La séance est ouverte à dix-sept heures cinq.
Notre commission d'enquête engage ce soir le cycle de ses auditions. La politique de transition énergétique vise à réduire les rejets de gaz carbonique de la France de 340 millions de tonnes actuellement à 170 millions de tonnes en 2050. Notre commission a pour projet d'apprécier dans quelle mesure les énergies renouvelables pourraient contribuer à la réalisation de cet objectif, avec quels impacts économiques, industriels et environnementaux et avec quelles conséquences sur l'acceptabilité sociale de cette politique. L'analyse par secteur montre qu'une grande partie des rejets de CO2 – quelque 39 % – concerne les transports. Ensuite viennent le secteur résidentiel, pour 24 %, les industries manufacturières avec 21 %, puis l'énergie, l'électricité principalement, avec 14 %. Il est donc pertinent que nous commencions nos auditions en entendant l'Union française des industries pétrolières (UFIP), une organisation qui représente les entreprises pétrolières sur le territoire français, regroupées en quatre chambres syndicales : la distribution, le transport pétrolier, le raffinage et l'exploration-production. Les activités pétrolières représentent 95 % de l'énergie du transport, essentiellement automobile. La question est donc de savoir comment diminuer les rejets de CO2 par kilomètre parcouru sans pénaliser la mobilité, et sans oublier que le prix des carburants a été un facteur déterminant du déclenchement de la grogne dans le pays. D'autre part, l'UFIP a appelé l'attention du Gouvernement, d'abord en juin 2018, puis en février 2019, sur l'impact du dispositif des certificats d'économie d'énergie (CEE), dont le coût est intégré au prix du carburant et de ce fait dans les coûts supportés par les consommateurs.
Nous avons trois interlocuteurs. M. Francis Duseux, qui préside l'UFIP depuis 2015 après en avoir été le délégué général entre 2001 et 2008, est ingénieur de l'École nationale supérieure de chimie de Paris et de l'École nationale supérieure du pétrole et des moteurs. Sa carrière s'est déroulée au sein du groupe ExxonMobil, en France et à l'étranger. Mme Isabelle Muller est déléguée générale de l'UFIP depuis 2012. Ingénieur de l'École centrale de Paris, sa carrière l'a conduite chez Elf puis Total avant qu'elle ne devienne secrétaire générale adjointe puis secrétaire générale de l'Association européenne de l'industrie pétrolière. M. Duseux et Mme Muller sont accompagnés par M. Bruno Ageorges, directeur des relations institutionnelles et des affaires juridiques de l'UFIP.
Je vais vous donner la parole pour un exposé liminaire d'un quart d'heure tout au plus, puis notre rapporteure vous posera une première série de questions, auxquelles succéderont celles des autres commissaires. Auparavant, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vous demande de prêter serment.
M. Francis Duseux, Mme Isabelle Muller et M. Bruno Ageorges prêtent successivement serment.
C'est toujours une chance pour nous de pouvoir exposer les problématiques de notre industrie, singulièrement devant des commissions d'enquête parlementaires, qui s'attachent à déterminer la vérité des faits. Nous sommes, bien sûr, extrêmement concernés par la transition énergétique, puisque l'on prévoit une réduction d'au moins 40 % de la consommation des produits pétroliers à l'horizon 2040 ; c'est considérable. Nous avons souvent l'occasion de rencontrer des députés, des sénateurs et des membres du Gouvernement et de l'administration. À tous, nous tenons le même langage : au lieu de parler en pourcentages, dites-nous combien cela va coûter, comment vous allez financer la transition énergétique et, peut-être plus important encore, quel sera l'impact social de cette politique pour nos usines et nos dépôts ? Une réduction de 40 % de la consommation de produits pétroliers signifie a priori la baisse de 40 % du raffinage français, de l'activité des dépôts et des stations-services, et donc un problème d'approvisionnement général, surtout dans les zones rurales lointaines.
D'autre part, les carburants ont toujours été extrêmement taxés, mais le dernier plan a conduit à une augmentation considérable de la taxation ; elle touche énormément de gens puisque, tous les matins, 22 millions de Français ont absolument besoin de leur voiture, soit pour aller travailler et emmener leurs enfants à l'école, soit pour aller faire les courses, sans parler du week-end. C'est pourquoi une augmentation très violente des taxes sur les carburants entraîne immédiatement un problème de pouvoir d'achat – et il n'y a pas si longtemps, l'indicateur le plus observé en France était le prix du gazole à la pompe.
Le document qui vous a été distribué regroupe des graphiques éclairants. Le premier retrace l'évolution de la consommation de produits pétroliers énergétiques en France depuis 1972. Il est intéressant d'observer les tendances récentes. Une courbe montre le formidable accroissement de la consommation de gazole en France, mais l'on voit qu'après une augmentation continue de 2 % ou 3 % par an – les ventes de véhicules diesel ont représenté 70 % des ventes annuelles –, une inflexion se dessine. On prévoit que la tendance à la baisse de la consommation de diesel dure ; cela pose-t-il un problème ?
Le gazole consommé représente quelque 40 millions de tonnes par an, et les raffineries françaises ne sont pas capables de fabriquer ce volume considérable. Nous investissons tous pour maximiser cette production mais nous nous heurtons à une limite physique que nous ne pouvons dépasser, si bien que le gazole consommé dans notre pays est pour moitié importé. Aussi, si la consommation de gazole baisse beaucoup au cours des deux prochaines décennies, cela aura pour conséquence, dans un premier temps, la réduction des importations, qui proviennent essentiellement de Russie mais aussi, de plus en plus, des États-Unis. En effet, grâce au gaz de schiste, combustible très peu cher, les États-Unis ont relancé leur pétrochimie et, ayant modifié leur législation, ils deviennent exportateurs de produits pétroliers. L'Europe commence à recevoir de gros navires chargés de gaz américain.
