Puisque d'une certaine façon nous étions appelés à le faire, je voudrais dire à M. Le Maire que ce qui nous sépare, ce n'est pas ceux qui écrivent le projet, mais le contenu du projet, et il est normal qu'on en débatte.
Au fond, votre idée, c'est ce qu'on a appelé la théorie du ruissellement, même si vous le niez. Prenons-la par un autre bout : votre idée est que si on allège le capital des charges qui pèsent sur lui, celui-ci ira à l'investissement. Tel est votre raisonnement. Il se trouve que cela ne s'est vérifié nulle part.
Le financement de l'industrie n'est possible que par deux voies : la création d'actions et l'emprunt. Il n'y a pas sur le marché de nouvelles actions capables d'éponger les sommes mises en circulation par cette exonération de charges sur le capital. Par conséquent, celui-ci ne trouvera qu'un usage : s'investir dans des actions qui existent déjà. On sait comment cela s'appelle : de la spéculation, et rien d'autre – je mets de côté l'aspect bancaire, même s'il a toute son importance.
Vous comptez sur le capital financier, c'est là qu'est notre divergence : nous croyons au contraire qu'il faut « définanciariser » l'économie, et c'est la raison pour laquelle nous ne cessons de proposer de couper les voies par lesquelles ce capital circule librement – aujourd'hui, acquérir une action prend vingt secondes en moyenne. C'est votre gouvernement qui, en juin, a mis fin au projet européen de taxe sur les transactions financières. C'est vous qui avez supprimé la taxe qui devait s'appliquer aux transactions quotidiennes sur les marchés d'actions.
Tout cela obéit à une logique, la même que celle que vous venez de défendre à cette tribune, avec la plus grande clarté – et de cela nous vous sommes reconnaissants. Vous pensez qu'en fluidifiant le capital, on permettra à la ressource d'aller là où elle est nécessaire ; nous n'en croyons rien. Nous croyons au contraire qu'il faut passer par la contrainte. Exonérer d'un maximum de charges le capital réinvesti, voilà qui aurait un sens. Mais cela n'en a pas de croire que par le seul effet de la vertu, un agent économique va agir positivement pour l'économie.