Quelques mots de la philosophie générale de cet article, qui modifie le code civil, à la suite du travail sur la réforme de l'entreprise mené au Collège des Bernardins. Ce travail comportait également un volet consacré à la codétermination – nous y reviendrons.
Je sais la controverse que cela va susciter. D'un côté, à droite, il y a ceux qui considèrent que la réforme du code civil crée un risque juridique pour les entreprises – à mon sens, non seulement cette objection ne tient pas sur le plan juridique, mais cette modification sera symboliquement très forte, et inspirera d'autres lois. De l'autre côté, cette fois celui des députés du groupe La République en marche, c'est au sens des mots qu'on s'attachera : si on réforme le code civil, il faut le réformer pour de vrai. Or quasiment tous les universitaires qui ont travaillé sur le sujet insistent sur la distinction entre « tenir compte » et « prendre en considération » – ce n'est pas l'avis de Nicole Notat et de Dominique Senard, mais leur parole n'est pas d'évangile.
Pour notre part, nous nous rangeons du côté des universitaires qui ont travaillé sur le sens des mots : l'entreprise doit, disent-ils, tenir compte des conséquences économiques, sociales et environnementales de ses actes. La révolution du code civil suppose cette précision sémantique, que nous demanderons donc.
Il sera aussi question de la raison d'être des entreprises. Nous nous rangerons in fine à votre proposition. Mais Boris Vallaud et moi-même avons eu la chance d'être reçus par Mme Notat et M. Senard. Celui-ci nous a dit avoir une idée : fixer une étoile lointaine, une trajectoire. Ainsi, l'entreprise qu'il présidait encore il y a peu n'aurait plus vocation à fabriquer des pneumatiques, mais à préparer la mobilité durable du XXIe siècle… Entendez-moi bien, je dis cela sans ironie ! Mais prononcer des mots ne change pas magiquement le management de la boîte, le partage de la valeur ajoutée ou les relations avec ses partenaires dans le monde. C'est une déclaration d'intention, et à mon sens une valeur ajoutée. Cette faculté me paraît heureuse, mais je vous appelle à un peu de retenue : n'en faisons pas l'alibi d'une révolution qui ne serait que verbale.
Oui à la raison d'être, oui à la précision du code civil, mais reparlons surtout de codétermination : si c'est la déclaration du pacte d'actionnaires qui dit la raison d'être et qui fixe la prise en considération des conséquences sociales et environnementales de l'action de l'entreprise, alors on se sera un peu moqué du monde.