives du Parlement ne peuvent s'accommoder de la fragmentation croissante qui affecte le budget de l'État.

Je crois aussi, dans cet esprit, que nous devons nous interroger sur le développement considérable des dépenses fiscales, dont le montant a atteint près de 93 milliards d'euros en 2017. Ces dépenses contournent l'application des normes de dépenses et, surtout, elles échappent au processus administratif et politique de régulation de la dépense qui s'applique aux crédits budgétaires.

Le dernier motif de déception concerne la comptabilité générale, mise en place par la LOLF. Nous lui avons consacré un rapport public thématique en 2016, à l'occasion de ses dix ans. Les actes de certification que nous publions chaque année disent aussi beaucoup de choses sur le sujet. Je serai donc bref. La mise en place de la comptabilité générale et le processus de certification des comptes de l'État ont indéniablement contribué à améliorer la fiabilité de ces derniers et la connaissance de la situation patrimoniale de l'État, mais le chemin qui reste à parcourir est encore long. D'abord, comme nous le relevions en 2016, parce que la comptabilité générale n'a pas encore trouvé sa place et demeure trop peu utilisée. Ensuite, parce que la qualité comptable se heurte toujours à des réserves substantielles. Je me contenterai d'en relever deux. La première concerne les systèmes d'information comptables de l'État, qui disposent encore de fortes marges de progrès ; la seconde porte sur l'opérabilité du contrôle interne et la maîtrise des risques, qui nous semble toujours trop fragile, alors même que la tendance est à l'allégement des contrôles a priori – ce qui va d'ailleurs dans le bon sens.

Je suis néanmoins optimiste quant à la levée de ces réserves, car la Cour des comptes et les services de la direction générale des finances publiques (DGFiP) entretiennent un dialogue continu et fertile. Notre coopération s'est d'ailleurs renforcée depuis octobre dernier. Nous avons en effet ouvert avec la DGFiP un certain nombre de chantiers de discussion au sein d'un groupe de travail constructif, avec un double souci partagé : simplifier chaque fois que c'est possible le processus d'établissement de la certification des comptes, d'une part ; développer l'utilisation de la comptabilité par les gestionnaires et les décideurs, d'autre part, au service d'une meilleure gestion.

Que retenir de ces quatre motifs de déception ? Le fait que, pour beaucoup, ils tiennent à des pratiques qui ont détourné la LOLF de ses objectifs. Aussi, avant d'envisager un nouveau big bang budgétaire, je ne peux que plaider devant vous pour un retour à l'esprit de la LOLF. Les objectifs de performance de l'action publique et de responsabilisation des gestionnaires doivent en effet revenir au premier plan. Toutefois, revenir à l'esprit de la LOLF, cela ne veut pas dire s'interdire de réfléchir à des ajustements possibles de ce texte, voire à des sujets nouveaux qui n'y figuraient pas.

Cela m'amène à mon troisième et dernier message. J'aimerais soulever, à ce titre, deux sujets de réflexion. À vrai dire, ils ne sont pas nouveaux : nous les avions déjà en tête au moment de concevoir la LOLF.

Le premier concerne la gouvernance des finances publiques, en particulier la question de la pluriannualité. L'audit des finances publiques réalisé au mois de juin 2017 y a consacré des développements approfondis que je résumerai brièvement.

Nous le constatons chaque année – peut-être davantage encore en ce début d'année – la gestion pluriannuelle de nos finances publiques n'est pas satisfaisante.

La révision constitutionnelle de 2008 a créé des lois de programmation des finances publiques, mais, dans la pratique, celles-ci se trouvent rapidement dépassées, souvent même quelques mois seulement après leur adoption. Certes, il faut de l'agilité, mais celle-ci peut avoir quelques limites. Ce fut le cas de la loi de programmation pour les années 2012 à 2016. Quant à la loi de programmation pour les années 2018 à 2022, que vous avez adoptée il y a près d'un an, la loi de finances initiale pour l'année 2019 s'en est déjà significativement écartée. Et, au-delà même de la trajectoire de solde et de la dette, nombre de dispositions structurantes contenues dans ces lois, comme le plafonnement des dépenses fiscales, sont très rapidement perdues de vue.

À l'inverse des lois de programmation des finances publiques, les programmes de stabilité sont devenus des points d'ancrage beaucoup plus contraignants pour nos finances publiques. Les conditions de leur examen par la représentation nationale ont varié ces dernières années. L'article 14 de la loi de programmation pour la période 2011-2014, toujours en vigueur, prévoyait un débat au Parlement suivi d'un vote en séance publique. Cette configuration implique l'accord du Gouvernement ; ces dernières années, il est arrivé que le débat n'ait lieu qu'en commission des finances, sans vote, voire qu'il n'ait pas lieu du tout. L'audit des finances publiques réalisé par la Cour en 2017 proposait, à l'inverse, d'inscrire dans la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques le principe d'un débat systématique suivi d'un vote.

D'une façon générale, il me semble regrettable que le Parlement soit aussi peu associé à la définition de la stratégie budgétaire de notre pays, telle qu'elle est formalisée dans les programmes de stabilité. Le débat d'orientation budgétaire, consacré par la LOLF, intervient de ce point de vue trop tard pour permettre à la représentation nationale de peser sur cette stratégie.

En dehors de ces questions de calendrier, qui semblent pourtant fondamentales, la gouvernance de nos finances publiques a aussi été marquée par l'apparition de nouveaux acteurs. Je pense au Haut Conseil des finances publiques (HCFP), mis en place par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. Nous avons formulé quelques observations à son sujet dans le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques publié au mois de juin 2016. Nous y constations que la France avait fait le choix d'une transposition a minima des dispositions figurant dans le TSCG, notamment si l'on compare les missions et compétences de cette instance avec celles de ses homologues européennes. Maintenant que nous avons quelques années de pratique derrière nous, il me semblerait opportun d'élargir le mandat du Haut Conseil en prenant appui sur les instances mises en place dans d'autres États membres, dès lors que ses avis vous sont particulièrement destinés. Le dernier rapport d'activité du Haut Conseil, publié au mois de décembre dernier, fournit à ce titre quelques points de comparaison. Ainsi, son mandat, actuellement centré sur le niveau du solde structurel qui est soumis à de fréquentes et fortes révisions, pourrait être étendu à d'autres indicateurs moins volatils et plus directement mesurables, comme l'effort structurel ou l'évolution des dépenses nette des variations des prélèvements obligatoires.

Le second sujet de réflexion que je souhaiterais vous soumettre concerne l'intégration de nos finances publiques.

Ce point avait été soulevé au début des années 2000, sans faire consensus. Sans doute ne fait-il pas davantage consensus aujourd'hui mais il me semble utile de le remettre sur la table, car la situation n'a pas évolué et il est toujours aussi difficile aujourd'hui de disposer d'une vision consolidée de nos finances publiques.

Or la situation actuelle rend plus nécessaire que jamais d'avoir une meilleure vue d'ensemble des flux entre administrations publiques, au stade de la prévision et de l'autorisation comme de l'exécution. Cela pose un problème démocratique, à mon sens, que de ne pas soumettre à la représentation nationale de vision consolidée de nos finances publiques, a fortiori, je le répète, dans un contexte où celles-ci sont particulièrement dégradées.

