Commission d'enquête sur la lutte contre les groupuscules d'extrême droite en france

Réunion du jeudi 14 mars 2019 à 12h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à 12 heures.

Présidence de Mme Muriel Ressiguier, présidente.

La commission d'enquête entend en audition Maître Sophie Mazas, avocate, présidente de la Fédération de l'Hérault de la Ligue des droits de l'Homme.

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Nous recevons Mme Sophie Mazas, avocate au barreau de Montpellier et présidente de la fédération de l'Hérault de la Ligue des droits de l'homme. À ce titre, madame, vous avez été depuis quelques années confrontée aux problématiques liées aux groupuscules d'extrême droite dans l'Hérault, notamment dans l'affaire des exactions à l'encontre de l'association Réseau accueil insertion Hérault (RAIH) et celle de la faculté de droit de Montpellier.

Nous allons tout d'abord revenir sur les actions perpétrées par ces groupuscules, les propos qu'ils tiennent et les idées qu'ils véhiculent. Nous discuterons ensuite avec vous des difficultés que vous avez pu rencontrer dans le cheminement judiciaire de ces affaires, de l'arsenal juridique existant pour lutter contre les groupuscules d'extrême droite et enfin de vos éventuelles préconisations.

Je rappelle que le périmètre de notre commission d'enquête, conformément aux dispositions de la résolution qui a conduit à sa création, est exclusivement délimité de la manière suivante : faire un état des lieux sur l'ampleur du caractère délictuel et criminel des pratiques des groupuscules d'extrême droite, ainsi qu'émettre des propositions, notamment relatives à la création d'outils visant à lutter plus efficacement contre les menaces à l'encontre de nos institutions et de leurs agents ainsi qu'à l'encontre des citoyens et des citoyennes.

J'attire votre attention sur le fait que cette audition est ouverte à la presse, qu'elle fait l'objet d'une retransmission en direct sur le site internet de l'Assemblée nationale et qu'un enregistrement sera disponible pendant quelques mois sur son portail vidéo. Je signale, par ailleurs, que la commission pourra décider de citer dans son rapport tout ou partie du compte rendu qui sera établi.

Conformément aux dispositions du troisième alinéa du II de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qui prévoit qu'à l'exception des mineurs de seize ans, toute personne dont une commission d'enquête a jugé l'audition utile est entendue sous serment, je vais vous demander de prêter le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité. Veuillez lever la main droite et dire : « Je le jure ».

Mme Sophie Mazas prête serment.

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Afin de commencer cette réunion, je vais vous soumettre plusieurs questions liminaires auxquelles vous aurez la possibilité de répondre au cours d'un exposé d'une quinzaine de minutes, si cela vous convient.

Pourriez-vous dresser un état des lieux de la présence des groupuscules d'extrême droite dans l'Hérault et dans la région Occitanie, de leurs modes d'action, de leurs financements et de leur idéologie. Le préfet de l'Hérault, Pierre Pouëssel, a indiqué la présence dans le département de huit formations groupusculaires au faible nombre d'adhérents et aux faibles ressources financières. L'une d'entre elles, Combat 18, devrait faire l'objet d'une dissolution. S'agissant de Génération identitaire, le préfet a estimé à une quarantaine le nombre de ses membres actifs dans le département. Pour les Brigandes, il a évoqué une vingtaine d'adultes et une douzaine d'enfants. Vos estimations rejoignent-elles les chiffres qu'il a cités ?

Nous avons observé plus particulièrement ces derniers mois une multiplication des actes des groupuscules d'extrême droite. Nous les avons vus défier la République et les élus et chercher par ce biais à tester la capacité de réaction des pouvoirs politiques et publics. D'après vous, quelles menaces venant de leur part pouvons-nous redouter ?

Dans les modes d'action qu'ils choisissent, retrouve-t-on l'intimidation et la menace ? Avez-vous eu connaissance du fait que des citoyens aient été victimes de leurs agissements ? Avez-vous vous-même fait l'objet de pressions de la part de certains de ces groupes ?

Enfin, dans quels contentieux devant les juges judiciaires et administratifs la Ligue des droits de l'homme est-elle intervenue et intervient-elle contre ces groupuscules ? Quelles sont la nature et la motivation de ces recours ?

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Sophie Mazas, avocate, présidente de la fédération de l'Hérault de la Ligue des droits de l'homme

Je vous remercie de votre invitation.

La fédération de l'Hérault de la Ligue des droits de l'homme dispose d'informations transmises par ses diverses sections, de Saint-Pons-de-Thomières, des Hauts cantons, de Béziers, de Sète et de Montpellier.

Depuis plusieurs années, nous observons une montée des groupuscules d'extrême droite qui est relativement limitée à Béziers puisque la place qu'occupe Robert Ménard se suffit à elle-même et explique l'absence de développement spécifique de groupuscules dans le Biterrois.

Les modes d'action diffèrent selon les groupuscules. Nous nous intéressons plus spécialement à la Ligue du Midi et au site internet qui relaie ses idées, lengadoc-info.com, à Génération identitaire et aux Brigandes à La Salvetat-sur-Agoût.