Un autre fait marquant est l'effondrement de la consommation du fioul lourd. La consommation était très élevée à l'époque où l'on brûlait du fioul pour fabriquer l'électricité ; en matière de réduction des émissions, l'évolution est spectaculaire puisqu'il n'y a pratiquement plus de fioul lourd vendu en France. Seul continue de l'être le fioul « soute » qui sert aux bateaux, et dont les spécifications changeront en 2020 ; il devra être beaucoup moins soufré.
L'évolution de la consommation des carburants aéronautiques, en hausse, est également assez frappante. L'activité du secteur de l'aviation augmente de 4 % à 5 % par an, et cela devrait durer car, étant donné la concurrence, les prix des billets d'avion baissent. On s'attend donc que le nombre de voyages aériens augmente.
La baisse de la consommation d'essence a été considérable, en raison de l'avantage fiscal qui a été donné au diesel : la différence de prix qui en résultait – 12, voire 15 centimes par litre – était suffisante pour inciter les gens à consommer du diesel et de moins en moins d'essence. Cela a posé un problème dans nos raffineries, où nous fabriquions beaucoup plus d'essence que ce que nous ne pouvions en vendre sur le marché français. Nous étions donc obligés d'exporter, et cela remettait en cause l'avenir de nos raffineries. Aussi avons-nous toujours été favorables à un équilibre de taxation entre gazole et essence ; on n'en est pas loin. Le Gouvernement précédent avait engagé ce rééquilibrage. Le mouvement s'est poursuivi ces deux dernières années. Le graphique reflète la tendance nouvelle : la courbe de la consommation d'essence se redresse, augmentant de 4 % à 5 % par an. Cela devrait continuer.
Si la consommation de fioul domestique a beaucoup baissé ces dernières années, il faut garder à l'esprit que 10 millions de Français se chauffent encore avec ce carburant, souvent dans des zones rurales éloignées sans accès au gaz, qui n'est donc pas une alternative plausible. Quelque 4 millions de chaudières sont encore équipées au fioul domestique et 1,5 million des 10 millions de consommateurs concernés sont dans une situation précaire. C'est pourquoi nous avons toujours incité l'État à la prudence à ce sujet. Il y a des années déjà, dans cette même salle, je me rappelle avoir invité à prendre garde au niveau des taxes sur le fioul domestique. C'est un problème majeur de pouvoir d'achat pour beaucoup de Français qui vivent dans des maisons, souvent dans des zones rurales, mal isolées ; augmenter les taxes sur ce carburant, c'est une attaque frontale contre le pouvoir d'achat de près de 4 millions de foyers et 10 millions de Français.
Vous constaterez, au vu de ce graphique, que l'essence ne représente que 20 % des carburants vendus, contre 80 % pour le gazole, pour un ensemble de 50 milliards de litres vendus par an. Ce chiffre est à peu près constant depuis quatre ou cinq ans. Actuellement, on vend moins de gazole et un peu plus d'essence, mais la variation est de l'ordre d'un pour cent. Il faut aussi garder à l'esprit que si 50 milliards de litres sont vendus chaque année et que l'on augmente les taxes de 2 centimes par litre, cela représente un milliard d'euros pour les caisses de l'État. L'effet de levier est donc considérable. !
Le deuxième graphique retrace la composition des prix respectifs du gazole et de l'essence, en moyenne, pour la période du 4 au 8 mars 2019, à partir de la cotation quotidienne du cours international du pétrole brut établie par l'agence Platts à Rotterdam.
Le prix de la matière première forme la partie basse de la colonne. Il y a une certaine corrélation avec le prix du pétrole brut, mais elle n'est pas entière en raison des effets saisonniers. Il s'agit de prix internationaux, les cargos viennent de Russie ou des États-Unis et il y a beaucoup de mouvements. En hiver, il y a un gros appel en fioul domestique au nord de la planète parce qu'il y fait froid ; mais, traditionnellement, les gens roulent moins en hiver, si bien que la consommation d'essence baisse, et le prix de l'essence est moindre qu'en été. Le graphique montre un écart du prix de la matière première selon qu'il s'agit de gazole – coté à 46 centimes – ou d'essence – cotée à 38 centimes seulement. Comme je vous l'ai expliqué, cette cotation s'inversera à mesure que l'on s'avancera vers l'été, avec l'accroissement de l'utilisation des moyens de transport et par ricochet de la consommation d'essence et un moindre besoin de fioul domestique – mais les poids lourds continueront de consommer du gazole sur toute la planète et les moteurs des voitures diesel de tourner.
Au prix de la matière première s'ajoute le coût de la distribution. Le pétrole brut arrive dans nos raffineries, au Havre par exemple. Il y est transformé en produit fini, transporté par pipelines jusqu'à la région parisienne et stocké dans des dépôts où des camions-citernes viennent charger pour livrer les stations-services. Ces opérations représentent un coût arrondi de 14 centimes par litre pour le gazole et de 15 centimes pour l'essence.
