Intervention de Magali Viandier

Réunion du mardi 19 mars 2019 à 18h00
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Magali Viandier, directrice sourcing, économie des offres d'EDF :

Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, en préambule, et pour répondre à vos questions, il paraît utile de rappeler de quoi se compose, en France, pour un ménage, une facture d'électricité toutes taxes comprises (TTC).

Comme vous l'avez dit, sur le marché français, on trouve aussi bien des clients bénéficiant des tarifs réglementés que des clients ayant souscrit ce que l'on appelle des « offres de marché », principalement proposées par les fournisseurs dits « alternatifs ». Quand on examine en détail ce dont se compose une facture d'électricité TTC, on observe que certaines parties sont similaires pour ces deux types d'offres, y compris, dans ce qu'on appelle la « part fourniture », pour certains points spécifiques qui sont liés à la réglementation et à la régulation.

Une facture d'électricité se compose de trois blocs de taille à peu près équivalente. Le premier consiste dans ce que l'on appelle la « part fourniture », qui représente environ 35 %. Cette part comprend l'approvisionnement en électricité et en garanties de capacité, au sens strict ; les coûts commerciaux, liés à la commercialisation et à la gestion du portefeuille de clients, comprenant les certificats d'économie d'énergie (CEE) ; enfin, la marge du fournisseur. Je reviendrai sur ce premier bloc, car il peut y avoir des différences, qui méritent d'être expliquées, entre les tarifs réglementés et les offres de marché.

Le deuxième bloc, strictement identique pour tous les clients résidentiels – qu'ils soient en offres de marché ou aux tarifs réglementés –, est ce que l'on appelle la « part acheminement ». Il correspond à la rémunération de l'utilisation des réseaux publics d'électricité, qui s'exprime au travers du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE), lequel est fixé par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) selon des modalités prévues par la loi. Cela représente, en moyenne, 30 % d'une facture d'électricité TTC pour un client.

Le dernier bloc, qui représente un gros tiers, équivalent par la taille au premier, est constitué par les taxes. Celles-ci se répartissent en plusieurs catégories. Certaines sont fixes ; d'autres sont fonction de la consommation d'électricité. La contribution tarifaire d'acheminement (CTA) appartient à la première catégorie. Elle s'appuie sur la part fixe des coûts d'acheminement. Instituée par la loi du 9 août 2004, elle a pour vocation de financer les régimes de retraite du secteur des industries électriques et gazières. La taxe sur la consommation finale d'électricité (TLCFE), composée d'une part communale et d'une part départementale, appartient à la seconde catégorie. Son assiette est déterminée par la quantité d'électricité consommée. Son niveau, fixé annuellement, peut varier d'une commune ou d'un département à l'autre : les assemblées territoriales votent un coefficient multiplicateur. La troisième taxe, à laquelle vous avez fait référence dans votre introduction, monsieur le président, est effectivement la CSPE, qui a été mise en place il y a une quinzaine d'années. Elle s'exprime en euros par mégawattheure. Comme vous l'avez dit, elle a augmenté significativement entre les années 2010 et 2016. Son montant, inchangé depuis le 1er janvier 2016, est de 22,5 euros par mégawattheure.

Sur ces taxes, de même que sur l'ensemble des autres briques composant une facture, s'applique la TVA, en vertu de la directive européenne relative à la taxe sur la valeur ajoutée. Deux taux s'appliquent pour l'électricité : le taux réduit de 5,5 % en ce qui concerne la part fixe, qui comprend principalement l'abonnement et l'acheminement, et le taux normal de 20 % pour la partie variable de la facture.

Je voudrais, à présent, revenir sur le premier bloc car c'est là – il est important de l'avoir en tête – que peuvent intervenir des différences entre les tarifs réglementés et les offres dites de marché, en fonction des pratiques des différents fournisseurs. C'est en effet sur cette partie, dont certaines composantes ne dépendent pas de dispositions réglementaires ou législatives, que s'exerce la concurrence, avec les différents niveaux de prix et le positionnement des offres que souhaitent proposer les fournisseurs.