Le groupuscule Génération identitaire est assez présent sur les réseaux sociaux. Ce groupuscule compte 650 amis sur le réseau de son animateur qui se fait appeler Johan Teissier. Il y a quelques années, la presse avait fait état d'une agression au parc du Peyrou à Montpellier qui aurait été imputable à Génération identitaire selon les personnes qui auraient été agressées. Mais aujourd'hui, son mode d'action passe essentiellement par la communication, notamment à l'occasion de certains faits divers. Nous sommes en particulier préoccupés par les entraînements au close combat qu'il organise soit en ville soit en forêt. Quant à son implication dans les violences commises à la faculté de droit de Montpellier, j'y reviendrai plus en détail. Nous avons fait part au préfet de l'Hérault de nos inquiétudes quant à l'essor de ce groupuscule.

La Ligue du Midi organise chaque année un rassemblement dont la fréquentation a augmenté pour passer d'une petite centaine de personnes à environ 500. Elle utilise aussi beaucoup les réseaux sociaux, la communication sur des faits divers mais emploie des méthodes plus violentes que Génération identitaire. Plusieurs de ses membres ont été condamnés pour des faits de violence.

Je m'attarderai ici sur l'affaire RAIH. Cette association d'accueil des mineurs étrangers isolés a pour vocation d'accueillir les mineurs à la rue avant toute prise en charge par les pouvoirs publics et a mis en place les premiers outils d'évaluation de la minorité, qui ont été repris ensuite dans un cadre plus structuré. Leurs locaux ont été investis le 30 juin 2017 par des militants de la Ligue du Midi qui se sont filmés en train de dégrader les lieux, de disperser les dossiers et d'invectiver les personnes sur place, dont les salariés de l'association. Des plaintes ont été déposées en particulier par le département qui apportait des subventions à l'association RAIH dans le cadre de sa politique d'aide sociale à l'enfance et par les membres de l'association. Elles ont donné lieu à une condamnation de quatre mois pour l'un des fils Roudier et à une relaxe pour le père.

Ce qui nous a surpris, c'est la qualification pénale retenue : « dégradation ou détérioration du bien d'autrui aggravée par deux circonstances » dont l'une était la délégation de service public. Nous avons été très étonnés de l'absence de qualification pénale sur les faits d'incitation à la haine raciale. La Ligue du Midi a en effet distribué en marge de son action contre les locaux de l'association RAIH des tracts rédigés de la manière suivante : « Depuis bientôt un an, la ville de Montpellier est gangrénée par des bandes d'immigrés clandestins qui, la nuit tombée, agressent les Montpelliérains – vols à l'arraché, passages à tabac, viols – au centre-ville, sur l'axe Esplanade-Comédie-Saint-Roch. Renommés pudiquement “mineurs isolés” par l'État et les médias, ce sont en réalité de véritables prédateurs qui jouissent d'une impunité totale. À peine arrêtés pas la police, ils sont immédiatement relâchés par les juges car jugés trop jeunes pour être pénalement responsables. (…) La Ligue du Midi entend sensibiliser les Montpelliérains à ce problème et dissuader cette racaille de commettre ces méfaits. »

Ces faits, selon la jurisprudence habituellement observée en matière d'incitation à la haine raciale, pourraient donner lieu à une qualification pénale et être poursuivis spécifiquement. Pourtant il n'y a pas eu de poursuites fondées sur ces éléments ni d'aggravation de la qualification pénale. Les poursuites pénales qui sont engagées se limitent à un délit de dégradation, qui peut être rattaché à un délit de droit commun. Or inciter à la haine raciale ne relève pas de la liberté d'expression mais constitue bel et bien un délit autonome lié au droit de la presse et il n'y a pas de poursuite de ce délit-là. Le fait de tracter ce type de document me semble pourtant constituer une infraction spécifique. Nous sommes un peu déconcertés par le choix de la politique pénale mise en oeuvre par le parquet.

Même si j'entends les difficultés liées aux poursuites concernant des supports numériques, nous nous étonnons aussi de l'absence de réaction des pouvoirs publics et d'action autonome à l'encontre du site lengadoc-info.com, où demeurent des articles consultables en ligne qui présentent les dégradations commises, pour lesquelles une sanction pénale a été arrêtée, comme une simple visite des locaux de l'association RAIH et de manière favorable. Il s'agit d'un site qui insulte régulièrement des personnes, y compris des membres de cette commission d'enquête.

S'agissant de La Salvetat-sur-Agoût, nous n'avons pas les mêmes retours que le préfet. Ce village d'environ 1 200 habitants a connu une forte augmentation du vote pour le Front national, qui est passé de 14 % en 2010 à 35 % en 2015, ce qui reflète une tendance générale à l'Hérault. Une quarantaine de personnes appartenant à l'extrême droite sont venues s'installer dans le village en 2015, investissant le hameau du Gazel, où vivent d'autres habitants avec lesquels les frictions sont récurrentes, et deux autres lieux-dits rattachés à la commune.

Nous avons relevé que plusieurs plaintes pénales ont été classées sans suite. Les personnes qui souhaitent déposer plainte ne peuvent le faire à la gendarmerie de La Salvetat où elles se voient opposer un refus systématique. Elles sont donc obligées de se rendre à celle de Saint-Pons-de-Thomières pour que leurs plaintes soient enregistrées.

