Intervention de Francis Duseux

Réunion du mardi 12 mars 2019 à 17h00
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Francis Duseux, président de l'Union française des industries pétrolières (UFIP) :

Je vous entends, mais je tenais à appeler votre attention sur ce sujet, parce que les choses peuvent devenir dramatiques pour les petits producteurs de CEE qui, s'ils ne parviennent pas à remplir leurs obligations, sont sanctionnés par une pénalité équivalente à 15 centimes par litre qui, de plus, n'est pas déductible. Sachant cela, certains d'entre eux, constatant l'impossibilité dans laquelle ils sont de remplir les obligations qui s'imposent à eux, ont annoncé qu'ils allaient augmenter leurs prix de 15 centimes par litre !

Votre commission d'enquête doit avoir ce mécanisme à l'esprit. Nous ne sommes pas contre le dispositif des CEE ; c'est même une bonne idée, mais elle doit être appliquée doucement, lentement. Le problème de la transition énergétique est un problème d'étalement dans le temps : il faut faire, mais si on va trop vite, trop fort, trop cher, cela ne marchera pas !

J'en reviens à la composition du prix du carburant. Au prix de la matière première, de la distribution et du CEE s'ajoute la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ; elle est de 69 centimes pour l'essence et de 60 centimes pour le gazole. Il y a aussi deux « effets TVA » : la TVA sur le produit et les coûts de distribution d'une part, soit 10,8 centimes par litre d'essence, et la TVA sur la TICPE, soit 13,8 centimes sur l'essence également. C'est ainsi que se décompose le prix d'un litre de carburant.

Il en résulte que, le 8 mars 2019, pour un litre de gazole vendu 1,46 euro, 61 centimes correspondaient aux prix de la matière première, de la distribution, du coût des CEE, et 85 centimes à des taxes – soit 140 % du produit. Pour un litre d'essence, c'est pire encore : à 53 centimes correspondant au coût de la matière première, de la distribution et des CEE s'ajoutent 94 centimes de taxes ; l'essence est le produit le plus taxé de France.

Comme ces produits émettent des gaz à effet de serre et que l'on veut réduire ces émissions, on parle de « taxe carbone ». Nous avons fait un calcul : à quel niveau de « taxe carbone », terme à la mode, correspond donc la taxe payée sur les carburants par les usagers français ? Pour le gazole, il s'agit de 223 euros la tonne, et de 300 euros la tonne pour l'essence. Voilà à quel niveau de taxation on est.

Le graphique suivant retrace l'évolution cumulée de la TICPE et de la TVA résultant de la loi votée fin 2017, avant le mouvement des gilets jaunes. C'était considérable et tout à fait déraisonnable, et nous nous y sommes fortement opposés : l'évolution prévue aurait fait augmenter le prix du gazole à la pompe de 34 centimes par litre pendant le quinquennat, et de 38 centimes à l'horizon 2030. S'ajoutent à cela les incertitudes relatives à l'évolution du prix du brut : la consommation mondiale de pétrole augmentant, toutes les conditions sont réunies pour que son prix augmente aussi. Si on revenait au prix passé du pétrole, qui était d'environ cent dollars le baril, il en coûterait 30 centimes supplémentaires par litre à la pompe. Faites le calcul : vous arrivez assez rapidement à 2 euros le litre d'essence et de gazole à la pompe, ce qui nous semble insupportable pour le budget des Français.

Je ne m'attarderai pas sur le tableau suivant, qui répertorie les taux de TICPE selon les régions. Ensuite est décrite l'affectation de la TICPE, qui inclut, depuis deux ans, une fraction « taxe carbone ». La prévision pour 2018 était de 33,8 milliards d'euros, 12,3 milliards étant transférés aux collectivités territoriales, 7,2 milliards d'euros au compte d'affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique », et 1 milliard d'euros à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) pour financer des projets d'infrastructures. On pourrait penser que les usagers qui payent autant de taxes aient droit qu'une partie, même modeste, du produit de ces taxes, aille à la réparation des routes et des ouvrages d'art. Qui voudrait qu'un pont s'effondre comme à Gênes ? Or, un sénateur avec lequel nous nous étions entretenus nous disait son inquiétude de ne pas avoir le financement nécessaire à la réparation de routes, dont on sait pourtant que 19 % devraient être réparées.

À la TICPE s'ajoute bien sûr la TVA à 20 %. Il ne me revient pas d'en juger, mais je lis les suggestions du grand débat en cours : sur un produit, le carburant, aussi important pour la mobilité des Français et avec des personnes qui n'ont pas d'alternative au transport automobile, on pourrait s'interroger sur le niveau de TVA à appliquer. Le carburant ne pourrait-il pas être considéré comme un produit de première nécessité ?

Je ne reviens pas sur le schéma récapitulant le dispositif des CEE dont j'ai dit l'essentiel, mais je vous invite à regarder le graphique figurant à la page 9, qui détaille l'évolution de leur coût. On constate qu'elle a été très raisonnable au cours des années 2015 à 2017, mais avec le doublement intervenu au cours de la dernière période, les choses deviennent assez dramatiques et l'on arrive à des niveaux très élevés. Si rien n'est fait, cela posera un problème réel, et ce coût va encore augmenter.

Enfin, le dernier graphique montre la taxation comparée des énergies – électricité, gaz naturel, diesel, supercarburant et fioul domestique – en France. On voit, en particulier, que le gaz naturel est peu taxé et que le fioul domestique, qui n'était pas taxé, l'est progressivement.

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