Vient ensuite un coût quasiment inexistant il y a encore trois ou quatre ans : celui des certificats d'économie d'énergie (CEE). Le dispositif, entré dans sa quatrième période, le 1er janvier 2018, pour une durée de trois ans, impose à chaque fournisseur d'énergie en France une obligation de réalisation d'économies d'énergie, obligation concrétisée par les CEE qu'il doit détenir. Pendant les trois premières périodes, le coût des certificats était assez indolore. Pour nous, fournisseurs de carburant, cela représentait moins de 2 centimes par litre, jusqu'au jour où Mme Ségolène Royal, pendant la dernière semaine de son ministère, a décidé de doubler les obligations. Nous avons fait valoir, en vain, que c'était irréaliste et que cela serait source de problèmes. Le nouveau gouvernement a maintenu le doublement des obligations et ce que nous avions prévu s'est produit : nous n'arrivons pas à fournir ces certificats d'économie d'énergie, il y a un tarissement des gisements. Le problème de fonctionnement est patent, le dispositif est monté en puissance beaucoup trop vite et beaucoup trop fort donc le prix des certificats augmente. En page 8 du document, un schéma explique le fonctionnement de ce mécanisme, dont il résulte pour l'instant que le coût des certificats, ramené au litre de carburant, est de 5,6 centimes ; il était même supérieur à 8 centimes pour le litre de carburant acheté « spot » au début du mois.
Au départ, on pouvait penser que les vendeurs d'énergie prélèveraient sur leurs marges ce coût supplémentaire, qui était alors de 1 à 2 centimes. C'est sans doute ce qui s'est passé au début mais cela n'est plus possible. Il règne en effet en France une concurrence intense dans le domaine des carburants depuis que la grande distribution a décidé, il y a vingt-cinq ans, de vendre des carburants et d'en faire un produit d'appel. Les grandes surfaces représentent 60 % du volume de carburants vendus dans ce pays, et un prix de vente faible attire les clients. Dans un premier temps, face à cette concurrence, nous avons décidé de jouer la qualité, mais notre prix au litre, à la pompe, était de 8 à 10 centimes plus élevé que dans la grande distribution et, au bout d'un certain temps, nos volumes de vente se sont écroulés.
Le prix du carburant est une donnée tellement sensible pour les 22 millions de Français contraints de se déplacer en voiture que si les stations-services ne s'alignent pas sur les prix affichés par les grandes surfaces, elles ne vendent plus. Les ministères et l'Inspection des finances le savent : notre marge nette sur les ventes de carburants est d'un centime par litre. Aussi, lorsque le prix des CEE augmente beaucoup, ce coût est répercuté dans le prix à la pompe. Nous avons alerté le Gouvernement sur ce point. Au mois de décembre dernier, nous avons eu la chance de voir M. Le Maire et M. de Rugy et nous leur avons dit qu'en plein conflit des gilets jaunes il fallait prendre garde et que, si l'on poursuivait dans cette voie, les prix à la pompe continueraient d'augmenter fortement, que le Gouvernement risquerait de se heurter à nouveau à des réactions du même type et qu'il fallait trouver, en commun, un moyen de modérer cette augmentation.
Monsieur Duseux, vous en êtes à la page 3 d'un document qui en compte dix et vous avez dépassé le temps de parole qui vous était imparti. L'intérêt de votre propos m'incite à vous laisser poursuivre mais je vous invite à la concision, faute de quoi mes collègues ne pourront vous poser les questions qui leur tiennent à coeur.
Je vous entends, mais je tenais à appeler votre attention sur ce sujet, parce que les choses peuvent devenir dramatiques pour les petits producteurs de CEE qui, s'ils ne parviennent pas à remplir leurs obligations, sont sanctionnés par une pénalité équivalente à 15 centimes par litre qui, de plus, n'est pas déductible. Sachant cela, certains d'entre eux, constatant l'impossibilité dans laquelle ils sont de remplir les obligations qui s'imposent à eux, ont annoncé qu'ils allaient augmenter leurs prix de 15 centimes par litre !
Votre commission d'enquête doit avoir ce mécanisme à l'esprit. Nous ne sommes pas contre le dispositif des CEE ; c'est même une bonne idée, mais elle doit être appliquée doucement, lentement. Le problème de la transition énergétique est un problème d'étalement dans le temps : il faut faire, mais si on va trop vite, trop fort, trop cher, cela ne marchera pas !
J'en reviens à la composition du prix du carburant. Au prix de la matière première, de la distribution et du CEE s'ajoute la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ; elle est de 69 centimes pour l'essence et de 60 centimes pour le gazole. Il y a aussi deux « effets TVA » : la TVA sur le produit et les coûts de distribution d'une part, soit 10,8 centimes par litre d'essence, et la TVA sur la TICPE, soit 13,8 centimes sur l'essence également. C'est ainsi que se décompose le prix d'un litre de carburant.
Il en résulte que, le 8 mars 2019, pour un litre de gazole vendu 1,46 euro, 61 centimes correspondaient aux prix de la matière première, de la distribution, du coût des CEE, et 85 centimes à des taxes – soit 140 % du produit. Pour un litre d'essence, c'est pire encore : à 53 centimes correspondant au coût de la matière première, de la distribution et des CEE s'ajoutent 94 centimes de taxes ; l'essence est le produit le plus taxé de France.
Comme ces produits émettent des gaz à effet de serre et que l'on veut réduire ces émissions, on parle de « taxe carbone ». Nous avons fait un calcul : à quel niveau de « taxe carbone », terme à la mode, correspond donc la taxe payée sur les carburants par les usagers français ? Pour le gazole, il s'agit de 223 euros la tonne, et de 300 euros la tonne pour l'essence. Voilà à quel niveau de taxation on est.