La question d'un document financier unique fusionnant par exemple les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale, à propos duquel la Cour des comptes a d'ailleurs émis des réserves, s'était posée lors de la naissance de la LOLF. La fiscalisation grandissante des ressources de la sécurité sociale, qui est appelée à se renforcer, justifie que le sujet demeure, d'une certaine façon, posé Aussi me paraît-il pertinent d'étudier à nouveau les avantages et les inconvénients d'une telle solution. Nous pouvons a minima progresser utilement vers une meilleure articulation du débat parlementaire sur ces deux textes, au stade de la programmation budgétaire comme de l'exécution, en envisageant par exemple une discussion générale commune, suivie d'un examen des volets respectifs en dépenses et en recettes. Cette piste est ouverte dans le projet de loi constitutionnelle. Et, en aval, pourquoi ne pas imaginer une loi de règlement – ou plutôt une loi de résultats – commune à l'État et à la sécurité sociale ? Il conviendrait de commencer par en avoir une au niveau de la sécurité sociale, puisqu'il n'en existe actuellement pas.

Je laisse ces sujets ouverts à votre réflexion et à celle des interlocuteurs que vous auditionnerez. La formation inter-chambres qui conduira le bilan de la LOLF d'ici à l'année 2021 aura sans doute l'occasion de proposer, sur ces différents points, des pistes de solution détaillées, qui auront été l'objet d'un débat contradictoire avec les administrations concernées.

Je pourrais bien entendu mentionner beaucoup d'autres thèmes de réflexion, mais j'aimerais formuler, en guise de conclusion, un dernier message, qui tient en quelques mots : il ne suffit pas de changer les textes pour changer la réalité – ce serait trop simple. Souvent, en France, lorsqu'une question se pose, lorsqu'un besoin s'exprime, nous avons deux réponses : il faut augmenter la dépense ; il faut changer la loi. Ce ne sont pourtant pas forcément les plus adaptées, même si le rôle du législateur est bien de légiférer et même s'il peut être justifié d'augmenter les crédits alloués à telle ou telle politique publique – encore faut-il que cette augmentation s'accompagne des réformes d'organisation et du fonctionnement qui s'imposent.

Je l'ai dit, l'une des causes de la frustration que peuvent ressentir les « pères de la LOLF » tient au fait que ce texte n'a pas réussi à aller à l'encontre de cultures politiques et administratives solidement installées. Il est vrai que la dégradation de l'état de nos comptes publics, que j'ai rappelée en guise d'introduction, et les situations d'urgence budgétaire qui en ont résulté peuvent constituer des circonstances atténuantes, mais elles n'expliquent pas tout non plus. Nous en avions toujours été conscients : la réussite de la LOLF ne peut tenir qu'à sa pratique : pratique administrative des ministères économiques et financiers et des ministères dépensiers pour être dans une logique de confiance et de responsabilisation ; pratique politique du Parlement pour montrer sa capacité à être dans une logique constructive de contrôle et d'évaluation, au-delà même du fait majoritaire.

Pour que la LOLF et ses principes soient pleinement effectifs, la balle est et a toujours été dans le camp des praticiens, donc, en grande partie dans votre camp. Souhaitons que la « conjonction astrale favorable » qui avait accompagné la naissance de ce texte en 2001, selon l'expression du Premier président Joxe, se maintienne pour faire vivre pleinement ses ambitions.

Je souhaite en tout cas à votre mission d'information des travaux riches et fertiles. Quel que soit leur aboutissement, soyez assurés que la Cour se tiendra à votre disposition pour vous être le plus utile possible et contribuer à votre réflexion.

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Merci beaucoup, monsieur le Premier président, pour ces observations et ces éléments très précis. C'est vrai, on ajoute parfois des textes aux textes, et ce n'est pas nécessairement une bonne chose. L'esprit de la LOLF n'a pas vieilli depuis l'époque de son adoption. À nous de trouver la manière de le ressusciter et de faire encore mieux.

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Merci, monsieur le Premier président, pour ce discours de la méthode, sur l'esprit de la LOLF. Vingt ans après son adoption, vous avez présenté le bilan de la LOLF avec lucidité, non sans quelques lueurs d'espoir – c'est toujours important.

Je vous remercie, vous-même, les magistrats et l'ensemble des personnels concourant aux travaux de la Cour. Depuis deux ans, nous avons sensiblement amélioré les relations entre la Cour et le Parlement. Très souvent, vous êtes notre allié objectif ; ainsi, lorsque vous parlez d'un rééquilibrage perfectible, il s'agit bien évidemment de le parfaire au profit de la représentation nationale – d'autres États européens nous en donnent l'exemple.

Depuis vingt ans, le contexte européen a beaucoup évolué et, pour ma part, je suis toujours surpris par le peu de références que nous faisons, lorsque nous légiférons – de manière générale, y compris dans des « micro-textes » –, au droit européen. Alors, lorsqu'il s'agit de textes financiers... Par exemple, le mois prochain, notre commission examinera le mois prochain le programme de stabilité avant sa transmission par la France à la Commission et au Conseil, et le Gouvernement nous proposera une nouvelle trajectoire des finances publiques – il ne saurait en être autrement, puisque nous nous sommes légèrement écartés de celle prévue en loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Comment pourrions-nous mieux articuler le calendrier national et le calendrier européen, notamment en ce qui concerne tous ces textes relatifs aux problématiques de trajectoire de finances publiques ? Comment, en quelque sorte, garantir que les trajectoires transmises au niveau européen concordent avec celles en vigueur au niveau national ? Il y va souvent de la crédibilité de notre pays au sein de l'Europe.

Par ailleurs, vous avez, à plusieurs reprises, proposé la fixation d'un objectif de dépenses défini en loi de programmation des finances publiques et en loi de finances, à l'article liminaire. Exprimé en euros courants, il couvrirait l'ensemble des administrations publiques. Pouvez-vous nous préciser les modalités de mise en oeuvre de cet instrument et l'impact qu'il pourrait, selon vous, avoir sur la conduite des finances publiques ?

Enfin, vous avez constaté, dans votre rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques – particulièrement celui de l'année 2016 –, le développement de ces fameuses taxes affectées à des opérateurs, le niveau d'affectation étant souvent plafonné en loi de finances, avec des originalités, tels ces serpents de plafonnement dans le cadre desquels des libertés sont laissées au Gouvernement. Comment la Cour apprécie-t-elle cette méthode de financement des opérateurs dérogatoire aux principes budgétaires d'unité et d'universalité ? Ces dispositions permettent-elles de maîtriser efficacement la dépense ? En somme, ces plafonnements de taxes sont-ils pertinents ?

Encore merci, monsieur le Premier président, pour la qualité de votre exposé et, surtout, de notre travail en commun, mais celui-ci se poursuivra au cours des prochaines années. Et je ne retire pas un mot aux propos tenus à l'ouverture de notre réunion par le président de notre commission sur la nécessité de cette mission d'information et la façon de conduire les travaux.

