Après un long marathon de débats qui a duré plusieurs jours et plusieurs nuits, nous nous prononçons aujourd'hui sur le projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé. Ce texte représente la traduction législative des orientations présentées en septembre par le Président de la République dans le cadre du plan « ma Santé 2022 ». Fondé sur le constat de l'inadaptation du modèle à bout de souffle hérité des Trente Glorieuses, porteur d'indicateurs positifs mais également de nouveaux enjeux auxquels il faut répondre, il a pour ambition de décloisonner et de renforcer la coopération entre professionnels de santé en s'appuyant sur les initiatives locales.
Avant d'aborder la discussion autour de ce texte, le groupe UDI, Agir et indépendants avait formulé de nombreuses craintes, notamment en raison du recours important aux ordonnances – pour près du tiers du texte. En tant que parlementaires, nous n'apprécions guère ce genre de pratiques qui permettent en quelque sorte de faire l'impasse sur le débat. Cependant, madame la ministre, il convient de souligner qu'il nous a bien été possible de débattre et de vous alerter sur nos craintes quant au contenu des futures ordonnances, et qu'en retour, vous avez pris de nombreux engagements en séance publique, notamment celui de nous associer à la rédaction de ces ordonnances. Nous vous en remercions et espérons donc être mis à contribution dans le cadre de la commission des affaires sociales, mais aussi en tant que destinataires des études d'impact relatives aux mesures qu'elles contiendront.
Il y avait également une réelle inquiétude sur la place accordée aux élus locaux dans ce projet de loi. La réforme ne peut réussir sans que les territoires y soient étroitement associés : puisque la réponse à apporter en matière de démographie médicale met en jeu l'aménagement du territoire, elle doit être élaborée avec les élus locaux. On aura beau construire une maison médicale flambant neuve, les jeunes médecins libéraux ne viendront pas pour autant s'y installer si le territoire ne propose pas, en lien avec les élus locaux, un cadre de vie attractif.
Cette approche de la santé par les territoires passe également par l'instauration d'un projet territorial de santé et par le développement des communautés professionnelles territoriales de santé faisant la part belle aux initiatives locales sans se retrouver bridées par une suradministration de l'État via les agences régionales de santé. De nombreuses critiques ont en effet été émises sur le fonctionnement des ARS, lesquelles demeurent trop souvent des structures technico-financières dénuées de véritable outil de démocratie, où le directeur général concentre encore beaucoup trop de pouvoir. Nous appelons de nos voeux un véritable partenariat entre les ARS et les acteurs du territoire. Si nous voulons voir les projets aboutir, il faut clairement circonscrire le rôle des ARS pour laisser aux acteurs toute latitude de s'organiser au plus près des besoins du terrain. Là encore, madame la ministre, vous avez pris des engagements pour garantir une place aux élus locaux et également aux représentants des patients au sein de ces structures. De nombreux engagements qui nous inviteraient presque, nous aussi, à transmettre un cahier de doléances !
Par ailleurs, notre groupe approuve de nombreuses mesures contenues dans ce projet de loi : la réforme des études de santé et la suppression du numerus clausus ; le développement du partage de tâches entre professionnels ; la création d'un véritable espace numérique de santé pour mieux informer les patients et les avancées visant à régulariser la situation des praticiens diplômés hors Union européenne. Mais nous réitérons nos mises en garde sur les difficultés que pourront rencontrer les étudiants dans la recherche d'un futur stage si le nombre de terrains de stage disponibles n'est pas augmenté. Vous le savez : il y a en effet un véritable problème d'attractivité pour la médecine libérale en France puisque, cinq ans après l'obtention de leur diplôme, seuls 25 % des médecins choisissent cette voie. Les projets professionnels des étudiants mûrissent à travers les stages ; il est donc primordial de développer les terrains de stage en médecine de ville afin d'améliorer l'appétence des étudiants pour l'exercice libéral.
Enfin, si votre projet de loi traite bien de la prise en charge du patient, nous regrettons qu'il ne soit pas fait mention des outils de la prise en charge, que ce soit le médicament ou la prévention, et nous notons qu'il reste également muet sur la santé au travail, sur la médecine scolaire, sur les aidants et sur la dépendance. Si je ne suis pas inquiet sur vos intentions, madame la ministre, je vous alerte encore une fois sur la traduction qui pourrait en être faite par une administration trop bureaucratique.
Mais, vous l'avez dit vous-même, madame la ministre, ce projet de loi ne constitue qu'une partie du dispositif qui demande à être complété par de prochains textes législatifs. Aussi, même si nous approuvons certaines de ses disposition, le groupe UDI, Agir et indépendants se partage entre vote favorable et abstention bienveillante, espérant voir ce projet de loi évoluer positivement dans les prochains mois.