Citons en octobre 2016, une plainte adressée au sous-préfet qu'il a transmise au procureur de la République et à la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) ; en juillet 2017 une plainte pour injures, menaces et courrier anonyme menaçant et une autre pour intrusion au domicile et attitude menaçante à l'encontre d'un mineur ; une autre en août 2017 ; en novembre 2017, une plainte pour menaces ; en mars 2018, pour menaces de mort, en avril 2018, pour menaces, et à l'été 2018, une main courante pour menaces par drone. En 2018, une pétition adressée au procureur pour solliciter l'intervention des pouvoirs publics a recueilli sur change.org 15 000 signatures. En outre, il y a eu une saisine de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) pour protester contre l'impossibilité de déposer plainte à la gendarmerie de La Salvetat mais elle a été classée au motif que la gendarmerie de Saint-Pons avait enregistré les plaintes. L'ensemble de ces plaintes a été classé sans suite. Je tiens à la disposition de votre commission la copie de ces diverses plaintes.

Nous avons été informés d'un climat extrêmement lourd dans le village et de ce que le maire semblerait être de parti pris, du fait de l'enjeu attaché à la scolarisation des enfants des Brigandes, scolarisation toutefois aléatoire car ils ne sont inscrits qu'une année sur deux. Lorsque les enfants sont scolarisés, le maire envoie un courrier à l'ensemble des parents d'élèves pour préciser qu'il ne faut pas discriminer ces enfants, au risque de faire l'objet d'une plainte. Ce positionnement est relativement particulier. S'il dit ne pas souscrire aux thèses d'extrême droite des Brigandes, il affirme que celles-ci relèvent de la liberté d'expression. Elles tournent leurs clips dans le village, y exercent des activités, y animent des associations, Les Pommes d'or et Barka Productions, dont certaines sont subventionnées par la mairie. Barka productions aurait fait les affiches d'un événement de poésie organisé par la mairie en août 2017. Le logo de Barka était même apposé sur les affiches annonçant un festival ayant pour thème la poésie africaine et a dû être retiré face aux protestations. La mairie a aussi co-organisé avec l'association Les Pommes d'or une exposition de peintures consacrée aux « Vikings, peuple de la mer » qui reprend toute l'iconographique nordique chère aux Brigandes et à d'autres groupes d'extrême droite. Le dessin de cette affiche est d'ailleurs repris dans les concerts des Brigandes en fond visuel. Le positionnement systématique dans le journal municipal, par courrier spécifique du maire, en soutien à l'installation des Brigandes interpelle. Le préfet de l'Hérault, qui a fait son travail, a demandé au maire ce qu'il en était et celui-ci lui a répondu que tout allait bien.

Lorsque les voisins des Brigandes se plaignent à lui de difficultés, le maire prétend qu'il n'est pas dans son rôle d'intervenir. Lorsqu'une grange située en zone inconstructible est transformée en bâtiment constructible avec baies vitrées, il ne fait rien. Lorsqu'il est alerté du fait que des panneaux publicitaires illégaux pour les Brigandes sont affichés, il ne fait rien non plus. Notre association l'a interpelé à plusieurs reprises mais nos moyens ne sont pas immenses. La Ligue des droits de l'homme a moins de dix salariés au niveau national et son action repose sur le travail des bénévoles. Nos alertes sont restées sans effet, y compris celles que nous avons transmises à la sous-préfecture.

Un climat extrêmement lourd règne dans le village. Les habitants sont confrontés à des manoeuvres d'intimidation. Des individus sont de faction devant le domicile de certaines personnes isolées dans des hameaux où le téléphone ne passe pas, tiennent des propos menaçants, accélèrent en voiture lorsqu'un piéton passe. La pétition sur change.org demandait l'aide de l'État mais celle-ci ne vient toujours pas.

Au mois d'août, une rixe en pleine rue a eu lieu avec les Soldats d'Odin à la Salvetat. La gendarmerie est venue et a relevé les noms. Des membres d'associations antifascistes, comme le collectif M, étaient présents. Le maire de La Salvetat aurait porté plainte, mais on ne sait pas précisément contre qui : les Soldats d'Odin, les Brigandes ou les militants antifascites. Une enquête préliminaire serait ouverte ou en cours selon un des courriers du maire. Il faut savoir que les Soldats d'Odin organisent par ailleurs les services d'ordre des concerts des Brigandes, proximité qui a de quoi inquiéter.

Il existe des connexions entre les divers groupes d'extrême droite dans l'Hérault.

Nous avons pu les constater au moment du procès pour l'affaire du saccage des locaux de l'association RAIH. Les Brigandes y ont assisté pour soutenir publiquement les Roudier père et fils.

Les violences à la faculté de droit ont révélé d'autres connexions. Quand des étudiants proches de la Corpo droit – les « Zélus » – sont venus manifester contre la fermeture administrative décidée par le président de l'université, nous avons repéré dans leur service d'ordre des membres de la Ligue du Midi et des proches de Génération identitaire. On peut voir là un début de connexion.

Ce que nous trouvons presque plus inquiétant encore, ce sont les tentatives d'intellectualiser et de développer la pensée de l'extrême droite, notamment à travers le cercle Guilhem V. Même s'il donne très peu d'éléments d'information sur sa localisation, on peut légitimement penser qu'il est proche de juristes. Certains des thèmes choisis pour ses conférences sont éloquents : épuration ethnique pendant la guerre en ex-Yougoslavie, les « révoltés du 6 février » en référence aux putschistes d'extrême droite du 6 février 1934, « Carl Schmitt, un juriste dans la tourmente ». Rappelons qu'il s'agit d'un théoricien du droit du IIIe Reich qui a pensé la possibilité de structurer la société par le droit constitutionnel sous l'autorité d'un Führer considéré comme seul à même de garantir l'ordre social, bref un théoricien de la puissance et non de la règle de droit.