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Merci tout d'abord, monsieur le Premier président, pour votre propos liminaire. Beaucoup a déjà été dit et nous sommes nombreux, ici, à partager les constats malheureusement faits. Tout l'enjeu est de tenter, avec cette mission d'information, un succès dans les têtes autant que dans les textes. Il s'agit non pas de se contenter de recommander des modifications de la loi organique mais de trouver, très concrètement, comment réussir, en pratique, ce qui a parfois échoué depuis vingt ans.

J'essaierai d'ailleurs de vous poser les questions les plus concrètes possibles.

Tout d'abord, ne serait-il pas temps d'essayer de repenser l'efficacité du processus de la LOLF pour évaluer la dépense publique telle qu'elle existe aujourd'hui ? L'ajout à la nomenclature budgétaire matricielle classique d'un découpage fonctionnel en missions et programmes que tout le monde connaît ici a indéniablement permis d'améliorer la qualité de l'autorisation parlementaire. Cependant, au niveau de l'exécution, cette évolution a induit un certain manque d'agilité, si j'ose dire, auquel la multiplication des programmes support a également largement contribué. Soutenez-vous toujours l'idée défendue par la Cour d'une revue générale du périmètre des missions et des programmes actuels ? Selon vous, lesquels devrait-on redimensionner en priorité ? Et vous paraît-il envisageable de permettre au Parlement de se prononcer de façon contraignante sur la répartition des crédits plutôt par titre et par ministère au moment de l'examen du projet de loi de finances en complément du vote par mission, voire en remplacement de celui-ci, si nous poussons la logique jusqu'à son terme ? Nous pourrions par exemple imaginer de voter un titre « dépenses de fonctionnement », un titre « investissements » et un titre « dépenses sociales ». Il ne faut pas s'interdire cette réflexion.

Vous avez partiellement répondu à la question que j'envisageais de poser sur la pluriannualité, mais permettez-moi d'insister. Comment, selon vous, renforcer, en contrepartie d'un pouvoir de contrôle infra-annuel accru du Parlement sur l'exécution budgétaire du Gouvernement en année n, ce qui ressort de la pluriannualité ?

Il semble opportun d'encadrer plus étroitement le recours au rabot et la gestion infrabudgétaire – je suis d'accord avec vous –, sans, toutefois, compromettre les marges et la souplesse dont doit disposer un gouvernement pour modifier la répartition des crédits. Comment concilier cela avec l'impératif de maîtrise de la dépense publique, les finances publiques ne s'étant effectivement pas franchement améliorées depuis 2001 ?

L'ambition de la LOLF était de devenir le cadre juridique et le support opérationnel de la réforme de l'État. C'est aussi un enjeu important pour le Gouvernement et la majorité. Comment pourrions-nous, selon vous, remettre la LOLF au coeur de la réforme de l'État, au coeur de ce qui est aujourd'hui proposé ? Et comment pourrions-nous associer davantage les gestionnaires à la transformation des politiques publiques dont ils ont la charge ? La contractualisation entre l'administration du budget et les responsables de programme me paraît une bonne piste. Cela vous semble-t-il réellement pertinent ?

M. le président de la commission a évoqué le calendrier et la procédure. Nous sommes effectivement plutôt satisfaits d'avoir participé à la création du printemps de l'évaluation, encore aujourd'hui à l'état embryonnaire et perfectible – il n'a connu, pour l'instant, qu'une édition. Est-ce selon vous une bonne piste ? Comment pourrait-on en faire un véritable exercice de contrôle et d'évaluation qui pourrait – j'y reviens – rendre légitime un vote du budget par titre plutôt que par mission et programme, avec davantage d'agilité et de fongibilité entre les titres ?

Enfin, dans un rapport sur la procédure budgétaire française, l'Organisation de coopération et de développement économiques souligne que la logique de performance exige une claire distinction, dans le cadre du système d'exécution du budget, entre le pilotage et les responsabilités politiques, d'une part, et les responsabilités administratives, d'autre part ? Ce point me semble extrêmement important. Vous recommandiez d'ailleurs en 2011 d'attribuer cette responsabilité administrative à un haut fonctionnaire clairement identifié, mais qu'en dites-vous aujourd'hui ?

Dernier point, pour resituer les travaux de notre mission d'information dans un contexte un peu plus large, que pensez-vous de la révision constitutionnelle présentée l'été dernier et de la réforme du Règlement de l'Assemblée nationale que souhaite le président Ferrand pour cette année ? Comment s'assurer d'une amélioration réussie de notre procédure budgétaire et donc de nos politiques publiques ? Je pense que les trois niveaux de la Constitution, de la loi organique et du règlement comptent pour y parvenir.

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Merci, monsieur le Premier président, pour votre exposé.

La LOLF a permis de réaffirmer les principes du droit budgétaire comme l'unité et l'annualité dans le but d'améliorer la portée de l'autorisation et du contrôle parlementaires. Cependant le financement des infrastructures de transport présente une singularité : les dépenses sont principalement étalées sur plusieurs années et un financement intégral sur crédits budgétaires, avec les risques de variations d'une année sur l'autre, voire d'annulation au cours de l'exercice, qu'il comporte, fragiliserait les engagements souscrits par l'État. La création de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) a ainsi permis de regrouper l'ensemble des recettes fiscales affectées en loi de finances afin de procurer des ressources normalement pérennes aux infrastructures de transport.

Dans un référé du mois de juin 2016, la Cour des comptes a considéré que cette approche entraînait une débudgétisation massive, sans pour autant garantir un pilotage pluriannuel de la maîtrise de la trajectoire de dépenses. La lisibilité pour le Parlement n'est pas toujours évidente, puisque les parlementaires ne disposent pas, au moment de l'examen de projet de loi de finances, du budget prévisionnel de l'AFITF. Que préconise la Cour des comptes pour améliorer la lisibilité des financements des transports, de manière à permettre un meilleur contrôle parlementaire ? Le volet de programmation financière du projet de loi d'orientation des mobilités apporte-t-il, selon vous, des garanties ?

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Cette audition est intéressante à de nombreux titres. Elle est intéressante, monsieur le Premier président, parce que vous avez déjà le recul nécessaire et l'expérience préalable, avec la connaissance de pratiques antérieures. Ce double regard, interne et externe, rend votre analyse d'autant plus précieuse. Elle m'inspire cependant quelques réflexions.

Vous avez évoqué, monsieur le Premier président, parmi les avantages de la LOLF, une maquette budgétaire simplifiée, mais vous voyez bien – et le président Woerth en a parlé tout à l'heure – qu'il est toujours d'une extrême difficulté de parvenir à une vision consolidée des différents flux entre les administrations publiques, notamment entre le budget de l'État et la sécurité sociale, voire au-delà. Cela me paraît poser un problème considérable.

Il faudra un jour – vous avez évoqué la question à demi-mot – envisager la possibilité d'un document financier unique. À défaut, tout cela restera d'une complexité notoire. Bien sûr, l'exercice, qui requiert une masse de travail, peut être difficile en fin d'année, mais le document financier unique permettrait de simplifier les choses.

