En guise de préambule, je tiens à dire que cette proposition de loi part d'un sentiment partagé et relève du bon sens. Qui dit inflation de la norme et de la loi dit, bien souvent, dévalorisation de la norme et de la loi. Comme l'a très bien dit Cécile Untermaier, l'adage « nul n'est censé ignorer la loi » est un pilier de l'État de droit, mais plus la loi est complexe, plus il est difficile de la connaître. Du reste, le problème de l'inflation législative n'est pas nouveau : Montesquieu écrivait déjà que « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ».
Cela étant, je reste, face à cette proposition de loi, dans un état d'esprit que je qualifierai de défavorablement dubitatif – si cette expression a un sens. Pour prolonger l'intervention de Cécile Untermaier, les choses iraient déjà mieux si nous disposions d'études d'impact bien faites avant de légiférer et si le Gouvernement n'avait pas pour habitude – et cela valait pour les précédents – de déposer, au beau milieu de l'examen d'un texte de loi, un amendement que personne n'a étudié et qui modifie profondément l'ensemble du texte.
Parce que je suis moi aussi un élu local et que je suis en contact avec le monde économique sur mon territoire, je peux témoigner que la demande qui s'exprime le plus fortement est une demande de stabilité : les gens n'ont pas envie de passer leur temps à s'adapter. Cela étant, il est vrai aussi que cette société de plus en plus complexe nous oblige à définir, pour chaque enjeu nouveau, un cadre législatif et normatif. Les choses ne sont pas simples, je le reconnais.
Mais ce qui suscite mon désaccord le plus vif, c'est le sentiment que cette proposition de loi constitutionnelle introduirait, dans les débats parlementaires, une sorte d'article 40 de la norme et de la loi. Or ce serait, pour moi, une entrave au pouvoir législatif. L'article 40 de la Constitution en est déjà une : je ne vois pas pourquoi le législateur devrait absolument, en toutes circonstances et sur tous les sujets, ne proposer que des mesures dont le coût serait compensé par une recette équivalente. Ce n'est pas ainsi qu'on doit faire la loi !
Michel Zumkeller a évoqué, à juste titre, l'exemple du congé de maternité. Mais, pour ma part, je suis très attaché à la souveraineté nationale, à la souveraineté de la France, et je n'ai pas envie que les transpositions des directives européennes s'imposent à nous sans que nous ayons notre mot à dire et sans que nous puissions les ajuster. La France a un modèle social, un pacte républicain et une organisation territoriale tout à fait singuliers. Je ne nie pas qu'il faille les réformer, mais nous devons exercer notre souveraineté et ne pas nous laisser imposer un modèle européen sans avoir la possibilité de l'amender. Repousser la surtransposition revient, dans les faits, à renoncer au droit d'amender ou d'adapter les directives européennes à notre histoire, à notre droit, à notre culture. C'est le point qui me choque le plus dans cette proposition de loi et, pour tout dire, je suis surpris que le groupe Les Républicains défende ce que je considère comme une entrave à la souveraineté nationale.
Enfin, si nous devons rendre la loi plus lisible, moins obèse, moins bavarde, ne limitons pas ce projet aux seules entreprises. La loi, c'est la loi commune pour tout le monde, les entreprises et les citoyens : l'orientation de ce texte me semble donc beaucoup trop restrictive.