Intervention de Denis Masséglia

Réunion du mercredi 20 mars 2019 à 9h35
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Masséglia, rapporteur :

Madame la Présidente, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui saisis du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Autorité européenne des marchés financiers relatif au siège de l'Autorité et à ses privilèges et immunités sur le territoire français.

Il s'agit d'un accord de siège classique visant à assurer le bon fonctionnement de cet organisme. Ses dispositions sont à la fois analogues à celles des autres accords de siège et conformes au droit de l'Union européenne. Elles n'entraînent aucune conséquence juridique en droit interne et l'installation à Paris de l'AEMF, organisme entièrement financé par l'Union européenne, n'entraîne aucun coût pour l'État.

Le contexte est le suivant. L'Autorité européenne des Marchés financiers fait partie du Système européen de surveillance financière, mis en place à la suite de la crise financière de 2008 par la commission européenne afin de prévenir les risques systémiques risquant de menacer la stabilité des marchés financiers. Le Système européen de surveillance financière, chargé de contribuer à l'élaboration d'un ensemble unique de règles visant à prévenir toute accumulation de risques susceptible de menacer la stabilité du système financier global, comprend notamment le Conseil européen du risque systémique, placé sous la responsabilité de la Banque centrale européenne, l'Autorité bancaire européenne située à Londres, l'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles, située à Francfort, et l'Autorité européenne des marchés financiers, située à Paris. Cette dernière est chargée de protéger les investisseurs, de promouvoir l'intégrité et la transparence des marchés et de renforcer le système financier en évaluant les risques, en informant les investisseurs, en édictant des normes techniques et en conseillant les institutions européennes dans l'établissement d'un cadre réglementaire uniforme pour les marchés de l'Union.

L'AEMF joue donc principalement un rôle d'harmonisation des règles communautaires relatives aux marchés financiers plutôt qu'un véritable rôle de surveillance, lequel est principalement exercé par les États membres.

L'AEMF emploie 229 agents permanents, dont 66 agents contractuels, 147 agents temporaires et 16 experts nationaux détachés. Une soixantaine de Français y travaillent.

Elle est gouvernée par deux organismes :

- un conseil des superviseurs composé des dirigeants des 28 autorités nationales de régulation de l'Union et de l'espace économique européen, du directeur de la Direction générale de la stabilité financière, des services financiers et de l'Union des marchés des capitaux, des dirigeants de l'Autorité bancaire européenne, de l'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles et d'un représentant du Comité européen du risque systémique ;

- un conseil d'administration, composé de six membres choisis parmi ceux du conseil de surveillance, au sein duquel siège l'AMF.

Son budget pour 2017 s'élève à 42 millions d'euros, les principales contributions provenant des autorités nationales de régulation et de l'Union européenne. La France ne s'est pas engagée à une participation directe au financement de l'Autorité européenne des marchés financiers. Elle n'a pas pris non plus d'engagement quant aux coûts liés à l'installation du siège de l'agence à Paris.

Les dispositions de l'accord sont enfin, à quelques détails près, déjà en vigueur puisque s'applique, en l'absence d'accord de siège et depuis l'installation à Paris de l'AEMF en 2011, le protocole n° 7 sur les privilèges et immunités de l'Union européenne annexé au traité de l'Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

L'absence d'accord n'a donc jusqu'à présent créé aucune difficulté, mais le règlement européen du 24 novembre 2010, qui crée l'AEMF, prévoyait à son article 74 qu'un accord de siège devait être conclu et approuvé par l'État hôte d'une part, et le conseil d'administration de l'AEMF d'autre part.

Cet accord de siège permet donc de préciser certains points. Il précise ainsi que les privilèges et immunités mentionnés à l'article 11 du protocole sont accordés aux membres du conseil d'administration et du conseil des autorités de surveillance de l'AEMF ainsi qu'à leurs conseillers et experts techniques. Il précise d'autre part le régime des privilèges et immunités accordés aux experts nationaux détachés de l'Autorité et engage le gouvernement français à favoriser le détachement d'experts nationaux français auprès d'elle. En dehors de ces quelques points, dont la négociation a cependant pris cinq ans, l'accord de siège n'entraîne aucune conséquence matérielle.

Il convient cependant d'observer que l'examen de cet accord de siège intervient au moment où la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne devrait en principe avoir lieu, même si cette question fait maintenant l'objet de nombreuses incertitudes.

Or, parmi les conséquences du Brexit figure la perte possible par le Royaume-Uni du « passeport financier », c'est-à-dire la relocalisation de plusieurs milliers d'emplois dans le secteur de la finance vers le continent, emplois que la France s'efforce d'attirer vers sa propre place financière. Autre conséquence, le siège de l'Autorité bancaire européenne, actuellement situé à Londres, doit être transféré à Paris, ce qui permettrait d'envisager un rapprochement, voire une fusion, avec l'AEMF.

La ratification de l'accord que nous examinons n'aura cependant aucune conséquence pratique au regard de ces enjeux. Au regard du souhait français de faire de Paris une place financière européenne alternative à celle de Londres, ce serait en revanche un mauvais signal d'attendre plus longtemps avant de le ratifier. Prévu par un règlement européen adopté en 2010, cet accord a été validé par le conseil d'administration de l'AEMF en janvier 2016, soit cinq ans après l'installation de l'Autorité à Paris. Il a encore fallu sept mois avant qu'il ne soit signé, le 23 août 2016, puis deux ans et demi pour que le calendrier parlementaire permette l'examen auquel nous nous livrons aujourd'hui.

C'est donc plus de huit ans après l'entrée en fonction à Paris de l'AEMF que nous pouvons enfin permettre la ratification d'un accord certes nécessaire, mais d'une portée très limitée et qui s'apparente à une formalité. Afin de ne pas prolonger inutilement ce délai, je vous invite donc à adopter ce texte.

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