Et, puisque vous avez mentionné tout à l'heure des écueils auxquels nous sommes exposés, les membres de la commission des finances doivent faire leur mea culpa. En 2018, la Cour des comptes a fourni 190 documents ou rapports à l'ensemble des commissions : c'est tellement considérable que nous pouvons être sûrs de ne pas en avoir exploité le dixième pour en tirer des conclusions ! Nous n'arrêtons pas de demander des rapports et lorsque nous évoquons tel ou tel sujet, par exemple en bureau de la commission des finances, nous nous demandons chaque fois : « Ah, mais... n'y a-t-il pas déjà eu un rapport sur la question il y a deux ou trois ans ? » Cette dérive, consistant à toujours demander des documents complémentaires, est inquiétante. S'ils sont mis à notre disposition, il est dommage de ne jamais les utiliser.

Tout à l'heure, vous avez évoqué, monsieur le Premier président, la difficulté de disposer d'un regard sur les moyens et les objectifs visés. Cela pourrait-il tenir à un problème d'indicateurs ? Les indicateurs de performance retenus sont erronés, vagues, trop mal construits pour nous donner une vision. Ainsi, nous nous en affranchissons très vite, et, dès que la loi de programmation est votée, nous passons à autre chose ; au moindre de ces coups de vent économiques que nous rencontrons à chaque exercice budgétaire, nous nous affranchissons de la loi de programmation, ce qui ôte toute crédibilité à l'ensemble de notre structure budgétaire.

Quant au système informatique de l'État et à l'évaluation des risques, je plaide absolument dans le même sens : la pyramide des risques est parfaitement absente.

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Monsieur le Premier président, non seulement votre exposé était passionnant, mais vous apportez à la fois le regard de l'inventeur et celui du contrôleur : vous fûtes, dans une autre vie, à l'origine des travaux qui ont conduit à la LOLF, et vous voici particulièrement bien placé pour être le juge de votre oeuvre et de la façon dont elle fut ou non appliquée.

Me frappe quand même, dans votre exposé, le relatif pessimisme avec lequel vous envisagez l'évolution des mentalités dans notre pays : elles résistent à tout. Le système juridique et procédural a été modifié en profondeur, mais le naturel français, à la fois dépensier et cloisonnant, revient au galop. Je m'interroge, parce qu'en vérité c'est cela, le problème : malgré telle ou telle réforme, les acteurs politiques, que ce soit le Gouvernement ou les parlementaires, et les administrations n'arrivent pas à faire de cette logique de performance une réalité effective.

Il faudrait insister sur deux points.

Ce que vous avez dit sur la dissociation des comptes de l'État et des comptes sociaux est très important. Nous voyons très bien à quoi cela correspond – d'autant que ce sont deux commissions distinctes de l'Assemblée nationale qui s'occupent respectivement des uns et des autres, confortant institutionnellement ce dualisme. Vous-même faites des propositions, et je pense que la consolidation financière et l'examen global de ces comptes sont d'autant plus justifiés qu'il est d'innombrables recettes dont on ne sait plus vraiment – la distinction est vraiment ténue – si elles relèvent des cotisations sociales ou de l'impôt ; la contribution sociale généralisée en est un exemple. Je pense qu'il faut aller plus loin encore dans la formulation de pistes pour nous aider à avancer, monsieur le Premier président.

Le second point sur lequel je veux insister, c'est que l'automne ignore le printemps. En automne, nous votons la loi alors qu'au printemps nous évaluons celle de l'année précédente. Nous nous intéressons à ce qui a déjà été voté de manière intellectuelle et non pas en termes dynamiques. D'où votre remarque très juste sur les lois de règlement, monsieur le Premier président. Le coup est parti et les parlementaires regardent en avant. À l'automne, notre emploi du temps est tellement contraint que nous sommes amenés à ne nous intéresser qu'aux amendements, donc au delta. Nous ne remettons pas en cause les choix fondamentaux comme nos travaux du printemps devraient nous conduire à le faire. Et je me demande si, au moment où nous procédons à l'examen approfondi des diverses politiques publiques, nous ne pourrions pas élaborer avec le Gouvernement des anticipations d'arbitrages budgétaires. Nos travaux de l'automne n'auraient alors d'autre but que de les ajuster – cela impliquerait, j'en conviens, un bouleversement procédural. Si nous ne donnons pas une force décisionnelle à ce que nous faisons au printemps, nous ne parviendrons pas à sortir de cette situation pénible. La LOLF est une loi magnifique, mais elle coïncide avec un dérèglement général des finances publiques depuis vingt ans. Il faut aller plus au fond des choses et revoir nos pratiques. C'est ainsi que nous changerons l'état d'esprit qui nous anime tous et qui nous perd tous.

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Il y a tout de même une logique à la procédure que nous suivons. N'oublions pas que le débat d'orientation des finances publiques, dont il faudrait peut-être aussi revoir la place, opère un passage de témoin entre l'évaluation de la loi de finances passée et le budget à venir. Rien n'empêche le Parlement d'aller plus loin et de dépasser une simple vision macroéconomique fondée sur l'examen de quelques soldes.

Le jour où nous saurons utiliser le travail effectué par les rapporteurs spéciaux dans le cadre du printemps de l'évaluation, alors nous saurons animer un débat d'orientation des finances publiques qui fixera des pistes plus précises que celles dont nous nous satisfaisons aujourd'hui.

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Comme souvent, je suis d'accord sur le fond avec Jean-Louis Bourlanges. J'estime qu'il n'appartient qu'à nous, parlementaires, de tirer parti des procédures existantes. Il ne sert à rien de créer un nouveau véhicule législatif à l'issue du printemps de l'évaluation. Il y a des votes de résolutions qui, certes, ne constituent pas un pré-budget au sens où vous le proposez, cher collègue, mais qui ont leur importance au même titre que le débat d'orientation des finances publiques. Si nous menons correctement nos travaux durant le printemps de l'évaluation, rien ne nous oblige à l'automne à voter certains crédits si nous estimons qu'ils ne correspondent pas aux conclusions auxquelles nous sommes parvenus. Nos travaux du printemps doivent nourrir ceux que nous menons à l'automne.

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Nous pouvons en effet traiter de manière nouvelle les véhicules existants.

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Monsieur le Premier président, j'ai envie de vous dire : « Heureusement que la Cour des comptes est là pour nous accompagner et nous aider ». Comme d'autres collègues, j'ai senti un peu d'amertume dans vos propos. Jean-Louis Bourlanges soulignait comme il devait vous être difficile en tant que géniteur de la LOLF de constater les évolutions qu'elle a subies.

Une exigence forte s'impose à nous : le pilotage des finances publiques. L'argent est beaucoup plus rare qu'il ne l'était il y a quinze ou vingt ans. L'usage qui est en fait est désormais scruté au microscope et l'efficience des dépenses est devenue une priorité, compte tenu des difficultés que connaît notre pays.

Ma première remarque a trait à la réforme de l'action publique menée par le fameux Comité Action publique 2022 (CAP 22), dont nous avons un peu de mal à comprendre les contours. Il serait intéressant pour nous de connaître vos recommandations en ce domaine.

