La séance est ouverte à dix-huit heures cinq.
Nous accueillons Mme Magali Viandier, directrice « sourcing, économie des offres » d'EDF et M. Patrice Bruel, directeur « régulation », qui sont accompagnés de Mme Véronique Loy, directrice adjointe des affaires publiques.
Sans plus attendre, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vous demande de prêter serment.
Mme Magali Viandier, M. Patrice Bruel et Mme Véronique Loy prêtent serment.
Nous vous accueillons avec plaisir devant cette commission d'enquête qui a débuté ses travaux il y a quinze jours. Vous représentez le producteur et fournisseur historique de l'électricité en France, EDF, qui a été confronté à plusieurs chocs.
La dérégulation du marché de l'électricité a ainsi favorisé l'émergence de fournisseurs alternatifs, qui représentent aujourd'hui près du tiers des volumes consommés. Néanmoins, EDF conserve une part importante de la clientèle des particuliers : ses tarifs réglementés concernent toujours plus des trois quarts des ménages français.
La montée en puissance des énergies renouvelables – phénomène assorti d'obligations de rachat de leur production à la charge de l'opérateur historique – a constitué un autre choc. La conséquence de ce bouleversement – à moins qu'il ne s'agisse d'une coïncidence : c'est à vous de nous le dire – a été une augmentation très sensible de la facture d'électricité des Français, du fait notamment de l'accroissement très important des taxes et prélèvements. Une partie de nos concitoyens s'attendait, tout au contraire, à ce que l'ouverture à la concurrence se traduise par une baisse du montant des factures.
L'augmentation la plus significative a été celle de la désormais très connue contribution au service public de l'énergie (CSPE) : 650 % de plus, me dit-on, depuis sa création en 2003. Vous me direz si ce chiffre est exagéré. Or 68 % du produit de la CSPE correspond à une augmentation des charges liées au soutien aux énergies renouvelables (ENR), dont 33 % pour le solaire et 17 % pour l'éolien. Les ménages français acquittent désormais, chaque année et en moyenne, plus de 100 euros de CSPE. Pour les entreprises, toujours en moyenne, le montant est de 1 300 euros par an. Chose encore plus compliquée – mais vous nous l'expliquerez –, la CSPE, bien qu'elle soit désormais décorréllée du soutien aux ENR, existe toujours.
EDF supporte à titre principal les charges dites de service public de l'énergie et a été, à ce titre, attributaire d'une part du produit de la CSPE. Nous attendons évidemment que vous nous précisiez l'évolution de ces montants, au cours des dernières années, dans le budget d'EDF. Selon les prévisions de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) pour 2019, les charges de service public de l'énergie s'élèvent au total à 7,8 milliards d'euros, dont 5,3 milliards pour les seules énergies renouvelables.
Nous sommes également dans un contexte marqué par un débat sur la fixation des tarifs de l'électricité : des questions se posent quant à leur augmentation, prévue le 1er juin.
Les membres de la commission d'enquête veulent comprendre pourquoi le prix de l'électricité est ce qu'il est ; ce que paient exactement les Français et pour quel objectif ; ce que les bouleversements que j'évoquais ont changé pour vous, comment vous les avez vécus ; éventuellement, quels sont les prix de gros de l'électricité – bref, comment fonctionne le marché de l'électricité.
Vous disposez de quinze minutes. Dans un deuxième temps, Mme le rapporteur vous posera des questions. Ensuite, ce sera le tour des membres de la commission. Enfin, je poserai mes propres questions, si mes collègues m'en laissent le temps.
Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, en préambule, et pour répondre à vos questions, il paraît utile de rappeler de quoi se compose, en France, pour un ménage, une facture d'électricité toutes taxes comprises (TTC).
Comme vous l'avez dit, sur le marché français, on trouve aussi bien des clients bénéficiant des tarifs réglementés que des clients ayant souscrit ce que l'on appelle des « offres de marché », principalement proposées par les fournisseurs dits « alternatifs ». Quand on examine en détail ce dont se compose une facture d'électricité TTC, on observe que certaines parties sont similaires pour ces deux types d'offres, y compris, dans ce qu'on appelle la « part fourniture », pour certains points spécifiques qui sont liés à la réglementation et à la régulation.
Une facture d'électricité se compose de trois blocs de taille à peu près équivalente. Le premier consiste dans ce que l'on appelle la « part fourniture », qui représente environ 35 %. Cette part comprend l'approvisionnement en électricité et en garanties de capacité, au sens strict ; les coûts commerciaux, liés à la commercialisation et à la gestion du portefeuille de clients, comprenant les certificats d'économie d'énergie (CEE) ; enfin, la marge du fournisseur. Je reviendrai sur ce premier bloc, car il peut y avoir des différences, qui méritent d'être expliquées, entre les tarifs réglementés et les offres de marché.
Le deuxième bloc, strictement identique pour tous les clients résidentiels – qu'ils soient en offres de marché ou aux tarifs réglementés –, est ce que l'on appelle la « part acheminement ». Il correspond à la rémunération de l'utilisation des réseaux publics d'électricité, qui s'exprime au travers du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE), lequel est fixé par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) selon des modalités prévues par la loi. Cela représente, en moyenne, 30 % d'une facture d'électricité TTC pour un client.
Le dernier bloc, qui représente un gros tiers, équivalent par la taille au premier, est constitué par les taxes. Celles-ci se répartissent en plusieurs catégories. Certaines sont fixes ; d'autres sont fonction de la consommation d'électricité. La contribution tarifaire d'acheminement (CTA) appartient à la première catégorie. Elle s'appuie sur la part fixe des coûts d'acheminement. Instituée par la loi du 9 août 2004, elle a pour vocation de financer les régimes de retraite du secteur des industries électriques et gazières. La taxe sur la consommation finale d'électricité (TLCFE), composée d'une part communale et d'une part départementale, appartient à la seconde catégorie. Son assiette est déterminée par la quantité d'électricité consommée. Son niveau, fixé annuellement, peut varier d'une commune ou d'un département à l'autre : les assemblées territoriales votent un coefficient multiplicateur. La troisième taxe, à laquelle vous avez fait référence dans votre introduction, monsieur le président, est effectivement la CSPE, qui a été mise en place il y a une quinzaine d'années. Elle s'exprime en euros par mégawattheure. Comme vous l'avez dit, elle a augmenté significativement entre les années 2010 et 2016. Son montant, inchangé depuis le 1er janvier 2016, est de 22,5 euros par mégawattheure.