Le graphique suivant retrace l'évolution cumulée de la TICPE et de la TVA résultant de la loi votée fin 2017, avant le mouvement des gilets jaunes. C'était considérable et tout à fait déraisonnable, et nous nous y sommes fortement opposés : l'évolution prévue aurait fait augmenter le prix du gazole à la pompe de 34 centimes par litre pendant le quinquennat, et de 38 centimes à l'horizon 2030. S'ajoutent à cela les incertitudes relatives à l'évolution du prix du brut : la consommation mondiale de pétrole augmentant, toutes les conditions sont réunies pour que son prix augmente aussi. Si on revenait au prix passé du pétrole, qui était d'environ cent dollars le baril, il en coûterait 30 centimes supplémentaires par litre à la pompe. Faites le calcul : vous arrivez assez rapidement à 2 euros le litre d'essence et de gazole à la pompe, ce qui nous semble insupportable pour le budget des Français.
Je ne m'attarderai pas sur le tableau suivant, qui répertorie les taux de TICPE selon les régions. Ensuite est décrite l'affectation de la TICPE, qui inclut, depuis deux ans, une fraction « taxe carbone ». La prévision pour 2018 était de 33,8 milliards d'euros, 12,3 milliards étant transférés aux collectivités territoriales, 7,2 milliards d'euros au compte d'affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique », et 1 milliard d'euros à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) pour financer des projets d'infrastructures. On pourrait penser que les usagers qui payent autant de taxes aient droit qu'une partie, même modeste, du produit de ces taxes, aille à la réparation des routes et des ouvrages d'art. Qui voudrait qu'un pont s'effondre comme à Gênes ? Or, un sénateur avec lequel nous nous étions entretenus nous disait son inquiétude de ne pas avoir le financement nécessaire à la réparation de routes, dont on sait pourtant que 19 % devraient être réparées.
À la TICPE s'ajoute bien sûr la TVA à 20 %. Il ne me revient pas d'en juger, mais je lis les suggestions du grand débat en cours : sur un produit, le carburant, aussi important pour la mobilité des Français et avec des personnes qui n'ont pas d'alternative au transport automobile, on pourrait s'interroger sur le niveau de TVA à appliquer. Le carburant ne pourrait-il pas être considéré comme un produit de première nécessité ?
Je ne reviens pas sur le schéma récapitulant le dispositif des CEE dont j'ai dit l'essentiel, mais je vous invite à regarder le graphique figurant à la page 9, qui détaille l'évolution de leur coût. On constate qu'elle a été très raisonnable au cours des années 2015 à 2017, mais avec le doublement intervenu au cours de la dernière période, les choses deviennent assez dramatiques et l'on arrive à des niveaux très élevés. Si rien n'est fait, cela posera un problème réel, et ce coût va encore augmenter.
Enfin, le dernier graphique montre la taxation comparée des énergies – électricité, gaz naturel, diesel, supercarburant et fioul domestique – en France. On voit, en particulier, que le gaz naturel est peu taxé et que le fioul domestique, qui n'était pas taxé, l'est progressivement.
Cette audition a été organisée dans des délais assez courts. Je vous remercie d'avoir réussi à vous libérer et je vous prie d'excuser l'absence de certains de nos collègues qui, s'ils n'ont pas réussi à réorganiser leurs emplois du temps, ne se désintéressent pas de nos travaux pour autant.
Dans quel pays d'Europe la situation vous paraît-elle la plus équilibrée ? Quel modèle permet une démarche positive de réduction des émissions de CO2 tout en préservant le fonctionnement correct de l'industrie pétrolière ?
En matière d'énergie, l'Europe est une catastrophe ! J'en veux pour exemple que les deux plus grandes économies européennes conduisent des politiques énergétiques opposées. L'Allemagne ferme son parc nucléaire, et 40 % de l'électricité provenant dans ce pays de la lignite, il en résulte un désastre en matière d'émissions de gaz à effet de serre – ce pourquoi l'Allemagne envisage, ai-je lu dans la presse, la fermeture des centrales à lignite en 2038. En revanche, si le CO2 est vraiment l'ennemi, et on peut penser qu'il l'est, la France est exemplaire. Notre part des émissions mondiales est de 0,8 % grâce à notre énergie nucléaire : c'est le record absolu de tous les pays industrialisés, alors même que notre pays est la sixième économie mondiale. À entendre ce qui s'énonce au cours des COP au sujet du réchauffement climatique, nous avons tous intérêt, pour nos enfants et nos petits-enfants, à éliminer le plus possible les émissions de CO2 ; dans ce cadre, nous pouvons servir de modèle au reste du monde.
Puisque nous sommes exemplaires, il me semble totalement inutile de vouloir aller plus fort encore, en dépensant pour cela des centaines de milliards d'euros d'une manière qui compromettra le pouvoir d'achat de la population. Plus grave mais moins visible : renchérir les coûts du transport signifie augmenter les taxes et de la sorte attaquer la compétitivité des entreprises françaises de toutes tailles puisque toutes ont besoin de transports, en amont et en aval, quelle que soit leur activité – cela vaut pour l'agriculture comme pour la grande distribution. Renchérir le coût du transport est très dangereux parce que cela plombe l'économie française dans son ensemble.
Le coût de l'énergie représente dix pour cent des coûts des industriels français. Augmenter ce coût, ce qui est l'enjeu majeur de la transition énergétique, ne peut être indolore. Le problème est de définir ce que l'on est prêt à dépenser chaque année pour changer de système énergétique.