Toutefois, même pour la partie fourniture, des règles spécifiques s'appliquent aux tarifs réglementés : chacune de ses composantes est encadrée par la Commission de régulation de l'énergie, soit de manière directe, en application de formules de calcul, soit par un contrôle des coûts avancés par EDF. Par exemple, les coûts commerciaux d'EDF, qui sont intégrés dans les tarifs réglementés, sont présentés à la CRE et celle-ci a la faculté de les accepter ou, si elle les trouve excessifs, de les refuser. Je souhaite porter à votre connaissance, à ce propos, le fait que, malgré l'évolution du marché – que vous avez évoquée tout à l'heure, et qui se traduit par la perte d'un peu plus de 100 000 clients par mois, soit environ un million chaque année, au profit des fournisseurs en offres de marché –, les coûts commerciaux unitaires d'EDF, hors certificats d'économie d'énergie, sont stables ou en légère baisse. Cela témoigne de l'adaptation du modèle d'activité du fournisseur EDF à l'évolution du marché.

La part fourniture comprend également, je le disais, la marge du fournisseur. Dans une offre de marché, la marge résulte purement et simplement d'une décision de gestion : chaque fournisseur est libre, en fonction du niveau de prix qu'il entend proposer et des caractéristiques de l'offre qu'il commercialise, d'établir la marge qu'il souhaite dégager. S'agissant des tarifs réglementés de vente, la marge est fixée par la CRE : nous ne pouvons pas la déterminer nous-mêmes. Le décret du 12 août 2009 relatif aux tarifs réglementés de vente de l'électricité dispose que la marge doit être « raisonnable » et c'est la CRE qui fixe, dans ses délibérations tarifaires, le niveau de marge qu'EDF pourra dégager au travers de ses tarifs réglementés.

Enfin, dans la part fourniture, le gros morceau – la matière première, en quelque sorte – est constitué par l'approvisionnement en électricité. Là encore, il y a des différences entre tarifs réglementés et offres de marché puisque, s'agissant des premiers, la valorisation de l'approvisionnement en énergie et en garanties de capacité est fixée par la CRE par l'application de formules. Pour la part énergie, on considère qu'environ 70 % des volumes d'électricité consommés dans le cadre des tarifs réglementés sont valorisés au niveau prévu par l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH), c'est-à-dire à un prix fixe de 42 euros par mégawattheure, quelles que soient les conditions des marchés de gros. Autrement dit, dans le cadre des tarifs réglementés, que les prix de l'électricité sur les marchés de gros soient supérieurs ou inférieurs à 42 euros, 70 % des volumes sont valorisés à ce prix ; les 30 % restants – ce que l'on appelle, dans notre jargon, le « complément marché » – sont valorisés à la moyenne des prix des deux années précédant l'année de livraison, ce qui permet d'amortir les effets de volatilité sur les marchés de gros. Ce dispositif assure donc une stabilité dans le temps. Telle est, de manière extrêmement synthétique et en essayant d'être aussi simple et explicite que possible, la manière dont se construisent les prix.

Les fournisseurs alternatifs, pour la partie énergie, ont la faculté de s'approvisionner à l'ARENH ou pas. En d'autres termes, pour la construction de leurs offres, quand les prix sur les marchés de gros sont supérieurs à 42 euros, ils ont tendance à se présenter au guichet de l'ARENH ; quand c'est l'inverse, ils se fournissent sur les marchés. Ainsi, en 2017 et 2018, on a vu se multiplier de manière significative – vous l'aurez constaté si vous avez consulté les publications de la CRE sur l'observation des marchés de détail – les fournisseurs et les offres disponibles sur le marché, car les conditions sur les marchés de gros leur permettaient d'avoir un espace économique pour entrer en concurrence avec les tarifs réglementés.

S'agissant de la facture globale d'énergie, après avoir détaillé les trois blocs, il me semble important de rappeler que les prix de détail de l'électricité en France restent très compétitifs par rapport à ceux des autres pays européens. En moyenne, et sur une longue période, les prix qui sont pratiqués sont les plus bas. En Allemagne, les prix sont de l'ordre du double par rapport à ceux que l'on observe sur les marchés en France.

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