Ce cercle est connecté avec les « gros bras » de l'extrême droite capables de verser dans la violence. Nous savons qu'il est en lien avec Martial Roudier, condamné plusieurs fois pour faits de violence, et qu'il a invité des membres du Bastion social qui tente de s'implanter à Montpellier. Il y a de quoi s'inquiéter quand on sait quelle vision de la société les anime tous : une société structurée en différents groupes auxquels les individus sont assignés – les étrangers, les femmes –, marquée par des rapports de domination fondés sur le racisme, l'antisémitisme, le sexisme, le nationalisme, le traditionalisme et l'autoritarisme. Les fils Roudier ont eu de multiples condamnations pour violences. Ce rapprochement entre ceux qui mettent en oeuvre des techniques violentes et ceux qui pensent l'extrême droite est assez inquiétant.

En outre, les actions des groupuscules ne sont pas déconnectées des partis légaux. En effet, au moment où la Ligue du Midi intervenait dans les locaux de l'association RAIH, le Front national, qui n'était pas encore le Rassemblement national, demandait lors d'une séance du conseil départemental la suppression des subventions à cette association, qui était la justification de l'action menée par le groupuscule. Il y a donc une action concertée à ce moment-là. Nous pensons qu'il y a des ramifications ou en tout cas un travail en connexion assez important. Le cercle Guilhem V a invité en octobre 2017 le Bastion social à une conférence. Le Bastion social cherche à s'implanter à Montpellier puisqu'une de ses figures, Gamin, y a été repérée, de même que d'autres de ses membres.

Ce qui s'est passé à la faculté de droit a été pour nous un électrochoc. Je ne peux oublier la discussion que j'ai eue avec un étudiant qui se trouvait dans le hall au moment des faits et qui était plutôt pour la réforme et donc opposé au blocage. Il s'effondrait en larmes toutes les cinq minutes : il m'a dit n'avoir pas supporté d'être exposé à une violence pure qui lui semblait appartenir au passé. Voir des gens armés, cagoulés, tapant sur le sol pour faire du bruit, frappant les étudiants sous le regard du corps professoral qui n'intervient pas a été un bouleversement pour lui. Cela renvoie à notre incapacité collectivité à prendre en compte cette résurgence de l'extrême droite, cette montée des groupuscules d'extrême droite qui n'hésitent pas à avoir recours à la violence.

Qu'il s'agisse des plaintes déposées à La Salvetat, de l'absence de poursuite pénale sur le fondement de l'incitation à la haine raciale dans l'affaire de l'association RAIH ou d'autres contentieux dont la Ligue des droits de l'homme s'est occupée, nous constatons qu'il y a de réelles difficultés à ce que le parquet engage des poursuites. Cela tient peut-être aux choix faits par les gouvernements successifs en matière de politique pénale : aucun garde des sceaux n'a fixé parmi ses priorités la lutte contre les idées de l'extrême droite. Cela tient sans doute aussi à la formation des magistrats. Nous avons pu constater que le parquet s'était heurté pour la qualification juridique à de grandes difficultés s'agissant d'une matière très technique. Le manque de moyens de la justice explique que les magistrats n'aient que cinq heures de formation par an. Les avocats bénéficient, quant à eux, de vingt heures de formation, qui n'ont rien de superflu au regard du nombre de réformes à intégrer et de la complexité de matières aussi spécifiques que le droit de la presse. À Paris, je crois qu'il existe une chambre dédiée à ces contentieux : les poursuites sont beaucoup plus précises et techniquement plus abouties. Il serait bon que ce type de juridiction dédié soit généralisé.

Nous avons alerté le directeur de cabinet du préfet de l'Hérault, Mahamadou Diarra, sur la montée de ces groupuscules d'extrême droite et leurs pratiques. À la suite de la réforme des renseignements généraux et de la réorganisation des services, peut-être y a-t-il eu un problème de moyen ou un changement dans le suivi de ces formations sur l'ensemble du territoire. C'est une question qui se pose.

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J'aimerais savoir comment la Ligue des droits de l'homme conçoit sa stratégie de prévention et de lutte contre les activités haineuses, voire violentes, de ces groupuscules.

Dans quels contentieux judiciaires ou administratifs contre des groupuscules d'extrême droite est-elle intervenue ou intervient-elle aujourd'hui? Qu'est-ce qui motive ces recours ?

S'agissant des dissolutions administratives – et je m'adresse davantage ici à la juriste que vous êtes –, que pensez-vous des différents motifs juridiques susceptibles de fonder la dissolution d'une association ou d'un groupement de fait assimilable à un groupuscule d'extrême droite par l'autorité administrative ? Pensez-vous qu'une évolution de la liste prévue à l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure soit nécessaire ? Souscrivez-vous à l'affirmation selon laquelle la dissolution dessert la capacité des autorités de police et des services de renseignements à suivre l'activité des groupuscules d'ultradroite et de leurs membres ?

Enfin, le directeur des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur a indiqué qu'il était difficile d'imputer à une association ou à un groupement de fait les agissements individuels qui permettraient une dissolution. Pensez-vous qu'il soit souhaitable de faciliter l'imputabilité des agissements des membres d'une association ou d'un groupement de fait à cette association ou à ce groupement ? Comment peut-on l'envisager ? Que pensez-vous, enfin, du régime de dissolution judiciaire ?