Selon l'estimation que nous avons faite avec France Industrie, il ressort du projet de programmation pluriannuelle de l'énergie en discussion qu'il s'agirait de trouver 50 milliards d'euros par an pendant dix ans. Comme, semble-t-il, on n'ajoutera plus de taxes sur les carburants – je pense que cela a été compris, même le Président de la République le répète souvent – comment financerez-vous la somme considérable de 50 milliards d'euros par an ? Sur les fonds publics ? Je ne le crois pas. En outre, la France se doit-elle de montrer l'exemple au reste du monde ? Je ne le pense pas. Mais ne croyez pas que les pétroliers qui polluent et qui vendent des produits polluants se désintéressent de la question et prêchent pour leur paroisse : pas du tout. Il faut agir et nous avons des solutions, la meilleure étant l'économie d'énergie. Pour nous, ce qui changera tout, c'est de réduire la consommation de carburant.
Le temps qui nous est imparti étant limité, il vous faudra, monsieur Duseux, abréger vos réponses.
Je vous ai répondu que, sans chauvinisme, en matière d'énergie et de coûts énergétiques, la France est un modèle, et que l'on ne doit pas plomber notre grand avantage compétitif en renchérissant les coûts de notre énergie à hauteur de 50 milliards d'euros par an, un montant considérable.
Je tiens néanmoins à corriger certains de vos chiffres. Vous avez indiqué que notre part des émissions mondiales est de 0,8 % ; c'est vrai, mais à l'échelle de l'Union européenne elles représentent 9 % et la France est le quatrième producteur européen de CO2. Nous ne sommes donc pas aussi impeccables que vous l'affirmez.
Tout dépend de votre mode de calcul. Pour ma part, je parlais de notre mode de production d'énergie, qui permet des émissions de CO2 extrêmement faibles. Je suppose que vous évoquez les émissions de CO2 liées aux produits importés.
Chacun de nous devra reprendre ses chiffres relatifs à la part de la France dans la production de CO2, mais il me semble que nous ne sommes pas aussi vertueux que vous le dites.
Je maintiens que pour ce qui est de la production d'énergie, la part de la France est de 0,8 % des émissions mondiales.
Je parle de l'ensemble de la production de CO2 en France ; vous mentionnez uniquement la production d'énergie. Pour ce qui est du pouvoir d'achat, la dépense de chauffage d'un ménage qui se chauffe exclusivement au fioul est actuellement de 2 200 euros en moyenne, largement supérieure à la dépense – 1 600 euros en moyenne – de ceux qui se chauffent autrement. Les CEE sont principalement réinvestis dans l'isolation des logements, pour permettre justement d'en venir à un coût de chauffage moindre dans un bâtiment très bien isolé, de l'ordre de 27 euros par mois pour un logement de 160 m2 – bien loin, donc, des 2 200 euros l'an actuels. J'entends votre inquiétude relative à la bonne utilisation des CEE, mais le mécanisme est vertueux puisqu'il permet, par des investissements de ce type, d'améliorer le pouvoir d'achat des Français en réduisant d'autres dépenses : ce qu'ils payent pour le transport, ils le gagnent peut-être sur le chauffage.
Je le redis, nous ne sommes pas opposés au mécanisme lui-même, mais à une accélération déraisonnable qui ne permet plus de le maîtriser.
Bien sûr, le prix du fioul domestique fluctue selon le prix du pétrole. Le Premier ministre a annoncé la suppression des chaudières individuelles au fioul d'ici dix ans. Mais quelles sont les alternatives sinon une chaudière à bois ou une pompe à chaleur ? Or, une pompe à chaleur coûte 15 000 euros, auxquels s'ajoute le coût de l'évacuation et de la casse de la chaudière à fioul domestique, soit 2 000 euros supplémentaires. Même si les propriétaires des chaudières à fioul reçoivent une aide de 3 000 euros, le reste à charge sera considérable. Je ne pense pas que les ménages encore chauffés de cette manière dans des zones rurales reculées, dans des maisons mal isolées, c'est vrai, aient les moyens d'une telle dépense. Quelles que soient les mesures proposées, il faut dire la vérité sur le reste à charge et, selon moi, le remplacement des chaudières à fioul domestique par des pompes à chaleur n'est pas possible ; cela ne fonctionnera pas.
D'autre part, l'objectif est d'isoler 500 000 logements par an. L'ordre de grandeur du coût des travaux d'isolation étant de 250 euros le mètre carré, pour un pavillon de banlieue des années 1960, une de ces fameuses « passoires énergétiques », la dépense sera donc comprise entre 37 000 et 40 000 euros. Là encore, à supposer même une aide de 10 000 euros, il n'est pas certain que les propriétaires de ces maisons puissent financer un reste à charge de 30 000 euros – et il faut de 25 à 30 ans pour rembourser un emprunt de ce montant.
Dans ce contexte, permettez-moi d'en revenir un instant au fioul domestique. J'observe que l'on exclut une mesure bonne et simple, consistant à faire remplacer une vieille chaudière au fioul domestique installée il y a un quart de siècle par une chaudière moderne à haute efficacité énergétique. Ces équipements existent et ne coûtent pas plus de 5 000 euros mais, malheureusement, la loi exclut cette substitution. Cela ne va pas, et je pense que nos collègues de la Fédération française des combustibles, carburants et chauffage (FF3C), qui représentent 22 000 emplois en France, vous le diront mieux que moi.
Votre exposé liminaire m'a appris beaucoup sur l'industrie pétrolière. J'ai été cependant assez surpris que vous ne preniez pas davantage en considération la nécessité d'une transition énergétique. Mise à part votre suggestion de réduction de la consommation, votre propos était principalement critique ; franchement, si tout le monde tenait votre discours, je me demande dans quel état sera notre planète dans cinquante ans. Sur le plan technique, j'aimerais savoir si le gazole et l'essence proviennent du même pétrole et de quelle origine est le pétrole que nous importons.