Ma deuxième remarque porte sur nos voisins. Vous avez souvent souligné, monsieur le Premier président, les évolutions significatives qu'avaient connues certains pays européens, notamment en matière de réduction des dépenses publiques. Pouvez-vous nous en dire plus sur les outils de pilotage plus efficients qu'ils ont mis en place ?

Enfin, vous semble-t-il utile de passer à une LOLF bis ? Vous avez souligné qu'il y aurait probablement des ajustements à faire. Lorsqu'on gère une commune, on n'examine pas l'état des finances publiques une ou deux fois par an ; c'est au moins une fois par mois que l'on regarde où on en est en termes d'engagements. Le printemps de l'évaluation est une très belle idée et il faudra nous nourrir de ses travaux, comme l'a dit Laurent Saint-Martin, mais c'est toute l'année que nous devrions exercer un contrôle. Il y a certes le débat d'orientation des finances publiques et le vote du budget mais après, que faire s'il y a des dérapages ? Une collectivité locale procède à des ajustements au fil de l'eau. Il me semble qu'il fait partie du rôle des parlementaires d'exercer ce contrôle de manière continue au lieu de trois ou quatre fois par an. Ce serait pour nous une occasion de démontrer notre utilité dans le pilotage des finances publiques. Notre contribution actuelle, même si elle passe par des rapports de très grande qualité, n'est pas à la hauteur de ce que nous pourrions apporter.

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Nous recevons aussi une situation mensuelle budgétaire et nous disposons des rapports de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC). Mais je vous accorde que ces travaux d'évaluation ne sont pas forcément reliés entre eux.

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Monsieur le Premier président, il est assez rare que vous mettiez de l'affect dans vos prises de parole publiques ; or j'ai noté dans votre propos introductif beaucoup d'émotion. Cela est sans doute dû au fait que vous avez, comme le soulignait Jean-Louis Bourlanges, ce double rôle d'inventeur et de juge de cette loi absolument fondamentale qu'est la LOLF. Elle constitue une ceinture de sécurité mais comme toute ceinture de sécurité, elle n'exclut pas excès de vitesse et dérapages plus ou moins contrôlés. Nous évoquons souvent au sein de notre commission les niches fiscales et la difficulté que nous avons à les piloter. Il y a des missions au sein desquelles le poids de la dépense fiscale est bien supérieur à celui de la dépense budgétaire. D'après vous, comment est-il possible de mieux piloter ces dépenses fiscales ?

Je fais appel à votre grande expérience, qui vous a permis d'avoir différents points de vue : pouvez-vous nous dire ce que vous estimez être une bonne ou une mauvaise niche fiscale ?

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J'ai eu l'occasion d'assister à plusieurs ateliers thématiques organisés dans le cadre du Grand débat national. Nos concitoyens comprennent que la transition énergétique et écologique est nécessaire et que l'État a un rôle particulier à jouer pour la financer mais ils posent une double condition à ce financement : que leur argent soit correctement utilisé sans gaspillage financier ; que chaque impôt, taxe ou amende dont ils s'acquittent soient en lien, de la façon la plus directe possible, avec les missions, programmes budgétaires et services publics qui s'y rapportent. Ils semblent préférer l'affectation de recettes au principe de l'universalité budgétaire, tout particulièrement en matière de transition écologique, car ils voient dans cette affectation un gage de transparence et d'équité. Cela se comprend.

Les nouvelles limitations de vitesse sont présentées comme des mesures visant à réduire le nombre de morts sur les routes, mais les citoyens s'estiment dupés sur l'objectif réellement poursuivi quand ils apprennent qu'une part du produit des amendes, même si elle est restreinte, contribue au remboursement de la dette plutôt qu'à la rénovation des routes ou au financement des services hospitaliers prenant en charge les accidentés de la route. Cela crée une rupture du contrat fiscal, du contrat social.

Certes, la LOLF prévoit que certaines recettes puissent être directement affectées à certaines dépenses par l'intermédiaire des comptes d'affection spéciale (CAS) mais lorsque les recettes excèdent les dépenses, la réorientation des surplus vers le remboursement de la dette en cours de gestion rompt avec l'objectif initialement poursuivi par l'impôt, la taxe ou l'amende ayant généré la recette. Ne faudrait-il pas modifier les règles d'écrêtement des recettes affectées afin que les impôts, les taxes ou amendes viennent financer en priorité les programmes qui ont le plus de liens avec les objectifs pour lesquels ils ont été institués ?

Par ailleurs, compte tenu de la demande de nos concitoyens, ne pourrait-on envisager, dans le cadre d'une révision de la LOLF, que les parlementaires proposent, par voie d'amendement, lors de l'examen du projet de loi de finances, la création de CAS ?

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Monsieur le Premier président, il est important pour nous, législateurs, de recueillir l'avis d'une institution aussi importante que la Cour des comptes pour notre bonne information budgétaire concernant la LOLF. Cette audition nous offre, de surcroît, le précieux avantage de pouvoir nous adresser à l'un des concepteurs de cette loi.

Le diagnostic que vous avez posé est marqué par la déception : les objectifs visés n'ont malheureusement pas été atteints ou alors ne l'ont été que partiellement. Vous évoquez les mauvaises pratiques qui ont détourné les objectifs de la LOLF, le manque de contrôle interne, qui reste trop fragile, la comptabilité générale qui demeure trop peu utilisée, ou encore les difficultés à disposer d'une vision consolidée de nos finances publiques.

Quelles seraient vos préconisations pour renforcer le rôle du Parlement et les moyens de contrôle dont il dispose ?

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Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

Il ne faut pas retenir de mon propos seulement la déception que j'ai exprimée. J'ai essayé de faire un constat objectif de la situation telle que la Cour la perçoit. Dans ma position de contrôleur, j'exprime un point de vue collégial.

Il ne faut pas non plus tout attendre d'un même texte. La LOLF est un outil pertinent, encore faut-il savoir l'utiliser pleinement et correctement. Si vous avez perçu un peu d'affect, c'est peut-être que l'on peut éprouver de la déception à voir que les deux objectifs de la LOLF – mieux équilibrer les pouvoirs budgétaires entre l'exécutif et le législatif ; avoir une action publique la plus efficiente possible –, qui sont fondamentaux, ne sont pas pleinement atteints alors que cette loi permettrait qu'ils le soient.

Tout n'est pas, bien sûr, qu'une question de texte. Les pratiques, les mentalités, les cultures comptent aussi beaucoup et nous voyons bien que la France connaît des rigidités sur un certain nombre de sujets.

S'agissant des pouvoirs budgétaires du Parlement, je crois pouvoir dire en toute honnêteté que presque tout est déjà dans la LOLF. Je relisais avant de venir ses articles 57, 58 et 59 : ils vous donnent des pouvoirs considérables pour peu que vous les utilisiez. Avec Alain Lambert, nous avions pris beaucoup de précautions pour les renforcer. C'est une évolution qui, au départ, n'était pas souhaitée par les gouvernements. Je me souviens de quelques discussions que j'ai eues avec un ancien ministre de l'économie et des finances qui me disait que le renforcement de l'efficacité de l'action publique l'intéressait bien plus que celui des pouvoirs du Parlement. Dans le groupe de travail que Laurent Fabius, alors Président de l'Assemblée nationale, avait mis en place, et dont j'étais le rapporteur, nous avions mis ces deux objectifs sur le même niveau.

