Intervention de Paul Christophe

Réunion du mardi 5 mars 2019 à 16h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Christophe :

Mesdames les ministres, nous avions accueilli avec bienveillance les grandes orientations du plan « Ma santé 2022 » présenté par le Président de la République en septembre dernier. Nous partageons votre diagnostic sur les dysfonctionnements qui affectent l'organisation de notre système de santé, désormais inadapté aux besoins des Français. La pénurie de médecins dans le secteur libéral et leur inégale répartition sur le territoire est le résultat des erreurs passées et d'une politique à courte vue dans la gestion de la démographie médicale.

Cette fracture médicale, source de grandes difficultés au quotidien pour nos concitoyens, a également des conséquences désastreuses sur le secteur hospitalier, touché par cette pénurie. Les services d'urgence sont de plus en plus engorgés, en particulier dans les zones sous-dotées en médecine de ville.

Le projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui porte donc une noble ambition : celle d'en finir avec le cloisonnement et de renforcer la coopération entre professionnels de santé, en s'appuyant sur les initiatives locales. Si nous partageons l'élan donné, nous ne pouvons cependant pas cacher notre déception devant la mise en oeuvre, puisqu'à ce stade de la discussion le texte ne répond que partiellement aux attentes exprimées.

Dans un projet de loi ramassé à l'extrême, sur les vingt-trois articles qu'il comporte, six habilitent le Gouvernement à légiférer par ordonnance et deux ratifient un patchwork de diverses mesures. Près du tiers de votre texte fait donc l'impasse sur le débat parlementaire. Vous vous en doutez, cela ne peut que nourrir notre frustration. Vous multipliez le recours aux ordonnances sur des sujets particulièrement sensibles qui mériteraient pourtant que l'on s'y attarde. Nous n'avons par ailleurs aucune information quant à la méthode de concertation définie pour élaborer ces ordonnances ni de garanties sur les acteurs qui seront effectivement concertés. Nous attendons donc de cette audition des précisions de méthodologie et nous vous invitons, comme cela a été fait pour d'autres projets de loi – je pense, dernièrement, au projet de loi « Justice » –, à associer les parlementaires de tous les groupes à sa rédaction.

Sur le fond du texte, nous partageons les objectifs du titre premier : il ne peut y avoir de réforme du système de santé sans passer par une réforme de la formation. Si nous approuvons la suppression du numerus clausus, nous appelons toutefois votre attention sur les difficultés que pourraient rencontrer les universités dans leurs capacités d'accueil pour intégrer correctement ce nombre croissant d'étudiants. Il y a également un sujet sur le terrain des stages disponibles.

Concernant la fixation du nombre d'étudiants admis en deuxième année, tout repose sur un dialogue unique entre les universités et l'ARS. Si nous voulons améliorer la démocratie sanitaire, il est nécessaire de créer les outils de la collégialité. Il faudrait en conséquence associer à la décision les instances ordinales ainsi que les élus locaux.

À ce propos, mesdames les ministres, il ne peut y avoir de réussite de cette réforme sans une association étroite avec les territoires. La réponse à apporter en matière de démographie médicale repose en effet sur une question d'aménagement du territoire et se construit donc avec les élus locaux. Pour l'heure, ceux-ci se heurtent aux ARS, devenues des structures technico-financières. Or ces ARS ont un rôle à jouer dans la constitution des comités professionnels territoriaux de santé que vous souhaitez développer. Afin qu'ils ne restent pas des coquilles vides, il faut garantir aux acteurs du territoire une certaine latitude pour leur permettre de s'organiser entre eux. Il faut faire confiance au terrain et ne pas faire de la CPTS un nouvel objet administratif et complexe.

Cette confiance doit également se développer entre professionnels de santé. Le décloisonnement passera par le développement du partage des tâches. Lors de nos auditions, les professionnels de santé nous ont confirmé être prêts. Dans sa rédaction actuelle, le texte demeure trop médico-centré et ne s'appuie pas assez sur les autres ressources humaines disponibles en santé. Nous aurons l'occasion d'y travailler avec vous.

Le décloisonnement passera également par la fluidité des carrières entre ville et hôpital, et par l'exercice mixte. Or la réforme du statut du praticien hospitalier soulève de nombreuses interrogations sur les disparités de statuts qu'elle risque d'engendrer.

Nous attendons également beaucoup de la révision de la carte hospitalière et du renforcement de l'intégration des GHT, dont nous craignons qu'ils ne s'opèrent de façon autoritaire et ne correspondent pas à la démarche volontaire affichée.

Enfin, nous approuvons votre volonté de développer le numérique en santé. La création de cet espace numérique ne devra toutefois pas conduire demain à une nouvelle fracture numérique et à de nouvelles exclusions. Nous y serons donc particulièrement attentifs.

En l'état actuel du projet, compte tenu des questionnements qu'il soulève, et dans le prolongement des auditions que nous avons réalisées, mesdames les ministres, je serais tenté de vous dire : « Bien, mais peut mieux faire »… C'est pourquoi le groupe UDI, Agir et Indépendants est prêt à vous accompagner plus avant pour valoriser ce texte.

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