La distillation d'un baril de pétrole fournit des gaz, de l'essence, des carburants pour l'aviation et du fioul. Pour optimiser la marge des raffineries, tous les raffineurs mélangent plusieurs pétroles bruts, trois quatre en général.
L'approvisionnement en pétrole est très diversifié. Il y a de moins en moins de contrats à terme : les grandes compagnies pétrolières font leur marché en permanence en allant au plus offrant, si bien que la palette des bruts distillés en France est très variée. Toutefois, l'essentiel provient d'Arabie saoudite et d'Afrique, parce que le coût de transport est favorable pour nous. Il provient aussi de productions d'origine norvégienne et britannique en Mer du Nord et, traditionnellement, il y a toujours eu beaucoup de pétrole russe de l'Oural dans les mélanges.
Je n'ai pas eu le temps de développer mon propos car j'ai insisté sur les taxes, sujet qui nous préoccupe sérieusement, mais tous les pétroliers sont bien entendu convaincus de la nécessité de la transition énergétique et modifient leurs pratiques. Notre industrie, qui est depuis toujours l'industrie « du pétrole et du gaz » – oil and gas industry – va devenir celle « du gaz et du pétrole ». La consommation mondiale de pétrole va baisser ; 40 % de l'électricité produite sur la Terre l'étant aujourd'hui à partir du charbon, le bon vecteur de la transition énergétique pour chasser le charbon, premier ennemi de la planète en termes d'émissions de CO2, c'est le gaz. Tous les pétroliers que je représente se lancent dans de très lourds investissements gaziers pour faire face aux besoins futurs d'électricité.
Si, par une décision politique, on en venait à éliminer l'utilisation du charbon en instituant dans une COP une taxe carbone si élevée que plus un seul morceau de charbon n'était utilisé pour produire de l'électricité, on passerait en-deçà du seuil des 2 degrés. Mais on ne peut remplacer tout le charbon par des éoliennes et des panneaux solaires.
Pourriez-vous adapter le schéma de décomposition des prix du litre de gazole et d'essence au litre de kérosène utilisé par les avions, détaxé en vertu des dispositions d'une convention internationale ?
Effectivement, une convention internationale explique l'absence de taxation, pour l'instant, du carburant pour aéronefs ; toute décision contraire devrait impérativement être européenne, et même internationale. Si la France en venait seule à taxer ces carburants, le lendemain même nous n'en vendrions plus une goutte sur notre territoire : tous les remplissages d'avion se feraient au Luxembourg, en Belgique, aux États-Unis ou en Afrique. D'autre part, si seule l'Europe prend cette décision, le coût des billets d'avion sera plombé pour les seuls Européens ; ce serait un problème énorme. Une décision de cette sorte doit être une décision internationale ou ne pas être.
La même question vaut pour le carburant utilisé par les supertankers qui importent en masse des produits d'Asie et d'ailleurs par les paquebots de croisière.
Ce carburant n'est pas taxé non plus pour l'instant mais il existe des normes internationales de plus en plus sévères, au long des côtes américaines notamment, pour juguler la pollution, bien réelle, due au fioul lourd. Je crois qu'un cargo pollue autant que plusieurs millions de véhicules automobiles. C'est assez choquant, et des mesures sont enclenchées qui visent à réduire cette pollution en améliorant la qualité du fioul « soute ».
Pour les navires neufs, certains croisiéristes, les plus prospères, vont passer au gaz ; cela signifie que des compagnies parmi celles que je représente ont entrepris de modifier leurs équipements d'approvisionnement dans les ports. Cette solution n'est pas parfaite parce que c'est une énergie fossile, mais c'est mieux que d'utiliser du fioul « soute ». Mais cela coûte très cher et ce n'est possible que sur les navires neufs.
Pour la flotte existante, il y a deux solutions. La première est le filtrage des émissions des navires à l'aide d'épurateurs de fumées – scrubbers en anglais. On estime que les armateurs équiperont de scrubbers entre 40 % et 50 % des bateaux dans les années qui viennent. Ils n'auront d'ailleurs pas le choix, puisque les nouvelles normes leur interdiront d'émettre des particules ; les choses s'amélioreront donc ainsi. La troisième solution consiste à substituer au fioul lourd du gazole, produit beaucoup plus léger, mais cela renchérit considérablement les coûts de transport. À nouveau, une telle mesure prise seulement en France ou en Europe plomberait immédiatement les comptes de nos armateurs. Il doit donc impérativement s'agir de mécanismes internationaux.
Disposez-vous d'une comparaison internationale des émissions de CO2 par habitant ? Une divergence de vues étant apparue entre notre rapporteure et vous-même sur ce que l'on mesure, on saurait ainsi si la France est ou n'est pas « exemplaire ». D'autre part, j'ai cru vous entendre dire qu'une augmentation de 2 centimes par litre de carburant entraîne un accroissement de 50 milliards d'euros des recettes de l'État ; est-ce bien cela ?
Non, madame : j'ai indiqué que 50 milliards de litres de gazole et d'essence étant vendus chaque année, une augmentation des taxes de 2 centimes par litre entraîne une recette d'un milliard d'euros pour les finances publiques.