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Sophie Mazas, avocate, présidente de la fédération de l'Hérault de la Ligue des droits de l'homme

L'engagement de la Ligue des droits de l'homme contre l'extrême droite découle de son attachement à l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Nous luttons contre toutes les idéologies qui reposent sur l'idée d'une inégalité – des étrangers, des femmes, etc. –, ce qui dépasse la question des groupuscules d'extrême droite. Nous pouvons également intervenir contre des prises de position de l'extrême droite « classique », celle qui ne rejette pas le système électoral. Il nous arrive par exemple de combattre les décisions de certaines équipes municipales, ce qui aboutit souvent à leur annulation par le tribunal administratif.

Nous concevons notre stratégie d'une manière assez globale : notre but n'est pas seulement de gagner devant les tribunaux – par exemple sur la question des crèches de Noël –, mais de faire preuve de pédagogie en expliquant pourquoi la défense des droits fondamentaux est la garantie du vivre ensemble. Le fait que l'extrême droite classique s'allie parfois avec les groupuscules d'extrême droite nous oblige également à avoir une stratégie globale. Le problème des contentieux, ce sont les délais: pour prendre l'exemple des violences survenues à la faculté de droit de Montpellier, nous avons soutenu les victimes dès le début, en les accompagnant au commissariat, mais la question de la recevabilité de notre constitution en partie civile ne sera probablement examinée qu'au moment du procès.

Nous avons également une action pédagogique : nous intervenons dans les lycées, les collèges et les écoles primaires sur la question de la défense des droits fondamentaux. Nous expliquons aux jeunes pourquoi la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen est un texte fondamental. Nous évoquons avec eux la lutte contre le racisme, l'antisémitisme, l'homophobie.

S'agissant de la lutte contre les groupuscules d'extrême droite à proprement parler, nous ne travaillons pas seuls : nous collaborons avec les autres organisations de Montpellier et appartenons à des collectifs, au sein desquels nous examinons l'évolution de ces groupuscules, afin de définir la meilleure stratégie possible, d'abord en termes d'information. Le contentieux, c'est l'échec de la pédagogie, et nous n'allons au contentieux que lorsque c'est nécessaire.

Nous avons encore déposé une plainte contre les Brigandes auprès du parquet de Paris et n'avons, à ce jour, reçu aucune réponse, pas même un classement sans suite. Au total, ce doit être notre dixième plainte sans suite contre les Brigandes. Lorsqu'il y a un classement sans suite, il est possible de saisir le doyen des juges d'instruction. Si le parquet traîne des pieds et refuse de prendre des réquisitions, il faut faire appel. Ce sont, vous le voyez, des procédures extrêmement longues et lourdes à prendre en charge. Nous essayons de le faire, mais ce serait une bonne chose que le procureur, qui a le pouvoir d'engager des poursuites, le fasse.

Sur l'affaire de l'association RAIH, le parquet est allé extrêmement vite et n'a pas retenu la qualification d'incitation à la haine raciale. Dès lors, il était difficile pour nous de nous constituer partie civile, dans la mesure où ce qui aurait pu nous donner intérêt à agir n'avait pas été retenu. Vous voyez que l'on retombe toujours sur la même difficulté qui est l'absence de prise en compte de l'incitation à la haine raciale.

Vous m'interrogez sur la question de la dissolution administrative. Je ne suis pas spécialiste de cette question, mais je relève que certains alinéas de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure sont peu appliqués, notamment l'alinéa 6, qui concerne les groupes qui « provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». Quand on voit la teneur des tracts diffusés par la Ligue du Midi, qui incitent clairement à la haine contre les jeunes migrants isolés qui viennent demander le statut de réfugié en France, on peut se demander pourquoi cet article du code de la sécurité intérieure n'est pas appliqué. Avant d'envisager de réformer notre droit, commençons par l'appliquer.

Faut-il réformer le droit pour mieux l'adapter aux besoins du jour ? Des réformes sont certainement nécessaires, notamment sur la question du numérique et des sites miroirs en particulier, car notre société doit se mettre en phase avec la réalité d'aujourd'hui. Mais je pense qu'il faudrait commencer par appliquer le droit existant : si nous le faisions, nous aurions déjà des résultats.

Vous me demandez par ailleurs si la dissolution de ces groupes dessert la capacité de la police à les cerner. J'ai envie de vous répondre par une autre question : à quoi bon les cerner si on continue de les laisser agir ? Ma conviction, c'est qu'il faut faire des choix clairs en matière de politique pénale et mettre davantage de moyens. Si l'on veut réellement poursuivre ces groupuscules, il faut disposer d'un personnel mieux formé. La dissolution intervient toujours quand il est trop tard pour faire autre chose : une dissolution n'apporte pas grand-chose si elle n'est pas accompagnée d'un effort de pédagogie, d'un travail de fond pour déconstruire le discours de l'extrême droite et analyser l'usage qu'elle fait de la violence. La violence légitime appartient à l'État : le fait que ce principe juridique fondamental ait été bafoué à l'intérieur même d'une faculté de droit, par ses plus hautes autorités, pose par exemple question.

En résumé, il faut procéder à des dissolutions, mais il faut faire beaucoup plus. Il faut s'attaquer au substrat dont se nourrissent ces groupuscules. Tant que nous ne ferons pas cela, nous ne pourrons pas venir à bout de l'hydre.

