Intervention de Frédérique Vidal

Séance en hémicycle du lundi 18 mars 2019 à 16h00
Organisation et transformation du système de santé — Présentation

Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation :

Promouvoir la réussite des étudiants, diversifier leurs profils et adapter les études de santé à la demande de soins dans tous les territoires : voilà nos ambitions au coeur du projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui. Depuis trop longtemps, nous nous désolons de voir, chaque année, plus de sept étudiants sur dix inscrits en PACES échouer sur le mur du numerus clausus. Depuis trop longtemps, chacun dans cet hémicycle a pu en faire l'expérience, nous regrettons le caractère univoque des études de médecine.

Transformer notre système de santé – et c'est bien ce dont il s'agit avec ce projet de loi – , suppose une évolution radicale de la manière dont nous envisageons la formation des soignants, en particulier des médecins.

Transformer la structure d'une formation ou, en l'espèce, d'un ensemble de formations, c'est toujours se poser deux questions. Chacun mesure l'importance de la première, s'agissant de la formation des futurs médecins : quelles sont nos exigences et pour quel niveau de compétences ? Seconde question : quelle ouverture, quelle bienveillance afin de donner aux étudiants les moyens de réussir, de s'épanouir et de trouver dans leur formation et dans leurs stages les ressources nécessaires à leur développement en tant que futurs professionnels, mais également en tant que jeunes adultes ?

Les articles 1er et 2 traduisent notre ambition de faire des études médicales, au sens le plus large du terme, incluant l'odontologie, la pharmacie et la maïeutique, des cursus exigeants, mais aussi plus ouverts et plus accueillants. Cela n'a rien de contradictoire, bien au contraire, car notre ambition n'est pas seulement de former, demain, plus de médecins, mais également de les préparer à divers modes d'exercices, dans différents territoires, y compris dans les zones sous-denses ou les territoires ruraux. Nous voulons les préparer à des pratiques médicales qui seront bien différentes de ce qu'elles sont aujourd'hui, c'est-à-dire leur permettre d'apprendre par eux-mêmes, tout au long de leur vie, afin qu'ils puissent s'adapter et évoluer.

Un point sur lequel je veux insister est que, aujourd'hui, certains étudiants en santé sont en difficulté. Ils nous le disent, et les enquêtes le montrent. Nous avons mis en place des mesures pour y remédier. Pour eux aussi, il nous faut passer du soin à la prévention, et faire en sorte que les étudiants en santé soient à leur aise dans leurs études. Nous le leur devons, et nous le devons à leurs futurs patients, qu'ils ne soigneront bien que si eux-mêmes vont bien.

Toutes ces questions ne pourront pas être exclusivement traitées par la loi. Une large concertation, dans laquelle nous nous sommes pleinement engagées avec Mme la ministre des solidarités et de la santé, se poursuit autour du nouveau parcours des études en santé. Cette concertation trouvera sa traduction dans les textes réglementaires qui permettront d'appliquer la loi.

Notre ambition collective est donc de dessiner le cadre qui permettra aux acteurs universitaires, aux étudiants et à tous les acteurs du système de santé qui concourent à la formation, de faire vivre des cursus plus ouverts et diversifiés. Je pense, par exemple, à la formation de tous les étudiants en santé à la prévention, grâce au développement du service sanitaire.

Le premier article du projet de loi vous propose de mettre fin au gâchis de la PACES et du numerus clausus. Aujourd'hui, ce dispositif réussit le tour de force de conduire à l'échec d'excellents lycéens, prétendant inscrire des étudiants dans les études de santé, pour les en exclure massivement après une, souvent deux années de travail intensif. Nous voulons le transformer en un système qui ne se contente pas d'inscrire les lycéens à l'université, mais qui les y fera réussir, tout en permettant à ceux qui le souhaitent de candidater pour entrer dans les études de santé. Si certains seulement seront sélectionnés, tous pourront désormais poursuivre un cursus, obtenir un diplôme et réussir dans l'enseignement supérieur.

