Je salue moi aussi l'esprit qui a régné sur nos débats, et l'effort du Gouvernement et des rapporteurs pour répondre à nos questions – sauf dans la dernière partie, qui nous a déçus. Malgré un peu de fatigue et d'énervement à la fin des discussions, le climat a été bon.
Sur le fond, je voudrais revenir sur quelque chose qui me paraît stupéfiant. J'ai un énorme regret ; j'ai fait une erreur de discernement, une vraie bêtise : je me suis abstenu, cet après-midi, sur la proposition de la majorité concernant les produits phytosanitaires. J'ai pensé que c'était mieux que rien… Mais je suis extraordinairement agacé par des communications que j'ai lues sur les réseaux sociaux : nous faisons mieux que le Sénat ! C'est inouï. Le Gouvernement, en lien avec le Sénat, a supprimé une disposition votée ici même ; vous la réintroduisez, certes, mais à un dixième de sa puissance initiale. Et il faudrait s'en faire gloire ? Cette affaire restera, je crois, comme une tache sur la loi PACTE. Comment peut-on, six mois après le vote d'une loi, revenir sur des dispositions aussi importantes et votées aussi largement, en gardant son honneur ?
S'agissant très précisément de l'export de pesticides, je regrette à nouveau que la moitié des documents que nous avons demandés il y a huit jours ne soient toujours pas disponibles. Le Parlement n'a pas pu être éclairé : nous ne savons toujours pas quels sont les produits exportés, ni pourquoi ces produits sont interdits en Europe. Sur le plan sanitaire, sur le plan éthique, sur le plan environnemental, ce n'est pas un détail !
J'en viens au coeur du projet de loi. D'autres l'ont dit : les privatisations qui sont engagées sont des fautes ; et ce ne sont pas des fautes comme les autres car, à la différence de nombreuses autres dispositions sur lesquelles une autre majorité pourra revenir assez facilement, elles sont irréversibles. Nous en sommes profondément marqués : nous n'avons pas réussi à vous convaincre de revenir sur cette décision.
Je n'oublie pas non plus les dérégulations multiples, sur lesquelles les oppositions, dans toute leur diversité, ont essayé de vous éclairer. Je ne reviens pas sur les commissaires aux comptes, ni sur le stage de préparation à l'installation. Mais je veux vous dire qu'il y avait plus d'idéologie que de pragmatisme dans vos décisions. Nous n'avons pas pu dialoguer et nous convaincre les uns les autres.
Le grand enjeu, pour vous, c'était la nouvelle entreprise ! Je me souviens d'avoir, au nom du groupe Socialistes, rapporté une proposition de loi au mois de janvier 2018, sur l'entreprise nouvelle et les nouvelles gouvernances ; et je me souviens d'Erwan Balanant, de Laetitia Avia, qui me disaient que mes propositions étaient formidables, que la majorité irait plus loin, que nous y travaillerions tous ensemble. Un peu plus d'un an après, que s'est-il passé ? Presque rien. Par honnêteté intellectuelle, je vous accorderai quelques menues avancées – sur la lisibilité des produits verts, par exemple. Je salue ces progrès, obtenus notamment grâce à Jean-Noël Barrot. Bien sûr, un administrateur de plus dans les conseils d'administration, c'est mieux. Bien sûr, il y a quelques petits pas. Mais globalement, quel décalage entre l'affichage et la promesse d'une collaboration, et le résultat in fine !
Il y a quelques petites avancées, quelques petits pas, mais globalement, quel décalage entre le discours, l'affichage et la promesse d'une coopération que vous nous aviez faits et le résultat ! Nous devons constater avec honnêteté notre incapacité à refonder l'entreprise, au regard des enjeux du siècle et de la société qui vient.
Je le dis avec force : nous ne sommes pas au rendez-vous, ni des gilets jaunes, qui dénoncent un travail maltraité, ni des jeunes qui, encore aujourd'hui, parlaient d'une nature maltraitée. Nous ne sommes pas au rendez-vous de cette génération d'entrepreneurs que je vois naître dans nos territoires, dans les écoles qui, aujourd'hui, met en avant d'autres valeurs que l'argent comme moteur de sa capacité d'entreprendre, avec une vision du monde profondément nouvelle.
J'ai l'impression que les décisions que nous avons prises ou les prudences que nous avons eues sont terriblement datées. Elles n'ont pas la modernité que vous aimeriez afficher, comme un fanion.
Je regrette que, pour réformer l'entreprise, nous n'ayons pas engagé un gouvernail nouveau, qui nous aurait conduits sur la voie d'un partage du pouvoir au sein de l'entreprise, de la valeur ajoutée et du savoir. C'est un rendez-vous manqué, à l'heure où nous aurions dû tracer ici, en France, l'esquisse d'un dessein européen, d'une entreprise qui nous distingue des formes de capitalisme que nous condamnons.