Je ferai parvenir dès demain à la commission d'enquête la copie d'une note récapitulant les comparaisons internationales pour éclairer notre différence d'interprétation des chiffres de production et de consommation de carburants et d'émissions totales de CO2. Ces chiffres officiels montrent, que les émissions de CO2 de la France en absolu s'élèvent, j'en suis certain, à 0,8 % des émissions mondiales. Figurera aussi dans cette note l'évaluation par habitant ; sachez, à ce sujet, que nos émissions par habitant sont deux fois inférieures à celles de l'Allemagne qui, parce qu'elle utilise beaucoup de lignite, émet beaucoup de CO2 – 9 tonnes par an et par habitant. Les émissions annuelles par habitant sont de 15 tonnes aux États-Unis et de 60 tonnes en Chine. L'Inde développant massivement des centrales au charbon, ces trois derniers pays vont représenter à eux seuls 70 % des émissions mondiales, et l'Europe 10 % seulement. Mais les calculs sont-ils exacts ? À ce jour, tous les documents que j'ai lus recensent les émissions locales, celles des voitures, des usines, de la production de ciment, etc. Ne serait-il pas justifié de tenir compte, quand on importe de Chine des jouets ou une batterie pour un véhicule électrique, les émissions de CO2 liées à leur fabrication, en imposant une taxe carbone à ces importations ?
Vous avez souligné d'emblée que l'augmentation de la taxe sur les carburants avait entraîné un mouvement social important, mettant ainsi l'accent sur l'acceptabilité sociale de la transition énergétique. Disposez-vous d'études concernant l'élasticité de la consommation en fonction du prix ?
Je vous l'ai dit, les choses ont changé pour les grands pétroliers que je représente : dès que l'on s'éloigne de 4 à 5 centimes du prix pratiqué par les grandes surfaces, nos volumes de vente s'écroulent.
Mon propos est autre. À un moment, l'année dernière, le prix du litre à la pompe était d'un euro. Jusqu'à ce que le prix monte à 1,50 euro, cela a été « accepté » par la population, mais dès que la barre de 1,55 euro a été franchie, il y a eu une crise. Pour autant, je n'ai pas l'impression que les gens aient profondément modifié leur comportement quand le prix du carburant est passé de 1 euro à 1,50 euro. L'augmentation, d'un tiers, était pourtant considérable et l'on aurait pu imaginer que le covoiturage se développe ou que l'on n'aille plus acheter sa baguette en voiture… J'aimerais donc savoir si vous avez conduit une analyse de l'élasticité du comportement et de la consommation au regard du prix du litre à la pompe.
La réponse se trouve dans le graphique retraçant l'évolution de la consommation de produits pétroliers énergétiques en France depuis 1972. On y voit que même quand le prix du pétrole est tombé à 30 dollars le baril, la consommation de carburant n'a quasiment pas changé. Cela s'explique par la raison simple que de nombreux Français ont besoin de leur voiture tous les jours pour aller travailler, et que le transport poids lourds, qui reflète l'économie du pays, représente 20 % de la consommation globale.
Non. La seule étude que l'on puisse faire, c'est celle de l'évolution du prix du pétrole brut ou des carburants et on voit que la consommation de carburant n'a pas changé. L'élasticité existe mais elle est extrêmement faible parce que les gens ont besoin de leur voiture, elle leur est absolument nécessaire.
J'aimerais que nous nous accordions sur les chiffres.
Le tableau figurant à la page 7 de votre document indique que la TICPE brute totale prévue en 2018 est de 33,8 milliards d'euros, et vous calculez une TVA à 20 %, soit 6,7 milliards d'euros. Mais à la page 3 figure la décomposition des prix des carburants, et vous expliquez qu'il y a un double calcul de TVA : sur le produit d'une part, sur la TICPE d'autre part. Vous nous avez dit que 2 centimes de taxe par litre entraînent 1 milliard d'euros de recettes pour l'État ; une TICPE de 69 centimes par litre d'essence représente donc 34,5 milliards d'euros de rentrées fiscales. Pour l'essence, la TVA sur le produit représente 10 centimes et la TVA sur la TICPE 13 centimes, soit 23 centimes en tout. La recette de TVA pour l'État n'est donc pas de 6,7 milliards d'euros comme indiqué précédemment mais de 11,5 milliards d'euros. J'en déduis que dans la construction du prix des carburants vous n'avez indiqué que l'un des montants de TVA prélevés, et qu'il faudrait réintégrer le deuxième dans les rentrées fiscales totales. J'aimerais que vous nous expliquiez précisément le mécanisme de cette TVA au carré.
Il s'agissait, pour une bonne compréhension, de distinguer toutes les composantes du prix. Nous aurions pu simplifier cette présentation en additionnant d'emblée la TVA sur produit et la TVA sur TICPE ; il n'y a pas de TVA au carré.
La TICPE étant une taxe fixe, seule compte la somme des deux TVA.
D'autre part, le coût des CEE étant inclus dans les coûts de distribution, la TVA s'applique aussi aux certificats : sans les CEE, le coût de distribution serait plus bas, et en conséquence la TVA sur le produit. Donc, les certificats constituent certes un mécanisme de financement de la rénovation mais ils produisent une recette fiscale.
Le coût des CEE étant de 5,63 centimes par litre, cela représente, pour l'ensemble du dispositif, quelque 2,8 milliards d'euros, inclus dans le prix du carburant et donc acquitté par l'automobiliste en plus des autres taxes.
Je précise que les 5,63 centimes mentionnés en page 3 sont un coût « spot » ; comme il est indiqué au bas du tableau de la page 9, le coût moyen du CEE est de 4 centimes. Je rappelle aussi que le dispositif bénéficie aux opérations de rénovation énergétique et d'efficacité énergétique essentiellement dans le bâtiment, mais que les obligations sont imposées pour près de 50 % sur les carburants et donc sur le transport et, par ricochet, sur les conducteurs de véhicules. Les conducteurs et le transport en général financent donc pour moitié les opérations de rénovation énergétique et d'efficacité énergétique dans le bâtiment.