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Je suis député de Lozère, donc pas très éloigné de Montpellier, et avocat de profession. J'ai quelques questions à vous poser sur l'exégèse que vous avez faite de la décision de justice du 5 décembre 2017 et sur ce qui se passe à La Salvetat. J'aimerais, ensuite, poser une question sur le rôle même de cette commission d'enquête.

Vous dites qu'à La Salvetat les plaintes ne sont pas reçues par la gendarmerie. Mais rien n'empêche les personnes concernées de saisir directement le procureur de la République par lettre recommandée avec accusé de réception, de lui exposer les faits et de lui demander de poursuivre, sur des qualifications dont il a l'opportunité. Deuxièmement, lorsqu'une plainte est classée, il est possible de saisir le parquet général, qui peut aller au-delà de la position retenue par le procureur de la République. Cela a-t-il été fait dans les cas que vous évoquez ? Troisièmement, on peut très bien engager l'action publique par une constitution de partie civile, ce qui permet de passer au-dessus du parquet. On peut même envisager une citation directe. Ces orientations procédurales ont-elles été envisagées après la décision que vous critiquez ? Vous expliquez que cette décision du 5 décembre 2017 n'a retenu qu'une seule qualification et a repoussé celle d'incitation à la haine raciale. A-t-il été fait appel de cette décision ? Lors des échanges qui ont eu lieu entre le procureur de la République et l'association RAIH, cette deuxième qualification a-t-elle été évoquée ?

Vous avez cité le nom de maître Alain Bégoc qui défend la Ligue du Midi.

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Sophie Mazas, avocate, présidente de la fédération de l'Hérault de la Ligue des droits de l'homme

Je n'ai pas cité ce nom. J'ai parlé de la Ligue du Midi mais pas de son avocat, que j'ai certainement croisé mais dont je ne connais pas le nom.

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Ma deuxième question vous concerne très directement, madame la présidente. Vous avez écrit au Président de la République pour lui demander la dissolution de la Ligue du Midi. J'ai reçu des documents de maître Alain Bégoc, avocat à la cour, dont une plainte pour dénonciation calomnieuse déposée le 7 juin 2018, qui vous concerne directement.

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La commission d'enquête ne peut se réunir que s'il n'y a pas de procédure pénale en cours : c'est pour cette raison que je vous pose cette question.

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Je ne savais rien de cette plainte et c'est vous qui m'apprenez son existence. Nous sommes dans un État de droit et, si je n'en ai pas été informée, j'imagine que c'est sans doute parce qu'elle a été classée sans suite ou jugée irrecevable.

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Je suis député depuis dix-sept ans et j'ai participé à de nombreuses commissions d'enquête. Je sais ce qu'est une commission d'enquête. Vous avez dit, en créant celle-ci, que vous souhaitiez observer et analyser le fonctionnement des groupuscules d'extrême droite : j'ai trouvé que c'était une bonne chose et, si j'ai décidé d'y prendre part, c'est justement pour aborder cette question de façon objective. Mais s'il s'avère que vous êtes directement concernée par la Ligue du Midi, il y a une interrogation.

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Je suis concernée dans le sens où j'ai toujours combattu l'ultradroite sur le plan politique – je combats les idées, non les personnes. Je suis effectivement la cible d'attaques de la part de la Ligue du Midi, mais je ne suis pas la seule dans ce cas et cela ne m'empêche pas de dormir. Pour moi, il n'y a rien de personnel dans tout cela. Il y a un vrai problème politique lié en particulier à la multiplication des actes de violence. Je ne suis d'ailleurs pas la seule à avoir reçu des menaces, de leur part ou de la part d'autres groupes, puisque le Président de la République, M. Christophe Castaner et d'autres élus ont également été menacés. En tout cas, je serais curieuse de savoir qui a porté plainte contre moi !

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J'allais y venir. Vous ne me connaissez peut-être pas bien, mais j'ai la réputation, ici, d'être très attaché aux droits de la défense et à la transparence, ce qui surprend parfois de la part d'un homme plutôt classé à droite. C'est tout simplement parce que ces sujets m'intéressent. Ce que je vous propose, c'est de soumettre l'ensemble des documents que j'ai reçus à la commission, pour qu'il puisse y avoir un débat contradictoire. À ce propos, nous avons entendu l'analyse d'une décision de justice : il serait intéressant de savoir ce qu'en pensent les personnes concernées.

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Je vous rassure, monsieur Morel-À-l'Huissier : les travaux de la commission ne sont pas terminés et nous avons évidemment l'intention d'auditionner également des membres de l'ultradroite. Je serai curieuse, en tout cas, de prendre connaissance des documents que vous évoquez. Comme tout citoyen, j'ai le droit de me défendre aussi.

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Je veux être très clair : on m'a adressé ces documents parce que je suis membre de la commission d'enquête. Peut-être le fait que je sois élu de Lozère et avocat a-t-il également incité cet avocat à me transmettre ces documents. Je n'ai aucun jugement à émettre sur ces documents : je me contente de les transmettre à la commission.

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De mon côté, je prends l'engagement de vous faire publiquement part du contenu et des suites de cette affaire. Je m'étonne tout de même de ne pas avoir été informée de cette plainte. Je suis très surprise que vous soyez au courant et pas moi, s'agissant d'une plainte qui est censée me concerner depuis 2018. Y a-t-il un délai au terme duquel le juge doit informer une personne qu'elle fait l'objet d'une plainte ? Est-on au moins informé ?

