La commission des affaires culturelles s'est saisie pour avis des articles 1er et 2 du projet de loi qui concernent directement son champ de compétences, en particulier pour l'enseignement supérieur.
Le constat que je tire du fonctionnement des études de santé après les auditions que nous avons menées est sans appel. « Gâchis », « boucherie », « massacre », « désastre pédagogique », « difficultés psycho-sociales », tels sont les termes qui ont été employés pour qualifier le concours qui sanctionne la PACES, qui assure également l'accès aux filières d'odontologie, de pharmacie et de maïeutique. Ce concours permet à un peu plus de 20 % seulement des étudiants inscrits de poursuivre des études dans l'une de ces filières, et il faut, dans les deux tiers des cas, redoubler pour le réussir. Si vous échouez à ce concours, une réorientation, souvent brutale, est nécessaire.
De fait, de très nombreux bacheliers ayant réussi leur parcours au lycée avec les honneurs sont évincés chaque année, non seulement de ces professions, mais d'un système universitaire qui peine à les garder en son sein, tant leur dégoût et leur perte de confiance en eux sont grands.
La situation des futurs médecins n'est pas plus enviable. Après ce concours initial, ils en passent un second, lui aussi capital, à l'issue de six années d'études. Le classement à ce second concours conditionne leur vie professionnelle et détermine le lieu et la spécialité dans lesquels l'étudiant effectuera son internat. Ces deux couperets ne contribuent pas au bien-être des étudiants en médecine et ils conduisent à ce que la pédagogie soit largement déshumanisée.
Ce système est, de surcroît, particulièrement inégalitaire, car il dresse des barrières psychologiques empêchant des étudiants talentueux, issus de milieux défavorisés ou en situation de handicap, de se rêver médecin. Toutes les familles n'ont pas les capacités financières de soutenir leurs enfants durant deux années d'études en PACES qui, trop souvent, sont deux années perdues.
L'objectif est de passer d'un système à entrée et sortie uniques à un autre, beaucoup plus ouvert, qui accueille des étudiants d'autres horizons et leur permette également, en cas d'échec, de se diriger vers d'autres voies sans perdre entièrement le bénéfice de leurs années d'étude en médecine. La réforme est particulièrement ambitieuse, notamment en raison de son caractère systémique. En effet, ce ne sont pas seulement les études de santé qui sont concernées, mais l'ensemble des licences proposées par les universités.
Certaines facultés pourront facilement mettre en oeuvre cette réforme ; d'autres rencontreront plus de difficultés, notamment lorsque la composante « santé » est, comparativement, importante. C'est pourquoi le texte proposé par le Gouvernement est souple, étant entendu que la mise en oeuvre de la réforme nécessitera de s'adapter à chaque université en faisant du « sur-mesure ».
Les ambitions sont toutefois partout les mêmes : diversifier les voies d'accès aux études de santé afin de recruter des profils qui correspondront à ce qu'on attend, demain, de ces professionnels, et éviter l'actuel gâchis humain. Un amendement tendant à fixer par voie réglementaire des objectifs de diversification des voies d'accès a été adopté en commission et figure dans le texte en discussion. Je proposerai, en parallèle, à notre assemblée un amendement visant à expliciter la notion de diversification. Celle-ci doit en effet concerner à la fois les modalités d'accès, en veillant à une diversité des profils des étudiants, et les modalités d'organisation, en favorisant la diversité des formations offertes.
Les capacités d'accueil des centres hospitaliers universitaires étant limitées, il faudra également trouver de nouveaux terrains de stages pour nos internes. À ce sujet, je me félicite qu'un amendement adopté en commission prévoie, pour la validation du deuxième cycle, que soit effectué au moins « un stage situé dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou des difficultés dans l'accès aux soins ».
La réussite de la réforme est conditionnée à plusieurs facteurs. Elle doit d'abord être comprise par les principaux intéressés. Nous allons passer d'un système très simple à un dispositif pluriel, et il faudra que les responsables de l'orientation au sein des lycées, par exemple, en comprennent les subtilités.
De plus, la réforme doit être pleinement acceptée par la communauté universitaire. Or certaines licences vont craindre de perdre leurs meilleurs éléments au profit des études de santé, quand d'autres auront des difficultés matérielles à accueillir plus d'étudiants. Afin que toutes les licences jouent le jeu, il est souhaitable de rendre le dispositif législatif un peu plus contraignant, notamment en ce qui concerne la fixation d'objectifs de diversification des voies d'accès.
Enfin, la réussite de la réforme suppose une rénovation pédagogique, notamment en première année. Il faudra s'assurer de la création de mineures « santé » autant que possible sur l'ensemble du territoire, en veillant à ce qu'elles soient associées à des majeures très diverses. Je suis confiant sur ce point.
J'ai encore plus confiance dans le succès de la réforme proposée par l'article 2, qui concerne les seules études de médecine.
Il nous a également paru évident qu'un tel système devait faire une place plus grande aux étudiants en situation de handicap. Je suis heureux que l'amendement permettant de prendre en compte leurs spécificités ait été adopté en commission et figure dans le texte que nous examinons aujourd'hui.
Ce texte proposé par le Gouvernement et amélioré par l'Assemblée constitue un progrès capital, et il aura des répercussions considérables sur l'ensemble du système de santé.