Sur ces taxes, de même que sur l'ensemble des autres briques composant une facture, s'applique la TVA, en vertu de la directive européenne relative à la taxe sur la valeur ajoutée. Deux taux s'appliquent pour l'électricité : le taux réduit de 5,5 % en ce qui concerne la part fixe, qui comprend principalement l'abonnement et l'acheminement, et le taux normal de 20 % pour la partie variable de la facture.
Je voudrais, à présent, revenir sur le premier bloc car c'est là – il est important de l'avoir en tête – que peuvent intervenir des différences entre les tarifs réglementés et les offres dites de marché, en fonction des pratiques des différents fournisseurs. C'est en effet sur cette partie, dont certaines composantes ne dépendent pas de dispositions réglementaires ou législatives, que s'exerce la concurrence, avec les différents niveaux de prix et le positionnement des offres que souhaitent proposer les fournisseurs.
Toutefois, même pour la partie fourniture, des règles spécifiques s'appliquent aux tarifs réglementés : chacune de ses composantes est encadrée par la Commission de régulation de l'énergie, soit de manière directe, en application de formules de calcul, soit par un contrôle des coûts avancés par EDF. Par exemple, les coûts commerciaux d'EDF, qui sont intégrés dans les tarifs réglementés, sont présentés à la CRE et celle-ci a la faculté de les accepter ou, si elle les trouve excessifs, de les refuser. Je souhaite porter à votre connaissance, à ce propos, le fait que, malgré l'évolution du marché – que vous avez évoquée tout à l'heure, et qui se traduit par la perte d'un peu plus de 100 000 clients par mois, soit environ un million chaque année, au profit des fournisseurs en offres de marché –, les coûts commerciaux unitaires d'EDF, hors certificats d'économie d'énergie, sont stables ou en légère baisse. Cela témoigne de l'adaptation du modèle d'activité du fournisseur EDF à l'évolution du marché.
La part fourniture comprend également, je le disais, la marge du fournisseur. Dans une offre de marché, la marge résulte purement et simplement d'une décision de gestion : chaque fournisseur est libre, en fonction du niveau de prix qu'il entend proposer et des caractéristiques de l'offre qu'il commercialise, d'établir la marge qu'il souhaite dégager. S'agissant des tarifs réglementés de vente, la marge est fixée par la CRE : nous ne pouvons pas la déterminer nous-mêmes. Le décret du 12 août 2009 relatif aux tarifs réglementés de vente de l'électricité dispose que la marge doit être « raisonnable » et c'est la CRE qui fixe, dans ses délibérations tarifaires, le niveau de marge qu'EDF pourra dégager au travers de ses tarifs réglementés.
Enfin, dans la part fourniture, le gros morceau – la matière première, en quelque sorte – est constitué par l'approvisionnement en électricité. Là encore, il y a des différences entre tarifs réglementés et offres de marché puisque, s'agissant des premiers, la valorisation de l'approvisionnement en énergie et en garanties de capacité est fixée par la CRE par l'application de formules. Pour la part énergie, on considère qu'environ 70 % des volumes d'électricité consommés dans le cadre des tarifs réglementés sont valorisés au niveau prévu par l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH), c'est-à-dire à un prix fixe de 42 euros par mégawattheure, quelles que soient les conditions des marchés de gros. Autrement dit, dans le cadre des tarifs réglementés, que les prix de l'électricité sur les marchés de gros soient supérieurs ou inférieurs à 42 euros, 70 % des volumes sont valorisés à ce prix ; les 30 % restants – ce que l'on appelle, dans notre jargon, le « complément marché » – sont valorisés à la moyenne des prix des deux années précédant l'année de livraison, ce qui permet d'amortir les effets de volatilité sur les marchés de gros. Ce dispositif assure donc une stabilité dans le temps. Telle est, de manière extrêmement synthétique et en essayant d'être aussi simple et explicite que possible, la manière dont se construisent les prix.
Les fournisseurs alternatifs, pour la partie énergie, ont la faculté de s'approvisionner à l'ARENH ou pas. En d'autres termes, pour la construction de leurs offres, quand les prix sur les marchés de gros sont supérieurs à 42 euros, ils ont tendance à se présenter au guichet de l'ARENH ; quand c'est l'inverse, ils se fournissent sur les marchés. Ainsi, en 2017 et 2018, on a vu se multiplier de manière significative – vous l'aurez constaté si vous avez consulté les publications de la CRE sur l'observation des marchés de détail – les fournisseurs et les offres disponibles sur le marché, car les conditions sur les marchés de gros leur permettaient d'avoir un espace économique pour entrer en concurrence avec les tarifs réglementés.
S'agissant de la facture globale d'énergie, après avoir détaillé les trois blocs, il me semble important de rappeler que les prix de détail de l'électricité en France restent très compétitifs par rapport à ceux des autres pays européens. En moyenne, et sur une longue période, les prix qui sont pratiqués sont les plus bas. En Allemagne, les prix sont de l'ordre du double par rapport à ceux que l'on observe sur les marchés en France.
Je voudrais apporter un élément de réponse à la question que vous avez posée dans votre propos liminaire, monsieur le président, au sujet de l'évolution de la contribution au service public de l'électricité. Comme vous l'avez rappelé, historiquement, il s'agissait d'une contribution prélevée sur les consommations finales d'électricité pour assurer le financement des charges de service public de l'électricité, parmi lesquelles figuraient le financement du soutien aux énergies renouvelables, la péréquation dans les zones non interconnectées (ZNI) et la solidarité. La CSPE a effectivement augmenté entre 2010 et 2015, passant de 4,5 euros par mégawattheure à 19,5 euros, pour accompagner l'évolution du montant des charges de service public.