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Sophie Mazas, avocate, présidente de la fédération de l'Hérault de la Ligue des droits de l'homme

Je ne suis pas une spécialiste de cette question mais les personnes de la Salvetat n'ont pas été informées. Je note que je suis aussi avocate au barreau de Montpellier et que cette information ne m'est pas non plus parvenue.

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La procédure pénale prévoit que si le procureur n'a pas donné suite à votre plainte au bout de trois mois, vous pouvez aller devant le doyen des juges d'instruction, mais rien n'empêche un procureur de mettre un ou deux ans pour instruire. Vous pouvez très bien faire l'objet d'une enquête et ne pas le savoir.

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Il est possible que j'aie lu quelque chose sur cette plainte sur le site lengadoc-info.com, je n'en suis pas certaine, mais comme ils me menacent régulièrement de mort, je ne sais plus très bien… Vous noterez que je suis bonne joueuse et que, pour ma part, je n'ai pas porté plainte contre eux. Mais cela me donne des idées ! Ils me surnomment soit « Soeur Muriel », soit « Miss Goulag », ce qui montre l'affection qu'ils ont pour moi… Mais cela ne changera pas la feuille de route de mon combat politique, car ce qu'ils font à la République et à nos concitoyens est inacceptable. En tout cas, je compte bien me défendre et, pourquoi pas, porter plainte à mon tour, car j'ai quelques motifs de le faire.

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Je crois qu'il y a à Montpellier une communauté gitane assez importante. A-t-elle été la cible de groupuscules d'extrême droite et de provocations à la haine raciale ?

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Sophie Mazas, avocate, présidente de la fédération de l'Hérault de la Ligue des droits de l'homme

Pas à ma connaissance, madame la députée.

Monsieur le député de Lozère, vous nous avez rappelé que si une plainte n'est pas enregistrée, rien n'empêche de saisir le procureur de la République, puis, s'il classe l'affaire, de saisir le parquet général et, au-delà, de se constituer partie civile, voire de faire une citation directe. Pour vous qui êtes avocat et qui maîtrisez le droit pénal, tout cela ne pose aucune difficulté, mais il faut vous mettre à la place de nos concitoyens qui se rendent à la gendarmerie ou au commissariat. Quand ils se rendent au commissariat pour porter plainte et qu'on enregistre une main courante, c'est un problème ! Sauf erreur de ma part, le code pénal dispose que lorsqu'une plainte est déposée, il est obligatoire de l'enregistrer. Le vrai problème, c'est ce dysfonctionnement des services publics, et non le fait que nos concitoyens ne songent pas à saisir le procureur de la République, le parquet général, ou à se constituer partie civile. On parle de simples citoyens qui subissent des comportements d'intimidation. Il faut imaginer ce que vivent les habitants de La Salvetat : on va jusqu'à intimider leurs enfants ! Dans ces conditions, c'est déjà difficile pour eux d'aller porter plainte. C'est sur les dysfonctionnements de notre administration et de nos services publics qu'il faut s'interroger et non sur ce qui serait l'incapacité de nos concitoyens à passer outre ces dysfonctionnements !

Mais certains l'ont fait. Certains ont pris un avocat, l'ancien bâtonnier de Béziers, pour savoir où en étaient leurs plaintes, mais il ne s'est rien passé. Il ne faut pas inverser les choses : on ne peut pas reprocher à des gens qui ont reçu des menaces de mort de ne pas saisir le parquet ou le juge d'instruction etc. !

La décision de justice sur le dossier de l'association RAIH fait effectivement l'objet d'un appel. S'agissant de la qualification pénale, je pense que vous êtes mieux placé que moi pour savoir que, dès lors que le parquet poursuit, il est maître de la qualification pénale. Dans ce dossier, les plaintes ont été déposées avec certaines qualifications. Le parquet en a retenu une autre. Il n'a pas retenu la qualification d'incitation à la haine raciale et il a très rapidement diligenté une procédure, ce qui a empêché que d'autres moyens de droit soient mis en oeuvre. Il me semble difficile de faire grief aux membres de l'association RAIH de ne pas maîtriser le droit pénal et de ne pas avoir fait les démarches que vous décrivez. L'urgence, pour eux, a été de reclasser tous les dossiers des mineurs avec lesquels ils travaillaient pour leur permettre de faire leur demande d'asile. Il a fallu aussi rassurer les salariés, qui avaient subi une vraie violence morale. Les victimes devraient pouvoir compter sur un service public efficient. On ne peut pas leur reprocher de ne pas porter plainte correctement ou de ne pas contester les qualifications retenues par le parquet.

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Maître, chère collègue, je n'entendais absolument pas critiquer les victimes et vous m'attribuez des intentions qui n'étaient pas les miennes. Je dis seulement que lorsqu'on porte plainte à la gendarmerie – je reconnais que ce n'est pas toujours facile – et que cette plainte n'aboutit pas, il existe des recours. Je songe aux associations d'aide aux victimes ou à certains avocats qui font des consultations gratuites : quand on veut aller au bout, on peut le faire. Le dépôt de plainte à la gendarmerie n'est pas la seule solution. Dans mon département, en Lozère, il n'y a qu'un tribunal de grande instance, ce qui impose aux gens de longs déplacements. C'est pourquoi je leur conseille souvent d'écrire directement au procureur de la République.

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Monsieur Morel-À-l'Huissier, ce n'est pas un débat, mais une commission d'enquête : je vous invite donc à laisser maître Mazas s'exprimer. D'ailleurs, je n'ai pas le souvenir de vous avoir beaucoup vu à nos réunions.