Toutes les questions budgétaires supposent un dialogue entre le Parlement et le Gouvernement puisque le budget est proposé par le Gouvernement au Parlement pour qu'il le vote. Il faut faire en sorte que les conditions dans lesquelles ce dialogue se déroule soient équilibrées. D'où l'importance de l'information, de la transparence, de la capacité des commissions parlementaires à expertiser telle ou telle estimation avancée par Bercy. Cette dernière dimension manque d'ailleurs peut-être d'ailleurs à la commission des finances de l'Assemblée.

La LOLF permet donc beaucoup de choses. Après, des questions de calendrier et d'organisation se posent.

Le calendrier est, je l'ai dit, perfectible. Le programme de stabilité fige beaucoup de choses. Le débat d'orientation des finances publiques est souvent un exercice formel mais il pourrait l'être beaucoup moins si le Parlement s'appuyait sur les propositions du Gouvernement, les réactions de la Commission mais aussi sur les enseignements que vous-mêmes avez tirés des travaux d'évaluation de telle ou telle politique publique afin de faire, le cas échéant, des propositions d'ajustement en vue de la prochaine loi de finances. Le Printemps de l'évaluation a, dans cette perspective, toute son importance

La plupart des pays européens procèdent régulièrement à des revues de dépenses. Je pense que c'est un exercice utile, comme la Cour l'a suggéré à maintes reprises. L'analyse des travaux d'évaluation que vous avez menés peut vous conduire à proposer des ajustements nécessaires. Certains objectifs n'ont plus la même pertinence deux ou trois ans après qu'ils ont été fixés, soit qu'ils créent des effets d'aubaine, soit qu'ils ne sont pas atteints.

Ce travail, seul le Parlement peut le faire. Les travaux d'évaluation de la Cour et d'autres institutions ou organismes l'aident, bien sûr, mais il faut voir que beaucoup de travaux parlementaires ne sont pas suffisamment exploités par le Parlement lui-même. Je pense à ceux de la MEC ou du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC). Ce n'est pas simple car cette question touche à l'organisation de vos travaux – je sors un peu ici de mes fonctions actuelles et fais davantage appel à mon expérience. Cela tient à une raison simple : les travaux organisés par la Conférence des présidents le sont souvent sur proposition des groupes politiques et cela ne les intéresse pas toujours de reprendre des études pour partie consensuelles. Il serait intéressant que la commission des finances ou le CEC fassent des propositions pour inscrire à l'ordre du jour des semaines de contrôle des réunions et séances consacrées à vos propres travaux.

Tout cela renvoie à la fois au calendrier, à l'organisation, aux règlements intérieurs mais aussi aux pratiques du Sénat et de l'Assemblée nationale.

La gestion par la performance n'est pas chose facile. Je suis frappé de voir que les pays qui se sont engagés beaucoup plus tôt que nous dans cette voie, comme la Nouvelle-Zélande, l'Australie ou certains pays nordiques, s'interrogent régulièrement sur la pertinence des indicateurs retenus. Il est clair qu'il y a eu au départ un trop grand nombre d'indicateurs et que la part des indicateurs quantitatifs était beaucoup trop importante par rapport à celle des indicateurs qualitatifs. Il s'agit non pas, bien sûr, de réviser les indicateurs en permanence, sinon aucune visibilité ou contrôle ne serait possible, mais de les réinterroger régulièrement.

Il y a sans doute des choses à revoir en matière de maquette. Citons quelques chiffres : trente-sept gestionnaires de programme gèrent 93 % des crédits et les trente-quatre autres gèrent les 7 % restants. Huit des trente et une missions du budget général représentent près de 80 % des crédits de paiement. Nous avons trop de très grosses missions et trop de très petites missions. Il y a sûrement des ajustements à faire en matière de définition des missions et des programmes. Je pense que la Cour sera en mesure de consacrer à ce sujet quelques développements dans son prochain rapport sur l'exécution du budget de l'État au cours de l'année 2019 et des parties plus importantes dans le bilan de la LOLF que nous avons programmé pour 2021. Mais, comme je vous l'ai indiqué, si vous éprouvez le besoin que nous avancions la date de publication de nos travaux sur la LOLF, nous serons prêts à le faire afin de vous être le plus utiles possible. Le président Briet vous le confirmera.

L'articulation entre le budget de l'État et celui de la sécurité sociale est un sujet d'importance. Dans ma vie antérieure de rapporteur général ou de président de la commission des finances, il m'est arrivé de voir des dispositions relatives au budget de l'État votées sur proposition de la commission des finances défaites la semaine suivante sur proposition de la commission des affaires sociales. Cela s'explique : il n'y a pas toujours la coordination nécessaire et souhaitable entre les commissions et leurs logiques peuvent être différentes. D'où l'intérêt de mettre en place une discussion commune portant sur l'ensemble des prélèvements, taxes et recettes. Les citoyens voient dans l'impôt sur le revenu, la contribution sociale généralisée ou la taxe sur la valeur ajoutée avant tout des prélèvements obligatoires.

J'en viens aux opérateurs et aux débudgétisations. Il pourrait peut-être y avoir des développements plus importants au sein de la LOLF sur les relations entre l'État et les opérateurs. La France a en ce domaine des lacunes par rapport à ses voisins européens. Le Royaume-Uni ou les pays du Nord de l'Europe ne distinguent pas dans leurs pratiques budgétaires les opérateurs du reste du budget de l'État. Cela permet d'avoir une vision consolidée d'une politique publique donnée. Actuellement, nous ne disposons pas de tous les éléments pour contrôler les opérateurs et voir s'ils répondent ou non aux objectifs définis par l'État, d'autant qu'ils peuvent s'affranchir de certaines règles – on a d'ailleurs mis longtemps à considérer que les règles applicables au budget de l'État devaient aussi leur être appliquées. La dissociation des opérateurs du reste de la nomenclature budgétaire est susceptible de masquer la réalité des crédits qui sont alloués par l'État à une politique publique. Il en va de même pour les taxes affectées. La multiplication des débudgétisations sous diverses formes n'est pas satisfaisante pour le Parlement car certains éléments lui échappent. C'est la raison pour laquelle nous avons formulé, à travers le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), des propositions visant à renforcer sa capacité de contrôle.

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Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes

Je commencerai par quelques remarques sur la LOLF, sur ce que l'on en attendait et qui ne s'est pas passé. Il faut conserver à l'esprit que la loi est certes la loi, mais, y compris sur les aspects d'équilibre structurel des finances, on constate qu'avec la loi de 2012, en dépit des textes qui portent transposition du TSCG, l'objectif assigné de moyen terme structurel n'est toujours pas atteint. Il faut donc rester modeste quant à ce que la loi à elle seule peut modifier en la matière.

