Monsieur David, vous avez parlé de 500 millions d'euros, mais Bercy avance plutôt le chiffre de 400 millions d'euros la première année. J'ai demandé plusieurs fois la liste des entreprises concernées, pour savoir dans quelle mesure elles seraient impactées et obtenir une estimation de la somme qu'elles auraient à verser. Je n'ai malheureusement pas eu de réponse. Je suis donc dans l'incapacité de pouvoir vous apporter aujourd'hui des éléments chiffrés quant à l'impact de cet impôt sur les entreprises françaises, et même sur l'ensemble des entreprises.
J'entends beaucoup parler de taxer les entreprises américaines. Mais il ne s'agit pas de taxer spécialement les entreprises américaines : il s'agit de taxer les grandes entreprises du numérique, américaines en effet pour certaines, mais européennes pour d'autres, ou encore chinoises. Notre but n'est pas de clouer au pilori, de façon assez manichéenne, quatre ou cinq grandes entreprises américaines : il est de fiscaliser les revenus du numérique, quelle que soit la nationalité de l'entreprise.
Madame Autain, vous avez posé un certain nombre de questions, en évoquant d'abord une différence de taxation entre les PME et les GAFA. Nous pouvons nous mettre d'accord, je crois, sur le fait que cette différence existe et qu'on observe une stratégie d'optimisation fiscale de la part des grands groupes internationaux. Mais il faut aussi mettre les choses en perspective, en tenant notamment compte du fait que ces grands groupes, en particulier ceux du numérique, ont recours au crédit d'impôt recherche (CIR), ce qui a un impact direct sur leur niveau d'imposition. Je ne dis pas cela pour dédouaner ceux qui pratiquent l'optimisation fiscale, mais la situation est bien plus complexe que ce que semblent signifier les deux chiffres que vous avez cités.
Vous avez aussi parlé des discussions européennes. Je voudrais simplement rappeler qu'elles avaient bien avancé et que les préconisations ont été bloquées par quatre pays sur vingt-huit ou vingt-sept : l'Irlande, le Danemark, la Finlande et la Suède. Tous les autres pays étaient d'accord. Sur ce point, je rejoins ce que disait tout à l'heure Mme la présidente : il y a une réflexion à mener sur le passage de la règle de l'unanimité à celle de la majorité qualifiée.
Il me paraît important de revenir sur la nature de cette taxe, qui diffère un peu des taxes traditionnelles, l'objectif étant pour nous d'identifier la valeur créée en France, mais qui ne fait pas l'objet d'une facturation dans notre pays. Cette valeur a deux origines. D'une part la publicité ciblée : lorsque vous vous rendez sur un site qui héberge de la publicité, vous créez de la valeur, sans pour autant mettre de l'argent sur la table. L'objectif est donc de quantifier ce que votre visite a rapporté à l'entreprise, de façon à pouvoir taxer ce gain. Mais la valeur procède également des places de marché, c'est-à-dire des sites qui permettent de mettre en contact deux entités qui vont réaliser un échange marchand.
Madame Le Peih, vous m'avez interrogé sur la visibilité des mesures que nous entendons prendre. Elles se verront d'abord sur les feuilles d'imposition des entreprises concernées mais, au-delà, ce sont les travaux de l'OCDE qui nous apporteront un éclairage sur l'application de ces mesures. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un amendement proposant que, chaque année, le Gouvernement remette à l'Assemblée nationale un rapport sur l'avancée de ces travaux, afin de permettre aux Français qui le souhaitent de s'informer sur la situation.
Monsieur Portarrieu, il est nécessaire que l'Europe se dote d'une stratégie numérique offensive, qui aille au-delà de la stratégie actuelle, laquelle est pour l'essentiel une stratégie défensive, assise sur la définition de normes, comme le RGPD ou les règles en matière de droits d'auteur.
Cette stratégie offensive, qui doit nous permettre de créer, demain, des géants européens du numérique, s'organise autour de plusieurs axes, dont le principal doit être, selon moi, celui du financement et notamment du financement de la recherche. À cet égard, je voudrais insister ici sur l'accord négocié par Bruno Le Maire, aux termes duquel l'Allemagne et la France doivent respectivement investir un milliard et 700 millions d'euros dans le développement d'une filière commune de batteries pour les véhicules et le stockage des énergies renouvelables : c'est essentiel, car ces énergies dépendent du vent et du soleil et il serait dommage de devoir éteindre la lumière quand il n'y a plus ni vent ni soleil.