La situation n'était pas satisfaisante pour l'entreprise EDF, et ce pour deux raisons. Premièrement, du fait du retard dans la compensation : fin 2015, un déficit de 5,8 milliards d'euros s'était constitué. Deuxièmement, l'entreprise constatait une augmentation de la fiscalité sur le produit électricité qui, de fait, pénalisait cette énergie, alors qu'elle était, déjà à l'époque, l'énergie la moins émettrice de CO2. Une réforme du financement des charges de service public est entrée en vigueur le 1er janvier 2016. Désormais, ce financement est budgété. Une partie des charges figure dans le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » (CAS TE), qui regroupe les charges considérées comme étant directement liées au processus de transition énergétique, principalement le soutien aux énergies renouvelables et aux effacements de consommation, mais également le processus d'apurement du déficit historique de compensation que j'évoquais. Celui-ci fait l'objet d'un échéancier qui court jusqu'en 2020. Le reste des charges de service public appartient au programme 345 « Service public de l'énergie », qui rassemble la péréquation tarifaire dans les ZNI, le soutien à la cogénération et les dispositifs sociaux en matière d'électricité et de gaz.
Depuis cette réforme, la CSPE est devenue une taxe versée au budget général. Depuis le 1er janvier 2016, elle est fixée à 22,5 euros et, bien qu'elle ait conservé le même nom, elle n'a plus de lien avec le financement des charges de service public. Celles-ci sont calculées par la CRE, qui invite l'ensemble des acteurs concernés à déclarer leurs charges, qu'elle vérifie méthodiquement puis constate d'après une comptabilité appropriée.
La CSPE, qui n'a donc plus de lien avec le soutien aux énergies renouvelables et la compensation des charges de service public, est une taxe qui pèse uniquement sur l'électricité, alors que celle-ci est décarbonée et représente un atout majeur pour réussir la transition énergétique et réaliser des économies d'énergie, notamment dans les secteurs du bâtiment et des transports. Pour EDF, l'allégement de cette fiscalité serait à la fois favorable au pouvoir d'achat des ménages et de nature à améliorer la cohérence des signaux fiscaux adressés aux consommateurs, mais aussi à atteindre les objectifs des politiques en matière d'énergie et de climat.
Merci pour vos propos liminaires.
Ma première question porte sur la taxe sur la consommation finale, qui a donc deux niveaux territoriaux : communal et départemental. Un coefficient multiplicateur permet de faire varier les taux. Quelle est actuellement l'amplitude de la variation, dans un sens comme dans l'autre ? En bref, je voudrais savoir si le niveau diffère beaucoup d'un territoire à l'autre ou si l'écart est minime.
Je voudrais également que nous évoquions votre stratégie en matière d'ENR, que vous nous disiez comment cela se profile pour vous, comment vous voyez les choses à plus ou moins long terme. Il s'agit, tout simplement, d'ouvrir le débat sur la manière dont cela s'organise et se met en oeuvre au sein d'EDF. Vous êtes leader européen sur ce sujet également ; je voudrais donc connaître votre avis.
Par ailleurs, les consommateurs sont-ils réceptifs à ces changements ? Comment accompagnez-vous vos clients en matière d'efficacité énergétique ? Comment cela se met-il en oeuvre, notamment à travers les certificats d'économie d'énergie (CEE) ? Quelle est, au final, la part supportée par les ménages ? S'y retrouvent-ils en termes d'économies finales ? Autrement dit, s'agit-il d'un prélèvement qui les amène à se libérer d'une partie du poids de l'énergie – ou non ?
En ce qui concerne la variabilité de la taxe sur la consommation finale d'électricité, je ne suis pas en mesure de vous répondre concrètement. Je ne sais pas si tout le monde est au maximum ou si l'on observe des écarts très importants. La faculté de moduler existe, mais j'avoue ne pas connaître avec précision l'ensemble des dispositions concernant cette taxe dans l'ensemble des communes et des départements français.
Je pourrais peut-être vous fournir des réponses complémentaires mais, à cet instant, je n'ai pas les chiffres.
En ce qui concerne l'accompagnement des consommateurs vers l'efficacité énergétique, vous n'êtes pas sans savoir qu'il passe notamment par le dispositif des certificats d'économie d'énergie.
Celui-ci fonctionne par périodes ; nous sommes dans la quatrième, dont l'ambition est très significative en termes d'augmentation de l'accompagnement – aussi bien des clients résidentiels que des professionnels et des entreprises. Il s'agit de les inciter à investir de manière à diminuer la consommation des logements et locaux professionnels. Cela se fait au travers de dispositifs comme « Coup de pouce ». Ces derniers temps, de nombreuses annonces ont été faites afin d'accompagner les clients, notamment dans la modification de leur système de chauffage, de manière à ce qu'ils diminuent leur consommation d'énergie. Chaque client peut, en principe, mesurer l'impact de ses investissements – qu'il s'agisse de travaux d'isolation ou d'une modification du système de chauffage – sur sa consommation d'énergie et donc sur le niveau de sa facture. Nous accompagnons nos clients dès qu'ils sont prêts à s'engager dans cette démarche ; cela passe par des partenariats et des dispositifs spécifiques tels que la prime énergie. Aider nos clients à maîtriser leur consommation d'énergie fait partie de notre démarche de conseil.
La quatrième période des CEE s'annonce effectivement très ambitieuse en termes de volumes, puisque, par rapport à la période précédente, on est passé d'une obligation, pour l'ensemble des fournisseurs, de 800 à 1 600 térawattheures cumulés et actualisés (CUMAC). Qui plus est, EDF, en raison de la taille de son portefeuille, est le premier « obligé » s'agissant des CEE. Depuis quelques mois, tendanciellement, le coût de revient des CEE augmente et va, à terme, alourdir les factures d'électricité. Il est donc important, si l'on veut que l'effet des dispositifs comme « Coup de pouce » soit vraiment mesurable et bénéfique pour les clients, de travailler sur le niveau du reste à charge pour les consommateurs quand ils procèdent à des investissements visant à réaliser des économies d'énergie – qu'ils changent leurs fenêtres ou bien encore leur mode de chauffage. Le reste à charge doit être acceptable, notamment pour les ménages les plus modestes.
Avez-vous une idée du montant que paient les Français pour financer les certificats, et que vous intégrez dans les factures ?