Ce serait faire un mauvais procès à la LOLF que de considérer que le fait que les déficits croissent sans cesse constituerait la preuve de son inefficacité. En elle-même, cette loi se prête à n'importe quel contexte de finances publiques ; son objectif premier était de renforcer le pouvoir du Parlement ainsi que l'amélioration de la gestion publique, à politique budgétaire donnée.

Sur ce point, il est vrai que des déceptions peuvent être constatées, car les mesures fortes de modernisation de la gestion publique, de gestion de la fonction publique et d'élargissement de la responsabilité des gestionnaires qui devaient accompagner la LOLF ne sont pas intervenues. Je dirais même qu'en raison de la crise des finances publiques, nous avons plutôt pris le chemin inverse ; c'est-à-dire que nous avons eu tendance à régresser. Dans le domaine de la contractualisation, avant la LOLF, des contrats étaient passés entre les grandes directions de Bercy et la direction du budget. Nous sommes en train d'essayer laborieusement de retrouver les voies et chemins d'une contractualisation entre la DGFiP et la direction du budget, ce qui existait avant les années 2000 parce que, pour des raisons de contrainte générale, la politique du court-termisme, du rabot et de la toise uniforme a prévalu, de même que l'absence de la mise en oeuvre de la fongibilité asymétrique a conduit à pénaliser les capacités d'investissement.

Le contexte général des finances publiques a poussé à plutôt faire machine arrière, alors même que la LOLF aurait appelé des mesures complémentaires de desserrement des gestionnaires.

Certes, des choses bougent quelque peu dans la période récente, avec des mises en réserve. Il y a peu, l'horizon des gestionnaires budgétaires des responsables de programme était de trois mois, pas de trois ans ; comment s'engager dans une gestion raisonnable et responsable lorsque l'on attend la prochaine mesure d'annulation de crédits ? Nous sommes en train de franchir ce pas et de rouvrir les voies de la contractualisation, et quelques tentatives sont en cours de négociation. Mais, de fait, on a reculé sur bien des aspects qui auraient dû accompagner l'adoption de la LOLF.

Nous avons encore régressé au sujet de la fragmentation des finances publiques, ce qui a été évoqué tout à l'heure. Le paysage s'est fragmenté et complexifié avec une sorte d'indétermination des ressources par rapport au politique ; on a encore assisté à une fragmentation au sein même du budget de l'État.

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Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes

Souhaitée par l'opinion, effectivement.

On a créé toujours plus de budgets à côté du budget ou dans le budget, et ce sujet est central. Indépendamment de ce que le Premier président a dit tout à l'heure, l'idée que nous avions avancée, en 2017, de faire voter un objectif de dépense « toutes administrations publiques » vise précisément à essayer de formaliser un cadre global de dépenses par-delà les frontières mouvantes entre les collectivités locales, l'État et les administrations de sécurité sociale. Cela permettrait, ex post, de mesurer les résultats, d'apprécier les écarts et d'en déterminer les causes. Il n'existe aucun remède miracle en la matière, mais cette mesure permettrait de donner corps à un objectif de dépenses en euros courants, et non pas en renvoyant à des notions bruxelloises un peu absconses d'effort structurel en dépenses que personne ne peut comprendre. Il s'agit là des sommes décaissées entre le 1er janvier et le 31 décembre par l'ensemble des administrations publiques, ce qui, nous semble-t-il, permettrait de progresser dans la pédagogie et dans le pilotage par le Parlement des dépenses de l'ensemble des administrations publiques.

Par ailleurs, si un effort significatif de réduction du nombre des indicateurs a été conduit, on n'en constate pas moins que les indicateurs de la LOLF demeurent très nombreux, mais surtout, qu'ils ne « mordent » pas sur les décisions que vous, parlementaires, prenez, ni sur les décisions de gestion que prennent les responsables de programme.

De façon rapide, on peut dire qu'une sorte de corpus s'est créé ; les gestionnaires ont d'ailleurs continué à utiliser leurs propres systèmes d'indicateurs de gestion à des fins de pilotage qui sont les leurs. Il y a donc matière à reconsidérer l'usage qui a été fait de ces indicateurs. Dans notre prochain rapport sur le budget de l'État (RBDE), nous évoquerons les exemples étrangers, qui montrent que, pour que ce dispositif d'indicateurs de performance vive vraiment et ait prise sur la réalité, il faut l'associer à d'autres dispositions, notamment à des dispositions régulières de revue de dépenses afin de créer des enjeux auprès des cadres de décision.

M. le rapporteur général a posé la délicate question des taxes affectées ; il me semble qu'il faut partir de situations compliquées avec des idées simples. Le principe demeure que la taxe affectée constitue l'exception alors que la spécialité est la règle. À partir du moment où la taxe affectée doit être l'exception, il n'y a pas de raison de la plafonner pour financer le budget général. Encore faut-il que les taxes affectées correspondent, aux conditions que la loi prévoit, à une vraie spécificité. Ainsi est-il de tradition de faire financer l'Autorité des marchés financiers ou l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution par les sociétés bénéficiant de la régulation.

En tout état de cause, le recours aux taxes affectées devrait être beaucoup plus restreint que ce l'on constate en pratique. Dès lors que l'on se situe en dehors de la logique de la taxe affectée, s'il y a trop d'argent, il faut baisser le niveau de la taxe ; alors que plafonner ou écrêter consiste à se servir d'une taxe qui avait un certain objectif pour servir un autre objectif qui est de financer le budget général. La raison de fond présidant à cela est que l'on n'a pas revisité sérieusement ce qui devait être maintenu comme taxe affectée et devait rester exceptionnel.

Si l'on revisite le sujet en profondeur, on n'a plus à contourner le sujet, ce qui s'est fait depuis des années, en prévoyant des modes de refinancement par le budget de l'État sur la base de taxes affectées. Le problème doit être attaqué à la racine, et pas par ce contournement qui consiste à faire financer le budget général par les taxes affectées, nonobstant les objectifs poursuivis.

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La commission a organisé ce matin une intéressante table ronde sur les centres techniques industriels.

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Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes

C'est ce que j'ai cru comprendre. Le CPO était présent ; c'était un bon cas pratique !

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Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

On voit pourquoi le ministère de l'économie et des finances ou le ministère de l'action et des comptes publics propose d'affecter au budget général et au remboursement de la dette un certain nombre de recettes. Mais il est évidemment plus légitime, si la recette est trop importante, de baisser les taux, et ce particulièrement dans le cas d'une taxe affectée, à partir du moment où un certain nombre d'objectifs sont définis.

Cependant, beaucoup de dépenses ont été financées dans notre pays par l'emprunt, par une augmentation considérable de la dette ; j'ai rappelé tout à l'heure le niveau de la dette en 2001, et vous connaissez son niveau aujourd'hui. La charge de la dette n'a pas du tout augmenté dans les mêmes proportions compte tenu de taux d'intérêt qui ont été très faibles. Mais, à un moment donné, il faut bien rembourser les dettes.