Le gaz et l'électricité sont aussi soumis aux CEE. Pendant les premières périodes d'application du dispositif, le coût des certificats, assez bas, était estimé à 9 milliards d'euros par, dont 4,5 milliards pour le pétrole. Le renchérissement des CEE fait que le niveau de coût est désormais d'environ 4 milliards par an, soit 12 milliards en trois ans, que payent les consommateurs. Les fournisseurs d'énergie unanimes ont demandé dans une lettre commune adressée au ministre l'assouplissement du mécanisme. Nous avons besoin de plus de temps pour faire retomber les prix, afin que le consommateur ne soit pas pénalisé.
Bien sûr, il y a la manière dont nous apprécions le coût des CEE. Le prix des carburants est libre : il n'y a pas de régime de taxation contrôlé. Mais pour le gaz comme pour l'électricité, les demandes de hausses annuelles éventuelles sont toujours relatives à l'intégration des coûts liés aux CEE, coûts qui sont répercutés sur les consommateurs particuliers.
Comment le renchérissement des CEE peut-il entraîner un coût annuel de 4 milliards d'euros ? Pour 50 milliards de litres vendus, cela correspond, si l'on s'en tient à votre indication liminaire, à un coût de 8 centimes par litre ; or, à la page 3 du document, c'est un coût de 5,63 centimes par litre qui est mentionné.
C'est un ordre de grandeur car le calcul, regroupant toutes les énergies, est complexe. Je tenais à souligner qu'au départ le coût des CEE pour les consommateurs était de 3 milliards d'euros par an et que l'on tend maintenant plutôt vers 4 milliards d'euros, toutes énergies confondues.
Je retiens donc que le montant de 4 milliards d'euros que vous indiquez ne correspond pas uniquement au carburant mais à l'ensemble des énergies vendues. Pour en revenir au carburant, la TICPE brute totale prévue pour 2018 est de 34 milliards d'euros environ et la TVA de quelque 12 milliards d'euros, à quoi s'ajoutent environ 2 milliards d'euros de CEE, qui ne sont pas une taxe mais que les automobilistes payent. Leur facture s'élève donc en gros à 47 milliards d'euros, dont 2 milliards vont aux CEE et donc à la transition énergétique, et 7 milliards au compte d'affectation spécial « Transition énergétique ». En bref, sur 47 milliards d'euros prélevés à la pompe, environ 9 milliards, soit quelque 20 %, sont effectivement consacrés la transition énergétique.
Nous aurons l'occasion de parler du chauffage tout à l'heure et, je suppose, de faire le même calcul. Confirmez-vous que moins de 25 % des sommes prélevées vont à la transition énergétique et que les 75 % restant sont affectés à d'autres usages ?
Une partie des 33 milliards d'euros dont on définit l'affectation va aux régions et une autre partie alimente le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique », dans le cadre du budget. C'est un peu plus difficile s'agissant du coût des CEE, qui ne font pas l'objet d'un compte d'affectation spéciale ; c'est un autre mode de calcul. Mais un ensemble de coûts est supporté par le distributeur de carburants, et cet ensemble intègre les surcoûts liés au dispositif des CEE.
Vous avez indiqué que votre marge est de 1 centime. Cela signifie-t-il que lorsque le coût des CEE a augmenté vous avez automatiquement augmenté d'autant le prix à la pompe ?
Bien sûr. C'est la discussion que nous avons eue avec M. Bruno Le Maire, qui nous disait : « La situation est tendue, n'en profitez pas pour fixer de grosses marges »… Cette discussion est récurrente, je me rappelle l'avoir eue avec Mme Christine Lagarde en son temps. Les grandes surfaces ont confirmé qu'au mois de décembre dernier, elles vendaient le carburant sans aucun bénéfice du tout ; pour notre part, notre marge était de 1 centime par litre. Le ministre l'a vérifié et il nous a dit qu'il continuerait de vérifier que les marges ne s'envolent pas. Pour répondre à votre question, nous n'avons pas envie que les prix augmentent à la pompe dans le contexte des manifestations de gilets jaunes, puisque là est l'origine du conflit. Nous demandons donc instamment que le système soit modéré en allongeant la période prévue de manière à se donner du temps pour que l'on en revienne à un coût de CEE de 1 à 2 centimes par litre afin que le consommateur ne soit pas pénalisé à la pompe.
Vous parlez de 2 centimes mais la volatilité du prix du baril est bien souvent beaucoup plus forte. Même si le produit brut ne représente qu'une petite partie du prix à la pompe, n'est-ce pas là que s'observent les plus grandes fluctuations ?
Dans le prix du litre de carburant, la partie « matière première » compte pour 25 % ; c'est sur cette fraction que les fluctuations du prix du baril, à la hausse comme à la baisse, ont un impact sur le prix à la pompe. Je ne dis pas que cela soit complètement neutre mais, compte tenu du poids des taxes, l'amortissement de l'augmentation du prix du baril sur le prix à la pompe est fantastique.
La TICPE est une taxe fixe. Seul le montant de la TVA varie avec le prix du baril.
La séance est levée à dix-huit heures dix.
Membres présents ou excusés
Réunion du mardi 12 mars 2019 à 17 heures
Présents. - M. Julien Aubert, Mme Sophie Auconie, Mme Jennifer De Temmerman, M. Fabien Gouttefarde, Mme Danièle Hérin, Mme Stéphanie Kerbarh, Mme Laure de La Raudière, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, Mme Claire O'Petit, M. Hervé Pellois, M. Vincent Thiébaut, M. Nicolas Turquois, Mme Hélène Zannier
Excusés. - Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Christophe Bouillon, Mme Bénédicte Peyrol