Les étudiants, inscrits dans une diversité de parcours, y compris dans des universités sans faculté de médecine dans des villes de taille moyenne, pourront candidater en filière médicale. Ils seront sélectionnés sur l'excellence de leur parcours académique et sur des épreuves complémentaires qui évalueront aussi des compétences que nos concitoyens jugent importantes, comme les compétences relationnelles, l'empathie ou la communication.

Bien évidemment, tout n'est pas dans le projet de loi, et le succès de cette transformation reposera en grande partie sur la mobilisation de tous les acteurs, et d'abord des universités. Notre ambition collective dans les prochains jours doit être de dessiner le cadre qui leur permettra de mettre en oeuvre cette transformation inédite des études médicales.

Ce qui est dans le projet de loi, en revanche, c'est la traduction concrète de la volonté de transformer en profondeur la formation des futurs médecins. Cela fait des années que l'on évoquait à demi-mot la suppression du numerus clausus. Il n'y aura pas de demi-mesure cette semaine : nous proposons bien de supprimer le numerus clausus.

Beaucoup de discussions ont eu lieu, pendant la concertation mais également en commission, sur ce qui est décrit dans le texte comme le « parcours de formation antérieur » aux études de santé. Cette formulation a été choisie pour suggérer la diversité que nous souhaitons introduire dans le recrutement des professionnels.

La demande de soins évoluera fortement dans les prochaines années. Certains patients auront besoin de professionnels maniant des compétences techniques nouvelles liées au big data ou à l'intelligence artificielle. Beaucoup de professionnels devront se coordonner dans une approche globale bio-psycho-sociale autour du patient ayant des difficultés multiples, souhaitant vivre dans son environnement et être pleinement acteur de sa santé. Les biotechnologies continueront de se développer. Les études de pharmacie, de médecine, d'odontologie, de maïeutique, et plus généralement les études de santé doivent intégrer ces demandes à venir, et la diversité des voies de recrutement y participe.

Préciser davantage ces parcours, comme certains le souhaiteraient, ou identifier plus précisément une voie parmi d'autres nous ferait prendre le risque de voir, à terme, se reconstituer une PACES, autrement dit une voie d'accès unique qui passerait à côté du talent de nombreux étudiants venus d'horizons divers. Je tiens particulièrement à saluer les rapporteurs de la commission des affaires sociales comme de la commission des affaires culturelles, grâce auxquels, à l'issue de votre travail en commission, le Gouvernement pourra ouvrir une fenêtre d'expérimentation qui décloisonnera l'organisation des formations médicales et paramédicales. Ces expérimentations viendront accélérer le mouvement d'inclusion de toutes les formations en santé dans l'université, que nous avons impulsé conjointement avec Agnès Buzyn dès l'année dernière. Elles permettront aux étudiants d'apprendre à travailler ensemble, de prendre le temps de leur orientation, mais aussi d'accéder à la formation par la recherche.

Des interrogations ont été formulées sur la place de la formation menant à la profession de masseur-kinésithérapeute. Nous y reviendrons pendant les débats, mais je veux ici vous rassurer : les textes réglementaires qui la définissent seront adaptés pour ce qui est du mode d'admission, qui sera ouvert, comme il l'est aujourd'hui, à une diversité de filières universitaires.

Le deuxième article du projet de loi nous amène plus loin dans les études médicales, toujours avec l'ambition de concilier exigence, bienveillance et ouverture. Aujourd'hui les études de médecine s'apparentent à un concours de saut d'obstacles ne convenant qu'à un type d'intelligence. L'étudiant, sélectionné à partir de questionnaires à choix multiples en PACES, les retrouve tout au long de son cursus, et il accède à telle ou telle spécialité en fonction de sa capacité à mémoriser une grande quantité d'informations et à cocher les bonnes cases. Les capacités de synthèse, de prise de décision en situation d'incertitude ou, plus simplement, de conduite d'un entretien ou d'un examen clinique sont peu évaluées, et comptent finalement assez peu dans l'orientation, ni non plus le fait de s'être impliqué dans un travail de recherche.

Est-ce bien cela que nous voulons pour nos futurs médecins ? Eux, en tout cas, nous disent clairement le contraire. Ils ne veulent plus de ce modèle dans lequel le bachotage intensif leur fait perdre le sens même de ce qui les avait conduits à s'engager dans la voie des études médicales.

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