Mes chers collègues, nous avons l'honneur de vous présenter aujourd'hui notre rapport d'information sur le socle européen des droits sociaux, sur lequel nous travaillons depuis plusieurs mois, avec notamment plusieurs auditions à Paris et deux déplacements européens. Ce rapport est assorti d'une proposition de résolution européenne. Nous avons choisi de vous faire une présentation axée sur les constats les plus marquants que nous relevons dans le rapport et sur les enjeux les plus emblématiques des quarante propositions pour l'Europe sociale que nous formulons et que vous trouverez synthétisées dans l'annexe n° 1.
L'idée générale du rapport est de mesurer les apports du « socle européen des droits sociaux », qui a été proclamé en novembre 2017, par rapport à « l'acquis social européen », c'est-à-dire toutes les actions déjà entreprises par l'Union européenne pour les droits sociaux. Dans notre rapport, nous avons adopté, comme l'Union européenne, une large définition de ce que l'on entend par « droits sociaux », à savoir les droits qui ont trait à la fois à l'emploi, à la santé, à la protection sociale, à l'inclusion, à la lutte contre les discriminations.
Il est d'abord important de rappeler ce qu'est le socle européen des droits sociaux. Juridiquement, il s'agit d'une « proclamation interinstitutionnelle » de la Commission européenne, du Parlement européen et du Conseil, qui contient un long Préambule et vingt principes. Le texte intégral vous a été transmis. Ces principes sont structurés en trois chapitres, qui ont trait à l'égalité des chances et l'accès au marché du travail, à des conditions de travail équitables et à la protection et l'inclusion sociales.
Dans notre rapport, nous voulons faire passer trois messages. D'abord, nous voulons montrer que le socle est loin d'être le premier acte de l'Europe en matière sociale, même si on constate un ralentissement de la convergence sociale en Europe ces dernières années. Ensuite, le deuxième message vise à montrer que le socle constitue véritablement une nouvelle impulsion pour l'Europe sociale et que des traductions concrètes ont d'ores et déjà été proposées. Enfin, et c'est tout l'intérêt de notre proposition de résolution européenne, nous formulons des recommandations pour inciter à la fois à compléter à court terme les outils du socle et pour réfléchir à plus long terme à ce que pourrait être l'avenir de l'Europe sociale.
D'abord, il serait faux de penser que le socle est la première étape de l'Europe sociale. Au contraire, nous rappelons dans le rapport tout ce que l'Union européenne a fait en matière sociale. Au total, la législation sociale européenne compte près de 200 textes, qui concernent essentiellement le droit du travail, la libre circulation des travailleurs, l'égalité entre les femmes et les hommes, la santé et la lutte contre toutes les discriminations. Cette situation n'était pas gagnée d'avance. L'annexe n° 6 de notre rapport résume les principales étapes de l'Europe sociale. L'acquis social européen s'est construit petit à petit, depuis la déclaration Schuman, jusqu'à aujourd'hui, en passant par le traité de Rome, très ambitieux dans ses objectifs, et le Protocole sur la politique sociale annexé au traité de Maastricht, ensuite intégré au traité en 1997. Aujourd'hui, le traité de Lisbonne définit la politique sociale comme une compétence partagée entre l'Union et les États membres pour les compétences définies dans le Traité et, pour les autres, l'Union doit se limiter à une coordination des actions des États.
Ainsi, malgré ses compétences limitées, l'Union a toujours agi en matière sociale. Je ne citerai que peu d'exemples parmi un grand nombre, que vous trouverez plus en détail dans la première partie du rapport : la santé et la sécurité des travailleurs, réglementées depuis 1989, point fort des législations européennes ; l'information et la consultation des travailleurs, garanties depuis 1975 ; l'égal traitement entre les femmes et les hommes, qui fait l'objet de législations européennes depuis 1976 ; la coordination des régimes de sécurité sociale, qui est un objectif depuis 1971 ; la santé publique, qui concerne aujourd'hui 10 % de la réglementation communautaire et 80 % de la législation sociale ; le détachement des travailleurs, qui a été plus encadré par la révision de la directive du 28 juin 2018, qui apporte de nouvelles garanties fondamentales.
Il ne faut pas oublier l'ensemble des fonds structurels européens à vocation sociale, qui représentent au total 100 milliards d'euros, destinés à des projets sociaux, avec en particulier le Fonds social européen, qui, avec ses 80 milliards d'euros, constitue 80 % des crédits sociaux européens. Je voudrais mentionner aussi l'existence, depuis 1997, de plusieurs « méthodes ouvertes de coordination », notamment sur l'éducation, l'emploi, la formation professionnelle, et qui constituent un outil plus souple que les méthodes classiques d'intervention législative. Et enfin je voudrais dire un mot sur le dialogue social européen, qui est une procédure aujourd'hui inscrite dans les traités et qui a déjà produit des effets notables, par des accords-cadres très importants, notamment sur le congé parental, le travail à temps partiel et les contrats à durée déterminée.
Tout cela pour montrer qu'il serait totalement erroné de considérer qu'il n'existe pas d'acquis social européen. Il est même beaucoup plus important que ce que l'on peut penser de prime abord, et on ne dit pas tout ce que l'Union a fait et fait encore pour les droits sociaux.