Il est difficile d'isoler cette part dans les factures, mais les CEE ont un prix de marché. Or, on est passé de 1,5 euro par mégawattheure CUMAC à la fin de 2016 à près de 9 euros au début de 2019. L'ambition pour ce qui est de l'encouragement à la réalisation d'économies d'énergie contribue à créer de la tension sur le marché, du point de vue aussi bien du niveau de primes accordées que des incitations commerciales et de l'obligation pour chaque fournisseur de ne pas être en infraction en fin de période – la pénalité étant de l'ordre de 15 euros du mégawattheure CUMAC. On observe donc, effectivement, une tension sur le prix des CEE, qui se répercute sur le tarif proposé et donc sur les factures d'électricité.
Vous n'avez donc pas de chiffres ou de données permettant de quantifier le coût pour les utilisateurs ? En effet, si je comprends bien ce que vous dites, quand je paie mon électricité, je finance la politique de CEE par l'intermédiaire d'EDF, puisque cela fait partie de la facture. La question est de savoir combien, « volontairement » – si je puis dire –, je donne pour le financement de cette politique, bien que ce ne soit pas une taxe. Vous ne pouvez pas nous indiquer un volume annuel ? Les pétroliers, par exemple, ont été capables de nous dire à quel volume cela correspondait pour eux.
Je dois avoir ces chiffres quelque part. Si la question est de savoir ce que cela représente, en volume, sur le portefeuille d'EDF, pour la quatrième période, je puis tout de même vous dire qu'EDF assume à peu près la moitié de l'obligation globale en matière de CEE. Bien sûr, le « coût » d'approvisionnement des CEE varie selon les dispositifs, les mécanismes d'incitation, mais aussi les transactions dites de gré à gré – car une partie de notre approvisionnement en CEE passe par des achats auprès de sociétés. Je pourrai, là aussi, vous transmettre par la suite des données plus précises.
Nous nous rendons compte qu'il n'est pas facile pour vous de chiffrer, en centimes ou en euros, ce que représentent les CEE dans la facture totale. Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir revenir vers nous avec l'information, pour nous dire clairement si, au moment où le prix des CEE s'est envolé, passant de 1,5 euro à 9 euros, il y a eu une répercussion immédiate sur la facture, ou si la différence a été prise sur vos marges – bref, comment ce coût a été réparti, et si, en définitive, c'est le consommateur final qui l'a supporté, ou bien vous.
Vous avez parlé des tarifs réglementés qui existent pour EDF et des prix de marché : pouvez-vous nous indiquer quelles sont actuellement les proportions respectives de ces deux types de tarification et leur évolution au cours des dernières années ? Autrement dit, quelle est la part qui reste en réglementé et celle qui est passée à l'autre régime ? Pour chacun de ces tarifs, est-ce que la composition des ressources en énergie – énergies renouvelables ou électricité produite à partir du nucléaire – est la même ? Est-il d'ailleurs possible de distinguer ainsi les sources d'énergie ?
Actuellement, il y a de l'ordre de 25 millions de clients résidentiels qui bénéficient des tarifs réglementés de vente, auxquels s'ajoutent 3 millions de clients dits « professionnels » – sachant que, pour les entreprises de taille intermédiaire, les grandes entreprises et les très grands clients, il n'y a plus de tarifs réglementés depuis plusieurs années. Les fameux tarifs jaune et vert, supprimés le 1er janvier 2016, étaient les derniers pour cette catégorie de clients.
EDF, ces deux dernières années, a perdu un peu plus d'un million de clients résidentiels par an, ce qui correspond à un rythme de 100 000 clients par mois environ. Ce rythme a d'ailleurs été en augmentation au cours de ces deux dernières années, notamment pour la raison que j'évoquais tout à l'heure : les conditions de sourcing ont fait qu'à un moment les offres de marché ont été plus compétitives que les tarifs réglementés, dont la valeur est fixe. Pour les années antérieures, le rythme était plutôt de 60 000 clients quittant chaque mois les tarifs réglementés pour souscrire à des offres de marché auprès de fournisseurs alternatifs – mais également auprès d'EDF, car nous avons, en plus des tarifs réglementés, une gamme d'offres de marché, notamment des offres dites vertes.
L'accélération vient aussi du fait que les consommateurs ont de plus en plus connaissance de l'existence d'autres fournisseurs qu'EDF, le fournisseur historique. Il y a quelques années encore, beaucoup de clients ne savaient pas forcément à qui s'adresser et comment le faire pour se fournir auprès d'une autre entreprise. Je ne saurais pas vous dire, de manière consolidée, combien, sur le marché « France », il y a de clients en offres de marché, mais cela représente quelques millions de clients résidentiels. Les informations sont publiées chaque trimestre par la CRE dans le cadre de son Observatoire des marchés de détail ; ensuite, un récapitulatif annuel est proposé.
Vous avez demandé, monsieur Pellois, s'il y avait des différences dans le mix qui approvisionne les différents types de clientèle. Il n'est pas possible de tracer ainsi les kilowattheures sur le marché de l'électricité. Le coût d'approvisionnement, pour un consommateur, dépend du profil de sa consommation et non pas de la nature de ses usages. Il n'y aura pas de différenciation selon qu'il s'agit d'un industriel ou d'un particulier. Pour un profil de consommation continu tout au long de l'année, le prix de l'approvisionnement est le même quelle que soit la nature du consommateur. Si l'on peut avoir une vision, heure par heure – Réseau de transport d'électricité (RTE) publie des données très régulièrement – de ce qu'est le mix global permettant de satisfaire l'ensemble de la consommation de la France, il est totalement illusoire de prétendre affecter tel type de production à tel type de consommation.
Qu'en est-il de la directive européenne qui détermine, je crois, un plancher ou un plafond de taxation de l'électricité ? Comment se situe la France ?
Par ailleurs, pouvez-vous nous en dire plus sur les exonérations dont bénéficient certains secteurs d'activité ou certaines entreprises ? Nos concitoyens s'interrogent toujours sur les niches fiscales, a fortiori s'il s'agit de la transition énergétique.
Enfin, si vous souhaitez un allégement d'une fiscalité que vous jugez importante, qui pèse sur une énergie parmi les plus propres du point de vue des émissions de CO2, à quoi pensez-vous précisément ? À l'application de la TVA aux taxes, à la CSPE ? Ces questions sont très précises mais je pense que c'est important pour la compréhension globale de la facture d'électricité.
