Intervention de Carole Grandjean

Réunion du jeudi 21 mars 2019 à 9h20
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCarole Grandjean, rapporteure :

Notre rapport rappelle également toutes les initiatives prises par la Commission européenne pour donner une véritable opérationnalité aux droits contenus dans le socle. Nous voudrions nous arrêter sur les plus emblématiques.

La Commission propose d'abord une fusion de certains fonds sociaux qui seront rassemblés sous le nom de « Fonds social européen plus ». Celui-ci devrait être doté de 101,2 milliards d'euros, en n'incluant pas le Fonds d'ajustement à la mondialisation (1,6 milliard d'euros). L'objectif est de donner plus de cohérence et de lisibilité à ces fonds complémentaires, mais il faudra être vigilant sur le fait que cette fusion ne se fasse pas au détriment des objectifs et des financements des anciens fonds. Ensuite, la Commission a également proposé la création d'une Autorité européenne du travail, dont l'objectif est de soutenir la coopération entre les États membres pour l'application du droit de l'Union européenne en matière de travail. Enfin, la proposition de directive relative à l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée permettra d'introduire un congé parental de quatre mois, dont deux non-transférables, ainsi qu'un congé pour les aidants, d'au moins cinq jours par an et par travailleur.

Des accords interinstitutionnels ont été trouvés récemment sur la plupart de ces textes, qui restent à être adoptés définitivement. Nous proposons toutefois d'aller plus loin, en donnant une véritable opérationnalité aux droits du socle et en réfléchissant à plus long terme à ce que pourrait être une future Europe sociale.

Selon nous, il manque d'abord certains outils pour la bonne mise en oeuvre de ces droits. Nous proposons donc de réfléchir à la création d'un socle minimal d'assurance-chômage, en lien avec l'article 4 du socle. À la vue des difficultés importantes qui se sont manifestées dans les négociations européennes sur ce sujet, il serait selon nous plus réaliste de réfléchir à des coopérations entre États membres frontaliers sur un socle minimum d'assurance chômage. En effet, certains États ont des systèmes d'assurance chômage proches, avec des « taux de remplacement net » comparables. On peut notamment penser à la France, l'Allemagne, la Belgique, ou les Pays-Bas. Une coopération pourrait contribuer à entraîner d'autres États à se joindre à ce mouvement par la suite. Nous proposons sur le même modèle d'expérimenter le principe d'un salaire minimum.

Nous proposons également de permettre à la future Autorité européenne du travail d'englober les quatre autres autorités européennes liées au travail et de la doter d'une mission de suivi des contrôles et des sanctions effectués par chaque État membre. Cette Autorité pourrait également faire respecter les règles relatives au détachement des travailleurs, notamment celles issues de la réforme de 2018. Je rappelle que 17 millions d'européens travaillent aujourd'hui dans un autre État membre que le leur, soit deux fois plus qu'il y a dix ans. Cette Autorité européenne du travail est donc un outil absolument essentiel pour que la mobilité du travail ne se fasse pas au détriment du respect des droits sociaux fondamentaux.

Nous formulons également dans le rapport un certain nombre de propositions en faveur de l'éducation et de l'élévation des compétences dans l'Union, notamment : la création d'un « référent Europe » au sein de chaque établissement d'enseignement secondaire ; l'accroissement du nombre d'apprentis bénéficiant du programme « Erasmus+ ». Le Gouvernement français s'est par exemple fixé l'objectif de passer de 7 000 à 44 000 apprentis en échange d'ici 2022 et nous pensons que cela ne pourra se faire sans un investissement conséquent déployé pour cet objectif. Nous proposons également la création d'un « Erasmus d'expérience européenne » pour tous les jeunes sans emploi, sans formation et sans stages, issus de milieu défavorisés. En effet, les jeunes des milieux défavorisés ne représentent que 11,5 % des bénéficiaires d'Erasmus. Il faut donc leur permettre de choisir, dans un autre État membre, une association, une structure publique, parapublique ou privée, dans laquelle s'engager pour retrouver le chemin de l'emploi ou de la formation. Nous proposons enfin également une meilleure coopération sur le sujet du logement étudiant, en y associant plus étroitement les communes volontaires. La mobilité pourrait également être favorisée par des facilités bancaires pour l'ouverture de comptes ou une carte de retrait pour les jeunes européens par exemple.

Les entreprises de l'économie sociale et solidaire devraient également, selon nous, être mieux valorisées. Elles sont totalement absentes du droit de l'Union, et nous proposons d'y remédier en intégrant le concept de « lucrativité limitée » à l'article 54 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, article qui définit ce que le droit européen entend par « sociétés », au sens « d'entreprises ».

L'égalité entre les femmes et les hommes nécessite également d'aller plus loin par plusieurs moyens, sachant que l'écart de rémunération reste de 16,1 % dans l'Union et l'écart de taux d'emploi s'élève à 15,1 points. Nous proposons donc : un plan d'investissement européen dans les structures de garde d'enfants ; la création d'un médiateur, en priorité pour les États de la zone euro, doté de compétences relatives aux situations de séparations familiales avec enfants pour les couples binationaux ; et enfin, l'accroissement des garanties de transparence de rémunérations, outil majeur pour lutter contre les inégalités de salaires.

Notre rapport formule également la recommandation de réviser la directive du 27 novembre 2000 en ce qui concerne l'inclusion des personnes en situation de handicap, afin notamment de promouvoir désormais l'objectif d'inclusion totale des personnes handicapées, à la fois dans le cadre scolaire et dans l'entreprise.

Concernant les fonds sociaux européens, nous avons été frappées de constater qu'aucune évaluation scientifique n'est faite afin de mesurer leur impact. Nous ne savons pas dans quelles proportions ces fonds permettent, par exemple, la diminution du taux de pauvreté, du taux de précarité sociale, ou l'insertion sur le marché du travail. Il nous paraît donc indispensable de demander à la Commission européenne de produire ces évaluations au niveau communautaire et nous incitons les États membres, en particulier le Ministère français des Solidarités et de la Santé, à le faire sur leurs territoires respectifs.

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