Intervention de Stéphane Peu

Séance en hémicycle du jeudi 14 mars 2019 à 21h30
Croissance et transformation des entreprises — Article 52 (appelé par priorité)

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Peu :

Cet article est intéressant, car il permet de relativiser la portée des engagements pris devant la représentation nationale. Pour ceux qui ont de la mémoire, en 2005, lors de l'ouverture au privé du capital de GDF, devenu depuis GDF-Suez puis Engie, le ministre de l'époque, Nicolas Sarkozy, la main sur le coeur, affirmait devant l'Assemblée nationale que jamais, jamais, jamais l'État ne quitterait l'entreprise et que ses titres étaient incessibles. Il exhortait l'Assemblée nationale à cesser de se faire peur, car il n'y aurait pas de privatisation de GDF.

Quatorze ans après, monsieur le ministre, vous venez achever le travail engagé par Nicolas Sarkozy en permettant à l'État de sortir définitivement du capital d'Engie et mettre un point final à la privatisation commencée il y a quatorze ans. Ceux qui, à l'époque, émettaient des doutes sur les engagements pris la main sur le coeur – j'en faisais partie – se trouvent avoir raison quinze ans après.

Cette façon de faire a un nom : c'est un mensonge au peuple français et à la Nation. Cela prend le temps qu'il faut, mais le processus est inéluctable. Il y a quelques mois, nous avons débattu dans cet hémicycle de l'ouverture du capital et du changement de statut de la SNCF. La ministre des transports a alors tenu le même discours que Nicolas Sarkozy au moment de la privatisation de GDF : les titres de l'État dans la SNCF sont incessibles. Nous craignons que les engagements pris devant la représentation nationale sur l'incessibilité des titres de l'État dans la SNCF ne connaissent le même sort que ceux concernant les titres incessibles d'Engie, que l'État se retire totalement en cédant ses titres.

Que s'est-il passé au sein d'Engie ces dernières années ? Entre 2009 et 2016, les actionnaires d'Engie ont empoché 27 milliards d'euros de dividendes, le tarif du gaz a augmenté de 70 % pour les Français, et Engie a délocalisé à l'étranger 5 000 postes de son centre d'appel. Nous savons pourtant que les charges fixes liées au logement et à l'énergie pèsent énormément dans la dégradation du pouvoir d'achat des familles populaires en France, et le prix du gaz en fait partie.

Quel rôle a joué dans ces affaires l'État stratège ? Aucun. Pas de stratégie, si ce n'est celle de l'enfumage, des promesses qui se révèlent inexactes. Les titres sont incessibles, ne vous faites pas peur, nous disait-on. Nous ne nous faisons pas peur, mais, en 2005, le Gouvernement a menti aux Français, comme il a menti plus récemment sur la privatisation de la SNCF, sans suivre aucune stratégie. Au bout du compte, notre pays et ses fleurons industriels en sortent affaiblis.

Regroupons Engie et la politique énergétique ; Aéroports de Paris et les activités aéroportuaires ; la SNCF et son rôle dans le fret ferroviaire qui a perdu 25 % de parts de marché depuis la réforme votée ici. Comment ne pas établir un parallèle avec les engagements que nous prenons en matière de transition énergétique et de protection de l'environnement ? Ne vaut-il pas mieux transporter les marchandises par le fret ferroviaire que par des camions, et voir une entreprise comme Engie se consacrer aux investissements dans les énergies renouvelables plutôt qu'à la délocalisation de ses emplois à l'étranger et l'augmentation des tarifs du gaz pour les usagers ?

Si l'État se retire complètement de ces entreprises – la participation dans Engie reste faible, à 14 % – nous renonçons à toute vision stratégique sur les enjeux environnementaux de demain, et nous consacrons une façon de faire de la politique par des mensonges répétés à nos concitoyens, ce qui n'est pas sans conséquence dans la crise que traverse notre pays.

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