Tout à l'heure, j'ai évoqué l'évolution historique de la CSPE, passée de 4,50 euros en 2010 à 19,50 euros, et relevée à 22,50 euros, le 1er janvier 2016, lorsqu'elle est devenue une taxe versée au budget général. Aujourd'hui, les conditions sont radicalement différentes, les coûts ayant baissé de manière spectaculaire, et ce n'est pas terminé ; en témoignent les derniers appels d'offres, avec un prix du mégawattheure compris entre 55 et 65 euros pour les installations au sol et entre 80 et 90 euros pour les installations sur toiture. Ce sont là des baisses très significatives par rapport à un passé pas si lointain, et elles se poursuivent. Nous avons donc un volume de charges de service public occasionné par le développement des énergies renouvelables qui continue d'augmenter, en raison du nécessaire soutien public, mais dans une mesure bien plus faible qu'auparavant.
Il existe des taux réduits de CSPE. Leur bénéfice est accordé en fonction du secteur d'activité de l'entreprise et de l'électro-intensivité. Si vous souhaitez plus de détails sur l'ampleur de ce dispositif de taux réduits, je me permets de vous inviter, madame la députée, à vous rapprocher des services de Bercy. Ce sont eux qui sont les plus au fait à la fois des critères et des montants. Nous sommes, pour notre part, mal placés pour apprécier cela. Certes, en tant que collecteurs, nous voyons des montants, mais nous n'avons qu'une vision partielle, fonction du portefeuille de clientèle que nous alimentons. Pour une vision globale des enjeux du point de vue des politiques publiques, ce qui me semble être votre préoccupation, des chiffres consolidés, que nous n'avons pas, me semblent nécessaires.
Je reviens sur la TVA : 5,5 % sur l'ensemble de la part fixe et 20 % sur la part variable. Pourriez-vous nous préciser comment cela se décline, particulièrement en ce qui concerne la part variable ? Et ce paramètre de la TVA vous paraît-il devoir être pris en considération pour alléger la facture des ménages ?
Effectivement, un taux réduit s'applique sur la part fixe de la facture : l'abonnement et la contribution tarifaire d'acheminement. Tout le reste de la facture se voit appliquer un taux unique de 20 % : la partie électricité, coûts commerciaux, etc., et les taxes soumises à la TVA à 20 %, c'est-à-dire les taxes locales sur la consommation finale d'électricité et la CSPE.
Serait-il pertinent ou utile d'ajuster les taux de TVA pour alléger la facture finale du client ? Je n'ai pas de commentaire à faire sur une question de politique fiscale. Je pense simplement que cette politique est cohérente avec la directive européenne, qui est assez « encadrante », notamment en ce qui concerne les taux et la possibilité de taux réduits. Le nombre de taux réduits qui peuvent être appliqués est effectivement limité et une fois qu'ils ont été arrêtés ce sont toujours ces mêmes taux réduits qui doivent être appliqués.
C'est aussi la directive européenne qui impose de soumettre les taxes spécifiques à l'électricité que nous évoquions à la TVA, mais il en est de même pour les autres énergies, comme le gaz. Il y a là une cohérence d'ensemble, qui peut être questionnée, mais qui est conforme à la directive européenne en matière de taxe sur la valeur ajoutée.
Tout à l'heure, vous avez dit que les charges de service public continuent à augmenter faiblement. Aujourd'hui, vous l'avez dit, la CSPE ne finance plus les énergies renouvelables. La progression de la CSPE dans la facture d'électricité des Français n'est donc plus corrélée avec le soutien aux énergies vertes. Sommes-nous d'accord ?
Il n'y a plus de lien entre la CSPE et le soutien aux énergies vertes depuis le 1er janvier 2016.
Nous sommes bien d'accord.
Lors de cette réforme, y eut-il un débat avec Bercy sur une éventuelle suppression de la CSPE ? C'est un petit peu l'histoire de la vignette : on crée une contribution essentiellement pour financer une politique, puis on abandonne cette contribution en tant que source de financement de cette politique, mais on la maintient et elle « disparaît », si j'ose dire, dans le budget de l'État.
A-t-il été envisagé, la contribution carbone augmentant, de réduire mécaniquement la CSPE, voire de la faire tendre vers zéro ?
Lorsque j'indiquais que les charges de service public continuaient à augmenter mais bien plus lentement, c'était évidemment en ayant à l'esprit un socle de charges héritées de l'histoire et consubstantiel de contrats d'une durée de vingt ans, qui explique que le montant reste toujours significatif aujourd'hui.
En somme, vous nous dites que nous payons le passé. Imaginons le parc éolien qui a été construit en 2000, avec certains tarifs de rachat. Est-ce qu'il n'y a vraiment plus aucun lien avec la CSPE ? Ou bien bénéficie-t-il aujourd'hui de la CSPE avant de bénéficier demain de la contribution carbone ?
Il n'y a vraiment plus aucun lien.
Quant à la compensation qu'EDF doit recevoir dès lors qu'elle continue bien évidemment, en tant qu'acheteur « obligé », à honorer ces contrats, elle est versée directement par Bercy, du budget de l'État, en fonction d'échanges mensuels.
Par conséquent, puisque la CSPE est versée au budget général, on peut dire qu'on peut en retrouver une part dans la compensation. Je ne vous demande pas des montants mais c'est quelque chose qui peut être déduit par un raisonnement logique.
Je vous laisse mener le raisonnement logique que vous développez. Pour notre part, nous constatons qu'une compensation des charges de service public que nous supportons est versée directement, financée par le budget de l'État – pour partie du compte d'affectation spéciale « Transition énergétique », pour partie d'une ligne du budget général –, et que, par ailleurs, la CSPE collectée sur les factures des consommateurs est versée directement au budget général. Ensuite, la question de l'affectation ou de la non-affectation de la ressource fiscale relève de l'État, nous y sommes totalement étrangers.