Il n'est donc pas totalement illogique qu'à partir du moment où des dépenses ont été financées par emprunt, on puisse se donner les moyens de rembourser une partie de la dette. Le gros problème est que nous sommes dans une situation fragile, compte tenu de cet endettement. La France continue d'être un grand pays, et les taux d'intérêt vont vraisemblablement évoluer lentement dans le temps ; la catastrophe annoncée n'arrivera donc peut-être pas. On observe toutefois que la sensibilité aux taux d'intérêt est extrêmement forte.

Vous avez encore évoqué le problème de la responsabilité, sur lequel nous pourrons revenir si vous le souhaitez. Une distinction doit être établie entre le pilotage et la gestion proprement dite, qui existe dans beaucoup de pays. C'est le cas en Allemagne, au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande, en Australie : les ministres ne sont pas ordonnateurs principaux des dépenses mais n'en sont pas moins ministres.

C'est une tradition française, mais il y a sûrement une responsabilité administrative à mettre en place entre la responsabilité politique et la responsabilité pénale. Car lorsqu'il s'agit de gestion, la responsabilité ne relève pas du domaine pénal, et tout ne relève pas d'une responsabilité politique devant le suffrage universel. Les marges de progrès demeurent considérables en matière de responsabilisation des gestionnaires, qui était un des objets de la LOLF.

Je me souviens qu'avec Alain Lambert, nous nous déplacions en disant : « Chaque ministre doit être son propre ministre des finances, vous verrez qu'avec la fongibilité asymétrique vous pourrez bénéficier d'une certaine souplesse, etc. » Or, aujourd'hui, lorsque l'on considère la pratique du ministère des comptes publics, on constate qu'il fait du ligne à ligne , ce qui est totalement déresponsabilisant, pour ne pas dire infantilisant, pour les gestionnaires publics. Un gestionnaire qui souhaite proposer des initiatives le fait une fois, mais pas deux.

Deux choses demeurent essentielles.

La première est la sincérité des prévisions, pour laquelle un travail a été entrepris et doit être poursuivi ; la chose est difficile lorsqu'il s'agit de la sincérité absolue dans le domaine des recettes, car elles dépendent de la conjoncture économique. Cela est plus facile pour les dépenses, même si des ajustements sont toujours possibles en cours d'année. Mais, lorsqu'on sait qu'on sous-budgétise un certain nombre de crédits depuis plusieurs années ; cela peut poser une question de sincérité – ou d'insincérité – que la Cour des comptes peut identifier.

De son côté, la contractualisation peut être utile, car la question de l'annualité peut également être posée. Cette pratique reste utile, mais certaines choses doivent obligatoirement s'inscrire dans le temps. Je me souviens d'un des propos de Philippe Séguin, qui m'a précédé dans mes fonctions, et présentait la LOLF comme constituant aussi une réforme de l'État, ce qui excédait peut-être le champ de cette loi, mais était possible à partir du moment où les outils d'une plus grande performance de l'action publique pouvaient conduire à cette réforme. Car passer d'une logique de moyens à une logique de résultats pouvait effectivement représenter une réforme de l'État, ou, à tout le moins une démarche pouvant y conduire, mais cela reste encore en suspens.

Dans tous les cas, cela représente un beau travail ; je vous souhaite bon courage !

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Merci pour ces encouragements ainsi que pour les pistes que vous avancez.

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Pourriez-vous nous fournir des éléments relatifs à la nomenclature, une maquette ?

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Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

Nous pourrons vous en procurer quelques-uns, qui figurent peut-être dans le RBDE.

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Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes

Il faut toutefois prendre garde à ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain, et ne pas penser que l'ordonnance de 1959 était l'alpha et l'oméga dans ce domaine. Que la structuration des missions ne soit pas parfaite est une chose. Je ne pense pas pour autant que vouloir revenir à des classifications anciennes soit la bonne méthode. En revanche se pose une vraie question de délimitation et de périmètre à la fois des missions et des programmes ainsi que de définition et d'association de vrais indicateurs, qui soient dans les mains de ceux qui ont la responsabilité. On ne peut pas juger de la gestion d'un responsable de programme en fonction de considérations qui n'ont rien à voir avec les outils existants.

Il faut donc réintroduire une proximité entre le niveau de responsabilité, les leviers dont disposent les intéressés et les gestionnaires  ; et, de ce point de vue, mieux distinguer les responsabilités politiques sur des objectifs stratégiques de responsabilité des gestionnaires sur des objectifs d'efficacité et d'efficience.

Il n'y a pas de raison que cela ne puisse pas se faire dans l'univers des opérateurs du côté de l'État alors que c'est le cas à la sécurité sociale – à condition de ne pas mélanger les deux niveaux de responsabilité, politique d'un côté et strictement gestionnaire de l'autre.

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Et cela n'appelle pas de modification de la LOLF.

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Du côté des finances de l'État et des finances sociales, on consolide quelque peu les choses à travers le solde, dont on parle sans arrêt, toutes études confondues. C'est la consolidation ultime, nous le faisons systématiquement dans toutes les déclarations de politique générale ainsi que les débats portant sur l'ensemble des textes.

S'agissant de la pertinence des indicateurs, nous avons souhaité que les rapporteurs spéciaux puissent systématiquement avoir un regard sur les dépenses fiscales ainsi que sur les indicateurs lors de la préparation de leurs rapports. Nous avons ajouté les dépenses fiscales l'année dernière, nous ajoutons cette année les indicateurs ; nous pourrons ainsi juger du résultat.

J'ai été sensible à ce que vous avez dit au sujet des semaines de contrôle ; souvent elles ne sont pas très bien utilisées : nous pourrions peut-être formuler plus de propositions lors de la Conférence des présidents. Comme vous le savez, ce sont actuellement les groupes politiques qui pilotent les semaines de contrôle, sauf l'évaluation des politiques publiques, car le printemps de l'évaluation, qui est une semaine de contrôle, est en partie préempté par la commission des finances.

Par ailleurs, nous avons rencontré le président de l'Assemblée nationale pour évoquer le travail de la MEC et du CEC ainsi que ses intentions à ce sujet.

On constate que le printemps de l'évaluation, la MEC, le CEC, plus les enquêtes demandées à la Cour des comptes au titre du 2° de l'article 58 de la LOLF, représentent beaucoup de points de contrôle, qui exigent beaucoup de temps à ceux qui s'y consacrent pour relativement peu de résultats. Je pense que nous avons besoin d'un programme cohérent, peut-être issu du Parlement, de coordination entre les travaux de la MEC, ceux du CEC et les enquêtes demandées la Cour des comptes, alors qu'aujourd'hui tout cela est discuté de manière totalement séparée.

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 6 mars 2019 à 16 heures 15

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Jean-Louis Bourlanges, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Francis Chouat, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Benjamin Dirx, Mme Stella Dupont, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, M. Alexandre Holroyd, Mme Patricia Lemoine, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Catherine Osson, M. Hervé Pellois, Mme Bénédicte Peyrol, M. Xavier Roseren, M. Laurent Saint-Martin, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth

Excusé. - Mme Christine Pires Beaune

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Philippe Ardouin, M. Dino Cinieri

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