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Madame la présidente, pourquoi être désagréable ?

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Je ne suis pas désagréable. Je dis seulement que vous n'êtes pas beaucoup venu et je vous invite à laisser maître Mazas terminer son exposé. Si vous souhaitez ensuite l'interroger, je vous donnerai la parole.

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Sophie Mazas, avocate, présidente de la fédération de l'Hérault de la Ligue des droits de l'homme

Plusieurs plaintes ont été directement adressées au procureur de la République en recommandé avec accusé de réception, émanant non seulement des habitants, mais aussi de la Ligue des droits de l'homme. Nous avons délibérément choisi de saisir Paris, s'agissant d'un délit d'incitation à la haine raciale sur les réseaux sociaux dont la diffusion concerne l'ensemble du territoire, parce que nous constatons que rien ne bouge dans l'Hérault. Je répète qu'il y a eu plusieurs saisines du procureur: ce n'est donc pas la faute des personnes qui portent plainte s'il n'y a pas de poursuites. Le problème, c'est le manque de moyens. J'ai moi-même fait l'objet de menaces de mort et lorsque j'ai saisi le procureur de la République à Montpellier, il m'a expliqué qu'il recevait 80 000 plaintes par an et que c'était de ce fait compliqué… Dans le ressort du tribunal de grande instance de Béziers, c'est la même chose.

Concrètement, je repère deux difficultés majeures. La première, c'est qu'il n'est pas possible de déposer des plaintes à La Salvetat, parce que la gendarmerie locale refuse de les enregistrer, alors même que le droit l'y oblige. Les habitants sont donc obligés de se rendre à Saint-Pons-de-Thomières. Quand les Brigandes sont à l'origine d'incidents sur la voie publique, comme ce fut le cas l'été dernier, le positionnement de la gendarmerie pose question.

Deuxièmement, sur le volet des poursuites judiciaires, les deux questions qui se posent sont celle des priorités de notre politique pénale et celle du manque de moyens et de formation. Vous savez très certainement que les délits dont il est question sont très techniques, puisqu'il faut choisir les bons fondements juridiques dans des délais particuliers. Or ces questions techniques ne sont peut-être pas maîtrisées par l'ensemble des parquets, qui ont un champ de compétence très large. Il faudrait envisager des formations ou des délégations spécifiques sur cette question de l'incitation à la haine raciale, si nous voulons éviter que ces affaires soient toujours réduites à des délits classiques de destruction de biens.

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Pouvez-vous nous donner une idée de la distance qui sépare La Salvetat de Saint-Pons-de-Thomières ? Par ailleurs, j'imagine que La Salvetat fait partie d'une intercommunalité. J'aimerais connaître la position des maires des communes voisines et savoir s'il leur est arrivé de mener une action commune.

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Sophie Mazas, avocate, présidente de la fédération de l'Hérault de la Ligue des droits de l'homme

J'ignore si La Salvetat fait partie d'une intercommunalité. Au niveau de la section de Saint-Pons-de-Thomières, les alertes ont été faites soit directement auprès du maire, soit auprès du sous-préfet, qui est un peu l'interlocuteur naturel en tant que représentant de l'Etat. Pour se rendre de La Salvetat à Saint-Pons-de-Thomières, je dirais qu'il faut une bonne demi-heure de voiture.

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Evidemment La Salvetat est dans une intercommunalité. Ce sont des terres difficiles d'accès : on est en pleine Montagne noire. Je suis d'accord avec vous sur la question du manque de moyens des parquets : c'est évident.

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Vérifications faites, La Salvetat fait partie de la communauté de communes des Monts de Lacaune et de la Montagne du Haut-Languedoc.

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Vous avez raison de poser la question de la formation, et je crois que celle-ci doit concerner aussi l'accueil des victimes. Pour toutes les victimes, pas seulement des violences de l'ultradroite, mais aussi de violences conjugales ou sexuelles, porter plainte n'est jamais simple.

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Sophie Mazas, avocate, présidente de la fédération de l'Hérault de la Ligue des droits de l'homme

J'aimerais faire une dernière remarque au sujet des Brigandes. Je me suis cantonnée ici au volet strictement politique, mais les Brigandes sont aussi soupçonnées de dérive sectaire. On voit comment le rejet par ces groupes d'ultradroite du système parlementaire, voire de la République, peut aboutir à l'idée de construire une société parallèle. Les deux phénomènes se nourrissent mutuellement.

Pour en revenir aux dysfonctionnements du service public, j'évoquerai l'école. Lorsque les enfants des Brigandes sont scolarisés, des incidents se produisent : des livres sont brûlés, des enfants du village se font raser les cheveux... Ces problèmes sont liés au caractère sectaire du groupe. En cas de scolarisation à domicile, le rectorat doit contrôler la réalité de l'instruction donnée aux enfants. Or cela passe par le maire, puisque c'est lui qui fait la déclaration de scolarisation à domicile. Je crois que des alertes ont été faites et l'inspecteur de l'éducation nationale s'est déplacé à plusieurs reprises. L'appartenance à l'extrême droite et le caractère sectaire du mouvement se nourrissent l'un l'autre et sont à l'origine d'actes d'intimidation, qui sont difficiles à vivre au quotidien pour les habitants.

La séance est levée à 13 heures 15.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Pierre Morel-À-L'Huissier, M. Adrien Morenas, Mme Muriel Ressiguier, Mme Michèle Victory