Depuis la fin de l'année 2015, on constatait un retard de compensation de 5,8 milliards d'euros. C'était l'un des sujets de préoccupation qui motivait la réforme. Depuis la mise en oeuvre de celle-ci, les charges supportées par EDF sont effectivement compensées, même si nous avons connu quelques petits décalages, presque anecdotiques, entre le mois de décembre et le mois de janvier ; pour l'essentiel des montants, la compensation est opérée en temps et en heure, comme elle doit l'être. Par ailleurs, un échéancier défini par arrêté doit permettre d'aboutir à l'apurement du déficit historique à la fin de l'exercice 2020 ; jusqu'à présent, cet échéancier est rigoureusement respecté.
Vous n'avez pas répondu à ma question sur les montants. À quel montant s'élève la compensation reçue de l'État ? À quel montant s'élève la CSPE ?
Le montant des charges inscrites au compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » s'élève à 6,8 milliards d'euros – le montant total inscrit à ce compte étant de 7,3 milliards d'euros, car nous ne sommes pas le seul opérateur chargé de missions de service public. S'y ajoutent 2,3 milliards d'euros du budget général, dont 1,7 milliard d'euros pour la compensation des surcoûts dans les zones non interconnectées.
Si je pars du principe que je maintiens aujourd'hui la CSPE, qui abonde le budget de l'État et permet ensuite, par un jeu budgétaire, de verser une compensation à EDF, la part de CSPE correspondant aux énergies renouvelables n'aura donc plus de raison d'être au-delà de 2020. Je parle bien de la part historiquement liée à ces énergies, autrefois calculée en fonction de l'aide apportée à certaines énergies, qui est restée inscrite dans les factures.
Je n'ai pas dû bien me faire comprendre, monsieur le président. La compensation des charges de service public est de la première importance pour EDF puisqu'EDF honore ses contrats. Elle prend aujourd'hui la forme de transferts directs qui sont financés par le budget de l'État. Effectivement, lorsque la CSPE a changé de statut, le 1er janvier 2016, tout en gardant son nom, on aurait pu imaginer qu'elle disparaisse du jour au lendemain puisqu'elle n'avait plus de lien avec le financement des charges de service public et que sa raison d'être avait disparu. L'État a fait un choix différent et l'a maintenue, mais, comme nous le souhaitions, elle a arrêté d'augmenter. Ce prélèvement fiscal continue d'être perçu mais son montant est stable depuis le 1er janvier 2016 : 22,50 euros.
Nous accueillerons à bras ouverts son éventuelle baisse. Et c'est bien de la CSPE que je parlais tout à l'heure lorsque j'envisageais l'hypothèse d'un allégement de la fiscalité.
Le 1er janvier 2016, à la dernière date connue d'un calcul réaliste des charges au soutien des énergies renouvelables, quelle part de la CSPE représentait ce soutien aux énergies renouvelables ?
Je crains de ne pas être capable de vous répondre immédiatement parce que c'est un petit peu compliqué. Il y avait à la fois une compensation, un apurement historique et un panier de charges qui ne se limitait pas aux énergies renouvelables. Pour répondre à votre question, il faut répondre par une hypothèse arbitraire à la question de savoir à quel type de charges le retard doit être imputé.
Je conçois que l'exercice soit compliqué et qu'il soit difficile de répondre de tête.
Le 1er janvier 2016, une partie de la CSPE était consacrée au soutien aux énergies renouvelables. Il aurait été possible et logique de décider de supprimer cette partie, puisque ce soutien était financé par ailleurs ; on l'a conservée, et l'État, vous devant de l'argent, peut aussi utiliser les sommes ainsi collectées pour vous rembourser. On pourrait estimer aussi qu'à partir de 2020, les comptes étant soldés, ce prélèvement perde sa justification. Je voudrais donc comprendre quelle part de la CSPE représentait ce soutien.
Par ailleurs, l'État perçoit de la TVA sur la CSPE. On aurait pu, à défaut de supprimer la part de la CSPE correspondant aux énergies renouvelables, cesser de percevoir un impôt sur une contribution qui n'avait plus lieu d'être – parce que cet impôt aussi est payé par les Français. Avez-vous une idée du montant de TVA acquitté par les Français à raison de la « CSPE énergies renouvelables » ?
La TVA s'applique effectivement sur la CSPE et, d'ailleurs, sur d'autres impôts, en application du droit communautaire qui prévoit que les droits d'accise sont soumis à la TVA. La CSPE étant de 22,50 euros, le montant de TVA acquitté sera de 4,50 euros. Sur la facture d'un client au tarif bleu dont le volume moyen de consommation est de 5 mégawattheures, cela représentera un peu plus de 20 euros.
Cela nous permet d'avoir une idée, mais si vous pouviez un jour nous communiquer des chiffres globaux… L'un des objectifs de cette commission d'enquête est de savoir ce qui est prélevé par différents canaux au nom de la transition énergétique – à bon ou mauvais escient, ce n'est pas la question.
L'augmentation de la CSPE a mécaniquement alourdi la facture d'électricité pour les Français. Cela s'est-il traduit, via des mécanismes d'élasticité, par une aggravation de la précarité énergétique ? En d'autres termes, l'évolution du prix de l'électricité a-t-elle fait que certains ménages « décrochent » ? Disposez-vous d'éléments économiques ou socio-économiques à ce propos ?
Je suis désolé, monsieur le président : l'entreprise EDF accorde une attention particulière aux enjeux de précarité énergétique, mais quand un client particulier est identifié comme étant en situation de précarité énergétique et que les dispositifs prévus sont mis en oeuvre pour l'accompagner, il est extrêmement délicat de rechercher quel facteur l'a conduit à se retrouver en difficulté, et je pense que nous ne nous livrons vraiment pas à cet exercice.
Je vous poserai donc la question différemment : sans entrer dans le détail des situations personnelles, avez-vous constaté, au fil de l'augmentation de la facture d'électricité et par rapport à la période où elle ne comportait pas de CSPE, une augmentation substantielle du nombre de personnes qui n'étaient pas capables de la payer ?
Je ne peux pas vous répondre immédiatement, mais nous pourrons regarder si nous pouvons donner des éléments.
Je vous propose donc de noter la question.
