Je commencerai par remercier et féliciter Pierre Dharréville pour la clarté de son propos et la force de sa démonstration.
Si le groupe Socialistes et apparentés soutient la motion de rejet préalable, c'est d'abord parce que nous aurions souhaité que cette proposition de loi soit discutée dans un cadre normal. Elle a été déposée par le groupe majoritaire, mais il s'agit à l'évidence d'un texte d'initiative gouvernementale ; il aurait donc été plus juste, plus judicieux de l'inscrire, par exemple, dans le projet de loi PACTE – relatif à la croissance et la transformation des entreprises – , ce qui aurait permis d'analyser les mesures qu'il contient dans une étude d'impact. Mais vous vous êtes dispensés d'une telle étude.
Pourtant votre idée est discutable. Elle n'est pas neuve : elle traîne dans les cartons de Bercy depuis des années. Il y a cinq ans déjà, lorsque Benoît Hamon préparait sa propre loi, elle avait été proposée par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Mais il a alors été considéré que la santé n'est pas une marchandise comme les autres, que l'on ne consomme pas du soin, et que dès lors il ne fallait pas s'en remettre aux lois du marché de la banque et de l'assurance, dont les intérêts sont distincts de ceux du système mutualiste.
Mais vous avez le fétichisme du marché, en matière de santé comme dans d'autres domaines. Or il arrive qu'il ne produise pas les effets escomptés. Rappelez-vous l'introduction d'un quatrième opérateur téléphonique : les prix ont baissé, mais 10 000 emplois ont été détruits et nous avons maintenant pris un retard considérable dans le déploiement du haut débit. Vous verrez que votre mesure entraînera aussi des conséquences pour la santé de nos concitoyens.
J'en viens aux vraies questions.
La mesure que vous prenez améliorera-t-elle l'accès aux soins ? Rien ne le démontre. Les inégalités, notamment liées à l'âge, seront-elles réduites ? Rien ne le démontre. Les coûts de gestion baisseront-ils ? Rien ne le démontre. La politique de prévention conduite par un certain nombre de mutuelles sera-t-elle renforcée ? Rien ne le démontre. La solidarité sera-t-elle accrue ? Rien ne le démontre non plus.
Allez-vous en revanche banaliser la santé en tant que bien de consommation ? Oui. Allez-vous affaiblir les mutuelles ? Oui. Allez-vous faire le jeu de la banque et de l'assurance ? Certes oui.