Intervention de Sophie Mazas

Réunion du jeudi 14 mars 2019 à 12h00
Commission d'enquête sur la lutte contre les groupuscules d'extrême droite en france

Sophie Mazas, avocate, présidente de la fédération de l'Hérault de la Ligue des droits de l'homme :

Pas à ma connaissance, madame la députée.

Monsieur le député de Lozère, vous nous avez rappelé que si une plainte n'est pas enregistrée, rien n'empêche de saisir le procureur de la République, puis, s'il classe l'affaire, de saisir le parquet général et, au-delà, de se constituer partie civile, voire de faire une citation directe. Pour vous qui êtes avocat et qui maîtrisez le droit pénal, tout cela ne pose aucune difficulté, mais il faut vous mettre à la place de nos concitoyens qui se rendent à la gendarmerie ou au commissariat. Quand ils se rendent au commissariat pour porter plainte et qu'on enregistre une main courante, c'est un problème ! Sauf erreur de ma part, le code pénal dispose que lorsqu'une plainte est déposée, il est obligatoire de l'enregistrer. Le vrai problème, c'est ce dysfonctionnement des services publics, et non le fait que nos concitoyens ne songent pas à saisir le procureur de la République, le parquet général, ou à se constituer partie civile. On parle de simples citoyens qui subissent des comportements d'intimidation. Il faut imaginer ce que vivent les habitants de La Salvetat : on va jusqu'à intimider leurs enfants ! Dans ces conditions, c'est déjà difficile pour eux d'aller porter plainte. C'est sur les dysfonctionnements de notre administration et de nos services publics qu'il faut s'interroger et non sur ce qui serait l'incapacité de nos concitoyens à passer outre ces dysfonctionnements !

Mais certains l'ont fait. Certains ont pris un avocat, l'ancien bâtonnier de Béziers, pour savoir où en étaient leurs plaintes, mais il ne s'est rien passé. Il ne faut pas inverser les choses : on ne peut pas reprocher à des gens qui ont reçu des menaces de mort de ne pas saisir le parquet ou le juge d'instruction etc. !

La décision de justice sur le dossier de l'association RAIH fait effectivement l'objet d'un appel. S'agissant de la qualification pénale, je pense que vous êtes mieux placé que moi pour savoir que, dès lors que le parquet poursuit, il est maître de la qualification pénale. Dans ce dossier, les plaintes ont été déposées avec certaines qualifications. Le parquet en a retenu une autre. Il n'a pas retenu la qualification d'incitation à la haine raciale et il a très rapidement diligenté une procédure, ce qui a empêché que d'autres moyens de droit soient mis en oeuvre. Il me semble difficile de faire grief aux membres de l'association RAIH de ne pas maîtriser le droit pénal et de ne pas avoir fait les démarches que vous décrivez. L'urgence, pour eux, a été de reclasser tous les dossiers des mineurs avec lesquels ils travaillaient pour leur permettre de faire leur demande d'asile. Il a fallu aussi rassurer les salariés, qui avaient subi une vraie violence morale. Les victimes devraient pouvoir compter sur un service public efficient. On ne peut pas leur reprocher de ne pas porter plainte correctement ou de ne pas contester les qualifications retenues par le parquet.

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