Les dernières années sont marquées à la fois par le soutien aux énergies renouvelables et par la libéralisation du marché de l'énergie, mais je souhaiterais que vous précisiez l'impact des énergies renouvelables. Leur développement a-t-il affecté le prix de base de l'électricité ? Ou bien sommes-nous en présence d'une espèce de courbe cyclique, avec une augmentation de la facture pour financer les énergies non renouvelables qui perturberait le marché de gros, ce qui entraînerait une augmentation du prix de l'électricité et une augmentation encore plus forte de la facture ?
La formation du prix de gros de l'électricité résulte de la confrontation de l'ensemble de l'offre et de la demande – au niveau européen, des échanges transfrontaliers sont réalisés chaque fois qu'ils sont économiquement pertinents.
Avec le développement des nouvelles énergies renouvelables que sont l'éolien et le photovoltaïque – on ne parle pas de la production hydraulique, présente de longue date dans le parc de production –, les conditions de production vont être liées aux conditions climatiques. On peut constater sur la formation des prix de marché de gros une incidence baissière sur le prix au cours des périodes où l'offre est abondante, mais il y a aussi une « eurosaisonnalité » et des variations de jour en jour ou d'heure en heure des conditions de marché, étant entendu que, compte tenu du niveau général des prix, les acteurs vont être amenés à ajuster leur outil de production et globalement – force est de le constater en Europe – à déclasser des actifs de production plutôt qu'à en construire de nouveaux dès lors que les conditions de marché ne le permettent pas.
Le développement des énergies renouvelables est un facteur parmi d'autres. Parmi les facteurs déterminants figurent le niveau général de la demande, de première importance pour la formation des prix, le niveau du prix des commodités – le gaz, le charbon –, le prix du CO2. Le niveau général des prix résulte de l'ensemble de ces facteurs.
Constatez-vous donc, au plan européen, un impact, à la hausse ou à la baisse, du financement des énergies non renouvelables ? Ou n'est-ce pas si important par rapport à d'autres facteurs ?
Il est toujours très délicat, face à un phénomène, de pondérer chacun des facteurs mais le développement de capacités installées, de quelque nature que ce soit, ne peut avoir d'effet haussier. Cependant, lorsque certaines capacités se développent, d'autres se développent moins, ou alors des capacités sont retirées dans d'autres filières. Tout cela est une alchimie.
C'est le solde qui est intéressant. Si vous êtes obligés de fermer des centrales à gaz ou à charbon, certes fossiles mais qui produisaient moins cher, et que vous les remplacez par des modes de production subventionnés, certes écologiques mais nettement plus chers, la diversification du mix peut entraîner une augmentation du prix de l'électricité. L'évolution du mix électrique a-t-elle eu un impact sur la facture d'électricité des Français ? Le financement de cette politique ayant un impact sur le pouvoir d'achat, l'impact a-t-il été double, ou bien les deux phénomènes se sont-ils neutralisés, le développement de nouveaux modes de production ayant pu compenser les taxes qui alourdissaient la facture ?
Il est de la plus grande difficulté de donner une réponse quantifiée à votre question, monsieur le président. Peut-être cela mériterait-il que nous allions chercher dans les résultats d'études, mais la tendance fut plutôt à la baisse. C'est un développement massif qu'a connu une catégorie de production.
Il ne faut pas examiner la question sous le seul prisme national. Le développement fut massif dans d'autres pays d'Europe, très proches, je pense notamment à l'Allemagne, et cela a aussi pu avoir des conséquences sur les échanges aux frontières et la disponibilité de certaines ressources. Ainsi, nous rencontrons parfois, sur le marché de gros, des conditions de prix que nous n'avons pu connaître par le passé, avec des prix très bas.
Lors du rattachement des éoliennes en mer, on a décidé d'alléger le coût du soutien à l'éolien en mer via la CSPE en abaissant les tarifs de rachat. Néanmoins, d'après mes informations, on a pris en charge une partie du raccordement de ces éoliennes via le TURPE. Faut-il en déduire que celui-ci participe en partie au financement de la transition énergétique en sus et lieu de la CSPE ?
Nous comprenons cela exactement comme vous, monsieur le président.
Avez-vous une idée des sommes que cela pourrait représenter et de l'impact sur la facture ? Ce pourrait être une bonne nouvelle – la CSPE ne va pas financer les énergies renouvelables – mais, en réalité, les coûts reviendront sous la forme du TURPE, qui va augmenter. J'imagine que vous n'avez pas fait le calcul…
Je ne peux vous donner d'éléments chiffrés. Le seul commentaire que je souhaite faire, c'est qu'il nous a semblé, dans cette organisation des responsabilités, complètement pertinent que l'opérateur le plus compétent en matière de développement d'infrastructures de transport et de raccordement soit en charge des enjeux de maîtrise des risques. Quand vous confiez le coeur de métier à l'industriel le plus compétent, vous êtes en situation de minimiser les coûts. Cela fait partie, nous semble-t-il, des bonnes choses de ce changement d'organisation.
La TVA est perçue sur un prix intégrant le coût des certificats d'économie d'énergie. Or les droits d'accise sont soumis à la TVA. Faut-il donc considérer les CEE comme une accise ?
Les CEE ne sont pas une taxe. C'est un dispositif concernant un ensemble de fournisseurs d'un ensemble d'énergies – pétrole, électricité, gaz. En fin de période, les « obligés » doivent livrer un certain volume de certificats d'économie d'énergie qui est calculé pour correspondre aux quantités d'énergie qui sont livrées. C'est le prix de ce certificat que l'on retrouve répercuté dans la facture des fournisseurs. C'est le prix d'une obligation, c'est le prix d'une contrainte, ce n'est pas une taxe, mais, dès lors que cela entre en ligne de compte dans la formation des coûts commerciaux, cela s'intègre à la construction du tarif par empilement et, in fine, la TVA s'applique à ce terme comme à l'ensemble des autres termes des coûts commerciaux, qu'il s'agisse du tarif réglementé de vente ou des offres libres, puisque l'ensemble des fournisseurs, quelle que soit la nature des contrats qui sont les leurs, sont aussi des « obligés ».
L'Europe nous laisse le choix en matière de d'économie d'énergie. Nous avions le choix entre la mise en place des CEE et un système de marché. Dans ce deuxième cas, je suppose qu'il n'y aurait pas eu de TVA perçue.
