Intervention de Stéphane Peu

Séance en hémicycle du jeudi 14 mars 2019 à 21h30
Croissance et transformation des entreprises — Article 51 (appelé par priorité)

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Peu :

Le désengagement de l'État de La Française des jeux va inévitablement porter un coup à la nécessaire régulation des jeux d'argent, et les précautions que prend le texte face à l'amplification des conséquences pathologiques de l'addiction au jeu sont trop faibles. Je rappelle que la Cour des comptes a rendu en 2016 un avis sur la régulation des jeux d'argent et de hasard dans lequel elle estimait que la France n'avait pas de politique des jeux bien claire. Quelques mois plus tard, l'Observatoire des jeux appelait quant à lui notre pays à réfléchir à la mise en place de stratégies de prévention – il était question des jeux sur internet – , se référant au secteur des jeux régulés, à savoir sous le contrôle d'une structure publique comme La Française des jeux.

En dépit de ces recommandations, de ces inquiétudes aussi sur les addictions, qui viennent de la Cour des comptes, d'observateurs, de médecins, on balaye tout cela d'un revers de main, on privatise, on s'imagine que demain, un opérateur privé pourra se responsabiliser quant aux risques d'addiction. M. Juanico a évoqué l'exemple du Rapido, qui a été retiré en raison de sa forte dérive addictive : qu'en aurait-il été si on avait laissé cette décision aux mains d'un opérateur privé, quand on sait que le Rapido, précisément parce qu'il était très vite addictif, était très vite rentable ? On peut, sans prendre beaucoup de risques, faire le pari – c'est le cas de le dire – que le choix d'un opérateur privé n'aurait pas été de retirer ce jeu dangereux de la circulation.

Il faut en outre entendre la Fédération Addiction, selon laquelle le nombre de personnes dépendantes au jeu est à peu près équivalent, dans les centres d'addictologie, à celui des personnes dépendantes aux drogues ou à l'alcool. C'est donc un phénomène considérable. Tous les élus, en particulier ceux des départements ou des quartiers populaires, savent quels dégâts sur la vie familiale, quelle solitude peut entraîner cette dépendance qui provoque beaucoup de désastres.

J'ajouterai un argument qui ne relève pas de la santé publique : le blanchiment d'argent sale. Qui peut aujourd'hui nier que, grâce aux services proposés par La Française des jeux, on arrive, quand la pression est très forte et qu'il y a des doutes sur le blanchiment d'argent que permettent les jeux de hasard, à faire fermer des bureaux de tabac ? Je connais un buraliste, dans ma circonscription, à qui c'est arrivé parce que les tickets gagnants se revendaient aux trafiquants de drogue pour qu'ils puissent facilement blanchir leur argent. On sait que Francis le Belge touchait le revenu de solidarité active – RSA – et qu'il gagnait plusieurs millions de francs par mois en rachetant des tickets gagnants à bon prix.

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