Je ne sais pas répondre à cette question. On pointe du doigt les CEE et leur coût, mais ils sont avant tout un instrument de politique publique qui vise à permettre d'atteindre les objectifs de la transition énergétique, les objectifs de réduction des consommations d'énergie finales. Bien évidemment, nous sommes très attachés à ces objectifs mais notre préoccupation est de faire en sorte que les moyens mis en oeuvre soient les plus efficaces possibles. C'est l'une des raisons pour lesquelles il a pu nous arriver de dire que le dispositif des certificats d'économie d'énergie était perfectible et qu'il était important de faire en sorte que ses conséquences sur la facture des consommateurs soient, autant que faire se peut, maîtrisées. Mais je tenais à souligner que les enjeux de maîtrise de la consommation finale d'énergie sont bien évidemment des enjeux partagés.
Je salue votre défense du mécanisme, tout à votre honneur. Néanmoins, nous sommes bien d'accord : l'État oblige un certain nombre d'opérateurs à financer une politique d'efficacité énergétique et perçoit de facto une recette fiscale sur l'imposition qu'il a lui-même suggérée aux gens !
J'ai compris que vous ne disposiez pas forcément d'une évaluation de ce que peuvent représenter les CEE pour la facture, mais il serait quand même intéressant d'en savoir plus sur l'effet mécanique qu'ils peuvent avoir sur la TVA. Il ne s'agit pas d'un jugement de valeur, il s'agit d'avoir une vision très claire de ce qui est exactement prélevé.
L'objectif des CEE, ce sont les économies d'énergie, et EDF se retrouve un acteur majeur du dispositif, alors que l'entreprise vend principalement une électricité décarbonée. N'est-il pas un peu injuste de faire reposer ainsi la politique des économies d'énergie sur un acteur majoritairement décarboné ? Ne devrions-nous pas viser à des économies d'énergie avec un objectif en termes d'émissions de CO2 plutôt que viser à de simples économies d'énergie sans distinguer entre EDF et Total ?
Vous soulevez la question déterminante des objectifs de la politique énergétique. Nous sommes enclins à penser que le plus important est celui de la lutte contre le réchauffement climatique et donc de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Bien évidemment, moins vous consommez de l'énergie, moins vous êtes susceptible d'émettre, mais il est effectivement très important de privilégier les réductions de consommation d'énergie en ciblant les énergies les plus émettrices.
Des substitutions d'énergie sont utiles et profitables de ce point de vue, par exemple sous la forme du remplacement de véhicules qui consomment des carburants fossiles par de la mobilité électrique ou celui d'installations de chauffage utilisant du fioul ou du gaz naturel par des pompes à chaleur. Avec un recours massif à de l'énergie décarbonée et surtout de l'énergie renouvelable, les usages se développeront dans le sens d'une consommation d'électricité un peu plus élevée mais avec un effet utile majeur en termes de décarbonation de l'économie. Je suis donc d'accord avec vous, monsieur le président : il est souhaitable que les politiques publiques se concentrent les actions les plus efficaces en termes de décarbonation.
Il me semble que les deux priorités sont majeures, il faut viser les deux objectifs en parallèle. On ne peut pas compenser l'un par l'autre.
Je ne veux pas que mes propos soient mal compris : les deux objectifs doivent être atteints, mais, pour atteindre les objectifs d'efficacité énergétique, il faut prioritairement, nous semble-t-il, mener les actions les plus efficaces en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre, au service de l'objectif global de réduction de la consommation d'énergie.
Quelle part de la CSPE est consacrée à la sobriété, donc à la réduction de la consommation d'énergie ? Quelle est la part consacrée à l'installation d'équipements ? Une part de la réduction tient simplement aux usages : par exemple, les effacements ne nécessitent aucune sorte de nouveaux équipements.
Par ailleurs, qu'en est-il du coût des CEE au regard de la réduction de la facture et de l'efficacité énergétique ? Les CEE permettent-ils aujourd'hui plus d'efficacité énergétique qu'auparavant ? Pouvez-vous nous indiquer un ratio, un tendanciel ?
Votre question, extrêmement précise, s'adresse à des experts des CEE, ce que nous ne sommes pas ; j'en suis désolé.
Certaines actions peuvent être accompagnées par divers dispositifs – des CEE mais aussi des crédits d'impôt transition énergétique. Quel mécanisme de soutien aura provoqué certaines démarches, certains gestes ? En pratique, c'est l'ensemble des dispositifs.
Assez souvent, cependant, certaines actions sont accomplies indépendamment de l'existence de tel ou tel dispositif de soutien. Une chaudière qui tombe en panne parce qu'elle est frappée de vétusté sera remplacée, qu'il existe un dispositif d'accompagnement ou pas, et la chaudière neuve sera d'une technologie plus avancée et plus efficace. Des économies d'énergie peuvent s'ensuivre, mais elles auraient été faites de toute façon ; c'est indépendant de l'existence du dispositif.
Comment identifier les actions effectivement suscitées par le dispositif ? Il faudrait savoir le faire pour apprécier l'efficacité d'ensemble de celui-ci, son coût, ses bénéfices, mais c'est un exercice éminemment difficile.
Nous arrivons au terme de cette audition. Il est un certain nombre de réponses dont nous comprenons parfaitement que vous ne puissiez pas nous les donner « en temps réel », mais nous souhaiterions que vous nous envoyiez des éléments facilement compréhensibles qui permettent de décomposer la facture et de savoir quels montants sont consacrés à la transition énergétique ; cela évitera une nouvelle audition et nous fera tous gagner du temps. Merci, en tout cas, pour celui que vous venez de nous consacrer.
La séance est levée à dix-neuf heures vingt.
Membres présents ou excusés
Réunion du mardi 19 mars 2019 à 18 heures
Présents. - M. Julien Aubert, Mme Sophie Auconie, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Vincent Descoeur, Mme Jennifer De Temmerman, M. Fabien Gouttefarde, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Charles Larsonneur, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Emmanuel Maquet, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, Mme Claire O'Petit, M. Hervé Pellois, Mme Bénédicte Peyrol, M. Vincent Thiébaut, M. Nicolas Turquois, M. Hubert Wulfranc
Excusés. - M. Xavier Batut, M. Christophe Bouillon